« Actuellement et pour 2023, c’est le “stand-by“. Nous attendons de voir… », avoue le gestionnaire d’une grande flotte, habituellement prolixe, quand on lui demande ses anticipations pour 2023. Un exemple qui montre la complexité à laquelle font face les responsables de parc.
« De nombreuses entreprises préfèrent rester sur les anciens TCO en prolongeant au maximum les contrats de location ou les durées de détention. De fait, nous nous situons dans un contexte d’inflation et les véhicules sont souvent livrés un an après la commande, avec un TCO supérieur de 30 % par rapport à ceux déjà en parc. Mais cela laisse aussi le temps de réfléchir à la transition énergétique », souligne Matthieu Blaise, directeur associé de Ressource Consulting, cabinet de conseil qui accompagne les flottes et propose aussi des audits de mobilité.
Une hausse généralisée des coûts
« Les coûts ont atteint un seuil historique. Il y a tout d’abord les hausses des prix des véhicules à un niveau jamais atteint, tant en termes de fréquence que de montant. Et il n’y a peu ou plus de remises commerciales. Ensuite, les taux de financement augmentent pareillement. Seule petite compensation, les valeurs résiduelles progressent », détaille Régis Masera, directeur consulting d’Arval France et d’Arval Mobility Observatory.
« En cinq ans, les prix catalogue des véhicules ont bondi de 19 % dont 8 % en 2022 avec l’impact de l’inflation, la pénurie de semi-conducteurs et les nouvelles normes. Les coûts d’entretien ont pris 6,5 % en 2022 et les prix du carburant fluctuent à la hausse. Sur un panel de véhicules que nous étudions, le TCO moyen est passé de 983 à 1 145 euros entre 2021 et 2022 », illustre Cyril Châtelet, directeur commercial et marketing de LeasePlan France. « On ne parle plus de réduction des coûts mais de maîtrise des coûts dans le meilleur des cas, alors que les TCO ont gonflé de 30 % en un an », complète Matthieu Blaise.
Le pilotage du TCO et son optimisation demeurent donc des objectifs majeurs. Et ces augmentations des tarifs des véhicules s’apparentent souvent à une double peine : « Cela touche aussi les collaborateurs car les avantages en nature sont calculés sur les prix remisés des véhicules ou sur les coûts réels dont celui du carburant qui a un impact non négligeable », déplore Cécile Loirat-Boulzennec, responsable nouvelles mobilités et parc automobile du laboratoire pharmaceutique Pileje, la tête de 210 véhicules.
Renouveler… ou pas ?
« Dans ce contexte, nos clients se posent donc de nombreuses questions, reprend Cyril Châtelet pour LeasePlan. Est-ce le bon moment pour renouveler la flotte alors que les tarifs de location sont largement supérieurs à ceux obtenus il y a cinq ans. Quels modèles prendre du fait des délais de livraison ? Et quel sera leur TCO ? », énumère-t-il.
« Les entreprises choisissent souvent d’allonger les contrats. Nous sommes donc majoritairement passés de 36 à 48 mois pour les VP et à 60-73 mois pour les VU », répond Guillaume Maureau, directeur général adjoint d’ALD Automotive France. « Mais ce n’est pas toujours possible car, avec le confinement et la baisse des kilomètres parcourus, de nombreux gestionnaires de parc ont déjà allongé leurs contrats, parfois plusieurs fois », nuance Régis Masera pour Arval. Et cette solution n’est pas idéale : « L’âge moyen des véhicules augmente et les responsables de parc font face à une hausse des coûts d’entretien et à l’obligation de faire passer les véhicules au contrôle réglementaire, au-delà des quatre ans », observe Théophane Courau, président du fleeter Fatec. De plus, « les nouveaux véhicules consomment moins. Entre la hausse des loyers, cette consommation restreinte des nouveaux véhicules et les coûts d’entretien sur les anciens, il faut trouver l’équilibre », résume Cyril Châtelet.
« En revanche, avec l’électrique, poursuit Théophane Courau, cela a du sens de passer de 36-40 mois à 50-60 mois, notamment pour amortir ces modèles plus chers à l’achat ou en location. Par ailleurs, leurs coûts d’entretien sont inférieurs de 40 à 45 % par rapport à des modèles thermiques et cela sur la durée. » « Et allonger les contrats laisse aussi le temps de réfléchir à une stratégie d’électrification et de bien ficeler les projets », avance Julien Chabbal, directeur des ventes et marketing d’Alphabet.
Les gestionnaires jonglent
Mais la situation n’en reste pas moins difficile. « Nous ne voyons pas d’amélioration en 2023. Les constructeurs nous imposent leurs tarifs et nous n’obtenons peu ou plus de remises. En outre, avec les délais de livraison, la situation est devenue très complexe », confirme Barbara Soria pour Atalian, spécialiste des services aux entreprises (nettoyage, sécurité, accueil, FM). À la tête de 3 500 véhicules, cette directrice des services généraux jongle entre allongements des contrats, réaffectations de véhicules, location moyenne durée, voire courte durée, « car même en moyenne durée, il y a des problèmes de disponibilité », expose-t-elle. L’ensemble des intervenants interrogés dans ce dossier notent aussi deux changements majeurs qui influent sur les car policies. Tout d’abord, les délais de livraison et les pénuries fluctuent selon les modèles. Ensuite, « miser sur un nombre restreint de modèles ou de marques, donc sur les volumes, ne constitue plus une garantie d’obtenir des remises et de bonnes conditions financières », note Régis Masera pour Arval.
Pieds et poings liés
« Nous sommes en effet pieds et poings liés face aux constructeurs et nous devons en permanence changer de modèles et trouver des équivalents. Dernièrement, nous avons appris que nos commandes de Clio ne seront pas honorées. La production a été arrêtée dans l’attente d’un nouveau modèle. Pareillement, Renault a annoncé la fin du Scénic, une option intéressante sur le segment des sept places », regrette Jean-Sébastien Horent pour le groupe de BTP Ramery. Ce responsable du pôle véhicules légers gère 1 200 véhicules.
Il faut donc « être le plus souple possible, ouvrir les car policies et être sans cesse à l’affût des opportunités en matière de coûts, de nouveaux modèles et de disponibilité », conseille Julien Chabbal pour Alphabet. « Quitte à aller vers des marques moins traditionnelles mais moins chères, ou vers des constructeurs spécialistes des véhicules électrifiés. Cela bouscule les habitudes », ajoute Régis Masera. Mais l’équation n’est pas toujours facile : « Quand on a besoin d’un VU de la taille d’un Master, on ne va pas passer à une autre taille, même si ce véhicule est disponible », souligne Théophane Courau pour Fatec.
Des car policies chamboulées
La flexibilité s’observe aussi avec les modes de financement. « Des clients abandonnent la LLD pour certains véhicules, constate Théophane Courau, et choisissent un mix LLD-LOA pour amortir des véhicules sur une durée plus longue. D’autres optent pour un remplacement rapide de certains véhicules mais n’en renouvellent pas d’autres, repoussant ainsi les échéances des frais de restitution et des hausses de loyer. » De la gestion au cas par cas.