« Cette dernière décennie a bouleversé les fondamentaux, tant pour les motorisations que l’utilisation des véhicules. Les flottes sont prises dans ce mouvement », résume d’emblée Robert Maubé, directeur du cabinet RRMC spécialiste des flottes.
« Auparavant, peu de véhicules étaient attribués et nous avions trois groupes avec des règles normées, se souvient Pascal Triolé, directeur industrie et achats de l’expressiste Chronopost (1 millier de véhicules). Aujourd’hui, le véhicule professionnel est devenu l’attribut de la fonction et la voiture de la famille. Nous avons dû adapter le parc et proposer une gamme complète de la 208 à la DS7 avec...
« Cette dernière décennie a bouleversé les fondamentaux, tant pour les motorisations que l’utilisation des véhicules. Les flottes sont prises dans ce mouvement », résume d’emblée Robert Maubé, directeur du cabinet RRMC spécialiste des flottes.
« Auparavant, peu de véhicules étaient attribués et nous avions trois groupes avec des règles normées, se souvient Pascal Triolé, directeur industrie et achats de l’expressiste Chronopost (1 millier de véhicules). Aujourd’hui, le véhicule professionnel est devenu l’attribut de la fonction et la voiture de la famille. Nous avons dû adapter le parc et proposer une gamme complète de la 208 à la DS7 avec huit catégories. »
Cette évolution répond aussi à de nouveaux codes sociaux : « Nous sommes soumis à des effets de mode, observe Virginie Ringot. Les familiales ont disparu tandis que d’autres modèles, autrefois achetés ponctuellement, sont devenus courants comme les SUV. Sans oublier le choix entre plusieurs motorisations, thermique, hybride ou électrique », poursuit cette responsable des services généraux et chargée de missions RH pour le fabricant d’édulcorants Merisant France (36 véhicules).
La transition énergétique en marche
« Nous avons aussi subi la mise en place de la vignette et de la circulation alternée », évoque Pascal Triolé. Et avec la TVS basée sur le CO2 en 2006 et le bonus-malus en 2008, puis la vignette Crit’Air en 2016, les flottes se sont engagées dans une véritable transition énergétique.
« Depuis 2012, nous avons ainsi cessé d’acheter du diesel, souligne Christian Gardin, directeur logistique, garage et festivités de la ville de Lyon (778 véhicules). Nous avons aussi arrêté le GPL en raison du coût de la maintenance et de contraintes d’approvisionnement, mais nous allons convertir au GNV les poids lourds et les gros VU, et tester l’hydrogène. »
De son côté, le département de la Moselle compte déjà seize véhicules électriques. « Nous pourrions doubler ce parc en 2020 pour suivre les évolutions de la loi d’orientation des mobilités (LOM) », anticipe Thierry Fristot, responsable de la mission de la mobilité et du pilotage de la flotte (410 véhicules). La ville de Paris (2 696 véhicules) vise pour sa part 90 % d’électrique pour les citadines et les petits VU, « mais nous sommes bloqués par l’installation d’infrastructures de recharge », note Hervé Foucard, chef des transports automobiles municipaux.
Un constat confirmé par Merisant : « L’électrique reste plus difficile à intégrer du fait des bornes de recharge. En revanche, nous sommes passés à l’essence pour les véhicules qui parcourent moins de 30 000 km par an. Et l’essence va continuer à marquer des points avec la progression de la récupération de la TVA. Il faudra ensuite se concentrer sur l’hybride bien qu’il ne soit pas encore adapté à nos profils et nos lois de roulage », prévoit Virginie Ringot.
Une transformation profonde du métier
Parallèlement, la gestion de flotte est devenue un métier à part entière. « Il y a dix ans, on donnait souvent ces missions à quelqu’un en plus de ses fonctions, par exemple à un responsable logistique », se rappelle Hervé Foucard. « Désormais, ce gestionnaire est devenu un vrai professionnel qui connaît bien les technologies des véhicules et reste en veille sur les évolutions », poursuit Pascal Triolé de Chronopost. Le poste se fait donc plus stratégique et plus complexe.
« Avant, on ne “décortiquait” pas chacun des postes de dépenses, on gérait davantage un coût global, et la sélection des véhicules était souvent donnée par la direction qui soutenait les constructeurs français, se remémore Virginie Ringot. Maintenant, la gestion de flotte est un travail d’équipe tripartite entre les directions commerciale, générale et RH qui viennent me demander conseil et à qui je peux apporter des éléments pour la prise de décision. »
Une gestion renouvelée
Autre illustration : Christian Gardin a revu la gestion du parc de la ville de Lyon de A à Z en dix ans : « En 2007, j’ai recruté un responsable de garage qui a optimisé le fonctionnement de l’atelier intégré. Puis nous avons repris en main en 2008 l’ensemble du processus : définition des besoins, passation des marchés, achats, mise en service et réforme des véhicules. »
Pour certains parcs, l’externalisation s’est imposée. « SNCF Réseau a amorcé l’externalisation entre 2000 et 2005, malgré le peu d’offres sur le marché, témoigne Carlos Simoes, pilote national du parc de SNCF Réseau (18 000 véhicules). Et les premières études économiques sur la LLD ont été lancées en 2000, même si les offres ne couvraient pas tous les segments. »
Enfin, la transition énergétique, combinée à la professionnalisation de la fonction, a entraîné une réflexion sur la mobilité des salariés. D’autant que les véhicules à faibles émissions sont plus spécialisés que les véhicules traditionnels.
« L’autopartage, le prêt de véhicule, voire les engins de déplacement personnel viennent donc prendre le relais », explique Hervé Foucard pour la ville de Paris. La Moselle a ainsi réalisé un audit sur les trajets de ses agents en 2017. « Nous nous sommes aperçus que si la flotte était bien dimensionnée, nous pouvions travailler sur d’autres moyens de déplacement lorsque le véhicule de service n’est pas nécessaire, comme les transports en commun, le vélo ou la marche, et répartir différemment le parc », détaille Thierry Fristot pour le département de la Moselle.
Dans le même esprit, la ville de Lyon fournit régulièrement des abonnements gratuits aux transports en commun pour les agents qui habitent des secteurs bien desservis, en échange d’un véhicule de service. « Nous avons aussi créé en 2013 de premiers pools électriques et introduit des vélos et des vélos à assistance électrique (VAE). Et nous avons réduit de 900 à 800 le nombre de véhicules de service », ajoute Christian Gardin.
Des plans de mobilité et de déplacements interentreprises se sont aussi développés : « Sur le site des Clayes-sous-Bois, nous collaborons avec toutes les entreprises de l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (78) », expose Jean-Louis Gravier, gestionnaire de flotte du spécialiste des services numériques Atos France (700 véhicules).
S’adapter à de nouveaux outils
Cette mutation de la fonction a logiquement impliqué la prise en main de nouveaux outils. « Au début, les gestionnaires étaient un peu démunis, se souvient Hervé Foucard pour la ville de Paris. Ils employaient des tableurs ou des logiciels libres. Dorénavant, un logiciel de gestion professionnel est nécessaire dès dix véhicules. »
Chez SNCF Réseau, des formations ont été menées en interne : « Nous avons alors pu créer des tableurs pour réaliser des états de parcs en base locale, précise Carlos Simoes pour SNCF Réseau. Entre 2000 et 2005, ces données techniques sont passées chez les fleeteurs avec qui nous avons bâti des reportings. Cela a représenté une révolution. Puis entre 2005 et 2010, il a fallu pérenniser ces outils et nous les renforçons aujourd’hui avec entre autres le développement des portails internet des prestataires. »
Une veille indispensable
Et les 25 prochaines années de la gestion de flotte devraient se révéler aussi riches en événements. « Les évolutions technologiques et réglementaires sont si rapides qu’il faut être toujours à l’écoute de ce qui se fait et ne pas hésiter à tester les nouvelles technologies », estime Christian Gardin pour la ville de Lyon. « Le gestionnaire doit être en alerte permanente pour informer ses conducteurs de la législation, rédiger sa procédure véhicule, sélectionner ses modèles pour sa car policy et surtout optimiser le TCO », complète Virginie Ringot pour Merisant.
« Il est donc important de se renseigner, de lire la presse spécialisée notamment sur les derniers modèles, la stratégie à moyen terme des constructeurs ou la réglementation des villes », recommande Alain Motz, secrétaire général du Groupe Eurofeu, spécialiste de la sécurité incendie (700 véhicules). « Il s’agit d’avoir une vision des enjeux pour l’entreprise sur les prochaines années et d’être force de proposition », renchérit Carlos Simoes pour SNCF Réseau.
« On a l’impression que le gestionnaire de parc a besoin d’un fiscaliste pour travailler, s’exclame quant à elle Semina Mezi, responsable de parc et mobilité pour le Groupe Avnet, spécialiste des composants électroniques (142 véhicules). Je passe plus de temps à lire des articles et à aller aux petits déjeuners du club Flottes automobiles car nous sommes obligés d’être en veille et de trouver des moyens de nous former sur ce sujet. Il faudrait un diplôme de spécialisation d’un an pour apprendre le calcul du TCO, la construction d’une car policy, la gestion de l’assurance et de la sinistralité ou la communication avec les conducteurs et les prestataires. »
« Dans tous les cas, je pense que les gestionnaires de parc auront de belles perspectives professionnelles dans les années à venir », conclut Pascal Triolé pour Chronopost. Le mot de la fin.
Gestion de flotte : vers la reconnaissance
Le constat est unanime : le métier de gestion de flotte est plus reconnu qu’il y a 25 ans. « Nous sommes soutenus par la direction générale et les élus nous font confiance car ils savent que nous générons des économies », pointe Christian Gardin à Lyon. Mais cette reconnaissance doit souvent s’acquérir.
« J’ai récupéré il y a trois ans la gestion de la flotte de tout le groupe suite à la mutualisation des services généraux en France. Soit 100 collaborateurs de plus à gérer dont de nombreux directeurs, ce qui pose des questions de légitimité. Comme je n’ai pas de lien hiérarchique avec eux, j’ai dû faire mes preuves, d’autant que je me suis séparée du fleeteur au bout de six mois », décrit Semina Mezi pour le Groupe Avnet.
« En outre, des facettes de la fonction restent méconnues en interne et celle-ci peut prend une dimension totalement différente d’une structure à l’autre », ajoute Virginie Ringot Pour Merisant France. Qui met en avant une autre évolution : « On voit de plus en plus de femmes à cette fonction, c’est une bonne chose. »
Dossier - 25 ans de gestion de flotte : une métamorphose
- 25 ans de gestion de flotte : une métamorphose
- Virginie Ringot, Merisant France : « Je travaille davantage sur tous les postes du TCO »
- Christian Gardin, ville de Lyon : « Nous sommes entendus »
- Pascal Triolé, Chronopost : « Le véhicule est devenu un vrai plus pour les salariés »
- Carlos Simoes, SNCF Réseau : « Un basculement de la gestion dans les années 2000 »
- Semina Mezi, Groupe Avnet : « Une fiscalité plus pesante »
- Alain Motz, Groupe Eurofeu : « Des évolutions techniques et sécuritaires »
- Jean-Louis Gravier, Atos France : « Des années marquées par les taux de CO2 »
- Thierry Fristot, département de la Moselle : « Le véhicule est devenu un outil de déplacement parmi d’autres »
- Hervé Foucard, ville de Paris : « Une multiplicité des modèles en parc »
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