
« Plus on est léger, moins on a besoin d’énergie pour se déplacer et plus on gagne des grammes de CO2. Et alléger les véhicules est d’autant plus vertueux qu’outre les gaz à effet de serre, nous aurons peut-être demain une problématique d’optimisation des usages de l’énergie », résume Jean-Luc Brossard, directeur R&D de la Filière automobile et mobilités (PFA). Pour agir sur les émissions, Jean-Luc Brossard rappelle que le véhicule électrique, par définition non émetteur de CO2, ne suffira pas car il ne devrait représenter qu’environ 30 % du parc européen d’ici 2030.
Et l’électrique est aussi visé par l’allégement : « Moins de masse équivaut...
« Plus on est léger, moins on a besoin d’énergie pour se déplacer et plus on gagne des grammes de CO2. Et alléger les véhicules est d’autant plus vertueux qu’outre les gaz à effet de serre, nous aurons peut-être demain une problématique d’optimisation des usages de l’énergie », résume Jean-Luc Brossard, directeur R&D de la Filière automobile et mobilités (PFA). Pour agir sur les émissions, Jean-Luc Brossard rappelle que le véhicule électrique, par définition non émetteur de CO2, ne suffira pas car il ne devrait représenter qu’environ 30 % du parc européen d’ici 2030.
Et l’électrique est aussi visé par l’allégement : « Moins de masse équivaut à moins de batterie pour autant d’autonomie, ou bien à une même quantité de batterie mais avec une autonomie accrue », synthétise Marc Charlet, directeur général du pôle de compétitivité Mov’eo. « Pourtant, nous avons beaucoup alourdi les véhicules avec les systèmes intelligents et les équipements de confort et de sécurité, note Marc Charlet. C’est seulement en recourant à des composites et des matériaux de plus en plus solides et fins que les constructeurs ont maintenu le poids des véhicules ces dix dernières années. »
Alléger toujours plus les véhicules
Et ces efforts vont se poursuivre : « Entre 2020 et 2030, nous devrions gagner environ 100 kg sur les voitures en renouvellement afin de respecter les normes européennes. En enlevant 100 kg à un véhicule, on économise 3,5 à 6 g/km de CO2 et 0,2 à 0,3 l/100 km de carburant selon le moteur », avance Jean-Luc Brossard. Tous les composants sont donc concernés.
Mais cette démarche nécessite des procédés innovants de mise en forme des matériaux, à commencer par le métal qui constitue encore à peu près 80 % de la voiture. « Les aciéristes font des efforts énormes pour être compétitifs : ils savent désormais placer les renforts aux bons endroits et mettre une épaisseur d’acier plus fine ailleurs », décrit Jean-Luc Brossard. Ils produisent aussi de l’acier à haute et très haute limite élastique (HLE et THLE), avec une résistance mécanique très élevée.
Néanmoins, pour Jean-Luc Brossard, « la référence pour l’allégement sera l’aluminium, employé au cas par cas. » Car s’il apporte un gain de poids d’environ 40 % par rapport à l’acier et absorbe mieux les chocs, l’aluminium se montre moins résistant. Il sera donc réservé à certaines pièces, en particulier les portières sur lesquelles il peut s’appliquer facilement. Seuls bémols : des contraintes de volume et une production très énergivore qui augmente les émissions de CO2, sans oublier le coût.

Des matériaux hybrides
« En parallèle, les matériaux composites ou polymères seront utilisés selon les opportunités, comme pour tenir les composants et les batteries dans les véhicules électriques », poursuit Jean-Luc Brossard. En pratique, un composite se compose de deux matériaux : un renfort et une matrice. Le béton armé est ainsi un composite. Dans l’automobile, les composites se constituent en général de fibres (le renfort) imprégnées d’une résine (la matrice). Leur combinaison doit offrir des propriétés qui surpassent celles des matériaux pris séparément.
Le renfort le plus courant reste la fibre de verre, mais une autre candidate cherche à percer : la fibre de carbone. Déjà employée dans l’aéronautique, celle-ci réduirait de plus de moitié le poids des pièces automobiles et allégerait les bonbonnes embarquées dans les véhicules hydrogène. Mais cette fibre de carbone reste très onéreuse, de l’ordre de 20 euros/kg. C’est pourquoi la PFA pilote le programme national Force, pour Fibre optimisée et réaliste de carbone économique (voir l’encadré ci-dessous).
Le projet Fibias, piloté par l’Institut de recherche technologique Jules Verne, vise de son côté à mettre en œuvre des composites thermoplastiques pour fabriquer en grandes séries des pièces automobiles telles que des renforts de caisse en blanc et des éléments de structure de siège. Dans ce cadre, la résine solide est fondue et se solidifie lorsque le matériau est ramené à température ambiante.
Travailler les composites
« Enfin, avec les composants non structurels, on parle de plastique recyclé ou de composites avec des fibres à base de biomasse (chanvre, lin, miscanthus, etc.) pour diminuer l’empreinte environnementale du véhicule », complète Marc Charlet pour Mov’eo. Qui accompagne deux projets sur le sujet. Compomet met ainsi au point des solutions innovantes de jonction de matériaux composites et métalliques, et plus spécifiquement des renforts fibreux. Thermofip étudie quant à lui le vieillissement des pièces plastiques renforcées de fibres dans les mélanges eau-glycol, un milieu critique pour les fabricants automobiles, notamment avec les circuits de refroidissement.
Mais alléger pose des problèmes d’accessibilité économique. « Le client n’est pas prêt à payer pour un véhicule plus léger dont il ne perçoit pas immédiatement le gain en prestations, avertit Jean-Luc Brossard de la PFA. Pour intégrer l’allègement dans les voitures généralistes, il faudra donc que le constructeur y trouve un intérêt et que le coût des matériaux reste très faible, entre 1 et 3 euros au kilo. » Tout en s’assurant que ces matériaux répondent aux exigences du secteur automobile.
Explorer toutes les pistes
Au-delà des matériaux, d’autres pistes existent comme des réservoirs de liquide plus petits. Avec le véhicule électrique, cela peut passer par l’optimisation du système de refroidissement. « Nous travaillons sur une nouvelle physique pour nettoyer vitres et caméras extérieures sans eau, pointe Guillaume Devauchelle, vice-président innovation et développement scientifique du groupe Valeo. Nous utilisons une lentille qui tourne pour centrifuger les gouttes de pluie ou un gel qui dissout les moustiques. Sinon, il est possible de ne déposer de l’eau qu’au passage des essuie-glace. » Autre astuce : « Intégrer l’électronique de puissance dans le moteur en fait baisser le volume et le poids », souligne Gilles Le Calvez, directeur du programme véhicule de l’institut pour la transition énergétique Vedecom.
« Avec l’allègement, l’aérodynamisme sera un élément clé et les silhouettes se modifieront en fonction des contraintes », estime Gaëtan Monnier, directeur du centre de résultats transports de l’Institut français du pétrole énergies nouvelles (Ifpen). Mais selon Jean-Luc Brossard, le client y est réfractaire. « Ces dernières années, il y a eu une progression des ventes de modèles hauts et à la surface frontale importante, d’abord des mono-spaces puis des SUV, pour des raisons sans doute de sécurité et de polyvalence. Cette tendance, couplée à la baisse des ventes de diesel de 5 à 8 % par an au profit de l’essence, a entraîné une remontée des émissions moyennes de CO2 des constructeurs depuis deux ans, de 118 à 121 g/km. Et aujourd’hui, les clients ne sont plus prêts à acheter des voitures excessivement basses », analyse Jean-Luc Brossard.
Remplacer les rétroviseurs par des caméras est une astuce qui coûte cher : elle sera donc réservée dans un premier temps au premium. « À une époque, nous avons aussi eu de nombreux projets consacrés aux systèmes actifs, tels le soufflage d’air sur la carrosserie, mais cela coûte cher et alourdit le véhicule », mentionne Marc Charlet pour Mov’eo.
L’aérodynamisme en question
Plus prospectif, le biomimétisme – une approche scientifique qui prend le vivant comme modèle – pourrait trouver des applications dans l’automobile. « Les chercheurs réfléchissent à des matériaux à mémoire de forme ou dont on peut donc modifier la forme selon la situation, ou à des surfaces de type “peau de requin” afin d’améliorer la pénétration dans l’air du véhicule », dévoile Marc Charlet. Mais pour ce dernier, l’aérodynamisme n’est plus la priorité : « Il est plutôt lié à la vitesse et actuellement, les véhicules polluants posent surtout problème en ville où on ne roule pas vite. » En revanche, de multiples travaux de recherche portent sur la réduction des frottements. « Les manufacturiers de pneumatiques cherchent à retirer l’air des pneus, illustre-t-il. L’enjeu reste inchangé : diminuer la résistance au frottement en maintenant l’adhérence et la capacité de freinage. »
Au-delà de la structure du véhicule, limiter la consommation d’énergie des systèmes embarqués est indispensable. Les solutions peuvent être très simples : sur les phares, Valeo remplace les ampoules par des Led.
Mais alors que les véhicules électriques se font une place, une piste intéresse les industriels : optimiser la gestion thermique de la cabine. « Dans un modèle thermique, le moteur chauffe l’habitacle : ce système n’est pas optimisé car l’énergie est gratuite. Avec l’électrique, la demande de confort de l’occupant, en chaleur ou en fraîcheur, a un coût énergétique et un impact direct sur la quantité d’énergie prélevée sur la batterie, explique Ilango Thiagalingam, ingénieur de recherche chez Vedecom. Le chauffage et la climatisation peuvent consommer autant d’énergie, voire plus que ce qui est nécessaire à la traction du véhicule en fonction des conditions de roulage et de météo. Ceci peut aller jusqu’à diviser par deux l’autonomie électrique », poursuit-il (voir l’article).

Plus de confort avec moins d’énergie
L’idée est donc d’optimiser la consommation des auxiliaires tout en améliorant le confort thermique. Cela passe d’abord par une meilleure isolation de l’habitacle, mais aussi par la récupération des calories dont celles issues de l’électronique de puissance et des batteries qui chauffent ou ont besoin d’être maintenues en température.
« Les chercheurs réfléchissent aussi à récupérer l’énergie du moteur thermique pour la transformer en énergie de mouvement ou électrique, via le système Rankine (voir l’encadré ci-dessous) ou le système thermoélectrique », complète Marc Charlet. Ce dernier consiste à faire passer du courant électrique à la jonction de deux substances, provoquant une absorption ou une production de chaleur.
Mais un axe de travail se dessine, basé sur la prise en compte de la personne physique. « Les réactions du corps sont tout sauf constantes : après une journée à 30 °, vous aurez froid le soir à 25 °C », argue Guillaume Devauchelle pour Valeo. La technique vise donc à adapter la température dynamiquement dans les différents endroits de l’habitacle en fonction de la physiologie des occupants et de leur diversité.
Pour finir, les industriels misent sur les capteurs connectés. « Outre les possibilités de maintenance prédictive, la remontée d’informations sur la façon de conduire selon le trafic ou le profil routier peut servir à optimiser le rendement dans sa globalité, décrit Alain Raposo, directeur des chaînes de traction et châssis du Groupe PSA. Pour un véhicule électrique, si l’on sait que l’itinéraire comporte du plat puis une montée de 20 km, on peut le planifier afin de disposer d’assez d’énergie pour la montée. »
D’autres pistes à suivre
Dans le cadre du projet européen Advice, l’Ifpen a ainsi mis au point une solution d’« ecorouting » à destination des hybrides, définissant le parcours le moins énergivore en fonction du trafic en temps réel. Cette solution sera testée sur trois démonstrateurs courant 2019.
« Autre technique, en indiquant au conducteur que le feu va passer au rouge, il n’accélérera pas et consommera donc moins », expose Guillaume Devauchelle. « Enfin, la conduite autonome en convoi sur autoroute évite les pertes énergétiques à hauteur de 10 % pour le véhicule de tête et de 15 % pour ceux qui le suivent », ajoute Alain Raposo.
Toutes ces innovations sont prometteuses mais attention : agir sur les véhicules est déterminant mais il faut aussi travailler les usages. « Le meilleur moyen de ne pas consommer est de ne pas prendre sa voiture », résume Guillaume Devauchelle. Le message est clair.