
L’aménagement des utilitaires légers serait-il plus secoué par la crise que le reste du marché automobile ? Selon Jean Margerie, directeur développement et grands projets de l’aménageur-carrossier Gruau, les immatriculations de VUL ont reculé de 20 % en 2022, comparativement à 2021. « Nous nous situons toujours dans une tendance baissière début 2023, puisque ces immatriculations s’affichaient encore en repli de 7 % environ », affirme-t-il.
La principale raison de cette tendance est à rechercher du côté de la hausse des prix qui frappe tous les segments de l’automobile depuis trois ans, hausse qui s’est encore accentuée ces douze derniers...
L’aménagement des utilitaires légers serait-il plus secoué par la crise que le reste du marché automobile ? Selon Jean Margerie, directeur développement et grands projets de l’aménageur-carrossier Gruau, les immatriculations de VUL ont reculé de 20 % en 2022, comparativement à 2021. « Nous nous situons toujours dans une tendance baissière début 2023, puisque ces immatriculations s’affichaient encore en repli de 7 % environ », affirme-t-il.
La principale raison de cette tendance est à rechercher du côté de la hausse des prix qui frappe tous les segments de l’automobile depuis trois ans, hausse qui s’est encore accentuée ces douze derniers mois. Mais cette flambée des prix n’est pas la seule responsable. De nombreux prestataires de l’aménagement pointent aussi les difficultés de production, et donc de livraison des VN, rencontrées par les constructeurs.
Un contexte tendu
« Ces constructeurs demeurent toujours contraints par l’approvisionnement en matières premières, avec des retards impromptus, notamment pour les semi-conducteurs », précise Jean Margerie. Pour qui la situation n’est paradoxalement pas si difficile : les carnets de commandes demeurent bien garnis, avec donc de meilleures perspectives pour 2023. Mais, il est vrai, « le marché reste plein d’incertitudes et de rebondissements », nuance-t-il.
Les hausses tarifaires subies par les acteurs de l’aménagement se traduisent de plusieurs manières. « Nous avions l’habitude d’éditer sous format papier nos augmentations de tarifs, nous ne le faisons plus. Nous les envoyons dorénavant par e-mail car il peut y en avoir deux ou trois par an », constate Karim Lhuissier, directeur des opérations du carrossier et aménageur Kollé, dans le Val-de-Marne. « Par ailleurs, les cycles de vente dans l’aménagement sont longs. Cela devient compliqué lorsque l’on subit des hausses de prix tous les trois mois », note pour sa part Olivier Hutteau, président de l’aménageur Optima.
Toutefois, la conséquence la plus sensible reste bien le ralentissement de la demande due à la volonté d’allonger la durée de vie des VUL. Une démarche plus facile pour des artisans et des TPE que pour de grandes flottes dépendantes de leurs contrats de location dont la durée se rallonge cependant. Mais il s’agit d’une vraie tendance à laquelle s’ajustent les aménageurs.

Allonger les durées de vie
Ainsi, Kit Utilitaire offre, quand la situation s’y prête, de donner un « petit coup de neuf », selon les termes d’Alexis Burdeau, responsable marketing de cet aménageur, pour faire durer plus longtemps ses aménagements. Une possibilité facilitée par les offres modulaires de certains aménageurs, à l’instar de Kit Utilitaire qui peaufine sa gamme Optipro lancée il y a deux ans pour quatre métiers spécifiques : plombiers, menuisiers, électriciens et agents de maintenance. « Nous avons démultiplié les combinaisons possibles pour assembler cette gamme Optipro afin d’aboutir à un résultat plus personnalisé », complète Alexis Burdeau.
Autre façon de faire durer les aménagements des VUL : les remonter sur d’autres véhicules, toujours grâce à leur modularité. Ce que propose System Edström, fabricant suédois d’aménagements en acier : « On ne change alors que le strict nécessaire », spécifie Camille Delorme, responsable grands comptes de ce partenaire de plusieurs revendeurs en France, dont Kit Utilitaire ou Stiram.
Autre méthode pour faire face à l’inflation des prix : réagir avant l’acquisition des VU et anticiper des aménagements mieux optimisés. Ce que Sortimo appelle le « rightsizing » qui, parfois, devient du « downsizing ». « Les aménagements se font en fonction de la taille des véhicules utilitaires légers, d’où la nécessité de vérifier que l’on situe sur les bonnes tailles », préconise Carle-Emmanuel Barbez, responsable marketing de cet aménageur.

Anticiper pour optimiser
Dans ce cadre, Sortimo mise sur une offre de services aux grandes flottes, baptisée Fleet Management Services (FMS), une véritable méthodologie selon Carle-Emmanuel Barbez, susceptible d’aider à mieux définir les besoins du client en matière de véhicule utilitaire léger et d’aménagements. « Dans telle région ou pour telle activité, le client a-t-il besoin de grands fourgons ? C’est à ce type de question que nous voulons répondre. Mais en général, les aménageurs interviennent après le lancement de l’appel d’offres de VUL. Le défi pour nous est d’intervenir avant », poursuit ce responsable.
Avec FMS, Sortimo offre donc une analyse des besoins du client avec, au préalable, une enquête sur le terrain pour voir comment les opérateurs procèdent. « Selon les résultats, nous pouvons nous engager sur une réduction du budget d’aménagement, puisque la diminution de la taille des véhicules entraîne de facto celle de l’aménagement », explique Carle-Emmanuel Barbez. Si le client accepte cette analyse et modifie sa politique d’acquisition des utilitaires légers en conséquence, la solution se met en place pour une gestion globale des aménagements, avec un outil en ligne où ce client pourra retrouver toutes les configurations, concevoir l’accessoirisation, passer commande, vérifier le circuit de montage, etc.
Analyser le besoin réel
Cette analyse ne se limite pas au choix préalable des utilitaires légers, « il faut mener une réflexion sur le besoin réel en aménagements », recommande Camille Delorme pour System Edström. Une réflexion qui peut prendre les utilisateurs de ces véhicules à rebrousse-poil, tant ils préfèrent accumuler pour faire face à toute éventualité. « On va stocker plein de choses, avec des conséquences sur le poids, l’usure et la consommation du véhicule », déplore Carle-Emmanuel Barbez, pour Sortimo. Des choses qui ne sont pas toujours nécessaires. Cet aménageur souligne l’importance du facteur comportemental et pointe le manque de « formalisme », c’est-à-dire la nécessité de définir et d’écrire des procédures qui généreraient des économies. Sortimo se veut ainsi adepte d’un étiquetage précis pour ranger chaque élément dans le VUL et donc éviter les surstocks. Ce qui va loin dans la « micro-gestion », comme la qualifie Carle-Emmanuel Barbez, avec quelquefois, au début, des réactions « un peu fermées », des utilisateurs.
L’autre tendance du marché de l’aménagement des utilitaires légers, l’électrification croissante des flottes, influe aussi notablement. « La livraison du dernier kilomètre s’est beaucoup développée depuis la crise sanitaire », constate Jean Margerie pour Gruau (voir l’encadré ci-dessous). Sans compter la réglementation qui demande aux flottes publiques et privées de se verdir. La loi d’orientation des mobilités (LOM) et la loi Climat & Résilience imposent entre autres aux flottes privées de se renouveler à hauteur de 10 % en véhicules à faibles émissions (VFE, les émissions à l’échappement ne dépassent pas 50 g de CO2/km), un quota qui atteindra 20 % en 2024.


Électrification et réglementation
De fait, la demande en VUL électriques commence à se faire sentir. Et les aménageurs ont du pain sur la planche face à ces modèles électriques plus lourds du fait de leurs batteries avec, à la clé, moins de charge utile si le poids de leurs aménagements ne change pas. À cela s’ajoute une réglementation que personne n’attendait vraiment : un arrêté du 3 novembre 2022 qui a instauré, pour les flottes, l’obligation de déclarer le nouveau poids du véhicule et les émissions de CO2 dès lors qu’un aménagement est effectué dessus ou dedans. Cet arrêté prévoit aussi la possibilité, pour des prestataires qui auront été agréés au préalable, d’effectuer ce travail pour les flottes. Cette réglementation, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier, a été repoussée à plusieurs reprises, jusqu’au 30 juin.
Outre les difficultés qu’elle va sûrement entraîner au sein des flottes, qui risquent de se retrouver sous la pression d’une contrainte en plus, cette réglementation accentue le problème décidément récurrent du poids des aménagements et de la charge utile. « La charge utile reste une préoccupation pour les grands comptes et les municipalités, moins pour les artisans », confirme Karim Lhuissier pour Kollé. Et les aménageurs continuent de plancher sur ce sujet toujours d’actualité.
L’aluminium…
À tel point que certains aménageurs prennent des décisions radicales. À l’image de Sortimo qui a décidé de lancer, dans le courant de cette année, une nouvelle gamme en aluminium, matière réputée la plus légère mais aussi une des plus chères. Sortimo a longtemps combiné aluminium et acier dans ses aménagements : « Les éléments verticaux sont en aluminium, tandis que les volumes de rangement et les éléments horizontaux sont en acier », décrit Carle-Emmanuel Barbez.
Le choix d’aller vers le tout aluminium pour une gamme spécifique, au positionnement « premium » compte tenu du coût de cette matière, pousse aussi à la recherche optimale d’allègement. « L’aluminium n’est pas simple à travailler et n’est pas non plus le matériau le plus solide, d’où les efforts importants de R&D que nous y avons consacrés », reprend Carle-Emmanuel Barbez. Pour qui l’aluminium présente aussi un avantage de durabilité, en se rentabilisant sur une longue période jusqu’à dix ans, ce qui facilite le calcul économique de l’investissement.
L’aluminium a d’autres défenseurs, à l’instar de Gruau qui commercialise des bennes en aluminium : « On peut gagner jusqu’à 300 kg de charge utile », affirme Jean Margerie.
… toujours en question
Gruau vend aussi des bennes et des véhicules associant acier et aluminium. Jean Margerie évoque un produit lancé il y a environ quatre ans, la gamme Galva Alu, mixte d’aluminium et d’acier galvanisé, qui selon lui « revient sur le devant de la scène », compte tenu des contraintes qui pèsent sur les flottes, et notamment celles des petites entreprises et du BTP.
Mais l’aluminium n’a pas que des partisans. « Nous ne souhaitons pas développer ce matériau, souligne Camille Delorme pour System Edström. Nous avons mené des études : l’aluminium consomme énormément d’énergie à usiner, et il ne se montre pas aussi résistant que l’acier. Or, la contrainte du marché demeure de limiter le poids des aménagements sans rogner sur leur robustesse. » Ce fabricant a repensé en début d’année un aménagement avec des établis rendus plus légers, conçus avec un matériau composite revêtu en fibre de fer, et un peu de plastique alvéolé. Avec, à la clé, une diminution de 50 % du poids. Ce support étau extensible et ce support étau pliable sont rétractables, extensibles sous une échelle de montage par exemple, et sont complétés par un ensemble de kits d’accessoires packagés. Ces aménagements simples reviennent de 1 000 à 1 500 euros pour des modèles de type Kangoo. Chez Optima aussi, on a cherché à gagner en légèreté, avec des structures en acier, tout ce qui est fonctionnel en aluminium, et un plancher en bois, en PVC ou en matériaux plastiques. « Nous avons pu économiser quelque 50 kg pour un fourgon de type H2L2 », avance Olivier Hutteau. Ces aménagements privilégient l’acier et/ou l’aluminium.
Faciliter le travail
Autre évolution du marché, des prestataires se préoccupent de faciliter le travail des opérateurs à l’extérieur de leur véhicule, à l’image de System Edström qui réfléchit à un ensemble d’éléments rétractables, dont des étagères extensibles et des tiroirs montés sur des rails pour un accès plus facile de l’extérieur.
Pour sa part, Sortimo a lancé une gamme d’aménagements destinée aux entreprises de messagerie confrontées à la logistique du dernier kilomètre. Cette gamme FlexRack 2.0 se caractérise avant tout par un système de tablettes repliables sur les parois du véhicule, de telle sorte que les opérateurs puissent, pour plus d’aisance, replier ces tablettes au fur et à mesure de leur tournée. Les montants peuvent s’adapter à la taille et à la forme du véhicule, et les tablettes s’ajuster à toutes les largeurs et profondeurs en fonction des besoins du client, avance le prestataire. Cette offre se veut adaptée aux véhicules dans lesquels on tient debout. Elle se caractérise enfin par une fabrication neutre en émissions de CO2, garantit Carle-Emmanuel Barbez, grâce entre autres à l’usage de matériaux recyclés. Car c’est un objectif que s’impose Sortimo : parvenir à des émissions neutres en carbone à l’horizon 2025.
Mesurer l’empreinte carbone
« Un grand groupe qui veut réduire son empreinte carbone commence par regarder sa flotte, et va adapter sa politique d’achat en fonction de cet objectif, justifie Carle-Emmanuel Barbez. Certes, pour l’instant, les grands groupes ne demandent pas encore l’impact carbone de leurs prestataires dans les appels d’offres, mais cela viendra, c’est une question de cohérence avec les choix déjà faits en matière de motorisation. Si les prestataires qui s’occupent de l’aménagement des véhicules sont de gros pollueurs, la démarche n’est pas logique. Pour notre part, nous attirons leur attention sur ce sujet qui finira, j’en suis sûr, par apparaître dans les appels d’offres », anticipe Carle-Emmanuel Barbez.
C’est un autre gros chantier : il faut en effet recourir le plus possible à des matériaux recyclés, vérifier que l’énergie employée est bien verte, et faire en sorte que les équipements de fabrication émettent le moins de carbone possible. L’équation se complique encore.
Dossier - Aménagement des VUL : une équation toujours plus complexe
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