Légalement, le propriétaire du véhicule, en l’occurrence l’entreprise ou la collectivité locale, est redevable de l’amende « à moins qu’il ne soit en mesure de fournir des indications sur le conducteur », selon l’article 121-2 du Code de la route. Avec la location, « cette responsabilité pèse sur le locataire », souligne maître Marie-Pierre Schramm, avocate associée du département droit social de CMS Bureau Francis Lefebvre. L’entreprise peut alors utiliser le formulaire de requête en exonération en indiquant le nom du conducteur – qui devra alors régler l’amende – ou choisir de payer, quitte à trouver ensuite un accord à l’amiable...
Légalement, le propriétaire du véhicule, en l’occurrence l’entreprise ou la collectivité locale, est redevable de l’amende « à moins qu’il ne soit en mesure de fournir des indications sur le conducteur », selon l’article 121-2 du Code de la route. Avec la location, « cette responsabilité pèse sur le locataire », souligne maître Marie-Pierre Schramm, avocate associée du département droit social de CMS Bureau Francis Lefebvre. L’entreprise peut alors utiliser le formulaire de requête en exonération en indiquant le nom du conducteur – qui devra alors régler l’amende – ou choisir de payer, quitte à trouver ensuite un accord à l’amiable avec le salarié en vue d’un remboursement.
Distinguer le propriétaire et le conducteur du véhicule
Les dispositions sont différentes selon qu’il s’agit de simples infractions au stationnement ou aux règles de conduite (excès de vitesse, non-respect d’un feu rouge, etc.). Dans le premier cas de figure, seule une amende est due. Dans le second, l’infraction implique à la fois une responsabilité pénale et pécuniaire. « La législation distingue clairement ces deux responsabilités. Certes, en cas de flagrant délit, le conducteur est formellement identifié, paie l’amende et se voit retirer des points sur son permis. En revanche, cette dissociation joue lorsqu’un radar est impliqué. Le propriétaire de la voiture et titulaire de la carte grise doit toujours payer l’amende à moins de recourir au formulaire de requête en exonération, avec à la clé l’identification du conducteur. Mais il n’encourt pas de sanctions pénales ou de retrait de points car seul le conducteur est responsable pénalement », précise Maxime Sartorius, président du cabinet de conseil Direct Fleet.
En clair, sans dénonciation du conducteur et requête en exonération dûment remplie, l’amende est due par le propriétaire du véhicule mais l’aspect pénal de l’infraction – les fameux points – passent aux oubliettes. « Dans environ 90 % des cas, le chef d’entreprise s’appuie sur cette dissociation du pécuniaire et du pénal afin de protéger les points de ses salariés. Il règle l’amende avant de se faire rembourser par le salarié ou lui demande de la payer anonymement. Il ne peut être jugé coupable au motif qu’il ne divulgue pas le nom du conducteur, selon un arrêt de la cour de cassation du 30 juin 2009 », ajoute Maxime Sartorius. De plus en plus d’entreprises mettent en cause cette pratique laxiste. « Notre position est claire. Nous faisons toujours la requête en exonération en mettant le nom du salarié. À mon sens, ce n’est pas une dénonciation mais une responsabilisation. Nous avons prévenu nos commerciaux : ils doivent payer l’amende en cas d’infraction et celle-ci sera d’ailleurs majorée s’ils la laissent traîner. Et ils se verront retirer des points. Faire écran, cela revient à cautionner des infractions », explique Dominique Olivier, directeur des ressources humaines du groupe Bosch en France. Pour éviter les mauvaises pratiques, « il faudrait changer le système actuel de carte grise, avec à la fois l’inscription du propriétaire et celui du conducteur », affirme-t-il. Un système qui répond au seul cas de figure où le véhicule est toujours entre les mains d’un seul conducteur.
Responsabilisation rime avec sensibilisation
« Ce n’est pas facile à faire admettre mais cela fait partie d’une politique globale. Nous réalisons des points réguliers avec nos collaborateurs sur la sécurité routière. Nous avons même fait venir un avocat spécialisé pour leur expliquer leurs responsabilités. Leur faire payer les amendes, cela calme vite ceux qui veulent appuyer sur le champignon. Et cela s’adresse à tous. J’ai pris un PV pour avoir roulé à 57 km/h au lieu de 50. J’ai payé les 90 euros et perdu un point », relate Didier Mara, responsable QHE de Cotrelec, entreprise du secteur du BTP basée dans les Landes.
Cette volonté de responsabilisation va souvent de pair avec une politique de sensibilisation des salariés aux risques routiers au sein de l’entreprise, par le biais de cours d’éco-conduite ou avec la mise en place de règles strictes dans la « car policy », d’un règlement interne pour l’utilisation des équipements de sécurité et le respect des limitations de vitesse, voire par l’attribution de bonus pour « bonne conduite ».
Parmi les infractions visées : l’usage du téléphone portable au volant qui fait aussi l’objet d’un durcissement de sanctions depuis début 2012 : trois points en moins et 135 euros d’amende, contre 2 points et 35 euros auparavant (article R. 412-6-1 du Code de la route). Encore autorisé, le kit mains libres fait débat. « Nous interdisons le téléphone portable et le bluetooth dans les véhicules. Cela fait partie de notre charte de sécurité », indique Didier Mara.
L’interdiction des avertisseurs de radars est aussi au centre des débats. « À mon sens, celle-ci a des aspects néfastes. Avec le nouveau système, le conducteur est juste averti de l’approche de zones dangereuses, sans savoir s’il s’agit d’un radar, d’un bouchon ou d’un accident. Cette confusion peut être source d’accidents », remarque Davide Decourtye, président de l’Association de sécurité routière en entreprise de Loire-Atlantique.
« Sur le terrain, il y a trois types de gestion différentes des amendes. Soit l’entreprise procède à une requête en exonération, soit elle paie directement et s’arrange ensuite avec le salarié pour se faire rembourser, soit elle demande au salarié de payer anonymement sans le dénoncer. Dans cette hypothèse qui représente environ 60 % des pratiques, si le salarié ne paie pas dans les délais et si l’entreprise ne fait pas un suivi automatique, les risques ne sont pas négligeables. Nous avons eu un client dont tous les comptes ont été bloqués par l’administration fiscale pour une simple question d’amende non réglée, la veille de la paie ! », détaille Maxime Sartorius. « Cela demande donc l’établissement de procédures lourdes. Il faut demander un justificatif de paiement au salarié », poursuit le consultant qui gère le règlement des amendes de certaines entreprises. Une pratique complexe, pourtant privilégiée par de nombreux groupes de grande taille, selon Maxime Sartorius.
Quand le responsable de l’entreprise décide de payer directement l’amende, sans dénoncer le salarié, intervient alors la question du remboursement. Un principe clair et qui n’est pas toujours respecté est celui de l’interdiction de ponctionner le montant de l’amende sur le salaire. « Ce serait assimilable à une sanction pécuniaire envers le salarié. Une telle sanction est impossible sauf en cas de faute lourde. S’il procède ainsi, le chef d’entreprise risque une amende de 3 750 euros qui peut être portée à cinq fois le taux applicable à la personne physique en cas de condamnation de l’entreprise – la personne morale – et ce, en application du Code pénal, prévient Marie-Pierre Schramm. Le remboursement de l’amende déjà payée par l’entreprise reste donc au bon vouloir du salarié. On ne peut le contraindre ni instaurer le principe automatique d’un remboursement. »
Des cas de figure plus complexes existent, en cas de départ d’un salarié de l’entreprise ou d’infraction commise hors du cadre professionnel. « Aucun texte, aucune jurisprudence ne distingue expressément les règles de responsabilité et de remboursement par le salarié selon que le véhicule est utilisé en exécution du contrat de travail ou pendant les vacances, souligne Marie-Pierre Schramm. Le propriétaire du véhicule (ou le locataire) est toujours pécuniairement responsable, à moins de recourir à la requête en exonération en mentionnant le nom du conducteur. Et bien que l’infraction soit commise pendant les congés, la récupération automatique sur le salaire, ce qui suppose que l’employeur a déjà payé l’amende, apparaîtrait contestable, indique cette avocate, car cela conduirait à priver le salarié de la possibilité de contester l’amende. »
La récupération automatique sur le salaire est contestable
« Si le salarié perd ses points, il risque de se voir retirer le permis et peut être licencié si son poste nécessite la possession d’un permis et qu’aucun reclassement n’est envisageable. D’où le fait que l’entreprise, dans encore 90 % des cas, ne dénonce pas le salarié », complète Maxime Sartorius. Ce qui pose d’ailleurs un problème annexe, mais non négligeable : celui de la vérification du permis, pour des raisons de protection de la vie privée.
« Il existe un certain flou juridique, constate Marie-Pierre Schramm. D’un côté, aucune information nominative relative au permis ne peut être divulguée en dehors des cas expressément prévus par le Code de la route. Le chef d’entreprise ne peut se faire communiquer le nombre de points restants mais il peut être tenu pour responsable, en cas de conduite d’un salarié sans permis, car il a une obligation de résultat en matière de sécurité. En outre, selon un arrêt de la cour de cassation du 29 avril 2003, s’il ne vérifie pas que le salarié possède bien un permis, il ne pourrait pas ensuite le licencier pour ce motif, alors même que le salarié avait signé un contrat de travail mentionnant la nécessité d’être détenteur d’un permis. » L’entreprise aurait donc l’obligation de vérifier sans en avoir les moyens véritables.
Des déclarations sur l’honneur pour vérifier les points
« Il faut demander le permis à l’embauche et au moins des déclarations sur l’honneur ensuite », conseille Maxime Sartorius. Marie-Pierre Schramm confirme qu’« avec l’attestation sur l’honneur, sont évités les risques de contentieux fondés sur la demande de transmission d’informations privées et confidentielles. Et pour des fonctions par nature itinérantes, elle apparaît conforme notamment aux termes de l’article L. 1221-6 du Code du travail autorisant l’employeur à demander à tout candidat à l’embauche toute information permettant d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ». L’article précise que « le candidat est tenu de répondre de bonne foi, ce qui devrait, selon cette avocate, pouvoir justifier une sanction si tel n’était pas le cas. » Cette contradiction prévaut aussi avec l’alcoolémie car les contrôles dans l’entreprise sont strictement réglementés. Le Code du travail et celui de la route ne partagent pas toujours leurs objectifs !
En 2010, les infractions aux règles de stationnement – soit 34 % des contraventions – ont marqué une hausse de 13 % et celles pour excès de vitesse contrôlée par radar ont progressé de 5 %. Le nombre
de contraventions liées au franchissement d’un feu rouge a plus que doublé suite à la mise en place de radars. En revanche, le nombre de délits constatés – un quart pour délit de fuite et 28,2 % pour alcoolémie – a baissé pour la première fois depuis dix ans. Rappelons qu’une infraction au Code de la route est à l’origine de neuf accidents sur dix.