La concurrence bat son plein. L’an dernier, à quelques semaines d’intervalle, ALD Automotive, Arval et LeasePlan ont inauguré des services autour de la gestion automatisée des amendes. Cette fois, l’offre se focalise sur un sujet problématique qui empoisonne la vie des entreprises.
Véritable fléau pour les gestionnaires de flotte, le traitement des amendes focalise leur attention au quotidien. Un parc de 200 véhicules enregistre cinquante amendes par mois en moyenne. Avec dix minutes de traitement pour chacune d’entre elles, cette mission mobilise huit heures de travail chaque mois. LeasePlan estime que, chaque année, 27 jours sont nécessaires...
La concurrence bat son plein. L’an dernier, à quelques semaines d’intervalle, ALD Automotive, Arval et LeasePlan ont inauguré des services autour de la gestion automatisée des amendes. Cette fois, l’offre se focalise sur un sujet problématique qui empoisonne la vie des entreprises.
Véritable fléau pour les gestionnaires de flotte, le traitement des amendes focalise leur attention au quotidien. Un parc de 200 véhicules enregistre cinquante amendes par mois en moyenne. Avec dix minutes de traitement pour chacune d’entre elles, cette mission mobilise huit heures de travail chaque mois. LeasePlan estime que, chaque année, 27 jours sont nécessaires pour traiter les amendes d’une flotte de 400 véhicules.
Avec les outils développés par les loueurs, l’entreprise externalise cette tâche et peut se concentrer sur son cœur de métier. Si cette solution n’est pas retenue ou quand la flotte est financée en achat et gérée en interne, les responsables doivent établir des procédures spécifiques, décider de dénoncer ou non les conducteurs, et se mettre en conformité avec les textes légaux.
La responsabilité de l’infraction
Farouk Benouniche est l’un des avocats associés du cabinet Michel Ledoux dont l’activité se concentre sur la sécurité et la santé dans un contexte professionnel. Ce spécialiste du droit du travail intervient sur des dossiers de maladie ou d’accident du travail et procure également ses conseils dans le cadre de difficultés pénales liées à des infractions commises par les salariés. Avec les infractions routières, Farouk Benouniche distingue les faits commis avec interception du conducteur de ceux où le responsable n’est pas appréhendé.
Dans son article L121-1, le Code de la route pose comme principe de base que le conducteur du véhicule constitue le responsable pénal. L’alinéa 2 de cet article introduit une exception à cette règle quand le conducteur agit en tant que préposé d’un commettant. « Par cette disposition, le texte offre aux juges la possibilité de rechercher la responsabilité du chef d’entreprise », commente Farouk Benouniche.
À titre d’exemple, le chef d’entreprise peut être mis en cause si le conducteur est soumis à un rythme insoutenable ou, pour une société de transport, si les délais de livraison sont intenables. Dans ce cas, le juge pourrait estimer que l’amende doit être payée par le responsable de l’entreprise.
Mais le conducteur n’en reste pas moins redevable du retrait de points sur son permis. Ce schéma s’applique lorsque le conducteur est identifié et ce, notamment quand il est intercepté en situation d’excès de vitesse, comme lors d’un contrôle mobile.
Paiement vaut reconnaissance
Lorsque le conducteur n’est pas identifié, l’article L121-2-3 introduit une dérogation à la responsabilité du conducteur et la reporte sur le titulaire du certificat d’immatriculation. Ce dernier devient alors redevable de l’amende.
Dans les entreprises, le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale. Le chef d’entreprise, personne physique qui incarne cette personne morale, devient alors le responsable de l’infraction et peut être mis en cause.
L’alinéa 4 de l’article 223-1 du Code de la route indique que la réalité de l’infraction est reconnue par le paiement de l’amende. Si l’entreprise s’exécute, elle reconnaît l’infraction et est susceptible de se voir imputer un retrait de points. Dès lors c’est le chef d’entreprise qui se verrait sanctionner.
Au regard de l’équité, cette disposition paraît injuste. Dans les faits, l’entreprise peut y échapper. « En raison de certains dysfonctionnements administratifs et dans ce cas précis, les points ne sont pas retirés », observe Farouk Benouniche. Bon nombre d’employeurs passent ainsi à travers le retrait de points grâce à cette carence informatique.
Au vu du statut juridique du chef d’entreprise et des textes du Code de la route, la question de l’opportunité du paiement de l’amende se pose. Si l’entreprise s’acquitte de l’amende, son responsable reconnaît l’infraction et devient passible d’un retrait de points. En revanche, si elle conteste l’infraction, elle doit indiquer l’identité de la personne au volant au moment des faits. L’administration envoie alors le PV au conducteur.
La dénonciation du conducteur
Dénoncer un collaborateur peut s’avérer délicat, celui-ci ayant parfois besoin de son permis pour exercer sa mission professionnelle. Une autre possibilité s’offre alors à l’entreprise : contester l’infraction sans dénoncer qui que ce soit. L’employeur doit donc justifier qu’il n’était pas au volant et qu’il n’a aucun moyen pour identifier le conducteur. C’est vrai avec un véhicule partagé par plusieurs collaborateurs.
« Dans ce cas, l’employeur reste redevable de l’amende mais il ne peut se voir enlever de points sur son permis et l’infraction ne sera pas inscrite sur son casier judiciaire », explique Farouk Benouniche.
Si l’entreprise conteste, le paiement de l’amende est considéré comme une consignation. L’affaire est portée devant le juge et cette consignation devient une avance dont le montant équivaut à celui de l’amende.
Les textes tolèrent la contestation sans dénonciation du conducteur pour tenir compte du risque qui pèse sur les épaules des entreprises et de leurs responsables. Il paraît inéquitable que l’employeur supporte les conséquences d’une faute qu’il n’a pas commise.
« Cela étant, souligne Farouk Benouniche, le législateur envisage de contraindre l’employeur à dénoncer le conducteur. Ce texte n’est pas encore passé mais il soulèverait la colère de nombre d’employeurs pour lesquels l’identification du conducteur reste délicate. »
Parmi ces trois solutions qui s’offrent, Farouk Benouniche observe que les entreprises privilégient la contestation de l’infraction sans dénonciation du conducteur.
Retenir l’amende sur le salaire : impossible
Mais une question demeure : si le conducteur est identifié, le chef d’entreprise peut-il retenir le montant de l’amende sur son salaire ? Réponse : sauf accord exprès du salarié, le Code du travail le lui interdit. Autre principe, les infractions routières ne peuvent pas être à l’origine d’un licenciement pour faute. Pour ce, il faudrait prouver l’existence d’une faute lourde et donc une intention de la commettre.
Les schémas décrits jusqu’à présent ne sont valides qu’avec les infractions au Code de la route. Pour les délits routiers, le conducteur est considéré comme responsable sauf si le juge possède des éléments qui montrent que l’employeur a concouru à la création de l’infraction. En matière de sécurité et d’hygiène, le droit pénal introduit une délégation de pouvoir. La responsabilité est déléguée à un collaborateur qui pourra être mis en cause pour des délits commis par un salarié.
Quoi qu’il en soit, dans son article L4121-3, le Code du travail oblige les entreprises à évaluer les risques professionnels poste par poste et à les formaliser dans un document unique en décrivant les procédures mises en place pour les éviter.
La prévention, une obligation légale
Pour les véhicules utilisés à titre professionnel, l’entreprise doit évaluer les risques routiers et prévoir des plans d’action pour les minimiser. La responsabilité de l’employeur peut être mise en cause si le risque pour lequel un accident est survenu n’a pas été identifié et évalué. Mais si prévenir les risques routiers permet également d’échapper aux amendes, ce sujet dépasse le cadre des infractions au Code de la route.