Réduire les coûts liés à la sinistralité est une tâche à laquelle les gestionnaires de flotte se sont attaqués depuis longtemps. Mais si la maturité des entreprises et des collectivités reste très diverse sur ce sujet, on en est aujourd’hui, pour les plus pointues d’entre elles, à « optimiser l’optimisé », comme le souligne Nicolas Géhin, responsable univers automobile France de Mondial Assistance.
Pourtant, des marges de manœuvre existent avec le numérique. Une évolution technologique qui touche l’ensemble des processus liés à l’immobilisation d’un véhicule, avec à la clé moins de temps perdu (et d’argent dépensé) à gérer la panne ou l’accident, l’assistance, le véhicule de remplacement et le temps de la réparation.
De fait, la grande affaire de l’assistance reste l’intégration des flux d’informations du gestionnaire de flotte et du conducteur jusqu’à l’assureur en passant par le loueur ou le courtier et le cas échéant, l’assisteur. Nombre de prestataires ont donc travaillé leur système d’information pour faire en sorte que ce flux gagne en rapidité et en transparence, gage d’une meilleure maîtrise des coûts.
Relier des flux d’informations multiples
Illustration avec Opteven qui a investi dans la refonte de son système, opérationnel depuis fin 2014. « Pour le gestionnaire de flotte, un nouvel extranet offre d’accéder au contenu de tout son dossier, à l’historique, aux échanges avec tous ses prestataires, aux coûts générés par les différentes prestations autour des véhicules, etc. L’objectif est d’aider le gestionnaire à mieux comprendre sa sinistralité », énumère Albert Étienne, directeur commercial et marketing de l’assisteur. L’intégration des flux internet, associée au « missionnement » électronique et à la géolocalisation (dans la mesure de ce qu’acceptent les flottes et les conducteurs), aboutit à une plus grande efficacité des interventions, confirme Nicolas Géhin, pour Mondial Assistance. « Ainsi, plutôt qu’une mise à jour quotidienne plus ou moins régulière des informations émanant d’un réseau de réparateurs et de carrossiers agréés, nous disposons des informations en temps réel, par exemple sur la fermeture de tel ou tel garage pour congés », illustre-t-il.
Mais pour les flottes, ces innovations technologiques se concrétisent-elles par une meilleure maîtrise des coûts ? « Le gain est difficile à estimer mais entre la gestion des alertes, la transmission des dossiers et le suivi des prestataires, on peut l’estimer à environ 10 à 15 % », répond Albert Étienne pour Opteven. De son côté, Europ Assistance affirme que l’amélioration de ses processus grâce à l’informatique a fait reculer de cinq à quatre le nombre moyen de jours d’immobilisation.
Des outils sur mesure pour les professionnels
Aon France a aussi revu de fond en comble sa plate-forme sur le principe du sur mesure, en évitant de se conformer à une grille de services préalablement définie. Il s’agit ainsi de pouvoir gérer l’immobilisation du véhicule dès l’arrivée du sinistre. Le courtier d’assurance insiste sur la capacité de sa plate-forme à créer un « débat contradictoire » entre les parties en présence, notamment l’expert, le réseau de garages agréés et les techniciens d’Aon. « Les discussions contradictoires portent sur la meilleure réparation possible au meilleur coût », affirme Dominique Sabalot, directrice automobile chez Aon France.
Aon France met aussi en avant sa capacité à intégrer très en amont les critères les plus adéquats à chaque flotte. Parmi ces critères, Dominique Sabalot distingue celui du choix des véhicules utilisés par les conducteurs : « Certaines marques sont moins chères que d’autres à la location ou à l’achat, mais au final nettement plus chères à la réparation. La baisse des coûts de la sinistralité passe aussi par-là », souligne-t-elle.
Dans l’organisation de cette intégration informatique de la chaîne de réparation et d’assistance, chaque prestataire semble avoir son « point d’entrée ». Chez GT Motive, l’outil de chiffrage permet de valider le coût de la réparation. Grâce à la base de données dont dispose ce spécialiste des solutions de gestion de sinistres et de pannes automobiles, il est possible de chiffrer les réparations dans tous leurs aspects (mécaniques, carrosserie, etc.).
L’outil GT Automotive est employé par les loueurs et les courtiers, dont Aon France, mais aussi par « de très grandes flottes en délégation de gestion de sinistres ou en auto-assurance. Plus de 500 réparateurs font de même appel notre outil de chiffrage », précise Caroline Brun, business director France. Et cette révolution numérique de l’assistance n’en est qu’à ses débuts. « L’obligation européenne d’intégrer dans tous les VN un boîtier électronique pour garantir l’eCall, prévue pour octobre 2018, est un énorme chantier qui demande à tous les acteurs de la chaîne d’apporter un service adapté, anticipe Patricia Lefrant, responsable marketing automobile d’Europ Assistance. La télématique peut aller très loin et dans une dizaine d’années, on peut imaginer que les alertes lui seront très majoritairement liées, au détriment de l’assistance téléphonique classique. »
Mais attention, la technologie ne fait pas tout
Mais pour que les choses se concrétisent, il faudra d’abord préparer et former l’ensemble des acteurs de la chaîne de l’assistance. Certains estiment que l’adaptation des réseaux de réparation est déjà bien engagée, d’autres en doutent. « Certes, créer un nouvel écosystème est séduisant, mais cela va prendre du temps, rappelle Hervé Girardot, directeur des opérations de GE Fleet Systems, loueur à la tête de 70 000 véhicules. Il faudra mettre tout le monde autour de la table. L’univers de la réparation automobile doit s’inspirer de ce qui est fait dans la maintenance : les constructeurs ont fait d’énormes efforts pour habituer leurs réseaux à de nouvelles façons de travailler ».
Pour Hervé Girardot, qui défend son métier, la technologie ne fait pas tout et la fluidité des processus tient aussi au facteur humain et aux spécificités professionnelles des différents maillons de la chaîne : « Pour un loueur comme nous, la difficulté est que nous dépendons de l’assureur quand le client n’est pas assuré chez nous. Et l’assureur impose parfois un expert dont les délais d’intervention ne sont pas souvent en ligne avec nos objectifs. En outre, il peut encore y avoir un aspect bureaucratique dans la circulation des dossiers entre les différents acteurs. » La route est encore longue.