
Les assureurs flottes surfent sur deux variables antagonistes : le rétablissement de leurs résultats et le développement de leur portefeuille. La plupart ont réussi à redresser leur portefeuille automobile en jouant sur les manettes habituelles : majorations tarifaires, résiliations, franchises, sélection drastique des assurés et incitation à la prévention des accidents. Une fois cet objectif atteint, ils se tournent vers la variable « commerciale » pour accroître leur encaissement en s’appuyant sur la marge de manœuvre que leur confère l’équilibre technique retrouvé.
2019 : il y aura du monde derrière les « guichets »
Le marché de l’assurance...
Les assureurs flottes surfent sur deux variables antagonistes : le rétablissement de leurs résultats et le développement de leur portefeuille. La plupart ont réussi à redresser leur portefeuille automobile en jouant sur les manettes habituelles : majorations tarifaires, résiliations, franchises, sélection drastique des assurés et incitation à la prévention des accidents. Une fois cet objectif atteint, ils se tournent vers la variable « commerciale » pour accroître leur encaissement en s’appuyant sur la marge de manœuvre que leur confère l’équilibre technique retrouvé.
2019 : il y aura du monde derrière les « guichets »
Le marché de l’assurance flotte présente cette année 2019 un aspect favorable pour les entreprises : ces dernières disposeront d’alternatives de placement de leur parc mais aussi de leviers de négociation pour leurs cotisations. Il ne faut toutefois pas anticiper un marché laxiste et euphorique ; l’expérience a montré qu’un développement rapide se paie souvent cher et que la modération reste de mise. Comme tout marché d’entreprise, celui des flottes procède par cycles alternativement haussiers et baissiers mais avec une fréquence rapide de retournement et une amplitude de variations plus réduite qu’auparavant.
Cependant, des catégories de flottes peinent toujours à trouver un placement sur ce marché du fait de leur sinistralité réelle ou potentielle. Il s’agit principalement des activités susceptibles d’engendrer des sinistres d’un coût élevé, ce qui tend à renchérir la réassurance pour les assureurs : les transporteurs de marchandises et de personnes.
Pareillement, la fréquence des accidents du secteur de la location de courte durée rend réticents de nombreux assureurs. Et les deux-roues des entreprises demeurent traités à un tarif élevé, alors que les motocyclettes ont regagné de l’intérêt sur le marché des particuliers parce qu’elles circulent moins et sont entre les mains d’usagers plus mûrs que par le passé.
Les assureurs suivent l’autonomie
Les compagnies d’assurance suivent avec intérêt les expériences de véhicules autonomes car ils perçoivent que l’avenir de l’automobile se situe là. Mais ils restent inquiets quant à la sécurité, craignant que ces véhicules soient perméables à des cyber-attaques et que les boîtiers de télématique embarquée présentent des failles exploitables par les malfaiteurs au travers de la prise OBD.
Il est certain que la multiplication des véhicules autonomes posera des problèmes juridiques de redéfinition de la notion même de véhicule. La cohabitation sur plusieurs décennies de voitures à conducteur et de véhicules autonomes induira des accidents dans lesquels il sera malaisé de déterminer les responsabilités. En cas d’accident, la conduite assumée par des moyens électroniques pourra mettre en cause le matériel, la programmation mais aussi la reconnaissance par le véhicule de la signalisation qui pourra être dégradée ou inadaptée.
Les engins de déplacement personnels
À la croisée des entreprises et des particuliers se positionnent les EDP (engins de déplacement personnels), tels que les trottinettes électriques, les gyropodes, les roues gyroscopiques, les overboards, etc. Ces derniers peuvent éventuellement constituer de véritables flottes lorsqu’ils sont proposés en location, utilisés pour des randonnées ou pour des déplacements sur des sites industriels.
Les pouvoirs publics sont en cours de définition d’une réglementation applicable notamment pour la circulation de ces EDP sur les trottoirs et pour leur vitesse maximale. Reste une incertitude quant à leur éventuelle qualification de véhicules terrestres à moteur du fait d’une absence de consensus européen sur leur classement. En effet, ils se trouvent exclus du règlement européen UE 168/2013 du 15 janvier 2013, relatif à la réception et à la surveillance du marché des deux et trois-roues (Q n° 04141, JO Sénat 29-03-2018, p. 1449). Dans l’incertitude, quelques assureurs offrent des couvertures d’assurance automobile par sécurité. De fait, les EDP répondent à la définition du véhicule terrestre à moteur telle que l’entendent la loi française et la jurisprudence.
La question du covoiturage
En parallèle, se développe le covoiturage qui peut reposer : – sur un partage des frais et l’assurance personnelle suffit dans ce cas ; – ou sur le dégagement d’une rémunération qui nécessite l’adhésion à une assurance complémentaire. Cette dernière fonctionne en différence d’usage comme le fait l’assurance mission par rapport à l’assurance personnelle du collaborateur.
Les entreprises interdisent à leurs collaborateurs d’employer leur voiture de fonction dans le cadre du covoiturage : un accident grave touchant les passagers serait pris en charge par l’assurance flotte dont la cotisation est fonction de la sinistralité antérieure. Cette pratique peut entraîner le licenciement du collaborateur qui y a recours (CA Rennes, 31 août 2018, n° 16/05660).
Les véhicules électriques
Le parc électrique se développe entre autres au sein des collectivités locales et les mesures gouvernementales tendent à soutenir les ventes de modèles électriques (et hybrides), pourvu que les bornes de chargement se multiplient, que l’autonomie s’accroisse et que le coût des batteries diminue. À l’origine, les assureurs se sont montrés réticents à indemniser les batteries en location lorsque celles-ci étaient endommagées par un accident. Leur appréciation de la vétusté était supérieure à ce que prévoyaient les loueurs. Cette source de litiges semble s’être réduite et l’alignement sur le contrat de location est généralement de mise.
L’auto-assurance en progression
La fiscalité élevée qui pèse sur les cotisations d’assurance incite les entreprises à choisir l’alternative de l’auto-assurance. Les montages avec conservation, comportant un dépôt de l’entreprise pour financer une part des sinistres de responsabilité et de dommages propres, progressent. Ces montages concernent maintenant 10 % des contrats et 35 % des véhicules de flotte, et génèrent une économie budgétaire de l’ordre 10 % sans risque de requalification fiscale. Ils sont normalement réservés aux parcs de plus de 200-250 véhicules et avec une sinistralité stable.
Toutefois, il s’agit d’un montage financier et l’auto-assurance véritable relève d’autres pratiques. La première consiste à introduire des franchises relativement élevées (3 000-5 000 euros au plus) sur les garanties de dommages, voire sur l’assurance obligatoire. En limitant les cotisations, ces démarchent tempèrent la fiscalité.
Allant plus loin encore, les flottes importantes autofinancent les dommages atteignant leurs véhicules en renonçant à les couvrir et en en confiant la gestion à un prestataire (souvent leur courtier) qui puise dans un fond de roulement déposé par l’entreprise.
Aperçu de la fiscalité sur les cotisations d’assurance auto | ||
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Garanties | Moins de 3,5 t | Plus de 3,5 t |
Responsabilité | 35 % | 17 % |
Dommages | 18 % | 0 % |
Défense-recours | 9 % | 9 % |
Assurance conducteur | 9 % | 9 % |
* Convention d’indemnisation et de recours entre sociétés d’assurance automobile. |
Assurance : une forte augmentation à prévoir
Le prix de l’assurance automobile s’est accru de 3 % en 2018. La raison en incombe à la hausse des prix des pièces détachées en 2017 (+ 3,4 %) et à celle du coût de la main-d’œuvre (+ 2,5 %). L’inflation des indemnisations corporelles est également en cause, notamment lorsqu’on examine les indemnisations des sinistres graves. Enfin, la dégradation des comportements routiers a pesé sur la fréquence. Les corporels, dont le nombre avait reculé entre 2009 et 2014, ont rebondi en 2016, de + 2,7 % selon la Fédération française de l’assurance (FFA).
Évolution de la réparation-collision VP et VUL (flottes et hors flottes) | |||
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Postes de coût | Répartition sur les 12 derniers mois | 9 mois 2018 par rapport à 9 mois 2017 | 12 derniers mois |
Pièces | 49,40 % | 6,50 % | 5,90 % |
Main-d’œuvre carrosserie | 39,80 % | 2,50 % | 2,60 % |
Peinture | 10,80 % | 3,20 % | 3,40 % |
Coût total | 100 % | 4,60 % | 4,30 % |
Source : SRA octobre 2018. Vue à fin septembre 2018. |
Des hausses plus significatives se « profilent à l’horizon ». Les députés ont voté l’augmentation de la contribution des assureurs au financement du Fonds de garantie pour 2019. Le Fonds est effectivement en difficulté du fait du nombre croissant d’automobilistes qui circulent sans assurance et sont impliqués dans des accidents de circulation.
En 2016, les assureurs assumaient 1 % des charges du Fonds, ce qui était insuffisant au fonctionnement de celui-ci. En 2017, le taux a été porté au maximum réglementaire, soit 12 % (art. R 421-27 & 28 C. assur.). L’augmentation prévue pour 2019 pousse le taux de contribution des assureurs à 25 %. L’augmentation prévue pour 2019 hausse le taux de contribution des assureurs à 14 %. Cela signifie qu’en trois ans, le taux de charge va être majoré de 17 %, tandis que l’assiette sur laquelle le fonds porte progresse tous les ans (+ 9,8 % entre 2015 et 2016). Les sommes entrant dans cette assiette sont constituées par les indemnités supportées par le Fonds pour l’indemnisation des victimes d’accidents non assurés.
Les assureurs, qui avaient réussi à se stabiliser à un ratio combiné autour de 100 %, vont être contraints à majorer leurs cotisations. Ce ratio combiné intègre la charge des sinistres, les frais de gestion et les commissions rapportés aux cotisations de la période.
Revoir la loi Badinter ?
Cette information vient dans une période où les pouvoirs publics souhaitent apporter des modifications au Code civil. Celles-ci toucheraient la loi Badinter (5 juillet 1985) régissant les accidents de circulation. Actuellement, dans un accident entre deux véhicules, le conducteur-victime est pénalisé, selon la gravité de sa faute, par un abattement ou une exclusion complète d’indemnisation. Dans cette situation, un conducteur sur deux est privé d’indemnisation de la part de l’assureur adverse. L’assurance conducteur, opportunément souscrite, vient pallier ce déficit d’indemnisation. Depuis plusieurs années, les assureurs militent auprès des pouvoirs publics pour que cette assurance soit rendue obligatoire, d’autant que sa cotisation n’est fiscalisée qu’à 9 %.
Des juristes ont fait remarquer que le conducteur se trouvait dans une situation défavorable par rapport à un piéton accidenté à qui l’on ne peut opposer que sa faute inexcusable, très grave et donc presque jamais retenue. Ils ont proposé qu’il y ait une identité de traitement en regard de la faute entre les conducteurs et les non-conducteurs. Cette idée sociale mériterait d’être saluée si elle n’avait pas de conséquences sur la cotisation de l’assurance obligatoire.
La FFA a ainsi chiffré l’impact qu’elle aurait sur cette cotisation et l’on se positionne loin devant les évolutions imputables à l’inflation. L’augmentation de la seule cotisation responsabilité serait de 26 % pour les quatre-roues (13 % pour les deux-roues) soit + 1,5 milliard d’euros TTC. Cette part de la cotisation est actuellement soumise à une fiscalité de 35 %, à l’exception des camions taxés à 17 %. Si l’on raisonne sur la base de la totalité de la cotisation, la hausse s’élève 6 %.
Cela n’ôte pas tout son intérêt à la garantie conducteur qui reste utile lorsque l’accident a lieu sans tiers ou s’est déroulé à l’étranger où la loi Badinter ne s’applique pas avec les locaux. Pour mémoire, il y a par an 35 600 conducteurs victimes corporelles sans qu’un tiers soit impliqué, selon la FFA.
Ce projet crée bien sûr une polémique avec les assureurs mais aussi entre le ministère de la Justice porteur du projet et celui de l’Économie en charge de l’assurance. Les assureurs font justement remarquer que l’assurance obligatoire a pour vocation de protéger les victimes de la route mais pas les fautifs. Ils s’inquiètent aussi de l’application d’un bonus-malus et de son objectif de responsabilisation qui se trouverait réduit. Il est vrai que l’on peut imaginer un bonus-malus qui distinguerait la notion de faute différemment pour l’indemnisation et pour l’application d’un malus, mais cela ajouterait à la complexité de son mécanisme. Ajoutons que cette modification tendrait à accroître la charge de sinistres des flottes qui couvrirait la totalité de l’indemnisation des conducteurs-tiers fautifs, ce qui se répercuterait sur leurs cotisations futures.
La majoration de cotisation induite par cette réforme interviendrait dans une période où les automobilistes dépourvus d’assurance vont être « pistés » et contraints de régulariser leur situation en regard de la couverture obligatoire. Parmi eux, nombreux sont ceux qui n’ont pas souscrit d’assurance qu’ils jugent trop onéreuse. La réforme risque de leur donner raison. Espérons que la raison et la modération guideront cette réforme sur une voie plus réaliste.
La chasse au défaut d’assurance
On estime à 750 000 le nombre de véhicules (hors deux-roues) qui circulent sans assurance et laissent au Fonds de garantie la charge d’indemniser les victimes (voir plus haut). La loi de 2016 sur la Justice au XXIe siècle avait mis la lutte contre le défaut d’assurance automobile parmi les priorités nationales. 2018 a été l’année de la mise au point effective des moyens.
Les assureurs fournissent donc leurs fichiers des véhicules immatriculés et assurés à un organisme centralisateur : l’Agira (association pour la gestion de l’information sur le risque en assurance). Ces fichiers sont rapprochés de celui des cartes grises (fichier SIV pour système d’immatriculation des véhicules) afin d’identifier les véhicules dépourvus d’assurance, ce qui permet d’établir le FVNA (fichier des véhicules non assurés). Les assureurs sont tenus de maintenir à jour sous 72 heures (trois jours calendaires) le FVA par les entrées et sorties de véhicules.
La gestion des parcs d’entreprises ayant toujours été déléguée aux courtiers, ce sont eux qui procèdent à l’alimentation du fichier grâce à un EDI établi par l’assureur ou par l’extranet de l’Agira. Dans certains cas, la délégation a été reportée sur les gestionnaires de parc. La profession s’est mobilisée sur ce projet portant sur 40,6 millions de véhicules, consciente que le défaut d’assurance faisait reposer des charges indues sur les assurés et les assureurs, et alourdissait la gestion des sinistres.
Le FVNA devra être opérationnel au 1er janvier 2019 et mis à la disposition des forces de l’ordre qui l’utiliseront en cas d’interpellation et encore plus efficacement au moyen de LAPI (lecteur automatique de plaques d’immatriculation). Les polices municipales en seront aussi dotées et pourront identifier les défauts d’assurance par vidéosurveillance. Le Fonds de garantie s’appuiera sur le FVNA pour des actions personnalisées. Il est probable que quelques anomalies se manifesteront lors des débuts du déploiement du FVNA mais il sera toujours possible d’y pallier par la démonstration de l’existence d’une assurance.
La désignation des conducteurs
À l’issue de l’année 2018, on peut affirmer que les pouvoirs publics ont « tenu le cap » sur la mesure de la désignation des conducteurs en infraction et que la plupart des entreprises ont « joué le jeu ». Et attention aux récalcitrants ! Lors des Rencontres Flottes Automobiles de 2018, Emmanuel Barbe, délégué à la Sécurité Routière, a mis en avant l’éventualité d’imputer l’amende pour non-désignation aux dirigeants eux-mêmes, avec interdiction de la faire supporter par l’entreprise sous peine de poursuites pour abus de bien social.
De son côté, la justice a refusé de transmettre au Conseil Constitutionnel les plaintes en inconstitutionnalité de la mesure (Cass. Crim. 7 février 2018 n° 17-90023 & 4 avr. 2018, n° 18-90001). Le combat était perdu d’avance et ce qui se passera en 2019 ne peut que le confirmer, à moins qu’un avocat malin ne relève une faille qui aurait échappé à tout le monde mais qui sera rapidement comblée par une modification réglementaire.
En tout état de cause, les entreprises continueront cette année de gérer les amendes liées aux infractions de leurs conducteurs en espérant que leur nombre baisse. Et si la mesure tend à modérer le nombre d’accidents, les assureurs ne peuvent qu’être satisfaits.