
Plusieurs phénomènes sont susceptibles de tirer vers le haut les cotations des assureurs automobiles en chargeant leurs coûts d’exploitation, que l’on considère les entreprises ou les particuliers.
L’inflation des coûts de sinistres
Pour les dommages matériels, la charge des sinistres est principalement fonction de l’évolution du coût de la réparation automobile. Entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2019, ce coût a affiché + 4,8 % selon l’association SRA (Sécurité et réparation automobile). Les corporels, qui pèsent près de la moitié de la charge des sinistres de responsabilité, ont un impact de 5 à 7 % selon les sources. L’évolution des...
Plusieurs phénomènes sont susceptibles de tirer vers le haut les cotations des assureurs automobiles en chargeant leurs coûts d’exploitation, que l’on considère les entreprises ou les particuliers.
L’inflation des coûts de sinistres
Pour les dommages matériels, la charge des sinistres est principalement fonction de l’évolution du coût de la réparation automobile. Entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2019, ce coût a affiché + 4,8 % selon l’association SRA (Sécurité et réparation automobile). Les corporels, qui pèsent près de la moitié de la charge des sinistres de responsabilité, ont un impact de 5 à 7 % selon les sources. L’évolution des techniques médicales et les conditions d’indemnisation devant les tribunaux expliquent cette hausse.
L’inflation des coûts de réparation | ||
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Coûts des réparations | Progression | Répartition |
Pièces détachées | 6,30 % | 49,70 % |
Main d’œuvre | 2,40 % | 39,60 % |
Peinture | 3,40 % | 10,70 % |
Coût total | 4,80 % | 100,00 % |
Source : Sécurité et réparation automobile (SRA), sur douze mois, vue au premier trimestre 2019. |
Le projet de réforme de la loi sur les accidents de circulation
La loi Badinter (5 juillet 1985) règle les responsabilités en cas d’accident sur le principe de la protection de la victime non-conducteur (piéton, passager, cycliste, etc.) en n’écartant l’indemnisation de cette dernière qu’en cas de faute très grave (inexcusable). Le conducteur étant un acteur du risque routier, la loi lui oppose sa faute, même légère, lorsque l’accident survient avec un autre usager motorisé.
Les juristes ont attiré l’attention sur cette disparité de traitement et ont proposé que le statut du conducteur « victime » soit aligné sur celui du non-conducteur. Ainsi, il deviendrait possible de faire indemniser un conducteur fautif par l’assurance d’un autre usager, sauf si la victime a commis une faute inexcusable que les assureurs savent difficile de retenir du fait de la multiplicité des conditions à réunir.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Badinter, la jurisprudence a eu le temps de préciser les contours de la faute inexcusable pour les non-conducteurs victimes. Appliquée aux conducteurs, cette notion devra être adaptée. Par exemple : le conducteur d’une motocyclette faisant du « wheeling » sur la chaussée et heurté par un autre véhicule sera-t-il considéré comme ayant commis une faute inexcusable ?
La Fédération française de l’assurance (FFA) a procédé à une simulation et indiqué que cette réforme aurait un impact de + 26 % sur la cotisation d’assurance obligatoire qui se trouve, en sus, soumise à une taxe de 35 % pour les moins de 3,5 t et de 17 % pour les poids lourds. La répercussion sur les tarifs pourrait donc être très lourde.
Pire, le projet de réforme prévoit un effet rétroactif en indemnisant des conducteurs fautifs écartés par la législation actuellement en cours. L’impact sur les cotisations de responsabilité passerait alors à 48 %, ce qui est énorme. Le sujet fait polémique entre les ministères de la Justice et de l’Économie, d’autant que la question intéresse aussi le Fonds de garantie. Ce dernier est concerné par les accidents causés par des conducteurs non assurés et se heurte à des problèmes de financement.
Un autre projet serait susceptible de contrer cette réforme. Il est envisagé de rendre obligatoire, dans les contrats automobiles, la garantie « dommages au conducteur » sans franchise et avec une couverture minimum de 1 million d’euros. Cette garantie n’étant pas aussi répandue dans les flottes que chez les particuliers, son impact tarifaire serait sensible pour les véhicules d’entreprise. Pour information, la garantie dommages au conducteur est pratiquée avec une franchise de 5 ou 10 % d’invalidité de la victime conducteur.
La baisse des taux d’intérêt
L’équilibre de l’assurance automobile est fonction de la charge des sinistres. Avec un rapport des sinistres aux cotisations de 85 %, la marge est insuffisante et il doit être fait appel aux provisions dont le rendement est affecté par les taux bas des intérêts des dernières années. Il y a, là aussi, une conséquence possible sur les cotisations, mais certainement avec un étalement dans le temps.
Le financement du Fonds de garantie
Longtemps, les assureurs ont financé le Fonds de garantie à hauteur de 1 % de leur encaissement en assurance de responsabilité automobile. Les défauts d’assurance se multipliant, ce taux est passé à 10 % puis à 12 % en 2017 et à 14 % au 1er janvier 2019 – un moindre mal comparé aux 25 % initialement envisagés par le ministère de l’Économie. Les assureurs avaient alors appelé au secours les sénateurs, inquiets des répercussions qu’une telle hausse aurait sur les cotisations d’assurance (L’Argus de l’Assurance, 6 septembre 2019).
Les besoins du Fonds restent élevés d’autant que les mesures prises pour lutter contre le défaut d’assurance n’ont pas encore pu produire leur effet. Là aussi, une majoration de la contribution des assureurs pourrait engendrer une augmentation des tarifs. L’État n’envisage pas de majorer la contribution des assurés (2 % sur les cotisations de responsabilité) mais si les tarifs progressent, l’assiette de cette contribution croîtrait en proportion, tout comme la taxe d’assurance.
Le Fonds de garantie dispose du fichier des véhicules assurés (FVA) et peut identifier, par rapprochement avec celui des cartes grises (SIV), les propriétaires non assurés. Depuis septembre 2019, il leur envoie ainsi des courriers pour les mettre en garde (Newsletter Agira n° 9, juillet-août 2019). Lorsqu’elle sera pleinement en place, cette démarche va contraindre les automobilistes récalcitrants à s’assurer, mais sans pouvoir présenter un relevé d’informations exigé pour toute souscription d’assurance automobile. Établi par le précédent assureur, ce relevé fournit les antécédents sinistres sur cinq ans maximum et le coefficient bonus-malus (art. A121-1 C. ass.). Si l’assurance devient hors de prix, on risque d’assister à un fort mécontentement, entre autres en zone rurale où la voiture reste le seul moyen de déplacement (voir ci-dessous « La lutte contre le défaut d’assurance »).
Hausse du coût des sinistres, réforme de la loi Badinter, faiblesse des taux d’intérêt, contribution accrue au Fonds de garantie : en appelant à la modération et à l’étalement dans le temps, nous voulons espérer que ces phénomènes ne conjugueront pas simultanément leurs actions.
Les actions modératrices
À la différence des particuliers, soumis aux tarifs des assureurs et sans latitude autre que le bonus-malus, les entreprises peuvent agir sur le coût de leur assurance et réduire l’impact que ces mesures peuvent générer. Parmi les moyens pouvant être mis en œuvre, nous en commenterons trois.
La prévention des accidents
On a pu établir qu’avec des moyens adaptés, il était possible de faire reculer l’accidentologie et déterminer que 70 à 80 % des accidents (responsables ou non) étaient évitables. Bien menées, les actions de prévention peuvent avoir une action modératrice sur la charge des sinistres et, au-delà, sur la cotisation d’assurance, tout en limitant les coûts induits par les accidents.
Les montages financiers
Nombre d’entreprises optimisent leur budget d’assurance en diminuant l’impact fiscal que peut avoir leur sinistralité. Trois voies sont utilisées :
- l’auto-assurance des dommages qui permet d’échapper à la taxe d’assurance à 18 % sur les cotisations des garanties facultatives ;
- l’usage de franchises sur les dommages et/ou sur l’assurance obligatoire. Ces franchises amènent à conserver une portion des risques auto-financée par l’entreprise, avec comme avantage la réduction de l’assiette des taxes d’assurance ;
- le montage avec conservation qui consiste à affecter, à un dépôt effectué par l’entreprise chez l’assureur, une partie de la charge des sinistres et à faire supporter par l’assureur le reste moyennant une cotisation restreinte et donc optimisée fiscalement. Cette pratique, ouverte à des parcs de plus de 200-250 véhicules, se développe d’autant plus aisément qu’elle a un effet neutre sur la gestion – l’assureur et le courtier gérant les sinistres. Son impact sur le budget d’assurance est de l’ordre de ± 10 %. Mais il faut rester prudent avec cette technique de défiscalisation partielle afin de ne pas encourir une requalification. On estime à 12 % la proportion des contrats flottes assis sur ce montage et à 35 % celle des véhicules de flotte (étude FFA 2018).
Le bon usage du constat amiable
Le fait de falsifier un constat amiable pour faire supporter la responsabilité de l’accident à son adversaire constitue un faux en écritures privées et est sanctionné pénalement.
(Cass. Crim. 1er juin 1981, n° 79-93469).
La qualité du remplissage des constats amiables contribue à la charge des accidents avec tiers et on constate qu’environ un quart des constats sont imparfaitement remplis. Ce qui induit souvent la responsabilité indue de l’un des conducteurs, incapable de prouver son droit. Quatre rubriques du constat doivent donc être complétées avec précision :
- le point de choc initial sur le véhicule (rubrique 10) ;
- les cases cochées (rubrique 12) en portant leur nombre en bas de chacune des colonnes, afin d’éviter des ajouts ou falsifications ultérieurs ;
- le croquis (rubrique 13) qui illustre les circonstances de l’accident ;
- les observations (rubrique 14) qui apportent un éclairage sur les conditions de l’accident et qui peuvent être contestées par l’autre conducteur dans sa propre case 14 afin de disqualifier les allégations de l’adversaire.
Investir dans une formation au bon usage du constat demeure un moyen de faire reculer la charge des accidents et de récompenser par d’éventuelles primes les salariés qui démontrent leur maîtrise de ce document. Une formation d’autant plus utile que les assureurs ont mis au point dans la convention IRSA (Convention d’indemnisation et de recours entre sociétés d’assurance automobile) des règles pour l’interprétation du constat et notamment du croquis ; la connaissance de celles-ci par les conducteurs se montre utile (voir notre n° 238, pages 32 à 35).
Les EDP intéressent les assureurs
Sous le sigle EDP (engin de déplacement personnel), ils sillonnent rues et trottoirs, voire s’égarent sur les routes. Peut-on les qualifier de véhicules terrestres à moteur ? Un décret, publié au Journal Officiel du 25 octobre 2019, a apporté une réponse en définissant les caractéristiques techniques et les conditions de circulation de ces EDP. Plus précisément, l’expression « engin de déplacement personnel motorisé » (EDPM) ne s’applique qu’à un « véhicule sans place assise, conçu et construit pour le déplacement d’une seule personne et dépourvu de tout aménagement destiné au transport de marchandises, équipé d’un moteur non thermique ou d’une assistance non thermique et dont la vitesse maximale par construction est supérieure à 6 km/h et ne dépasse pas 25 km/h. » Et ces EDP doivent suivre les mêmes règles de circulation que les vélos.
On reproche à ces EDP leur dangerosité et le Fonds de garantie a déjà ouvert plusieurs dizaines de dossiers pour des accidents où ils sont mis en cause. Il est très probable qu’ils seront soumis à une assurance obligatoire, ce qui implique une identification individuelle. Les assureurs ont déjà créé des formules d’assurance, spécifiques aux EDP ou bâties sur l’assurance des deux-roues (cyclomoteurs). Les EDP pourront être « hébergés » par l’assurance multirisque ou entreront dans le cadre de l’assurance automobile, et dans celui du contrat flotte pour les entreprises.
C’est le taux de désignation des conducteurs en entreprise en 2017.
Le covoiturage
Le covoiturage est encouragé par les pouvoirs publics et nombre d’entreprises ont déjà manifesté leur appui à cette politique. La loi d’orientation des mobilités (LOM) prévoit ainsi que les employeurs pourront soutenir le covoiturage interne et récurrent par l’allocation d’une prime pouvant aller jusqu’à 400 euros par an, au bénéfice des conducteurs pratiquant le covoiturage avec leurs collègues (voir aussi notre article). Mais les employeurs restent réticents à accepter qu’un véhicule de fonction soit employé pour transporter en covoiturage des personnes étrangères à l’entreprise et ils l’interdisent dans le livret voiture remis aux collaborateurs. Cette attitude est dictée par plusieurs considérations :
- en cas d’accident grave, les conséquences corporelles peuvent être supportées par l’assurance flotte dont la statistique peut se trouver grever d’un sinistre d’un coût élevé (sauf si la plate-forme de covoiturage a souscrit une assurance couvrant les passagers) ;
- le collaborateur est défrayé d’un côté, forfaitairement, par la plate-forme de covoiturage et peut être tenté de présenter une note de frais à son employeur ;
- le transport de personnes se rendant dans une même région mais à des adresses distinctes engendre un kilométrage supérieur à celui de la mission assignée au conducteur ;
- le risque d’accident peut se trouver aggravé par le prêt du volant à un passager sur de longs trajets.
Le collaborateur s’expose à un licenciement si le règlement intérieur ou le « livret voiture » lui interdit de pratiquer le covoiturage (CA Rennes, 31 août 2018, n° 16/05660) mais la jurisprudence n’est pas bien établie sur ce point. La cour d’appel de Riom (13 septembre 2016, n° 15/02104) a estimé, dans une affaire de ce type, que le licenciement était dépourvu d’une cause réelle et sérieuse.
La lutte contre le défaut d’assurance
La mise en place du fichier des véhicules assurés (FVA) a commencé au début de 2019. Ce FVA permet de détecter les véhicules circulant sans assurance en le rapprochant avec le fichier des cartes grises (SIV) Les forces de l’ordre ont exploité ce fichier et reconnu son utilité. Sur la phase d’expérimentation, le délai d’alimentation du FVA de trois jours calendaires a été respecté à 85 %, un résultat encourageant eu égard aux millions d’immatriculations qu’il a fallu charger (Newsletter Agira n° 9, juillet-août 2019).
C’est le nombre estimé de véhicules circulant sans assurance obligatoire.
L’expérience a été poursuivie à plus grande échelle à compter de juin 2019 mais l’éventualité d’erreurs de saisie a conduit à encore donner la primauté à la carte verte sur le fichier lorsque le contrôle était effectué sur le bord de la route. Un déploiement progressif du fichier sera réalisé jusqu’à fin 2019.
Les pouvoirs publics comptent surtout sur le contrôle automatisé grâce aux radars vitesse et feux rouges ; l’infraction devrait alors être constatée dans les trois jours du contrôle. Le conducteur reçoit, trois jours après l’amende pour excès de vitesse ou non-respect d’un feu, une nouvelle amende pour défaut d’assurance, sauf à pouvoir démontrer qu’il avait satisfait à l’assurance obligatoire.
Les flottes sont correctement assurées et ne sont pas exposées. Seules des saisies omises ou erronées peuvent donner lieu à des interrogations des forces de l’ordre au début de la mise en place du FVA. Détenteur du FVA, le Fonds de garantie est très concerné par cette vaste opération (voir plus haut).
À partir de janvier 2020, la délivrance d’un certificat définitif d’immatriculation sera subordonnée à la consultation du fichier FVA pour vérifier que l’assurance a été souscrite. Déjà, la récupération d’un véhicule en fourrière nécessite de pouvoir présenter la carte verte.
Dans les parcs, les courtiers sont, pour la plupart, dotés de moyens informatiques pour que l’enregistrement des entrées de véhicules suive un processus automatique afin, au final, de renseigner le FVA tenu par l’Agira (Association pour la gestion des informations sur le risque en assurance). La responsabilité de l’alimentation du fichier repose toutefois sur les assureurs. En 2020, l’action se poursuivra avec plus de moyens et l’expérience acquise.
Le signalement des conducteurs en infraction
La résistance des entreprises à communiquer, dans les 45 jours (art. A 121-1 C. route), l’identité des collaborateurs contrôlés automatiquement en infraction (art. R 130-11.C. route) est tombée face à la position des pouvoirs publics, aidés par la cour de cassation qui a refusé de transmettre au Conseil d’État sept questions prioritaires de constitutionnalité sur ce sujet (Cass. Crim. 11 décembre 2018, n° 18-82820). « Il appartient au représentant légal de la personne morale de communiquer un renseignement relatif à la gestion de l’entreprise et non de procéder à une enquête » (Cass. Crim. 27 juin 2018, n° 18-90013). L’obligation de signalement prévue à l’article L 121-6 du code de la route en est sortie renforcée et elle s’applique aussi si le conducteur en infraction est le représentant légal qui doit alors s’auto-dénoncer (Cass. Crim. 11 décembre 2018, n°s 18-82631 & 18-82628).
Cette sévérité a été poussée à l’extrême pour une société d’ambulances qui avait pris en charge l’amende infligée à un conducteur en excès de vitesse lors d’une mission. L’Urssaf a considéré qu’il s’agissait d’un avantage en nature et a procédé à un redressement validé par la cour de cassation (Cass. Crim. 14 février 2019, n° 17-2047). L’entreprise s’est trouvée frappée d’une double sanction : le redressement et l’amende.
Modification de la convention IRSA
Une décision de la Cour de justice européenne (20 juillet 2017, Aff. C 287/16) a révolutionné la position des assureurs en cas de fausse déclaration intentionnelle lors de la souscription d’un contrat. Dans ce contexte, l’assureur avait la faculté d’opposer à son assuré une nullité le privant de tout droit et opposable aux tiers. Elle avait aussi pour conséquence de reporter sur le Fonds de garantie la charge du dommage. Depuis le 24 mai 2019, l’opposabilité de la nullité au conducteur non responsable est abolie et le dossier est géré dans le cadre de l’IRSA (lorsque la convention est applicable), l’assureur exerçant un recours contre le responsable.
Évolution du recours forfaitaire IRSA entre assureurs pour une responsabilité à 100 % | |
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2016 | 1 354 euros |
2017 | 1 420 euros |
2018 | 1 446 euros |
2019 | 1 482 euros |
Selon la date de survenance de l’accident |