
À première vue, on pourrait penser qu’un responsable de parc connaît parfaitement sa flotte. Pourtant, un diagnostic se veut parfois nécessaire : on parle alors d’audit de la flotte. Un audit qui peut être effectué par le responsable de parc, comme au sein de la ville du Plessis-Robinson (voir le témoignage), ou par un prestataire externe, comme prévu par l’association Médecins Sans Frontières (MSF).
Une vision à 360 °
Mais que recouvre exactement ce terme d’audit ? « Si je devais décrire l’audit en un mot, ce serait 360 °, répond Arnaud Perrin, dirigeant de Ressource Consulting, cabinet de conseil spécialiste des achats indirects. Un audit...
À première vue, on pourrait penser qu’un responsable de parc connaît parfaitement sa flotte. Pourtant, un diagnostic se veut parfois nécessaire : on parle alors d’audit de la flotte. Un audit qui peut être effectué par le responsable de parc, comme au sein de la ville du Plessis-Robinson (voir le témoignage), ou par un prestataire externe, comme prévu par l’association Médecins Sans Frontières (MSF).
Une vision à 360 °
Mais que recouvre exactement ce terme d’audit ? « Si je devais décrire l’audit en un mot, ce serait 360 °, répond Arnaud Perrin, dirigeant de Ressource Consulting, cabinet de conseil spécialiste des achats indirects. Un audit consiste à regarder l’ensemble des déterminants d’un dispositif de flotte. » « Il donne une image à l’instant t de la flotte et des leviers d’optimisation possibles », complète Mathilde Hillebrand, directrice et associée d’Aficar Consulting, cabinet spécialiste de la gestion de flotte. « En pratique, il s’agit de comprendre comment fonctionne la flotte et combien elle coûte », ajoute Maxime Sartorius, dirigeant du fleeteur Direct Fleet.
« Je n’aime pas le terme d’audit, nuance Robert Maubé, dirigeant du cabinet RRMC, conseil spécialiste des flottes. Il a une consonance négative de contrôle comptable et financier. Or, je me positionne dans une perspective positive d’analyse de l’existant pour le comparer aux “bonnes pratiques”. Je préfère donc le terme d’état des lieux. »
Cet état des lieux intervient généralement lorsque l’entreprise ou la collectivité veut diminuer les coûts opérationnels de la flotte. « Il vise alors à rechercher des gisements d’économies inexploités », poursuit Robert Maubé. « L’une des principales demandes de nos clients est de faire baisser le TCO », confirme Julien Chabbal, directeur ventes et marketing du loueur Alphabet. « Les commanditaires sont alors des directeurs généraux ou financiers qui voient dériver les coûts », relève Mathilde Hillebrand (voir l’encadré ci-dessous).
Des objectifs financiers ou de structuration
« Chez Médecins Sans Frontières, nous nous sommes aperçus que nos missions coûtaient de plus en plus cher. Notre association a donc décidé de lancer une politique de réduction des coûts, illustre Daniel Moglia, référent technique pour le centre opérationnel parisien de MSF. Nous estimons que la flotte représente un budget d’environ 60 millions d’euros tout compris, en tenant compte du coût de transport total de nos missions (RH, entretien, assurance, etc.). C’est pourquoi nous avons décidé de lancer un audit ». Avec cet audit prévu courant 2020, après un report dû à l’épidémie de covid-19, MSF veut dans un premier temps améliorer l’opérationnalité et la fluidité entre ses cinq sections indépendantes qui opèrent dans une soixantaine de pays dans le monde, afin de baisser les coûts dans un second temps (voir le témoignage).
Une autre raison de mener un audit est que le parc a grandi ou évolué, ou que les besoins ont changé. « La demande provient généralement d’un service achats qui veut être rassuré quant à la bonne adaptation de la flotte », expose Mathilde Hillebrand pour Aficar Consulting. L’audit s’inscrit alors dans un plan de structuration : « Suite à la création d’un service commercial, l’un de nos clients est passé de 10 à 120 véhicules mais il n’avait pas forcément les connaissances nécessaires, décrit-elle. Un autre client est passé de 100 à 300 véhicules en 18 mois et n’avait pas le temps de vérifier s’il s’y était bien pris. »
Économie et environnement
Mais les motivations peuvent être plus variées. « Les raisons de commander un audit évoluent depuis l’entrée en vigueur du WLTP et de la loi d’orientation des mobilités (LOM), et alors que de nombreux collaborateurs ne voient plus le véhicule comme une récompense ou une valorisation de leur statut », avance Mathilde Hillebrand.
« Il commence aussi à y avoir une vague de demandes liée aux contraintes de transition énergétique, valide Robert Maubé pour RRMC. Les entreprises veulent savoir comment verdir leur parc ou réduire sa taille. Il faut alors arbitrer entre contrainte écologique et contrainte économique. » « Au Plessis-Robinson, l’audit annuel m’aide à projeter les achats de véhicules. L’objectif est de maintenir la flotte à jour et de la verdir, avalise David D’Amario, responsable transport et garage. Mon but est en effet de faire reculer la sinistralité et le budget carburant grâce à l’intégration de modèles verts. »
Dans ce contexte, le principal questionnement concerne la car policy. « Plus que la recherche d’économies, c’est le sujet de l’évitement des coûts qui habite tous les esprits. De même, les clients veulent limiter les émissions de CO2 plutôt que les diminuer. Ils cherchent généralement à rester sous les 138 g/km pour que les véhicules ne soient pas malusés. Mais ils se demandent s’ils doivent pour cela prendre des véhicules plus chers, sachant que certaines options impactent directement les émissions de CO2 et donc le malus associé », explique Arnaud Perrin pour Ressource Consulting.
Faire les bons choix
Dans ce cadre, les clients d’Arnaud Perrin s’interrogent notamment sur l’hybride : « Ils se demandent pour quel type d’usage cette solution est pertinente d’un point de vue pratique, environnemental et économique. Nous avons récemment accompagné une entreprise qui testait l’hybride et voulait chiffrer son impact réel sur les émissions de CO2 et le budget. Les résultats sont édifiants et conduisent à la prudence si l’on dépasse la dimension image », complète-t-il.
Autre tendance de fond : « Nous avons des demandes toujours plus fréquentes d’audit sur la partie “usage” des véhicules, souvent portées par des directions générales, note Maxime Sartorius pour Direct Fleet. L’entreprise veut choisir entre affectation des véhicules ou gestion en pool, passer du thermique à l’électrique, etc. Cela nécessite toutefois un travail plus technique à l’échelle micro, avec des tests ou de la télématique embarquée. » « Pareillement, nous sommes de plus en plus sollicités sur les solutions alternatives de mobilité et les notions de crédit et de forfait mobilité sont de plus en plus évoquées dans les échanges, signale Arnaud Perrin. Selon leur degré de maturité, les entreprises nous demandent de les aider à dimensionner des solutions déjà en place comme l’autopartage ou bien de travailler sur les avantages en nature. »
Quels qu’en soient les objectifs, l’audit se déroule ensuite en cinq grandes étapes : la collecte d’informations, les entretiens avec les parties prenantes, l’analyse des données, la rédaction d’un rapport et sa restitution (voir l’article). À l’issue de ce processus, le commanditaire dispose d’un état des lieux chiffré de sa flotte et d’une liste de préconisations. Mais que peut-il concrètement en tirer ?
Quels résultats en tirer ?
Au Plessis-Robinson, grâce aux audits annuels, « les services portent un intérêt plus précis au travail réalisé avec les véhicules et nous avons ainsi des modèles plus adaptés », se félicite David D’Amario. Les audits ont aussi souligné que la sinistralité a reculé de 38 % depuis l’intégration de modèles électriques, hybrides et GNV. « Et j’ai noté sur une année une baisse de kilométrage d’environ 9 % toutes activités confondues, indique ce responsable transport et garages. La crainte de manquer de carburant incite les agents à optimiser leurs trajets et à éviter des déplacements personnels qui ne sont normalement pas autorisés. En outre, l’audit permet de contrôler le nombre de kilomètre parcourus et de vérifier si ceux-ci sont justifiés, ajoute-t-il. De fait, l’audit amène obligatoirement les agents à dévoiler la véritable utilisation des véhicules. »
De son côté, Médecins Sans Frontières attend de son futur audit « un benchmark et des règles génériques à appliquer pour dimensionner nos RH, nos moyens mécaniques pour les entretiens journaliers, le temps de conservation des véhicules, etc. L’idée est par exemple de définir qu’il faut un gestionnaire de flotte par tranche de 100 véhicules, anticipe Daniel Moglia. Nous voulons aussi une proposition de programmation du changement en plusieurs étapes. » De manière plus large, « le client retire généralement deux choses de l’audit, affirme Mathilde Hillebrand pour Aficar Consulting. Il prend conscience de ce que pèse sa flotte, au travers d’un budget global que l’on décompose poste par poste. Et il obtient des informations sur l’optimisation atteignable par sujet et par famille d’achats. »
Avec aussi et surtout des solutions à la clé. « La plus basique reste la réorientation du parc avec une nouvelle car policy », pointe Julien Chabbal pour Alphabet. « Bien souvent, l’optimisation passe par la construction d’un catalogue en adéquation avec le marché et les besoins, d’où l’importance de suivre les bonnes pratiques pour le maintenir à jour, confirme Mathilde Hillebrand. Il y a fréquemment une sur ou une sous-qualité des véhicules par rapport aux besoins, poursuit-elle. Un véhicule qui n’est pas assez grand entraînera une démultiplication des trajets et donc une hausse des coûts indirects ; ou bien un client qui choisit une unique motorisation pour toute la France risque d’avoir une surconsommation de carburant en montagne si la motorisation n’est pas suffisante. »
Autre illustration : « L’un de nos clients avait une seule catégorie pour tous les commerciaux, relate Maxime Sartorius pour Direct Fleet. En créant deux catégories, une junior avec des Clio 5 places et une senior avec des véhicules plus statutaires, nous avons réussi à générer 10 % d’économies sur le TCO. »
Multiplier les échanges en interne
Mais les solutions ne sont pas toujours évidentes : « Nous avons eu un cas où la DRH voulait introduire une berline dans une catégorie intermédiaire de personnel qui ne comprenait jusque-là que des compactes. La direction financière s’y opposait, arguant que tous les collaborateurs voudraient prendre la berline, entraînant probablement une dérive budgétaire, rapporte Arnaud Perrin pour Ressource Consulting. Dans ce contexte, un travail en interne doit permettre de statuer sur le maintien de ce segment et les conditions de mise à disposition. Dans le cas présent, un système de participation progressive du collaborateur a été envisagé pour compenser le surcoût, poursuit-il. À noter que ce système de participation peut aussi être utilisé pour inciter au choix de modèles à faibles émissions ou encore pour limiter les options. »
Une meilleure gestion des fournisseurs est aussi souvent au cœur des résultats de l’audit. « Nous recommandons généralement la centralisation pour éviter d’avoir trop de fournisseurs qui pourraient faire doublons, rappelle Mathilde Hillebrand. Au-delà des prix, l’idée est de bâtir des partenariats avec un bon niveau de service. » « De même, des entreprises choisissent de travailler avec un seul loueur qui n’est pas forcément pertinent pour tous les modèles ou toutes les configurations, commente Arnaud Perrin. Nous leur montrons qu’à partir d’un certain nombre de véhicules, il est utile de sourcer un second loueur. » Enfin, l’audit amène à se pencher sur l’aspect organisationnel, « comme en recommandant de passer d’un renouvellement au fil de l’eau à des campagnes de renouvellement, ce qui aide à gagner en productivité », ajoute Arnaud Perrin. « Nous sommes souvent conduits à préconiser l’utilisation d’outils informatiques et la répartition des tâches », complète Maxime Sartorius. Reste à savoir si les recommandations de l’audit seront ou non appliquées par la suite…
« En moyenne, neuf clients sur dix transforment l’audit et déploient les solutions préconisées », évalue Mathilde Hillebrand. Pour RRMC, Robert Maubé définit trois types de clients : « Ceux qui comprennent que les recommandations forment un tout et les appliquent systématiquement, ceux qui mettent le rapport dans un tiroir et ceux qui font à la découpe au risque de dénaturer les conclusions et parfois d’être contreproductifs. En moyenne, 80 % de mes clients appliquent 80 % des recommandations. »
Et des clients s’organisent seuls : « Suite à une mission de cinq jours auprès d’une petite flotte, les gestionnaires ont totalement revu leurs modes de gestion en moins d’un an : ils ont refait les appels d’offres auprès des constructeurs et des loueurs, déployé un logiciel de gestion et redéfini de fond en comble la car policy qu’ils ont fait accepter par la DRH et la DG », se félicite Robert Maubé.
Quid de l’après-audit ?
Dans d’autres cas, un audit peut amener une deuxième mission d’accompagnement sur des actions correctives. « Avec typiquement la refonte de la car policy, le lancement d’un appel d’offres, etc. C’est assez fréquent mais pas systématique. Parfois, cela fait partie dès le départ de la mission initiale, souligne Maxime Sartorius. À titre d’illustration, une entreprise du CAC40 nous a sollicités en 2011 pour une mission de conseil. La direction des achats monde, qui n’avait jamais travaillé sur la flotte, voulait un audit très quantitatif. Depuis, nous les accompagnons chaque année pour suivre l’évolution du parc, le référencement des loueurs et constructeurs à l’échelle internationale, et la relation avec les fournisseurs. »
Alphabet recommande pour sa part la tenue d’audits réguliers et ciblés. « Nous effectuons a minima un focus annuel avec nos clients pour évaluer les tendances, avise Julien Chabbal. La loi de finance change tous les ans si bien qu’il faut vérifier que la car policy reste toujours adaptée. Et si un indicateur clé de performance évolue, tel que les frais ou la sinistralité, on peut alors mener un audit plus poussé. »
La consigne est donc claire : face à l’évolution de la législation et des réglementations, des technologies et des solutions de mobilité, mais aussi des attentes des entreprises comme des conducteurs, les gestionnaires de parc doivent rester en veille et si besoin remettre en cause les choix et les pratiques liés à la flotte. Et pour cela, l’audit constitue une méthode efficace, qu’il soit pratiqué en interne ou par des prestataires externes, à condition de tenir compte de ses conclusions…
QUI EST COMMANDITAIRE DE L’AUDIT ?Lorsqu’il est réalisé par un prestataire externe, l’audit peut être commandé par différents types de personnes. « Les demandes proviennent généralement de services spécialisés qui ont conscience qu’il y a des choses à améliorer ou ont besoin d’aide pour une remise à niveau, indique Maxime Sartorius, dirigeant de Direct Fleet. Le commanditaire est un poste opérationnel plutôt que stratégique : c’est souvent quelqu’un de la direction, des services généraux ou du département qualité, qui a besoin d’une vision globale et de perspectives. » |
QUELLE FACTURATION POUR UN AUDIT ?Vous souhaitez faire appel à un prestataire externe pour réaliser un audit ? Sachez que comme pour d’autres missions de conseil, il y a deux modalités de facturation : le forfait fixe ou la rémunération au succès (« success fees »). |
DES DÉLAIS À PRENDRE EN COMPTEUn audit de la flotte nécessite un investissement en temps. « Le délai de réalisation s’élève à deux à trois semaines au moins, sachant que la plupart des audits durent entre quatre et huit semaines », informe Arnaud Perrin, dirigeant de Ressource Consulting. « En pratique, les délais dépendent de la taille de la flotte, complète Mathilde Hillebrand, directrice et associée d’Aficar Consulting. Plus il y a de véhicules, plus il y a de fournisseurs et de données. Cependant, la collecte de données sera facilitée dans un parc important s’il est bien structuré et bien géré. » |
Dossier - Audit des flottes : pourquoi auditer son parc ?
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- David D’Amario, ville du Plessis-Robinson : « L’objectif est de réduire la flotte intelligemment »
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- Audit : les cinq grandes étapes