
Optimiser la gestion de la flotte grâce à l’auto-partage ? Une évidence, répondront de nombreux gestionnaires de parc… toutefois confrontés à une mise en place difficile. En cause : les réticences de certains collaborateurs à se voir privés de leur voiture. Mais pas seulement : mutualiser par le biais d’un pool suppose une gestion complexe : pour le suivi de l’entretien, la mise à disposition des clés, le système de réservation.
« Pour les entreprises, les voitures de service sont difficiles à mutualiser », constate Benoît Chatelier, associé fondateur et directeur du développement de Carbox, spécialiste de l’auto-partage. Preuve de l’intérêt...
Optimiser la gestion de la flotte grâce à l’auto-partage ? Une évidence, répondront de nombreux gestionnaires de parc… toutefois confrontés à une mise en place difficile. En cause : les réticences de certains collaborateurs à se voir privés de leur voiture. Mais pas seulement : mutualiser par le biais d’un pool suppose une gestion complexe : pour le suivi de l’entretien, la mise à disposition des clés, le système de réservation.
« Pour les entreprises, les voitures de service sont difficiles à mutualiser », constate Benoît Chatelier, associé fondateur et directeur du développement de Carbox, spécialiste de l’auto-partage. Preuve de l’intérêt des entreprises pour une solution externalisée, Carbox connaît un développement rapide, avec un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros en 2011. D’autres acteurs sont venus compléter cette offre : le loueur ALD Automotive avec ALD sharing qui propose un service d’auto-partage depuis la fin 2010, ou plus récemment Alphabet avec Alphacity, lancé il y a deux ans mais renouvelé avec des modalités et des ambitions nouvelles.
Les offres d’auto-partage privé et public se rejoignent
À côté de ces acteurs traditionnels de la location automobile aux entreprises, d’autres prestataires se positionnent. Orientés vers les particuliers, Autotrement à Strasbourg ou Autolib’ à Paris intéressent les entreprises. À Marseille, Nicolas Belaube, chef de groupe opérationnel chez Autopartage Provence, estime que les professionnels constituent 20 % de sa clientèle : majoritairement des TPE du type cabinets d’avocats ou des professions libérales comme les infirmières.
À Strasbourg, Jean-Baptiste Schmider confirme son implantation sur le marché des entreprises. « Depuis trois ans, nous nous adressons aux PME, professions libérales et commerçants pour lesquels nos véhicules remplacent un véhicule professionnel dont ils n’ont pas besoin à temps plein. Cette clientèle représente 15 à 20 % de nos contrats, et entre 35 et 40 % d’usage de nos 120 voitures », détaille le directeur d’Autotrement.
Parmi les clients du prestataire strasbourgeois, le bureau d’études OTE basé à Illkirch dans le Bas-Rhin (67). « Notre parc comporte huit véhicules de direction et sept véhicules de société. Dans le cadre de notre politique interne liée aux déplacements, nous encourageons le recours aux transports en commun ; des salariés viennent donc sur le lieu de travail en tramway ou en train et tram. Pour leur permettre de se rendre aux réunions de chantiers ou rendez-vous extérieurs, nous avons signé une convention avec Autotrement en 2008 », décrit Agnès Haermmelin, responsable des achats d’OTE.
OTE partage les véhicules en interne et avec ses voisins
Un premier véhicule a été implanté sur le parking d’OTE et un deuxième s’est ajouté en 2011 pour répondre à une demande croissante. « Nous sommes totalement satisfaits, indique la responsable, d’autant que le système de réservation par internet est très pratique et rapide ». Seul inconvénient : « Les véhicules sont aussi à disposition du voisinage. Mais en cas de non-disponibilité, nos salariés peuvent facilement rejoindre une autre station Autotrement par tramway. »
Le choix d’un prestataire généraliste expose en effet l’entreprise à des contraintes. « Nous restons sur une offre classique b to c », prévient Jean-Baptiste Schmider, pour Autotrement. Pour la rentabilité du prestataire, les véhicules doivent donc être impérativement mutualisés entre tous les utilisateurs potentiels et ne peuvent rester stationnés sur les parkings des entreprises sans être accessibles aux particuliers. Les prestataires proposent néanmoins quelques ajustements pour les entreprises : « Pas de cartes nominatives et des remises en fonction des volumes », poursuit Jean-Baptiste Schmider.
Les prestations d’auto-partage peuvent aussi être proposées en sur mesure, selon les besoins de l’entreprise ou de la collectivité. Ainsi, à Neuilly-sur-Seine en région parisienne, Mopeasy a créé la plate-forme de réservation en ligne monautopartage.fr afin de gérer les voitures en auto-partage de la ville. Plus récemment, Mopeasy s’est engagée dans « l’intermodalité » par le biais d’un partenariat avec la SNCF, pour proposer un service d’auto-partage pour les particuliers en gare de Noisy-Champs, toujours en région parisienne.
Mopeasy offre aussi aux entreprises et administrations un système de mutualisation qui peut s’ouvrir à des entreprises voisines. Établissement public d’aménagement de Marne-la-Vallée, l’EPA-Marne a opté pour cet outil : « La démarche qui justifie l’installation de l’auto-partage était simple : nous avons été nommés pôle d’excellence de la ville durable du Grand Paris en 2008 avec le Cluster Descartes, un pôle d’activité scientifique ; nous ne pouvions avoir le titre de ville durable sans présenter une attitude exemplaire », explique Mathilde Charpentier, directrice de la communication et des relations publiques d’EPA-Marne. Qui envisage d’élargir ce service à d’autres entités publiques et privées.
Au total, Mopeasy gère pour l’instant une cinquantaine de voitures dans son parc. « Avec notre système de gestion de clés, nous pouvons ‘‘auto-partager’’ tout véhicule : électrique, thermique, vélo à assistance électrique, Segway », illustre Didier Saint-Gaudin, directeur du prestataire.
Raisonner à plusieurs autour d’une même solution
Autre prestataire d’auto-partage, Carbox. Pour son cofondateur et directeur du développement, Benoît Chatelier, Carbox s’inscrit dans une relation b to b totalement différente des solutions destinées aux particuliers : « Les systèmes grand public et les nôtres n’ont rien à voir. Nous avons une stratégie d’investissements dans les systèmes informatiques pour gérer l’auto-partage de chaque client en tenant compte de ses spécificités, avec la gestion des droits, des reportings, des contrôles ou des badges. »
Un système d’auto-partage qui ne se limite d’ailleurs pas à un usage professionnel mais s’étend aussi à l’usage privé des collaborateurs. Les salariés peuvent louer les voitures pour se déplacer en week-end ou en soirée. « Les véhicules en auto-partage sont venus couvrir les besoins des utilisateurs et de ceux qui n’avaient pas de voiture. Ce sont principalement les jeunes salariés qui en sont utilisateurs : parce qu’ils n’ont pas de véhicules de service et parce qu’ils emploient les voitures en auto-partage également pour leurs trajets personnels le week-end », observe Anna Le Rest, ingénieur conseil marchés énergies et chef de projets offres innovantes pour Vinci Facilities. Pour l’auto-partage, le spécialiste du FM fait appel à l’offre de Carbox. À noter que cet usage personnel de l’auto-partage peut aussi contribuer à rentabiliser le service, au moins partiellement.
Étendre l’auto-partage à l’usage personnel des véhicules
« Chaque utilisateur bénéficie d’une enveloppe budgétaire à partir de laquelle Carbox impute les sommes effectivement dépensées au titre de ses déplacements personnels », avance Benoît Chatelier. Un bénéfice supplémentaire pour les entreprises qui peuvent réduire, grâce à l’auto-partage, la taille de leur flotte de véhicules de service de l’ordre de 30 à 40 %, estime le responsable. Ce mode d’organisation a aussi des conséquences sur le budget taxis, en recul de 30 %, alors que le prix par kilomètre d’une voiture en auto-partage revient à « environ 0,50 euro/km contre 2 euros/km pour un taxi », note le représentant de Carbox.
Reste que l’offre d’auto-partage ne peut se substituer intégralement aux taxis. Puisqu’ils doivent revenir systématiquement au sein du pool de l’entreprise, les véhicules en auto-partage ne peuvent assurer des trajets courants, comme ceux vers les aéroports. Si certains voient une limite dans cette contrainte du retour au point de départ, d’autres y voient une opportunité de reconsidérer le rôle de la voiture dans l’entreprise… et d’étoffer l’offre de services.
Ainsi, Carbox propose depuis le début de l’année une prestation de « crédit mobilité » pour la prise en charge de ces trajets « complémentaires » à l’usage de la flotte en auto-partage. Une offre qui ouvre aux salariés un budget pour des véhicules en LCD, des trajets en taxi, train ou avion selon leurs besoins.
Chez Carbox, ce retour systématique au lieu de départ constitue une opportunité pour élargir l’accès à la voiture aux salariés mais aussi pour intégrer des modèles électriques. « L’électrique peut contribuer à la multiplication des services en auto-partage, avance Didier Blocus, responsable d’ALD sharing et du développement des véhicules électriques d’ALD Automotive. Ces voitures sont employées pour des trajets courts, avec des retours sur site pour recharger », complète-t-il.
Le véhicule électrique a sa place dans l’auto-partage
ALD sharing a lancé son service d’auto-partage fin 2010 avec une première flotte pour le personnel de la Société Générale, maison-mère d’ALD, avec cinq véhicules dont un électrique à La Défense. Plus récemment, en août 2011, ALD sharing a mis en place plusieurs modèles électriques pour le siège de Bosch.
Si l’intégration de ces véhicules peut limiter de fait la consommation de carburant et abaisser les émissions de CO2, elle expose néanmoins l’entreprise ou la collectivité à la prise en charge du coût des infrastructures. « Avant l’intégration des véhicules électriques, nous proposons à nos clients une étude complète de leurs besoins, des conseils sur les infrastructures de chargement et le coût énergétique », avertit Didier Blocus. Thermique ou électrique, l’auto-partage peut générer des économies, à condition de bien y réfléchir en amont.