
La notion de développement durable est partout. Dans les rapports annuels des constructeurs, dans les déclarations de leurs dirigeants et dans les stratégies annoncées. S’enracine-t-elle pour autant dans les actes ? Après plusieurs années, un historique s’est constitué et au-delà des discours, on peut commencer à parler de maturité de l’industrie automobile dans sa capacité à limiter son empreinte sur l’environnement, au-delà du véhicule lui-même.
La maturité, on peut déjà la lire dans les méthodes évoquées par différents constructeurs. Ne serait-ce qu’avec la certification ISO 14001, condition sine qua non pour qu’une politique verte puisse...
La notion de développement durable est partout. Dans les rapports annuels des constructeurs, dans les déclarations de leurs dirigeants et dans les stratégies annoncées. S’enracine-t-elle pour autant dans les actes ? Après plusieurs années, un historique s’est constitué et au-delà des discours, on peut commencer à parler de maturité de l’industrie automobile dans sa capacité à limiter son empreinte sur l’environnement, au-delà du véhicule lui-même.
La maturité, on peut déjà la lire dans les méthodes évoquées par différents constructeurs. Ne serait-ce qu’avec la certification ISO 14001, condition sine qua non pour qu’une politique verte puisse être menée à bien et reconnue comme telle. C’est le seul véritable référentiel admis internationalement pour le management environnemental et il implique « un progrès permanent », selon Emmanuel Gros, responsable énergie, hygiène, sécurité environnement de Renault.
Cette certification apporte une véritable dynamique, des audits à réaliser ainsi que l’ensemble des procédures à mettre en œuvre et à faire vivre dans le temps – la certification doit être renouvelée tous les trois ans avec des audits annuels intermédiaires. De fait, le véritable enjeu du développement durable reste justement de s’inscrire dans la durée et de dépasser l’innovation du moment. Ce qui implique une réflexion approfondie très en amont, de la conception des nouveaux sites industriels ou de la rénovation des anciens jusqu’au plus petit geste de tout un chacun.
Penser et repenser des sites éco-responsables
On le comprendra : restreindre l’empreinte sur l’environnement avec un nouveau site est plus aisé qu’avec un ancien. Toyota, qui fabrique sa Yaris à Onnaing près de Valenciennes dans le Nord depuis janvier 2001, a conçu son site industriel dans un esprit « éco-responsable ». Et cela sous tous ses aspects, y compris sa taille. « Nous l’avons construit avec une superficie de 30 % inférieure à celle des usines traditionnelles, en concentrant toutes les activités dans un seul bâtiment, révèle François-Régis Cuminal. Il faut donc que le système soit rationalisé jusqu’à son extrême en écourtant au maximum tout ce qui se passe entre les différentes étapes de la production », poursuit le directeur des relations extérieures de Toyota Motor Manufacturing France.
Les nouveaux sites industriels fonctionnent aussi comme des sites pilotes, à l’instar de l’usine construite par Renault à Tanger, au Maroc. « Il n’y a aucun rejet liquide à Tanger, tout est recyclé », souligne Emmanuel Gros. À l’inverse, les anciens sites industriels sont remis au goût du jour. « Mais il plus difficile de maîtriser la consommation d’eau sur notre site de Sochaux dont l’alimentation en eau est restée sur un schéma de 1910 », note François Desmonts, responsable environnement industriel du groupe PSA. Ce qui suppose de mettre en place des process économes en eau et adaptés à la structure de l’usine.
Neuves ou pas, de nombreuses usines ont mis en œuvre des politiques qui ont d’abord visé la consommation d’énergie et d’eau, et c’est sans doute dans ce domaine que les résultats les plus probants ont été obtenus. « Réduire notre consommation et notre empreinte sur l’environnement sont liés », observe Emmanuel Gros, pour Renault.
Opter pour une énergie moins polluante
Pour les sites plus anciens, les systèmes de chauffage au fuel ou au charbon ont petit à petit été éliminés et remplacés en faisant appel à des combustibles moins polluants, comme le gaz ou le bois. C’est vrai du groupe PSA qui mène actuellement deux grands projets de modernisation des chaufferies centralisées des usines de Sochaux et de Mulhouse pour installer d’ici l’an prochain des chaudières au gaz les moins polluantes possibles.
Dans ce registre, si beaucoup a été fait selon les constructeurs, il reste encore des marges de manœuvre, entre autres avec la biomasse, un combustible encore moins polluant.
« Nous nous sommes attachés dans un premier temps à diminuer et supprimer les impacts soufrés ; aujourd’hui, le principal enjeu reste de faire reculer les émissions de NOx », reprend Emmanuel Gros, pour Renault. Bien connus des motorisations diesels, les NOx ou oxydes d’azote, sont des polluants qui émanent de l’usage conjoint des combustibles fossiles et des procédés industriels.
Éviter les consommations inutiles d’énergie
La problématique de la consommation d’énergie n’est pas seulement affaire de technologie, mais aussi de process. « Notre objectif est de faire en sorte que dès lors que l’on ne produit pas, on ne consomme pas, avance François Desmonts, pour PSA. Nous avons établi des procédures pour arrêter et redémarrer les installations dans les meilleures conditions pour la consommation d’énergie, et cela par le biais d’une surveillance permanente atelier par atelier. Nous n’y sommes pas encore complètement car certains équipements de sécurité consomment de l’énergie même quand les ateliers ne produisent pas », relate-t-il.
Mais ce sont les énergies renouvelables qui offrent les meilleures perspectives environnementales et les sites les plus récents en bénéficient plus volontiers. L’usine de Renault à Tanger s’est mise au solaire tandis que celle de BMW de Leipzig, qui fabrique la BMW i électrique, a fait le choix de l’éolien.
Pour sa part, l’usine française de Toyota à Onnaing a installé dès 2007 une centrale de production solaire de plus de 1 000 m2 et trois ans plus tard, un mur solaire de 400 m2, avec à la clé une économie de 15 à 25 % sur l’unité de chauffage du bâtiment, selon François-Régis Cuminal.
L’autre grand sujet de l’environnement reste celui de la maîtrise et de la baisse des émissions toxiques dans l’air et dans l’eau, très lié au précédent, puisque la façon de consommer de l’énergie joue aussi sur les rejets dans l’atmosphère.
Pour les rejets dans l’eau par exemple, l’une des préoccupations majeures reste celle des solvants utilisés notamment dans les ateliers de peinture. Il existe maintenant des peintures « hydrodiluables », qui nécessitent beaucoup moins de solvants pour être appliquées car l’eau suffit. Seul problème, « ces nouvelles techniques ne peuvent se faire dans les ateliers anciens : il faut donc rénover de fond en comble », évoque François Desmonts, pour PSA. Dans le site historique de Sochaux, PSA renouvelle petit à petit les lignes de production des ateliers de peinture pour faire en sorte d’introduire des technologies qui recourent à beaucoup moins de solvants. « Notre plus vieille usine sera à la pointe de l’innovation », se réjouit François Desmonts.
Un impératif industriel : le recyclage de l’eau
Par ailleurs, la législation en vigueur doit être respectée. Pour les rejets dans l’eau, celle-ci s’inspire d’une directive européenne qui demande l’analyse de nombreuses substances. « Les rejets de ces substances doivent être contenus dans une fourchette de mesures règlementées », souligne François Desmonts. Les constructeurs possèdent donc des installations pour retraiter les eaux, séparer les huiles et différentes autres substances considérées comme toxiques, comme le zinc et le nickel.
En 2008, à Onnaing, Toyota a ainsi inauguré un premier bassin pour la récupération des eaux de pluie d’une capacité de 6 000 m3 ; un second lui a été adjoint, avec une capacité de 10 000 m3. « Nous disposons désormais d’une station de recyclage des eaux qui correspond à celle d’une ville de 15 000 habitants, explique François-Régis Cuminal. Cette station se compose de deux parties, la première assure un traitement physico-chimique qui sépare essentiellement les métaux de l’eau ; la seconde assure un traitement biologique grâce à un nombre considérable de bactéries qui absorbent la pollution organique », décrit le responsable.
Généralement, les constructeurs passent des accords avec les communes où se trouvent leurs usines et qui ont une station de retraitement des eaux. S’il n’y a pas de station, les constructeurs la bâtissent et « la remettent à niveau périodiquement », note Emmanuel Gros, de Renault.
À noter que parmi les ratios les plus souvent valorisés par les constructeurs, on retrouve celui de l’eau nécessaire pour produire un véhicule. Pour illustration, le groupe Ford met en avant le chiffre de 4,7 m3 d’eau par véhicule fabriqué en 2011, contre 7,9 m3 cinq ans plus tôt.
Le troisième grand thème sur lequel les constructeurs ont beaucoup travaillé reste la réutilisation ou le recyclage des déchets. Avec, là encore, une réglementation touffue et rigoureuse. On peut citer le cas des solvants utilisés chez Toyota et réutilisés une seconde fois pour des process qui nécessitent des solvants moins purs. Ou celui des sables chez PSA, « régénérés, nettoyés et réemployés dans le processus, selon François Desmonts. Certes, il y a toujours un peu de perte qui nous oblige à racheter un peu de sables nouveaux, mais nous n’en rejetons plus, cela devient un processus perpétuel », constate-t-il.
Mais au-delà de l’innovation, le recyclage suppose des process bien rôdés qui impliquent la plupart des salariés dans les usines. Ce qui constitue sans doute l’un des aspects les plus complexes de la tâche.
Une gestion des déchets à penser très en amont
« La difficulté reste que personne ne compte les déchets de la même manière, il est donc difficile d’établir des benchmarks », pointe Emmanuel Gros, de Renault. La méthode est alors un peu empirique, basée sur une idée assez couramment partagée : meilleur est le tri des déchets, meilleurs sont leur valorisation et leur recyclage.
À l’image du groupe PSA, certains constructeurs se donnent comme objectif de parvenir au « zéro décharge ». Ce qui suppose de penser le recyclage dès la commande des produits aux fournisseurs, afin que le plus grand nombre de matières livrées, des plus simples comme l’emballage aux plus complexes, soit conforme à un certain nombre de spécifications. Cela peut aussi passer par l’exigence exprimée vis-à-vis des fournisseurs d’être certifiés ISO 14001.
La revalorisation est la meilleure façon de recycler ces matières qui deviennent des « matières premières secondaires ». Une solution qui n’est pas toujours valable. « Certains déchets dangereux sont traités spécifiquement, par incinération notamment », observe Emmanuel Gros.
Toyota possède de son côté des incinérateurs « régénératifs » qui cassent les composés organiques volatils (COV) présents dans les solvants. « Ce sont des chaînes carbonées longues et de ce fait polluantes, il faut les brûler à plus de 800 ° pour ôter leur nocivité », explique François-Régis Cuminal. Au sein de l’usine, trois installations de ce type préchauffent les chambres de céramique. Le chauffage est ensuite maintenu de manière autonome grâce au craquage des COV qui libère de la chaleur, ce qui permet donc de brûler les COV. « Le système tourne tout seul, cela permet de ne pas consommer de gaz et nous pouvons ainsi traiter 99 % de nos rejets dans l’air », ajoute le représentant de Toyota.
La politique verte des constructeurs est sur les rails depuis longtemps. Mais peuvent-ils limiter encore leur empreinte environnementale ?
Réfléchir pour aller encore plus loin
Oui, sans doute. Des marges de manœuvre demeurent avec l’innovation, mais il faut aussi consolider l’existant, avec des améliorations parfois plus mineures. Ainsi, Toyota réfléchit à plusieurs projets pour son usine d’Onnaing, du passage progressif de l’éclairage néon, très gourmand en énergie, aux LED, nettement moins énergivores. Sur la piste verte, toutes les bonnes idées sont étudier.
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