« L’autopartage accroît la mobilité tout en diminuant la taille des parcs d’environ 20 % », résume Alexandre Bol, cofondateur d’OpenFleet. « Et ce, tout en garantissant la même qualité de déplacement », complète Alexandre Fournier, directeur marketing et communication de Mobility Tech Green. En tordant le cou à une idée reçue : « L’autopartage ne se destine pas qu’aux grandes entreprises. Les PME s’y mettent et y viendront plus encore après la crise sanitaire afin d’optimiser les dépenses liées au budget automobile. »
Certes, les derniers mois ont été marqués par la crise sanitaire et la plupart des projets d’autopartage ont été arrêtés. Mais avec l’après-covid, les entreprises vont devoir faire des économies et le poste véhicules sera concerné. Ce qui tombe bien car les entreprises qui intègrent l’autopartage en attendent aussi des gains. « Elles veulent rationaliser leurs véhicules dont la plupart ont un taux d’utilisation de 5 à 10 %, et verdir la flotte dans le cadre de la RSE », expose Jérémy De Sa Ferreira, responsable grands comptes et développement commercial chez Ubeeqo.
Optimiser la mutualisation
Un constat particulièrement valable avec les véhicules de service, « souvent attribués par facilité. Et quand ils sont partagés, ils sont majoritairement sous-employés du fait de l’absence de solution technologique adaptée. L’autopartage les propose alors à un plus grand nombre de salariés et optimise leur utilisation », avance Marie Foltzer, directrice du développement chez glide.io.
Parmi les avantages de l’autopartage en mode numérique : une disponibilité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, sans l’intervention d’un collaborateur. Exemple à Toulouse où OpenFleet a remplacé le pool de trente véhicules d’une entreprise par de l’autopartage. « L’assistante de direction passait 30 % de son temps à gérer le service et donner les clefs. Elle devait être présente à des horaires atypiques pour les récupérer. L’autopartage a fait économiser ce tiers temps », relate Alexandre Bol.
Pour les collectivités, l’autopartage peut aussi constituer un atout. Ce dont est convaincu le département de l’Essonne qui l’a testé avec vingt véhicules et le loueur Arval, à partir de novembre 2019. « Du fait de la configuration des locaux dans la plupart de nos sites, nous ne pouvions pas recourir aux boîtes à clefs car il aurait fallu installer des locaux sécurisés. Le conducteur allait donc chercher les clefs et la pochette auprès d’un agent dans le service, détaille Sandrine Lauraire, gestionnaire du parc. Ce qui posait un problème de disponibilité du véhicule à certains horaires ou pour le retour des clefs. De fait, des services avaient tendance à laisser la pochette et les clefs en libre-service. Un vrai souci. »
L’autopartage a résolu ces problèmes : « Nous sommes passés à six conducteurs en moyenne par véhicule alors que nos véhicules n’étaient auparavant pas assez mutualisés. Et il arrivait que le conducteur oublie de rendre les clefs ou la pochette avec les papiers. Le véhicule était alors immobilisé », rappelle Sandrine Lauraire (voir le témoignage ci-dessus).
Réduire la flotte
Mais le premier gain de l’autopartage reste de réduire la taille du parc. « Chez un client, un pool de 300 véhicules de service a pu être remplacé par cent véhicules partagés, illustre Jérémy De Sa Ferreira pour Ubeeqo. Le ratio de trois pour un est une moyenne assez cohérente. » De son côté, Mobility Tech Green met en avant la ville de Saint-Nazaire : avant de passer à l’autopartage, les véhicules roulaient 5 % du temps sur une journée, contre 35 % désormais.
« Au final, les gains peuvent atteindre 40 % si la flotte était peu optimisée et les véhicules sous-employés, d’autant que l’entreprise économise sur la personne chargée des réservations », note Jérémy De Sa Ferreira. « Nous évitons aussi les IK, toute la gestion administrative et la LCD grâce à la nouvelle génération de véhicules électriques qui peuvent effectuer de longs déplacements », ajoute Vincent Huille, chef de projet autopartage d’Engie, à la tête de vingt véhicules électriques partagés.
« Au démarrage, c’est plus cher du fait de l’acquisition des boîtiers, soit 350 euros, et du coût de l’abonnement mensuel. Mais nous pensons rentabiliser la solution au bout de trois ou quatre ans grâce à la baisse de la taille du parc, à une moindre utilisation des voitures personnelles pour des missions et donc à une diminution des IK », anticipe Sandrine Lauraire.
Qui mise aussi sur une meilleure traçabilité : « Parfois, le conducteur ne remplissait pas le carnet de bord. Maintenant, nous savons qui conduisait et à quelle heure. C’est utile en cas de contravention. Nous allons aussi mieux connaître les usages, les taux d’utilisation et le nombre de kilomètres parcourus. Ce qui va contribuer à adapter le nombre de véhicules partagés à la hausse ou à la baisse, et à mieux les répartir entre sites », anticipe cette responsable.
Selon la technologie et le type d’ouverture, « le boîtier coûte entre 250 et 400 euros. Pour une ouverture par badge, il faut ajouter un lecteur RFID derrière le pare-brise. Cette solution est donc un peu plus chère », explique Alexandre Bol pour OpenFleet. Ensuite, vient s’ajouter un abonnement mensuel qui dépend du niveau de service offert. OpenFleet, qui fournit uniquement la solution et une hotline d’assistance, facture vingt euros par véhicule.
L’autopartage permet aussi de créer un service de mobilité supplémentaire. Chez Engie, les salariés du siège de La Défense, des sites de Saint-Ouen (93) et d’Engie Solutions à Saint-Denis (93) bénéficient ainsi de vingt véhicules partagés, tous électriques. Les usagers visés sont ceux qui ont besoin de se déplacer ponctuellement.
Créer une nouvelle offre
« Parfois, les trajets sont compliqués en transport en commun, surtout quand il faut emmener un ordinateur ou tout autre matériel : de La Défense à Saint-Ouen, cela prend cinquante minutes en transport en commun mais seulement une demi-heure en voiture. Et pour une réunion, les salariés peuvent aussi covoiturer (avant la crise sanitaire). Cela se fait de manière informelle mais nous allons ajouter cette option sur le site de réservation. Les véhicules servent aussi aux salariés qui se déplacent à Paris et ont laissé leur propre véhicule en région », décrit Vincent Huille, chef de projet autopartage d’Engie (voir le témoignage page 28).
Option supplémentaire chez Mobility Tech Green : le partage de véhicules attribués. « Le véhicule de fonction roule peu. Le conducteur principal peut alors le libérer ponctuellement en renseignant les plages horaires et/ou les dates où le véhicule est libre. Pour le “conducteur secondaire“, le véhicule apparaît simplement parmi le choix des véhicules à disposition. Cela concerne environ 5 % des véhicules proposés », explicite Alexandre Fournier.
Outre la réduction de la taille du parc, « l’ouverture du service à des usages personnels tarifés, le soir et le week-end, améliore encore la rentabilité de la solution », avance Alexandre Bol pour OpenFleet. « Cela peut couvrir jusqu’à 50 % des frais liés à la solution, estime pour sa part Jérémy De Sa Ferreira.
Ouvrir aux trajets privés
Mais des entreprises refusent d’ouvrir le parc partagé à des usages privés, par crainte du manque de disponibilité des véhicules. D’autres n’ouvrent qu’une partie du parc ou limitent l’usage privé au week-end, en excluant les soirées pour s’assurer de disposer des véhicules aux premières heures de la matinée, comme Engie. Autre frein : le logotage. « Nous avons dû, pour autoriser un usage privé, banaliser des véhicules. Pendant le test, il s’agissait de deux Zoé sur les vingt véhicules partagés », explique Sandrine Lauraire pour l’Essonne qui offre cette option pour quinze euros par soirée et trente euros par week-end.