
Depuis une dizaine d’années, les solutions d’autopartage se multiplient. Dernière en date : le système Car2Use d’Athlon ou encore la nouvelle offre de Public LLD. Si bien que le partage d’une partie de leurs véhicules est systématiquement proposé aux gestionnaires cherchant à optimiser leur parc.
Une évolution soutenue par l’arrivée en 2018 du plan de mobilité, obligatoire pour les entreprises regroupant plus de 100 salariés sur un même site. Spécialiste de la communication machine-to-machine et de l’internet des objets, le cabinet Berg Insight estime ainsi que le marché mondial de l’autopartage en entreprise regroupait 35 000 véhicules fin...
Depuis une dizaine d’années, les solutions d’autopartage se multiplient. Dernière en date : le système Car2Use d’Athlon ou encore la nouvelle offre de Public LLD. Si bien que le partage d’une partie de leurs véhicules est systématiquement proposé aux gestionnaires cherchant à optimiser leur parc.
Une évolution soutenue par l’arrivée en 2018 du plan de mobilité, obligatoire pour les entreprises regroupant plus de 100 salariés sur un même site. Spécialiste de la communication machine-to-machine et de l’internet des objets, le cabinet Berg Insight estime ainsi que le marché mondial de l’autopartage en entreprise regroupait 35 000 véhicules fin 2017 et devrait atteindre 136 000 véhicules en 2022. En parallèle, le véhicule électrique est identifié comme une alternative, voire un passage obligé, notamment pour les entreprises et les collectivités dont les véhicules circulent dans des zones urbaines de plus en plus hostiles aux véhicules émetteurs de particules.
Autopartage et électrique étaient donc faits pour se rencontrer. « Tous deux sont adaptés au cycle urbain, leur association est assez évidente », note Vincent Muyllaert, directeur des opérations chez Alphabet. À travers sa filiale Alphacity spécialisée en autopartage, le loueur commence à avoir des entreprises qui optent pour des flottes 100 % électriques et partagées. En boucle ou en trace directe (avec le dépôt du véhicule dans une station différente de celle de départ) pour les déplacements intersites, l’autopartage se destine alors à des trajets plutôt courts et quotidiens, ce qui convient à l’autonomie et aux contraintes de recharge de l’électrique.
De la RSE à la baisse des coûts
Reste à convaincre entreprises et collectivités de se mettre à l’autopartage. « Lorsque nous avons débuté en 2009, les grands comptes voulaient déployer un service d’autopartage électrique uniquement dans un objectif de responsabilité sociale et environnementale (RSE) », relate Alexandre Fournier, responsable marketing et communication de Mobility Tech Green, spécialiste de l’autopartage et de l’écomobilité.
Ce prestataire implantait alors un ou deux véhicules partagés, plus pour des raisons de communication qu’en réponse à des besoins de mobilité. « Mais tout a changé en 2013-2014 suite à l’appel d’offres d’Orange pour déployer des Renault Twizy partagés sur un site parisien, poursuit Alexandre Fournier. Ce contrat a fait basculer la vision des entreprises : Orange visait la réduction des émissions de CO2, mais aussi et surtout celle des coûts et de la taille du parc. Par la suite, tous les grands comptes s’y sont intéressés dans l’optique de diminuer leur budget automobile. »
L’autopartage serait de fait toujours rentable, selon Bruno Flinois, président du prestataire Clem’, chez qui le partage d’un véhicule coûte environ 90 euros par mois. En effet, un véhicule partagé, thermique ou électrique, pourrait en théorie remplacer entre six et dix véhicules, d’après les prestataires. Un chiffre qui reste à vérifier du côté des utilisateurs (voir aussi notre article). Sachant que le potentiel de limitation de la taille et de l’impact environnemental du parc, et le retour sur investissement de la démarche, vont avant tout dépendre de l’usage de la flotte partagée.

Des bénéfices au conditionnel
Avec l’autopartage, une entreprise peut passer par une étape d’expérimentation. C’est le choix de l’équipementier Bosch qui a testé l’autopartage électrique en 2011 sur son site de Saint-Ouen (93) et qui prévoit de le renouveler cette année en offrant un meilleur service. D’autres entreprises choisissent en revanche d’y mettre fin, comme le Centre nucléaire de production d’électricité de Chooz (08) où le système d’autopartage électrique lancé en 2013 n’existe plus depuis 2017.
Lancé en février au Mans (72), le service public d’autopartage électrique Mouv’nGo compte douze Zoé déployées dans six communes. Son coût de fonctionnement annuel est compris entre 10 000 et 11 000 euros TTC. « L’objectif est que les recettes compensent au moins 50 % du coût, le reste étant pris en charge par les communes en tant que service public de transport. Pour cela, il faudrait atteindre environ 200 locations par an et par véhicule par les particuliers », indique Laurent Nicolet, chargé de mission mobilité durable au Pôle Métropolitain Le Mans Sarthe (voir le reportage). Dans ce projet, chacune des six communes concernées a acquis sa propre station tandis que le Pôle Métropolitain a financé la plate-forme de réservation mutualisée. Au total, le projet a nécessité un investissement de 320 000 euros HT. Il incluait aussi l’aménagement d’une route solaire à Écommoy. 60 % de la somme ont été financés par l’État, 10 % par l’Ademe Pays de la Loire, 10 % par la région des Pays de la Loire, 15 % par les six communes volontaires et 5 % par les deux syndicats mixtes.
Autopartage ou mise en pool ?
L’activité d’autopartage est définie par l’article L.1231-14 du Code des transports comme « la mise en commun d’un véhicule ou d’une flotte de véhicules de transport terrestre à moteur au profit d’utilisateurs abonnés ou habilités par l’organisme ou la personne gestionnaire des véhicules. Chaque abonné ou utilisateur habilité peut accéder à un véhicule sans conducteur pour le trajet de son choix et pour une durée limitée. »
Le principe est analogue à celui de la mise en pool d’une flotte, généralement attribuée à un établissement ou un service, mais en facilitant la réservation grâce à des outils logiciels. Selon Alexandre Fournier de Mobility Tech Green, « une entreprise qui fait de l’autopartage conserve encore beaucoup de véhicules en pool, c’est-à-dire non connectés à la plate-forme de gestion. Ce qui est plus complexe en termes de logistique car il faut gérer les clés et leur perte éventuelle. » Fréquemment, l’entreprise bascule un pool existant en autopartage.
Le défi de la rentabilité
Pour rentabiliser une flotte partagée, électrique ou thermique, les prestataires suggèrent en effet d’en ouvrir l’usage aux trajets personnels des salariés ou des agents les soirs et week-ends, voire à des utilisateurs externes. Un raisonnement séduisant mais qui peut rencontrer des limites. Engie Cofely a mis depuis deux ans quatre véhicules en autopartage, en LLD sur trois ans sur son site de Saint-Denis (93), dont deux modèles électriques, une Zoé et une i3. Tous peuvent être loués par les salariés le week-end. « Mais les véhicules ne sont pas toujours rendus en bon état et le système n’est pas encore rentable », témoigne Philippe Diet, directeur Business Line immobilier tertiaire Île-de-France de l’énergéticien.
Mais Philippe Diet reste optimiste. « Des projets sont dans les cartons. Nous avons des sites partout en France et de nombreux parkings, avec un maillage dense puisque nous opérons sur 40 % des immeubles tertiaires. Nos clients nous ont donc suggéré d’y mettre des véhicules en partage. » Et Philippe Diet mise sur électrique : « Le partage des véhicules sera forcément électrique. Je ne crois plus au transport carboné. L’erreur que tout le monde fait consiste à avoir un raisonnement purement comptable : un Kangoo gazole coûte moins cher qu’un Kangoo électrique, qui coûte lui-même moins cher qu’un Kangoo équipé d’un prolongateur d’autonomie à l’hydrogène », déplore ce responsable. Engie Cofely s’appuie entre autres sur 150 véhicules électriques dont 50 fonctionnent à l’hydrogène.
A lire également : notre dossier Véhicules hydrogène : la longue marche des constructeurs
Pour rentabiliser l’autopartage, l’opérateur Clem’ travaille avec des intercommunalités sous la forme de partenariats pour construire une plate-forme BtoBtoC, et démarche ensuite les entreprises situées sur leur territoire. « Lorsqu’il y a des véhicules partagés dans un service de l’entreprise, la plate-forme les ouvre à d’autres services, puis à d’autres entreprises et enfin à d’autres gens. On arrive alors à un taux d’utilisation important », argue Bruno Flinois. Une condition nécessaire à la rentabilité de l’électrique.
Aller plus loin dans le partage
Et le système semble fonctionner : après avoir commencé avec trois stations à Marne-la-Vallée (77) en 2012, Clem’ y gère maintenant 46 véhicules et bientôt 50, à 50 % pour du BtoB et 50 % pour du BtoC. « Certains nous appartiennent, les autres sont détenus par des entreprises et des collectivités, précise Bruno Flinois. Aujourd’hui, plus de la moitié de nos 74 stations de recharge ont atteint un équilibre et sont rentables : la somme des abonnements paie l’autopartage. » Sachant qu’une station bien proportionnée compte une vingtaine d’inscrits par véhicule.
En parallèle, la mise en place des plans de mobilité, voire des plans de déplacement inter-entreprises (PDIE), pourrait pousser les entreprises à partager une flotte. « Nous sommes très sollicités pour les plans de mobilité, mais beaucoup moins pour les PDIE, note Alexandre Fournier de Mobility Tech Green. L’autopartage interentreprises soulève de fait des questions opérationnelles pour l’instant bloquantes, tels le flocage des véhicules, l’assurance en cas d’accident ou l’accès aux bornes et le paiement de la recharge. » Comme pour le véhicule autonome, il va donc falloir trouver un cadre légal adapté. Et l’entreprise doit s’adapter à l’idée de partager des véhicules qui ne sont pas les siens.
PDM et PDIE
À l’inverse, des prestataires d’autopartage public comme Citiz ou Autolib’ proposent aux salariés de recourir à leur réseau pour les trajets domicile-travail mais aussi professionnels. Des offres qui brouillent les pistes entre le parc automobile de l’entreprise et les solutions de mobilité complémentaires, et laissent peut-être entrevoir un avenir pour l’autopartage électrique interentreprises.
Mais avec l’autopartage, surtout électrique, ce sont aussi des bénéfices environnementaux qui sont attendus. Des bénéfices qui dépendent pareillement de l’usage fait des véhicules. Au Mans, l’objectif est que chaque véhicule effectue au moins 1 000 km par mois, soit 12 000 km par an. « Au-delà de 10 000 à 12 000 km par an, les véhicules électriques sont plus intéressants et plus performants que les thermiques sous l’angle environnemental, sachant qu’ils émettent plus de CO2 à la production mais moins à l’usage », explique Laurent Nicolet.
Mais pour Le Mans, se mettre à l’autopartage constitue déjà un bénéfice environnemental en soi : « Nous avons choisi l’électrique car nous voulions mettre en autopartage des modèles peu polluants, sachant qu’encourager la réduction du nombre de véhicules par foyer est déjà une démarche de développement durable », ajoute Emmanuel Franco, maire d’Étival-lès-Le-Mans et vice-président du Pôle Métropolitain Le Mans Sarthe, en charge de la mobilité. Qui revient sur la polémique autour des véhicules électriques dont la production serait plus polluante que celle des thermiques : « Chaque énergie a des points positifs et négatifs. Nous avons donc choisi de faire appel à ce qui nous offre actuellement la possibilité de diminuer les émissions. Et utiliser ces véhicules découle aussi d’une volonté politique de participer à notre niveau à la lutte contre les émissions de particules et de NOx. »
Quels bénéfices environnementaux ?
Dans cet objectif de baisse des émissions polluantes, l’important est aussi de savoir employer la recharge électrique à bon escient, rappelle Bruno Flinois pour Clem’ : « Un véhicule électrique branché pendant un pic de pollution n’a pas grand intérêt puisqu’il émet en moyenne 75 g/km de CO2. Mais si la recharge est effectuée en dehors d’un pic de pollution quand les énergies renouvelables produisent au maximum, il émettra en moyenne 15 g. Et en prenant l’hypothèse que ce véhicule partagé remplace six véhicules, il émet donc en moyenne quarante fois moins de CO2 qu’un véhicule thermique. » Un chiffre qui demeure théorique. Mais comme toujours, l’enjeu reste donc de bien adapter la flotte aux usages.