
« Certaines entreprises lancent un projet d’autopartage sans prendre en compte les usages de mobilité : c’est une erreur, souligne d’emblée Alexandre Fournier, directeur marketing et communication du prestataire Mobility Tech Green (6 500 véhicules dont 20 % d’électriques). Le projet doit être une co-construction avec les collaborateurs. Il faut prendre le pouls de la mobilité en interne pour construire un plan cohérent. Un de nos clients voulait ainsi se lancer avec une centaine de Twizy sur son site. Finalement, après une analyse des usages, nous avons équipé moins de véhicules et choisi plutôt des hybrides rechargeables et quelques Twizy »,...
« Certaines entreprises lancent un projet d’autopartage sans prendre en compte les usages de mobilité : c’est une erreur, souligne d’emblée Alexandre Fournier, directeur marketing et communication du prestataire Mobility Tech Green (6 500 véhicules dont 20 % d’électriques). Le projet doit être une co-construction avec les collaborateurs. Il faut prendre le pouls de la mobilité en interne pour construire un plan cohérent. Un de nos clients voulait ainsi se lancer avec une centaine de Twizy sur son site. Finalement, après une analyse des usages, nous avons équipé moins de véhicules et choisi plutôt des hybrides rechargeables et quelques Twizy », complète-t-il.
Un préalable : analyser les usages
Au départ, l’entreprise doit donc se poser les bonnes questions : « S’il s’agit d’un pool existant, quels sont les usages et veut-on aller au-delà ? La bonne approche peut consister à équiper l’ensemble des véhicules et à affiner ensuite le dimensionnement avec les données d’utilisation. Car il y a souvent un potentiel de réduction », estime Marie Foltzer, directrice du développement de glide.io (ex RCI Mobility). Ce prestataire a équipé plus de 6 500 véhicules, dont 30 % d’électriques.
En revanche, lors de la création d’un nouveau service de mobilité, il est nécessaire d’analyser et de définir les conducteurs éligibles et les usages visés : déplacements inter-sites, rendez-vous de courte durée, trajets plus longs. « Dans une entreprise multi-sites, il peut être intéressant de commencer par une phase d’expérimentation sur un site, puis d’élargir aux autres sites », reprend Marie Foltzer.
« Nous faisons une analyse, un cas d’usage sur la base des utilisations, du nombre de personnes concernées. Si le projet comprend des usages privés le soir et le week-end, il faut alors un peu augmenter la taille du parc partagé », confirme Jérémy De Sa Ferreira, responsable grands comptes et développement commercial d’Ubeeqo, filiale d’Europcar Mobility Group.
« Avec l’autopartage, on ne raisonne pas selon le principe un véhicule-un collaborateur mais un véhicule-un trajet, résume Marie Foltzer. En fonction du trajet prévu, le logiciel choisit le véhicule avec un niveau de charge suffisant, si le trajet est compatible avec l’électrique, ce qui est le plus souvent le cas. » « On apprend en marchant : au départ, on ne sait pas quel sera le taux d’utilisation, valide Vincent Huille, chef de projet autopartage pour l’énergéticien Engie. Pour une bonne pratique, il ne faut jamais mettre un seul véhicule partagé mais au moins deux sur un site » (voir le témoignage).
Dimensionner et paramétrer
L’équilibre est subtil : il faut assez de véhicules pour éviter les ruptures de service mais pas trop car « on obtiendrait l’inverse du résultat recherché avec des véhicules sous-employés, pointe Jérémy De Sa Ferreira. Le critère reste le taux d’utilisation : 60 à 70 %, c’est excellent. Au-delà, il faut ajouter des véhicules. » Et les données remontées par les boîtiers : kilométrage, taux et durée d’utilisation, etc., aident à s’adapter au fil de l’eau.
« Ensuite, il faut définir un certain nombre de paramètres comme la durée d’utilisation minimale et maximale, fixer une durée à partir de laquelle la réservation s’annule si le conducteur n’a pas pris le véhicule, détaille Marie Foltzer pour glide.io. Des paramètres à suivre et affiner, notamment en fonction des retours des collaborateurs. » Ce que confirme Alexandre Fournier pour Mobility Tech Green : « Il faut suivre l’usage réel et éviter que les collaborateurs bloquent le véhicule. Par crainte de ne pas avoir de véhicule, des personnes le réservent sur un créneau beaucoup trop large ou le bloquent pendant plusieurs jours pour seulement quelques heures par jour. Notre solution recourt à des algorithmes pour repérer ces pratiques. En général, la différence entre la demande initiale et le besoin réel diminue avec le temps, surtout si le parc est suffisamment dimensionné pour éviter les ruptures de service et les mauvaises surprises », complète Alexandre Fournier.
Autre clef de la réussite de l’autopartage : l’entretien des véhicules, avancent nos témoins. En mentionnant souvent le contre-exemple d’Autolib’ qui a pâti de l’état des voitures.
« Grâce aux remontées d’informations et selon les modèles d’alerte, le gestionnaire de la flotte sait quand il doit procéder à une révision. Côté propreté, le conducteur doit faire un rapide état des lieux sur son smartphone avant de démarrer. Quand l’entreprise ou la collectivité choisit exclusivement l’utilisation de badges, ces renseignements peuvent être mentionnés dans un carnet de bord », explique Alexandre Bol, cofondateur du prestataire OpenFleet (ex-Koolicar). « En général, il n’y a pas trop de mauvais comportements en entreprise, car contrairement à un service de LCD ou d’autopartage public, le gestionnaire peut aller toquer le lendemain à la porte du bureau du collaborateur qui aurait laissé le véhicule sale ou en mauvais état », ajoute Alexandre Bol.
Un entretien exemplaire
Pour Sandrine Lauraire, la traçabilité responsabilise de fait les agents : « Ils font plus attention. Les véhicules sont plus propres et ils pensent à faire le plein des modèles thermiques. Ils savent que nous pouvons les identifier », expose cette responsable du parc de l’Essonne. Ce département a testé l’autopartage avec vingt véhicules avant un lancement à grande échelle (voir le témoignage).
Quand il s’agit de remplacer des pools, entre autres dans les collectivités, les agents chargés de la gestion de ces véhicules continuent souvent à effectuer le nettoyage et l’entretien. Avec un nouveau service de véhicules mutualisés, une nouvelle personne ou l’opérateur s’en charge.
Chez Engie, glide.io fait intervenir un sous-traitant une fois par mois pour vérifier la pression des pneus, effectuer un nettoyage intérieur et extérieur, rajouter du liquide lave-glace si besoin, etc. « C’est indispensable car un véhicule propre et bien entretenu le restera », affirme Vincent Huille.
Avec Ubeeqo, l’entretien est compris dans le package. « Selon les accords, nous intervenons au moins une fois par mois, le minimum pour garantir un certain niveau de propreté et donc favoriser l’adhésion au service. L’équipe de nettoyage s’assure aussi qu’aucun voyant n’est allumé ou qu’il n’y a pas de dégâts sur le véhicule. Sinon, elle l’immobilise pour l’amener au garage. Les révisions sont prévues grâce aux remontées kilométriques. Ensuite, nous intervenons ponctuellement, en cas de problème relevé par les conducteurs », décrit Jérémy De Sa Ferreira.
Un entretien fait en interne
Pour la ville de Paris, trois agents assurent en interne le nettoyage, l’entretien et l’assistance aux conducteurs des 68 véhicules partagés, à 60 % électriques, qui ont succédé au fonctionnement en pool. « Pour réussir l’autopartage, le véhicule doit être impeccable. Il faut que l’agent trouve que cela fonctionne encore mieux qu’auparavant. Nos trois gestionnaires lavent, nettoient, s’occupent des révisions et amènent les véhicules au garage. Pour les 40 % de véhicules thermiques, ils vérifient aussi les pleins d’essence. Tous les véhicules sont inspectés au moins tous les deux jours. Si nécessaire, ces agents rééquilibrent le nombre de véhicules entre les sites », relate Hervé Foucard, chef du service technique des transports automobiles municipaux.
Une autre recommandation d’Hervé Foucard : passer par un professionnel de l’autopartage et par un logiciel spécialisé est indispensable. « Ainsi, si une personne rend un véhicule en retard, pour cause d’embouteillages par exemple, le logiciel peut directement attribuer un autre véhicule à l’usager suivant. Et c’est nettement plus efficace qu’une boîte à clefs car l’agent peut toujours oublier de rapporter la clef. L’agent ouvre le véhicule avec sa carte pro. Pour éviter tout problème, nous avons choisi de ne pas mettre la clef dans la boîte à gants, ce qui se fait habituellement, mais de l’accrocher avec une ficelle au levier de vitesses », rappelle ce responsable (voir le témoignage).
Ouvrir largement le service
Autre règle pour motiver les conducteurs : ouvrir largement le service, y compris à ceux qui roulent en voitures de fonction, d’autant plus avec un autopartage 100 % électrique. « Si les conducteurs préfèrent venir au travail en transport en commun, ils peuvent alors laisser leur véhicule thermique à la maison et rouler vert pour des trajets en ville en journée. Ils évitent les bouchons sur le trajet domicile-travail et n’encombrent pas les parkings, souvent de plus en plus petits dans les entreprises », note Marie Foltzer de glide.io. Et l’autopartage est une solution de secours quand le véhicule attribué reste au garage. Enfin, proposer aux salariés les véhicules partagés pour des usages personnels aide à convaincre. « Comme une bonne cantine, ce service peut fidéliser des collaborateurs qui n’ont pas toujours un véhicule personnel. Le tarif de réservation ne peut pas être nul car cela serait considéré comme un avantage en nature mais il faut qu’il soit attractif, inférieur à celui pratiqué en LCD. Nous préconisons entre 50 et 80 euros pour un week-end », suggère Marie Foltzer.
L’autopartage électrique peut aussi faciliter les choses auprès des conducteurs potentiels. « L’électrique, en autopartage, est assez logique quand on fonctionne en boucle et que le véhicule revient à la borne. Brancher prend quelques secondes. Et c’est une contrainte en moins par rapport au thermique : le conducteur n’a pas à passer à la pompe. Et le gestionnaire n’a pas à vérifier que le plein est fait et à gérer une carte carburant supplémentaire. Et bien sûr, cela répond aux enjeux de la transition énergétique », souligne Vincent Huille pour Engie.
La clé de l’électrique
« S’il peut être intéressant d’intégrer quelques véhicules thermiques pour répondre à un usage privé en week-end, l’électrique répond bien aux usages de l’autopartage, la plupart des trajets étant de l’ordre de 30 à 100 km », avance Cédric Douls, directeur commercial France pour Europcar Mobility Group, maison-mère d’Ubeeqo, en préconisant un mix d’électriques et d’hybrides rechargeables. « Et l’électrique favorise l’adhésion à l’autopartage. Certains vont se faire plaisir et ne voudront plus revenir au thermique ! Les véhicules électriques partagés contribuent à lever les barrières en vue de développer cette motorisation à plus large échelle », complète Cédric Douls.
Si l’électrique est adapté à l’autopartage, « l’autopartage favorise l’électrification et ce, de manière sereine, valide Alexandre Bol pour OpenFleet. Mais sans le logiciel, avec seulement un carnet de bord ou une boîte à clefs, il manque une donnée essentielle pour les réservations : le niveau de charge des véhicules. Par ailleurs, les remontées de données sur les usages et kilométrages permettent en quelques semaines d’identifier le nombre de véhicules électrifiables. »
Enfin, l’autopartage peut également favoriser le covoiturage, le logiciel de réservation pouvant se paramétrer dans ce sens. Mobility Tech Green commercialise cette solution et OpenFleet vient de l’intégrer. « Quand un conducteur veut faire une réservation sur un horaire et une destination déjà enregistrés, l’outil lui signale cette possibilité », explique Alexandre Bol. Une option qui peut faire le bonheur de salariés sans permis.
Dernière recommandation : l’accompagnement. « L’autopartage fonctionne quand les dirigeants et les gestionnaires sont moteurs. On obtient alors les meilleurs taux d’utilisation et de satisfaction », observe Cédric Douls pour Europcar Mobility Group. « Il faut annoncer en amont le projet et l’expliquer, puis accompagner le lancement d’une démonstration sur le terrain. Et le faire vivre en recueillant les retours des collaborateurs. Parmi les bonnes astuces, on peut organiser des promotions sur l’usage privé en week-end ou des challenges d’éco-conduite », confirme Alexandre Fournier pour Mobility Tech Green. « Certes, il y a toujours des réfractaires au changement. Il faut au départ ouvrir un compte, demander un badge, etc. C’est une petite contrainte, pointe Sandrine Lauraire pour l’Essonne. Mais nous avons été surpris : tout le monde s’est pris au jeu, a bien compris comment cela fonctionne et les retours, obtenus grâce à des questionnaires, sont positifs. »
Accompagner le changement
« Le véhicule partagé, c’est comme les bureaux partagés, il faut s’adapter, illustre Vincent Huille pour Engie. Nous communiquons et accompagnons les collaborateurs. Les 350 inscrits à l’autopartage ont tous bénéficié d’une prise en main. Nous leur expliquons comment déverrouiller le véhicule, le remettre en charge et éviter la surconsommation car conduire pour la première fois un véhicule électrique peut être anxiogène. L’autonomie reste la principale crainte mais, sur 6 000 réservations, nous ne nous sommes retrouvés que deux fois dans une situation limite », rapporte Vincent Huille. Ce dernier réfléchit à une formation à plus large échelle sur la conduite électrique pour les personnes inscrites à l’autopartage et celles qui bénéficient d’une modèle électrique ou hybride rechargeable attribué.
Toujours selon Vincent Huille, « il faut viser un parcours client le plus fluide possible. Celui-ci ne doit surtout pas être un chemin de croix. » Et la satisfaction finale se mesure : « Depuis 2019, notre “net promotor score“ est passé de 65 à 83, ce qui est très bon. » Le fournisseur de la solution d’autopartage d’Engie, glide.io, met ainsi l’accent sur l’importance des scores de satisfaction et les retours des collaborateurs « qui aident notamment à affiner les paramètres choisis comme les durées d’utilisation, dans une logique d’amélioration. »
Faire simple
Pour éviter les désillusions, « l’outil ne doit pas être compliqué car tout le monde n’est pas “geek“ », prévient Alexandre Bol pour OpenFleet. Et même avec une solution simple, un accompagnement est nécessaire. « L’entreprise doit faire connaître ce projet, précise ce responsable. Au démarrage, nous organisons des réunions avec les gestionnaires et les conducteurs et nous mettons en ligne une petite vidéo explicative consultable avant la première réservation. Et déposer une petite documentation explicative dans le véhicule n’est pas inutile. Tout cet accompagnement concourt à la réussite », conclut-il. À vous de jouer !
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