
En quinze ans, la technologie des véhicules électriques a beaucoup évolué. À la fin des années 90, les Peugeot 106 et Citroën Saxo électrifiées ne pouvaient parcourir plus de 50 km avec une charge. Désormais, l’autonomie atteint entre 100 et 200 km selon les modèles et grâce à la technologie lithium-ion (Li-ion) ou lithium métal polymère (LMP), les batteries offrent une densité énergétique et une capacité de stockage environ cinq fois supérieures. En outre, elles ne connaissent pas d’effet mémoire et ne craignent pas les cycles de recharge incomplets. Une petite révolution par rapport aux accumulateurs d’ancienne génération, plomb ou...
En quinze ans, la technologie des véhicules électriques a beaucoup évolué. À la fin des années 90, les Peugeot 106 et Citroën Saxo électrifiées ne pouvaient parcourir plus de 50 km avec une charge. Désormais, l’autonomie atteint entre 100 et 200 km selon les modèles et grâce à la technologie lithium-ion (Li-ion) ou lithium métal polymère (LMP), les batteries offrent une densité énergétique et une capacité de stockage environ cinq fois supérieures. En outre, elles ne connaissent pas d’effet mémoire et ne craignent pas les cycles de recharge incomplets. Une petite révolution par rapport aux accumulateurs d’ancienne génération, plomb ou nickel-cadmium, encore présents sur certains engins légers et notamment sur les hybrides (Peugeot 3008 HYbrid4, Toyota Prius, Honda Insight, etc.), pour des raisons de coûts.
La technologie lithium-ion dominante
À l’exception de la Bluecar (Autolib’) de Bolloré, qui recourt à la technologie LMP, la plupart des véhicules 100 % électriques actuels s’équipent de batteries lithium-ion : la gamme Renault Z.E., les Citroën C-Zéro et Peugeot iOn ou encore la Chevrolet Volt. « Cette technologie est arrivée à maturité, en matière de performances et d’un point de vue industriel, explique Laurent Forin-Crouvoisier, chef de projet moteurs et batteries sur les Kangoo et Fluence Z.E. chez Renault. Nous sommes parvenus à un compromis acceptable entre le coût, le poids et la densité énergétique des batteries sur des véhicules utilisables au quotidien. Il y a une conjonction d’éléments qui amène aujourd’hui l’offre à émerger », poursuit-il.
Du coup, les rapprochements stratégiques se multiplient entre constructeurs et fabricants de batteries. À son partenaire Mitsubishi Motors Corporation (MMC), PSA a confié la quasi-intégralité de la production de ses modèles électriques Citroën C-Zéro et Peugeot iOn, dérivés de la citadine I-Miev de Mitsubishi et dotés de modules Li-ion. De son côté, General Motors a choisi LG Chem et A123 Systems aux États-Unis pour équiper ses hybrides rechargeables, la Chevrolet Volt et l’Opel Ampera, en accumulateurs Li-ion.
Pour sa part, l’Alliance Renault-Nissan mise sur un programme de plus grande envergure. Les batteries destinées aux modèles électriques du groupe sont toutes produites au Japon par Nissan en collaboration avec NEC, via leur société commune AESC. « Elles partagent les mêmes caractéristiques, avec la particularité d’être modulaires pour s’adapter aux différents modèles, selon qu’elles sont montées à plat sous le plancher (Kangoo Z.E.) ou verticalement à l’arrière (Fluence Z.E.) », reprend Laurent Forin-Crouvoisier. Le schéma logistique se veut aussi plus flexible. « Les batteries peuvent être livrées complètes, comme pour le Kangoo, ou en modules pour être assemblées, par des équipes Nissan, sur la chaîne de montage du véhicule concerné. Ce qui sera vrai pour la future Zoé produite à Flins dès 2012. Tout est prêt pour une production en masse des modèles Z.E., avec une capacité annoncée de 30 000 véhicules par an dans un premier temps », conclut le représentant de la marque. En attendant, le plus gros producteur de véhicules électriques français reste Bolloré, qui a déjà fourni plusieurs milliers de voitures pour le service parisien Autolib’. L’industriel breton fabrique ses propres batteries LMP à Quimper via sa société Batscap, ainsi qu’au Canada avec Bathium, pour équiper ses deux modèles : la Bluecar et le Bluebus développé en partenariat avec Gruau. Bolloré espère profiter de la vitrine Autolib’ pour vendre ensuite ses batteries à d’autres constructeurs. Une stratégie également adoptée par de plus petits fournisseurs français, tels qu’E4V, Easyli, Europe Energy, Sodetrel, qui proposent tous des solutions adaptées pour les flottes et les collectivités.
Un service sur mesure avec des batteries en location
Alors que la filière des batteries se construit progressivement, la notion de service prend toujours plus d’importance. En avance sur ce point, Renault a concocté une offre commerciale « dégroupée ». En clair, « on vend la voiture et on loue la batterie », résume Laurent Forin-Crouvoisier. Une solution qui permet de commercialiser des modèles électriques au prix des modèles classiques : à partir de 15 000 euros pour le Kangoo Z.E., bonus de 5 000 euros déduit. Au lieu de payer le coût élevé de la batterie, le client souscrit un contrat de location. Comme dans la téléphonie mobile, « le forfait est calculé selon l’usage du client, le kilométrage moyen et la durée d’engagement », complète Laurent Forin-Crouvoisier. Tout kilomètre hors forfait est facturé en supplément. Le coût fixe de la location de la batterie est ensuite à relativiser avec le prix de l’électricité, variable selon les pays, de l’ordre de 2 euros en France pour une charge lente complète. Dans cette formule, Renault reste propriétaire de la batterie et garantit son bon fonctionnement. S’il y a défaillance ou si la capacité chute en dessous de 75 %, la marque s’engage à la remplacer.
Cette solution inclut aussi un ensemble de services utiles pour les professionnels. Par exemple : une assistance 24h24 en cas de panne, une application iPhone et PC dédiée (My Z.E. Connect) et des informations à bord pour localiser les bornes de recharge à proximité. Spécialement pour les flottes, Renault propose son service Fleet Asset Management, sur abonnement à partir de 5 euros par mois. Il s’agit d’un outil de gestion de parc pour contrôler en permanence l’état des véhicules, le taux d’utilisation, le kilométrage moyen ou le niveau de charge des batteries.
Quelle mesures de sécurité pour les batteries ?
Du fait de leur densité énergétique importante, des températures élevées et du fort ampérage, les batteries Li-ion peuvent en cas de choc entraîner des risques de court-circuit, d’incendie, voire d’explosion. La qualité des produits est donc primordiale. En décembre 2011, General Motors a connu des déboires aux États-Unis avec deux Chevrolet Volt qui ont pris feu suite à un accident. L’affaire a relancé le débat et a relancé le débat sur la sécurité des batteries, thème très sensible. Après avoir promis d’importants dédommagements à ses clients, GM a annoncé qu’il apporterait des améliorations à la structure du véhicule et au système de refroidissement liquide de la batterie.
Mêmes mesures de prévention chez Fisker qui a décidé de remplacer les batteries de son modèle Karma en rappelant 239 modèles, après que son fournisseur A123 Systems l’a alerté d’un risque de court-circuit. Chez Renault, on cherche à rassurer : « Les modèles Z.E. ont passé tous les tests avec succès et reçu toutes les homologations. Contrairement à certains concurrents, nos batteries sont équipées d’un double contrôle des modules comme dans l’aéronautique, à savoir deux calculateurs qui coupent l’alimentation en cas de problèmes, chocs ou surchauffe. » Et une intervention sur les batteries doit être réalisée dans un centre Renault Expert Z.E. Conformément à une obligation légale, seuls des mécaniciens qualifiés peuvent en effet manipuler des câbles à haute tension et des modules pesant jusqu’à 300 kg.
Tout aussi confiant, Bolloré se targue d’avoir une technologie (LMP) plus sûre que le lithium-ion. « Nos batteries utilisent des matériaux conducteurs plus solides (films lithium polymère) et fonctionnent à des températures modérées, entre 60 et 80 °, ce qui évite les risques thermiques », rappelle Frédéric Pajeau, technicien chez Batscap. L’opérateur de la flotte Autolib’, qui essuie des critiques sur la carrosserie, n’a toutefois enregistré aucun incident sur les batteries. « Nous avons aucune crainte : après quinze ans de développement, notre matériel a fait ses preuves et nous disposons aujourd’hui d’un excellent retour d’expérience », souligne Frédéric
Pajeau.
Des règles de précaution s’imposent aussi pour l’infrastructure. Après avoir réalisé des tests sur différents types de batteries et de véhicules, la DGPR (Direction générale de la prévention des risques) et la DGSCGC (Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises) préconisent de limiter l’implantation des stations de recharge aux parkings les plus accessibles, d’optimiser la répartition des bornes et leur isolation avec des parois pare-flamme. À ce propos, le ministère du développement durable devrait rendre publique une réglementation dans les semaines à venir.
Des progrès à venir pour améliorer les batteries
Outre cet aspect sécuritaire, la batterie a bien quelques handicaps. Coût élevé, autonomie réduite, temps de charge long (8 heures sur une prise de 16 A) : l’électrique a encore du chemin à faire pour rivaliser avec un bon diesel capable de rouler 1 000 km avec un plein. Des insuffisances que les constructeurs s’efforcent de minimiser en rappelant les conditions réelles d’usage. Selon une étude interne Renault, 70 % des possesseurs de fourgonnettes parcourent moins de 100 km par jour. Un scénario qui permet au losange de justifier l’intérêt du Kangoo Z.E., dont l’autonomie théorique de 170 km suffirait à répondre à la plupart des déplacements de ses clients (80 % de flottes d’entreprises et 20 % d’artisans-commerçants).
La bonne tenue des batteries dans le temps ne semble pas non plus être un problème. Un pack Li-ion est censé conserver 80 % de sa capacité sur une durée de six ans et supporter entre 1 500 et 2 000 charges (5 000 dixit Renault-Nissan) selon Alain Gauthier, secrétaire général de l’AVEM. Elles peuvent donc effectuer jusqu’à 300 000 km sans faiblir et couvrir largement la durée conventionnelle d’une LLD, de 36 à 60 mois.
Une autonomie accrue d’ici cinq ans
Si les performances du Li-ion devraient encore évoluer, « il faudra attendre la prochaine génération de batteries lithium-fer ou lithium-air pour franchir un nouveau cap, poursuit Alain Gauthier. Encore à l’étude, ces technologies devraient arriver sur le marché d’ici cinq ans. Plus compactes et légères, elles offriront un meilleur rapport poids/puissance (kg/kw) et leur autonomie moyenne atteindra 250 km au lieu de 150 km actuellement. Elles seront également capables de supporter deux fois plus de cycles de recharge. » De quoi rendre le véhicule électrique encore plus polyvalent et compétitif.
L’enjeu, à l’avenir, sera surtout d’améliorer l’interaction entre batterie, chargeur, véhicule et utilisateur. Si constructeurs et fournisseurs d’énergie mettent les bouchées doubles pour préparer le marché, le développement d’une infrastructure à grande échelle tarde à se concrétiser. « Aucun standard n’a encore été défini pour les bornes publiques de recharge », déplore-t-on à l’AVEM. L’association organise d’ailleurs en février les « Assises des infrastructures de charge » pour tenter d’y voir plus clair et de trouver des solutions globales.
Vers une harmonisation progressive des prises
Si la charge lente sur les prises domestiques (8 A) ne convient pas aux véhicules électriques, la charge dite normale (16 A), avec prises et connecteurs dédiés (Type3 Easy plug), est désormais privilégiée. Cette solution autorise déjà une gestion intelligente de la charge, à savoir la possibilité de moduler ou réguler la puissance en fonction des besoins et des ressources disponibles (jour/nuit), jusqu’à 22 kwh en charge dite accélérée. À ce titre, Renault a mis en place son label « Z.E. Ready ». Il s’agit d’un protocole de test, avec un certain nombre de points et de bonnes pratiques à respecter, visant à mettre en adéquation véhicules et infrastructure.
Principal fournisseur de bornes de recharge, Schneider Electric a ainsi adopté Z.E. Ready pour sa gamme de produits EVlink, dotée d’une interface technique compatible avec les modèles Renault. « Ce standard nous aide à développer des solutions adaptées à nos clients et constitue un gage de confiance. Les certificats Z.E. Ready délivrés par nos installateurs garantissent de fait la sécurité des installations, la conformité avec les normes en vigueur et les bâtiments, mais aussi des coûts d’exploitation optimaux », explique Vincent Brunel, directeur du programme véhicules électriques chez Schneider Electric. Si Renault cherche visiblement à imposer ses propres règles, l’objectif vise surtout à faire converger les produits et à améliorer l’interopérabilité entre les différents acteurs du véhicule électrique. Z.E. Ready n’est d’ailleurs qu’une première étape vers l’établissement d’un référentiel commun. Un label multi-constructeurs EV Ready, lancé par Renault et Schneider Electric en 2010, devrait prochainement réunir l’Alliance Renault-Nissan, mais aussi PSA Peugeot Citroën et Mitsubishi Motors, GM et les autres. De leur côté, les constructeurs allemands travaillent sur une interface unifiée de recharge, avec le « Combined Charging System ». L’Europe du véhicule électrique reste à construire…