
Dans le cadre du projet « Étude Economique, Energétique et Environnementale pour les technologies du transport routier français » (E4T), l’Ademe et l’Ifpen ont analysé l’influence de différents scénarios d’électrification du parc automobile mondial à l’horizon 2050 sur les dynamiques de l’offre et de la demande en lithium (voir l’étude).
En effet, « la technologie est souvent mise en avant dans les dynamiques de transition énergétique au niveau international, mais de nombreuses incertitudes subsistent quant à la diffusion massive des innovations de décarbonation », rappelle l’étude. Or, « le lithium est un métal stratégique pour la production de batteries li-ion », explique l’Ademe.
Ces dernières sont notamment utilisées dans véhicules électriques et hybrides qui aujourd’hui représentent un tiers du marché global des batteries selon l’étude. Et ce dernier ne cesse de croître : « En 2015, le marché enregistrait une croissance de 5 % par an, et l’offre va devoir augmenter fortement pour satisfaire la demande future », anticipe l’agence.
Cinq scénarios ont été envisagés dans l’étude sur une période de 2005 à 2050, avec des contraintes énergétiques et des mesures incitatives en faveur des VE plus ou moins fortes. Pour les deux scénarios avec des objectifs de réduction des émissions de CO2 les plus ambitieux, les véhicules thermiques ne représentent plus respectivement que 9 % et 3 % du parc en 2050, contre 67 % et 71 % pour les véhicules électriques purs, sur au total un peu plus de 2 milliards de véhicules.
Selon les résultats, une telle pénétration du VE au niveau mondial (jusqu’à 75 %) « pourrait engendrer une diminution marquée de la marge de sécurité d’approvisionnement en lithium », et donc « de fortes tensions sur le marché » et une « volatilité importante des prix ». Et ce, même si les réserves seront suffisantes à long terme d’un point de vue géologique.
Une criticité économique géopolitique et environnementale
En effet, « le secteur du lithium se caractérise ainsi par une concentration marquée des ressources en Amérique du Sud où les stratégies nationales sont très différenciées », rappelle le rapport. En 2016, 80 % de la production mondiale était ainsi concentrée dans quatre pays : Australie (44 %), Chili, Argentine et Chine. Dans le cas d’une forte pénétration des VE, « le marché serait ainsi transformé, avec de grands pays consommateurs (Chine, Inde, États-Unis, Europe) dépendant de l’Amérique du Sud pour leurs approvisionnements en 2050 », estiment l’Ademe et l’Ifpen.

mondiale avec les principales entreprises présentes sur les sites de production actuels et les projets en cours. Source : USGS (2017), annonces des producteurs.
Le « triangle du lithium » – Argentine, Bolivie et Chili – représente à lui seul environ 55 % des réserves mondiales et 50 % de la production. Bilan : « les stratégies de ces 3 pays auront un poids déterminant dans la capacité à moyen et long terme d’approvisionner en lithium les acteurs industriels, notamment européens », notent l’Ademe et l’Ifpen. Par exemple, la Bolivie s’interroge sur les conséquences de l’extraction du lithium sur l’environnement et a déjà repoussé des offres de développement du français Bolloré et du japonais Mitsubishi.
En outre, « la structure industrielle tend également à montrer une criticité économique possible, en raison du faible nombre d’acteurs et de leurs positionnements oligopolistiques », poursuit le rapport. Actuellement, seuls 8 acteurs contrôlent la production de lithium dans le monde, dominée par 5 entreprises.
Enfin, la dernière inconnue concerne la stratégie de la Chine et de ses entreprises, tant sur la filière lithium que sur le marché des batteries, alors que le gouvernement a déjà mis en place une politique de sécurisation des approvisionnements.