Transport vert moyenne et longue distance : le bioGNV à nouveau prévalent

Malgré un an de désaffection due à son inflation tarifaire, le bioGNV a gardé sa prévalence dans le transport vert longue distance, comme en témoignent La Poste et Breger.
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bioGNV transport
Le bioGNV est la solution de décarbonation la plus mature, selon La Poste. (DR)

« Sans bioGNV, nous ne pourrons pas décarboner, d’ici 2040, 100 % de notre flotte de 5 000 camions dont seuls 300 nous appartiennent », prévenait Christophe Baboin, directeur transport de la branche courrier-colis de La Poste, le 9 février 202,2 lors de la conférence de l’AFGNV (association française du gaz naturel véhicules). « Notre flotte parcourt 350 millions de kilomètres par an et nous déployons un mix énergétique comprenant du bioGNV, des biocarburants et l’électricité », avait encore précisé ce responsable.

« Mais les biocarburants ne sont qu’une solution de transition, avait aussitôt tempéré Christophe Baboin, car ils se destinent à l’aérien. Quant à l’électricité, elle n’est pas adaptée aux longues et moyennes distances. » Selon Christophe Baboin, « le bioGNV est la seule solution mature ». Justifiant son propos, ce directeur avait avancé plusieurs raisons : « la faible quantité de particules fines émises, la réduction de 80 % du CO2 émis, la disponibilité locale, l’avitaillement fiable et l’investissement raisonnable ». « Ainsi, 33 % de notre mix énergétique repose déjà sur le bioGNV via nos accords d’achats auprès des stations publiques, avait conclu Christophe Baboin. Nous avons juste besoin que la production du bioGNV augmente et que son prix reste stable. »

En 2033, les méthaniseurs français couvriront 100 % des besoins en bioGNV du transport routier de marchandises. (DR)

100 % de bioGNV pour le transport routier de marchandises en 2033

Sur la production de bioGNV, Frédéric Martin, DGA de GRDF, est déjà rassurant. « Le taux de croissance en France du bioGNV est de 3 TWh/an et montera bientôt à 6 TWh/an, soit l’équivalent d’un réacteur nucléaire, affirme-t-il. Fin 2023, nous aurons 12 TWh disponibles. Dès 2025, le bioGNV représentera 25 % du gaz consommé en France et atteindra 100 % en 2033. Et du fait qu’avec le bioGNV, nous consommons le CO2 produit par les plantes pendant l’année, son bilan carbone du puits à la roue débute à – 50 % et reste donc le plus faible. »

Quant à son prix et à sa stabilité, la solution est législative. En effet, « pour son caractère fossile, la filière du GNV doit être reconnue comme polluante et se voir appliquer la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport (TIRUERT), explique Jean-Baptiste Furia, vice-président de l’AFGNV. Cela soutiendra la consommation du bioGNV et décorrélera son prix de celui du GNV fossile. En Allemagne, cette TIRUER a maintenu le prix du bioGNV entre 1,10 euro et 1,20 euro du kilo durant tout 2022. » En attendant cette TIRUER, les transporteurs avisés achèteront leur bioGNV dans le cadre de contrats pluriannuels qui réduiront son coût et le stabiliseront, suggère la coopérative Gaz’Up.

Gestion aisée et faveur des conducteurs

P-DG de Breger, Vincent Lesage voudrait que soit aussi stabilisé le prix de production des véhicules au gaz afin de faciliter la transition énergétique des flottes. « En tant que spécialiste du premier kilomètre, nous effectuons beaucoup de transports longue distance entre les lieux de production et les sites de distribution, détaille-t-il. Dès 2017, nous avons trouvé dans le GNC une solution fiable et, depuis 2021, une solution écoresponsable avec le BioGNC. Celui-ci a réduit nos émissions de CO2 de 93 kg/100 km entre 2019-2020 à 86,6 kg/100 km en 2022. »

« De ce fait, 40 % de notre flotte, soit 658 poids lourds, roulait au BioGNC en 2022. Nous porterons ce nombre à 810 véhicules en 2025, continue Vincent Lesage. Le VI au BioGNC possède une autonomie facile à gérer et il attire les conducteurs par son confort et son niveau sonore réduit. Mais en 2022, son surcoût par rapport à un VI thermique a atteint les 35 %, ce qui nous oblige à revoir notre modèle économique. Les transporteurs attendent donc des constructeurs une sécurisation de leur filière de production. »

En 2033, les méthaniseurs français couvriront 100 % des besoins en bioGNV du transport routier de marchandises. (DR)

Des progrès en réduction de la consommation

Selon Clément Chandon, directeur produits d’Iveco, Iveco compense déjà une part du surcoût de production. « Nos porteurs au BioGNC affichent désormais une autonomie de 1 000 km, contre 600 km auparavant et les tracteurs atteindront 750 km en 2024, contre 600 km en 2023, précise-t-il. Cela signifie qu’un camion au BioGNC ne coûte plus que 1,27 euro HT/kg d’énergie, quand un camion au HVO coûte 1,48 euro HT/litre de carburant. »

Les porteurs au BioGNC d’Iveco atteignent désormais 1 000 km d’autonomie. (DR)

« De plus, un porteur urbain au BioGNC économise désormais le CO2 de quarante voitures et, en 2024, un tracteur au BioGNC de 44 t en fera de même pour 72 voitures, détaille encore Clément Chandon. Les VI au BioGNC sont les meilleurs vecteurs de la décarbonation, d’autant que ce carburant est produit en France. » Partant de ce constat, le directeur produits est convaincu qu’en 2040, les VI au BioGNC représenteront 39 % des poids lourds, seconde flotte verte après les 50 % de poids lourds électriques.

Le diesel obéré par une baisse de production

Dernières circonstances revalorisant le bioGNV, la France, comme les autres Etats de l’UE, a compensé la pénurie de gaz provoquée par la Russie. Ce qui a ramené le prix du gaz dans une fourchette acceptable de 42,45 euros/MWh à 58 euros/MWh. Par ailleurs, depuis le 6 février 2023, l’UE a mis sous embargo le diesel russe, en plus de son pétrole. En réaction, la Russie a réduit sa production de pétrole de 500 000 barils/jour pour augmenter ses rentrées financières.

Le ministère de la Transition énergétique estime que 39 % de la flotte française roulera au bioGNV en 2040. (DR)

Mais les pays de l’OPEP ayant aussi réduit leurs productions de 1,1 million de barils-jour, le prix du pétrole connaît depuis mars une hausse de 6 %, à 84 dollars le baril. Selon Olivier Gantois, président de l’Ufip Energies Nouvelles, « le prix du diesel sur le marché de Rotterdam, sur lequel se fournissent les distributeurs français, devrait augmenter de 3 à 4 centimes d’euro par litre », disait-il le 4 avril 2023. Ce qui replace le bioGNV en tête des énergies actuelles de décarbonation du transport.

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