
S’alignant sur une réglementation européenne, une « boîte noire », soit un enregistreur de données, équipera tous les véhicules mis sur le marché en 2022. Ce boîtier enregistrera la vitesse, le freinage et d’autres critères de sécurité, et la question de la pollution donnera lieu à une norme d’ici 2025. Mais auparavant, l’ordonnance n° 2021-442 entend réglementer la sécurité et la prévention des accidents routiers.
Les innovations
Les objectifs de l’ordonnance sont ambitieux :
- Tout d’abord, rendre accessibles les données...
S’alignant sur une réglementation européenne, une « boîte noire », soit un enregistreur de données, équipera tous les véhicules mis sur le marché en 2022. Ce boîtier enregistrera la vitesse, le freinage et d’autres critères de sécurité, et la question de la pollution donnera lieu à une norme d’ici 2025. Mais auparavant, l’ordonnance n° 2021-442 entend réglementer la sécurité et la prévention des accidents routiers.
Les innovations
Les objectifs de l’ordonnance sont ambitieux :
- Tout d’abord, rendre accessibles les données pertinentes pour la détection d’incidents ou d’accidents par différents opérateurs : gestionnaires routiers, forces de l’ordre et services d’incendie, opérateurs ayant à connaître l’état des infrastructures routières et leurs équipements, autorités administratives chargées de la mobilité aux fins de la mesure du trafic routier.
- En cas d’accident routier, il s’agit aussi de donner accès, aux agents de police et aux organismes chargés de l’enquête technique et de sécurité, aux données enregistrées pour les véhicules à délégation de conduite (véhicules autonomes).
- Les assureurs auront aussi accès à l’état de délégation de conduite pour déterminer si l’origine de l’accident a sa source dans le logiciel gérant la conduite automatique ou découle d’une faute du conducteur. Dans le premier cas, la responsabilité reposerait sur le constructeur assuré au titre de sa responsabilité de concepteur ; dans le second, le conducteur supportera la responsabilité couverte par une assurance automobile.
- Enfin, afin de lutter contre les cyber-attaques pouvant toucher les véhicules connectés, le dernier objectif est d’effectuer la correction télématique des défauts de sécurité.
L’utilisation des données
La compartimentation des données accessibles permet de déterminer la qualité des opérateurs ayant accès à certaines données en fonction des finalités poursuivies. Cela implique un filtrage visant à protéger l’accès aux données personnelles. Toutefois, le risque d’attenter à la vie privée a rencontré des oppositions (voir l’encadré ci-dessous).
- Les données seront anonymisées et ne pourront être considérées comme démontrant la commission d’une infraction au Code de la route. Les assureurs et les organismes techniques d’enquête auront accès à certaines données (art. L. 1514-5 Code du transport). Le Fonds de garantie (FGAO) bénéficiera aussi de cet accès si aucun assureur n’est en mesure de procéder à l’indemnisation des victimes.
- Les gestionnaires d’infrastructures routières et les forces de police recevront des informations strictement nécessaires à la détection d’accidents ou d’incidents (comme un carambolage) dans l’environnement de conduite, à l’exclusion des centres d’appel d’urgence. Cette fonctionnalité vise à prévenir les accidents afin d’apporter des réponses rapides à des risques identifiés, ou à déclencher une intervention sur un accident dans le cadre de l’exécution des missions de service public.
- Le constructeur automobile est tenu de signaler à l’autorité nationale de réception des véhicules, sans délai après en avoir pris connaissance, les attaques par voie électronique susceptibles de porter atteinte aux systèmes d’information participant au fonctionnement ou à la sécurité du véhicule.
REPÈRE
Pour déterminer les responsabilités, ont accès aux données en cas d’accident :
- les forces de l’ordre
- les assureurs
Il est interdit au conducteur de refuser la communication des données.
Le matériel
La fameuse « boîte noire » est au cœur du système. Scellée et placée à l’intérieur du véhicule dans un espace protégé, elle est alimentée de manière autonome par une pile interne sans pouvoir être désactivée. Ses capteurs sont connectés au véhicule pour récupérer et stocker les données. Si le modèle s’inspire des boîtes noires des avions, l’enregistreur de données de l’automobile sera plus simple et sans enregistrement sonore. Les données collectées en cas d’accident se limitent aux trente secondes avant l’accident et aux trente secondes après.
En situation d’accident, l’enregistreur sauvegarde la vitesse du véhicule, le freinage, sa position et son inclinaison sur la route, l’état et le taux d’activation de tous ses systèmes de sécurité, le système eCall embarqué, l’activation des freins et tout autre paramètre d’entrée pertinent des systèmes embarqués de sécurité active et d’évitement des accidents. Avec l’analyse des données recueillies, les forces de l’ordre et les organismes techniques pourront déceler les fautes de conduite qui ont conduit à l’accident. Il sera alors possible d’en déterminer les circonstances précises et de statuer sur les responsabilités, ce qui simplifiera le travail des magistrats et des avocats. Reste, bien sûr, à ce que le matériel soit et reste fiable afin de ne pas engendrer de contestations comme les radars.
Par ailleurs, la boîte noire n’est pas en mesure de déterminer les quatre derniers chiffres de la partie « désignation du véhicule » du numéro d’identification du véhicule, ni d’autres informations relatives à l’identification du véhicule ou à son propriétaire ou conducteur lors de l’accident.
L’équipement des véhicules
L’équipement des véhicules neufs se fera à compter de juillet 2022 et ceux homologués avant juillet 2022 le seront en 2024. Il faut donc prévoir cette installation sur les véhicules d’occasion, son coût devant être supporté selon le cas par le vendeur ou compris dans le prix du véhicule vendu par un professionnel. Les constructeurs se disent prêts à faire face à l’obligation de fournir des véhicules neufs équipés sous condition de faire entrer le coût de la boîte noire dans le prix de revient des véhicules.
Renault utilisera ainsi le système de données équipant ses voitures et il lui suffira de modifier ses logiciels, sans impact sur le prix pour l’acquéreur. Plusieurs appareils devraient se partager ce marché avec un coût unitaire du dispositif à environ 100 euros. La boîte noire équipera ensuite les poids lourds et les véhicules de transport en commun de personnes. Il n’est pas prévu actuellement d’installation sur les motocyclettes.
À noter que l’arrivée progressive des véhicules autonomes sur les routes va entraîner la cohabitation de véhicules contrôlés électroniquement avec des modèles anciens de huit à neuf ans d’âge moyen.
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La part des assureurs
Les constructeurs se tourneront sans doute vers les assureurs pour participer au coût de montage de la boîte noire. Ce dispositif devrait en effet limiter l’accidentologie au volant, apporter un éclairage probant sur les circonstances d’un accident mais aussi simplifier la gestion des sinistres dont les corporels.
Pour les assureurs, cette boîte noire ouvre aussi une voie pour commercialiser des services avec leurs réseaux de réparateurs et experts automobiles. Par exemple : il leur sera possible de proposer l’installation de l’enregistreur sur des véhicules d’occasion par des techniciens de leurs réseaux. Et ils seront aussi en mesure d’offrir des services complémentaires, notamment de traqueur lorsque le véhicule est volé.
La baisse à terme de la prime d’assurance automobile obligatoire est annoncée mais il n’est pas prévu, dans l’immédiat, de diminutions en mesure de réduire le coût de l’assurance. Le tarif de l’assurance auto hors flottes repose sur des statistiques de marché et il faudra modifier les principes des règles de cotation telles que le bonus-malus ou l’assurance au kilomètre (pay as you drive). Il faut aussi prendre en compte les frais de gestion de l’assurance auto (de l’ordre de 15-18 %), la taxe d’assurance (35 % sur la prime de responsabilité, y compris pour les flottes) et le financement du Fonds de garantie.
Pour mémoire, des assureurs ont depuis quelques années déjà anticipé l’impact des organes d’assistance à la conduite tels que l’ABS ou l’alerte collision en baissant la tarification en conséquence pour les véhicules de particuliers.
En conclusion
Aux États-Unis, un dispositif comparable aurait amené à faire reculer de 20 % le nombre des accidents en cinq ans. En France, chaque année, environ 2 millions de véhicules neufs (sur un parc de 43 millions) sont mis sur le marché. Il conviendra donc d’attendre l’arrivée de nouveaux véhicules sur les routes françaises pour apprécier l’impact de la mesure sur la sinistralité et les primes d’assurance. Sans oublier que la boîte noire n’améliorera pas par elle-même la qualité de la conduite (sauf pour les véhicules autonomes qui seront en faible nombre) et que son impact sur l’accidentologie ne se fera que sur la longue durée.
Boîtes noires : les critiques
Le contenu de l’ordonnance n° 2021-442 a suscité de nombreuses critiques, venant notamment des parlementaires et en particulier du Sénat. L’atteinte possible à la vie privée du propriétaire du véhicule a constitué le grief majeur. La réponse apportée a consisté à anonymiser les données qui pourraient être personnelles et à les filtrer de façon à les diriger vers des opérateurs à même de les exploiter dans la confidentialité. Il a aussi été reproché à l’enregistreur de ne pas empêcher l’accident.
Mais c’est oublier le bénéfice procuré par l’une de ses principales fonctions : optimiser la détermination des circonstances de l’accident en se basant sur les données fournies par l’appareil. Ce dispositif ne viserait pas non plus à établir si le conducteur était en état d’ivresse lors de l’accident. Mais la présence d’un éthylotest anti-démarrage dans l’habitacle (déjà acquis pour les autocars) fait partie de l’arsenal de pénalisation en tant qu’alternative à la suspension du permis de conduire. Et il serait difficile de le généraliser, d’autant qu’il est possible de solliciter un tiers pour le faire fonctionner. Autre point cette fois soulevé dans la presse : la boîte noire ne détectera pas l’usage du portable par le conducteur, mais ce rôle est prévu pour des radars « intelligents » spécifiques.