
La crise sanitaire a eu des répercussions sur la gestion des flottes au cours du premier semestre : avec de nécessaires suspensions des contrats, des livraisons de véhicules retardées ou encore des reports dans la création ou l’évolution des car policies.
« Pendant la crise sanitaire, toutes les livraisons de véhicules ont été gelées. Le redémarrage a pris plus de deux mois : le temps que les concessions mettent en place des protocoles sanitaires ou trouvent les convoyeurs. Et du côté des loueurs, il n’y a pas eu de propositions pour accélérer les processus de livraison. Il a fallu traiter directement avec les concessions », retrace...
La crise sanitaire a eu des répercussions sur la gestion des flottes au cours du premier semestre : avec de nécessaires suspensions des contrats, des livraisons de véhicules retardées ou encore des reports dans la création ou l’évolution des car policies.
« Pendant la crise sanitaire, toutes les livraisons de véhicules ont été gelées. Le redémarrage a pris plus de deux mois : le temps que les concessions mettent en place des protocoles sanitaires ou trouvent les convoyeurs. Et du côté des loueurs, il n’y a pas eu de propositions pour accélérer les processus de livraison. Il a fallu traiter directement avec les concessions », retrace Catherine Dutang, gestionnaire de la flotte (environ 150 véhicules) de la filiale française de l’équipementier japonais JTEKT.
L’impact de la crise sanitaire
Mais pour cette responsable, la difficulté de la gestion de la flotte pendant la crise sanitaire n’était pas seulement liée à ses différents prestataires. Comme l’ensemble des salariés français, Catherine Dutang a aussi dû exercer son travail dans une entreprise dont le fonctionnement s’est trouvé totalement bouleversé. « En raison des retards des livraisons pendant la crise sanitaire, nous avons dû revoir les contrats. Et quand les véhicules étaient livrés, s’est ajoutée la question du chômage partiel pour nous : nous devions nous déclarer en activité quand la voiture arrivait pour les restitutions ou les livraisons, et nous remettre ensuite en chômage partiel », décrit-elle.
Mais ces problèmes de livraison rencontrés lors de la crise sanitaire, Catherine Dutang y était déjà en partie rodée. Au début de l’année, elle avait fait face, comme beaucoup d’autres responsables de parc, aux adaptations au WLTP des gammes des constructeurs. Des changements qui avaient déjà causé des délais et des reports. « J’ai été confrontée à des retards de livraison, à des motorisations qui ne se faisaient plus. Même les loueurs n’avaient pas les informations ou les avaient au dernier moment », se remémore cette responsable (voir le reportage).
Cette conjoncture difficile n’a pourtant pas fait dévier les gestionnaires de flotte de l’objectif qu’ils s’étaient fixé dès 2019 : répondre au nouvel environnement réglementaire et fiscal, lié à la LOM et au WLTP, en intégrant dans les car policies des modèles plus performants écologiquement. Avec un autre objectif : maîtriser les budgets.
Le CO2, premier critère
« Dans de nombreuses flottes, les gestionnaires définissent une ʺbarrière CO2ʺ afin de limiter les coûts liés à la fiscalité », résume sur ce point Nicolas Bretaudeau, manager grands comptes et loueurs longue durée chez Ford. Une démarche qui constitue une véritable évolution dans les pratiques, note Dominique Gobin, directeur ventes flottes et véhicules d’occasion chez Hyundai Motor France : « Jusqu’à présent, le mouvement majoritaire était de se tourner vers le diesel, avec quelques modèles pour des car policies taillées à la serpe. » La motorisation n’étant pas un enjeu, le prix et la satisfaction du conducteur restaient alors au cœur des arbitrages. « Mais désormais, rappelle Nicolas Bretaudeau, ce ne sont plus les éléments décisifs dans l’achat. Les entreprises réfléchissent aussi à quelle va être la fonction du véhicule, son usage et son coût en intégrant la fiscalité, les amortissements, etc. Cette démarche demande plus d’analyse. »
Pour accompagner les entreprises dans la sélection de leurs modèles et surtout de leurs motorisations, une antienne s’impose dorénavant chez les constructeurs : ce choix est fonction de l’usage. « Une même catégorie de salariés, comme des commerciaux, peut utiliser différentes motorisations : essence, hybride ou diesel. Ceux qui roulent en région parisienne ont des besoins différents par rapport à ceux qui roulent en région », indique Dominique Gobin.
En 2017, la loi de finance, qui prévoyait le calendrier de l’alignement des fiscalités entre diesel et essence, avait poussé les gestionnaires de flotte à reconsidérer leurs choix de motorisations en fonction des lois de roulage. « Mais maintenant, le pilier des 22 000 km par an pour le passage au diesel est remis en question », souligne Olivier Dupont, chef du département ventes aux entreprises chez Volkswagen. En estimant qu’en dessous de ce seuil, des modèles électriques peuvent s’envisager.
L’usage du véhicule, second critère
Le thermique au sens strict n’est donc plus la seule alternative et les possibilités pour les gestionnaires de flotte sont nombreuses. Chez Ford, le Kuga se décline par exemple maintenant en plusieurs motorisations : outre les traditionnelles versions essence ou diesel, le gestionnaire peut opter pour une hybridation légère de 48 V, une hybridation simple ou une hybridation rechargeable (voir notre article).
Mais malgré cette diversité, la mutation des parcs reste progressive, observe-t-on chez les constructeurs. « Le diesel va demeurer encore quelque temps dans certaines car policies », estime Philippe Quetaud, directeur ventes spéciales du groupe Renault. Si les réflexions sur le verdissement des parcs sont entamées, pour beaucoup d’entreprises en effet, cette mutation est lente. « Pour les grands comptes, les appels d’offres se font à l’année et ne se modifient pas forcément en cours de route, poursuit Philippe Quetaud. Mais les réflexions sur le verdissement s’accélèrent. »
Une mutation lente
L’inertie due aux délais de prise de décision et au renouvellement des contrats de location ne constituent pas les seules variables à ralentir les entreprises dans la mutation de leur parc. Les freins sont également d’ordre économique. « J’anticipe une hausse du coût de la flotte lors du prochain changement de la car policy en raison des prix des nouveaux modèles », avance ainsi Rémy Peltier, responsable achats des 400 véhicules du parc au sein de la direction des achats de CNP Assurances.
De fait, Rémy Peltier se retrouve en difficulté depuis le début de l’année pour trouver des motorisations alternatives avec des modèles équivalents à ceux retenus jusqu’ici. C’est le cas de la Mégane qui compose une bonne partie de son parc : « Une voiture bien équipée avec un design séduisant, décrit ce responsable. Mais dans les gammes des constructeurs français, nous ne trouvons pas aujourd’hui, en électrique ou hybride, les véhicules équivalents à ceux de notre car policy. Car l’écart financier avec ces modèles est trop important. »
Plus précisément, ce responsable ne trouve pas, dans les offres des constructeurs hexagonaux avec qui il travaille, des modèles correspondant à cette Mégane en version hybride non rechargeable. « Or, explique-t-il, nous souhaitons intégrer des hybrides car nos collaborateurs en région n’ont pas tous vocation à venir sur une implantation de la société. Ils tournent sur un secteur et rentrent chez eux le soir, où ils n’ont pas forcément accès à une borne électrique pour recharger », constate Rémy Peltier. Qui ne s’interdirait peut-être pas, pour répondre à ses besoins, de recourir à des modèles autres que ceux des constructeurs français (voir l’article).
Reste que dans l’évolution de la car policy de CNP Assurances, toutes les catégories de véhicules ne rencontrent pas les mêmes écueils. « Pour les voitures de fonction, la transition est plus simple. Nous pouvons intégrer des hybrides qui se rechargent au siège. Nous sommes moins contraints sur les modèles bien que nous restions sur le marché français », relève Rémy Peltier.
Le panel fournisseurs s’élargit
Pour le spécialiste des services énergétiques Dalkia, Jean-Luc Celotto a élaboré sa nouvelle car policy en faisant appel à des constructeurs avec lesquels l’entreprise ne travaillait pas jusqu’ici. « Nous avons trouvé les nouvelles motorisations chez les constructeurs habituels : PSA ou Renault. Mais nous avons aussi ouvert les portes à des constructeurs étrangers comme Ford, de façon à ne pas être bloqués par un modèle incompatible avec l’usage », relate ce chef de service gestion des véhicules. Avec un bénéfice, l’entreprise n’affiche plus dans sa car policy qu’un seul modèle thermique pour les gros rouleurs. « Tout le reste est en 100 % électrique ou en hybride rechargeable », résume Jean-Luc Celotto qui gère un parc de plus de 10 000 véhicules.
Dans ce contexte, les entreprises n’ont pas toutes les moyens de faire face : « De grandes structures prennent le parti du surcoût économique pour basculer dans un “monde nouveau“ et être écologiquement responsables, constate Nicolas Bretaudeau pour Ford. Mais pour beaucoup, notamment les plus petites, la transition se fait moins facilement. »
Des déplacements à repenser
Chez Dalkia, la réflexion a débuté sur une possible modification de l’organisation des déplacements afin de les adapter aux nouvelles motorisations des véhicules employés par les commerciaux. Pour cette entreprise qui vise un parc 100 % électrifié d’ici à 2030, ces motorisations se généralisent déjà dans la car policy avec entre autres la multiplication des hybrides. « Les trajets d’un commercial qui effectue de 45 à 50 000 km par an vont maintenant coûter plus cher. Nous devons réfléchir à la manière de limiter les kilométrages parcourus par ces gros rouleurs, afin de les rendre compatibles avec ces motorisations », expose Jean-Luc Celotto (voir également le reportage).
De son côté, CNP Assurances se veut aussi ouvert à toutes les solutions. « Nous maintiendrons le diesel pour les gros rouleurs et l’essence pour les petits rouleurs. Mais nous pouvons aussi imaginer des expériences avec l’électrique pour ceux qui circulent uniquement en zone urbaine et ont accès à des recharges. Nous tenterons cette solution à titre expérimental dans un avenir proche », anticipe Rémy Peltier.
Des expérimentations que les salariés accueillent favorablement. « Nous évoquons déjà les changements de motorisation et des expérimentations en 100 % électrique avec les salariés. Ils sont ouverts à ces changements et certains sont demandeurs », se félicite ce responsable. Dans ces démarches, les aides gouvernementales peuvent aussi constituer un facteur déterminant pour amorcer ou accélérer la transition. Chez les constructeurs, on note d’ailleurs une forte corrélation entre les incitations fiscales et les achats de véhicules électriques.
Le poids croissant de la fiscalité
« Les responsables de parc sont matures dans leurs choix de motorisations et ils évoluent aussi en fonction de la fiscalité », confirme chez Renault Philippe Quetaud. Un lien entre intégration de véhicules à motorisations alternatives et fiscalité dont ce responsable a pu constater la réalité avec les ventes de la Zoé : « C’est une voiture qui marche bien. Il y a eu un coup d’arrêt des ventes avec la baisse du bonus à 3 000 euros en janvier et une hausse quand il est revenu 5 000 euros en juin. Et c’est aussi valable pour l’hybride : pour les entreprises, avec les motorisations alternatives, il faut que le TCO reste adapté et que la fiscalité soit plus stable », commente Philippe Quetaud.
Une affirmation que nuance Jean-Luc Celotto pour Dalkia : « Avec la fiscalité, la difficulté aujourd’hui est de s’adapter rapidement à des évolutions qui ne sont pas claires. Nous ne disposons pas d’une vision à long terme », regrette-t-il. Ces incitations fiscales sont pourtant décisives pour les entreprises dont plus de 20 % anticipent une augmentation du TCO des flottes (voir aussi l’encadré ci-dessous).
Et la LLD ?
Enfin, pour faire face à cette flambée des coûts, certaines entreprises pourraient se tourner vers la LLD. Un choix qui permet simultanément d’alléger les bilans et de s’équiper des derniers modèles, les plus performants écologiquement. Chez Hyundai, Dominique Gobin constate ainsi que depuis le début de l’année, la captive de sa marque a réussi à faire passer à la LLD de très petites entreprises. « La LLD va jouer un rôle important dans le marché des flottes d’entreprise mais plutôt en 2021. Pour l’instant, les loueurs prolongent les contrats de six mois », pondère Guillaume de Boudemange, directeur des opérations commerciales chez Kia.
Faire appel à la LLD pourrait aussi amener un autre bénéfice pour les entreprises : les aider à trouver un accompagnement dans l’installation des infrastructures de recharge électrique. « Un domaine beaucoup moins bien maîtrisé. S’il est facile d’équiper l’entreprise en bornes, celle-ci a moins de visibilité sur les réseaux routiers et les domiciles des collaborateurs », rappelle Nicolas Bretaude pour Ford.
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