
Dans les entreprises, la flotte se scinde en deux : les véhicules de fonction – que l’on peut employer à des fins personnelles – et les véhicules de service, majoritairement des utilitaires. Les interventions des ressources humaines touchent principalement les voitures de fonction ; pour les VU, la car policy contient généralement peu de considérations liées aux RH.
« Le volet RH de notre politique voitures consiste à préciser aux conducteurs comment conduire les véhicules, commente un gestionnaire à la tête de 20 000 véhicules, tous utilitaires, pour un géant des transports européens qui préfère ne pas être cité. Il s’agit par exemple d’aviser...
Dans les entreprises, la flotte se scinde en deux : les véhicules de fonction – que l’on peut employer à des fins personnelles – et les véhicules de service, majoritairement des utilitaires. Les interventions des ressources humaines touchent principalement les voitures de fonction ; pour les VU, la car policy contient généralement peu de considérations liées aux RH.
« Le volet RH de notre politique voitures consiste à préciser aux conducteurs comment conduire les véhicules, commente un gestionnaire à la tête de 20 000 véhicules, tous utilitaires, pour un géant des transports européens qui préfère ne pas être cité. Il s’agit par exemple d’aviser l’employeur lorsque l’on perd des points sur son permis. Notre car policy définit aussi l’attribution de modèle et les équipements obligatoires. » Bref, le degré quasi zéro d’une gestion des RH.

Pourtant, il est possible, véhicules de fonction ou pas, de s’appuyer sur la car policy pour gérer au mieux son personnel. Car quel que soit le type du véhicule, en matière de RH, la car policy aide à motiver le salarié en promettant des modèles de qualité, ergonomiques et écologiques. Un bon véhicule améliore les conditions de travail du salarié et peut le pousser à préférer une entreprise. « Une bonne car policy demeure un excellent moyen, très concret, d’attirer et de fidéliser les meilleurs collaborateurs, confirme Robert Maubé, directeur du cabinet RRMC, spécialiste de la gestion des flottes d’entreprise et consultant pour Flottes Automobiles. L’employé sera alors moins tenté de partir à la concurrence. »
Attirer et fidéliser les collaborateurs
Ce constat se veut également valable avec des VU. « Prenez le métier de réparateur d’ascenseurs où l’on manque de personnel, illustre Robert Maubé. Offrir des véhicules de service de qualité pour un salarié qui y passe la journée, cela joue dans sa propension à rejoindre ou pas un nouvel employeur, et à lui rester fidèle. Toute la difficulté est de se situer légèrement au-dessus du marché. Mais pas trop car cela coûte vite cher à l’employeur. »
Dans ce contexte, nombre d’entreprises font très attention à sélectionner pour leurs salariés des véhicules de service adaptés aux différentes morphologies, au roulage ou encore au temps passé à bord. D’autres offrent systématiquement des boîtes automatiques pour reposer jambes et bras ; on passe alors d’une Clio 2 places à une Mégane ou une C4 en version 2 places VP/VU.
La car policy pour motiver

Pour Eurofeu, Alain Motz, secrétaire général de ce spécialiste des matériels anti-incendie, ne dit pas autre chose : « Nous sommes situés en Eure-et-Loir, à la fois près et loin de Paris. Nous attirons nos futurs salariés avec un véhicule de fonction. Cela touche 10 % de nos salariés, cadres ou commerciaux grands comptes. Cette population peut choisir entre plusieurs voitures et obtenir des modèles plus haut de gamme contre participation. Ce fonctionnement est bien perçu par nos collaborateurs et représente un élément important du contrat de travail » (voir aussi le témoignage).
De fait, la car policy de qualité motive aussi le salarié parce qu’elle suppose un complément important de revenu. « Une voiture de fonction, selon sa taille, peut générer un gain de 4 000 à 7 000 euros par an pour celui à qui l’on confie un véhicule », reprend Robert Maubé.
S’ajoute à cela une question de prestige. Chaque année, une voiture immatriculée sur huit est un véhicule neuf. La moyenne d’âge des acheteurs de VN s’élève à 55 ans en France. Un jeune salarié de 30 ans à la tête d’une voiture de fonction neuve, changée tous les quatre ans, éprouvera une forme de contentement personnel. Il bénéficie alors d’une marque de statut social élevé, un signe extérieur de réussite.
Une réussite que les analyses du spécialiste en rémunération Willis Towers Watson ont quantifiée : un véhicule de fonction équivaut à un gain salarial brut compris, selon le modèle, entre 540 et 880 euros par mois. Soit plus d’un treizième mois de salaire. Le cabinet pousse aussi plus loin l’étude selon la catégorie du salarié. Ainsi, en France, 75 % des dirigeants peuvent bénéficier d’une voiture de fonction au sein de leur entreprise. L’avantage voiture octroyé par leur employeur est alors compris entre 530 et 1 100 euros bruts par mois, avec une moyenne de 850 euros mensuels, soit 10 200 euros par an.
Un avantage voiture de 10 200 euros par an
« Globalement, selon nos études, environ une entreprise sur deux octroie des voitures de société. C’est beaucoup plus dans le secteur de la grande distribution. Très peu d’employés, de techniciens ou d’agents de maîtrise s’en voient proposer. Le taux est d’environ 50 % pour les cadres de premier niveau et une majorité de cadres de haut niveau et de dirigeants en bénéficient », précise Khalil Aït-Mouloud, responsable du pôle enquête de rémunération pour Willis Towers Watson (voir aussi le témoignage). Des données complétées par Olivier Rigoni, formateur et fondateur du cabinet Cogecar, spécialisé dans le conseil en gestion de flotte : « Plus on se situe dans une activité à forte valeur ajoutée comme le conseil ou l’informatique, plus la car policy reste liée aux RH. En revanche, plus l’entreprise est industrielle, plus la car policy est fermée et l’employeur cherche à faire des économies », conclut-il.
Pour l’employeur, l’intérêt d’offrir un véhicule à son salarié repose sur les possibilités offertes pour la valorisation de l’avantage en nature voiture (selon les frais réels ou selon la méthode du forfait annuel) qui doit être reporté en paie et donc assujetti aux cotisations sociales salariales et patronales. En effet, dans le cas d’un véhicule en location (avec ou sans option d’achat) avec le choix du forfait annuel, l’avantage voiture est valorisé à 40 % ou 30 % du coût annuel, selon que l’employeur prenne ou pas en charge le carburant. Mettre à disposition un véhicule de fonction est donc plus avantageux que de verser l’équivalent de ce coût en espèces.
Développer la « marque employeur »
Pour attirer et fidéliser des salariés, l’entreprise peut aussi développer une car policy qui sera un sujet de fierté pour les collaborateurs, un véritable « moteur d’encouragement », une occasion de développer d’une autre façon, plus concrète, la « marque employeur ». Dans cet objectif, les démarches de responsabilité sociale des entreprises (RSE), par le biais des « nouvelles mobilités », répondent en général aux attentes de différentes populations qui n’ont pas toutes les mêmes intérêts selon leur âge, leur personnalité, leur sensibilité aux problèmes écologiques, leur lieu de travail et d’habitation, etc.
Ceci précisé, les démarches de responsabilité sociale des entreprises (RSE) ont aussi tendance à modifier les pratiques d’utilisation des voitures de fonction. « Dans des sociétés, commente Olivier Rigoni pour Cogecar, les salariés les plus jeunes, qui habitent des centres urbains, ne veulent plus de voiture. Des employeurs leur offrent alors des packs mobilité de 5 000 euros par an plutôt qu’une voiture à 400 euros par mois. À ces salariés d’y piocher pour se payer des billets de train, d’avion pour leurs déplacements personnels. »
Des alternatives aux véhicules
En toute logique, la gestion de la flotte et la car policy ne peuvent plus être isolées de la politique de mobilité et environnementale de l’entreprise. Car la capacité à fournir une solution de déplacement aux collaborateurs demeure un critère de fidélisation et d’attachement à l’employeur.

« Nous recommandons à tous nos clients de mettre en avant auprès de leurs salariés des alternatives aux véhicules, insiste Stéphane Montagnon, associé de Holson, spécialiste du conseil et du fleet management. Le minimum est de prévoir quelque chose pour les salariés qui n’éprouvent pas le besoin d’une voiture. »
De nombreux gestionnaires de flotte réfléchissent à remplacer le véhicule par des bons de transport. C’est vrai chez Orange, en pointe sur ce sujet. « Nous assistons à une désaffection de certaines catégories de salariés, les jeunes notamment, qui ne souhaitent plus de voitures de fonction. Parfois, ils n’ont pas le permis. Ils préfèrent un “super“ smartphone, une entreprise dynamique plutôt qu’une voiture », explique Patrick Martinoli, responsable projet et innovation flotte et mobilité pour l’opérateur public, à la tête de 17 500 véhicules.
Un budget déplacement plutôt qu’une voiture

Patrick Martinoli poursuit : « La situation dépend maintenant de chaque salarié. Nous devons nous adapter et avancer d’autres solutions. Dans ce contexte, nous travaillons à des modalités alternatives. Cela n’est pas encore mis en place car il faut que la législation mûrisse, mais nous avançons. Il pourrait s’agir, à l’avenir, de crédits mobilité en euros avec affichage sur la feuille de paie, ou bien d’offres de billets d’avion pour partir en vacances. Pour l’instant, l’Urssaf n’accepte pas de valider cela. D’autres options sont possibles comme du covoiturage rémunéré à l’avantage du conducteur mais sans rien coûter au passager. Nous sommes en réflexion », énumère ce responsable (voir aussi l’encadré).
« De nombreux collaborateurs préfèrent désormais bénéficier d’un budget déplacement plutôt que d’un véhicule, confirme Baudouin de Mégille, ancien dirigeant de la flotte de Veolia Environnement et dorénavant consultant en gestion de parc. Les raisons en sont simples : ces salariés n’emploient que rarement leur véhicule. Ils se plaignent de devoir le laisser sur un parking la majorité du temps. Et il est contreproductif d’acheter un véhicule 40 000 euros pour l’immobiliser toute l’année. »

Mais cette évolution vers un budget déplacement ne concerne encore que peu de monde, « pas plus de 5 à 10 % des employés que nous rencontrons, mais ce sont des “early adopters“ et il y a fort à parier que ces pratiques vont se développer fortement », ajoute Baudouin de Mégille. La voiture de fonction est-elle condamnée ? « Ce n’est pas ce que nous mesurons, pondère Khalil Aït-Mouloud, responsable du pôle enquête de rémunération de Willis Towers Watson. Les flottes, certes, se renouvellent et celles destinées aux salariés des grandes métropoles pourraient se réduire. Mais les flottes roulant en campagne ou dans de plus petites agglomérations ont encore de beaux jours devant elles. »
La période 2019-2020 se veut particulièrement indiquée – mais compliquée – pour créer ou repenser une car policy prenant en compte des questions liées aux RH. En effet, le moment se veut délicat car les entreprises pourraient subir une forte augmentation des coûts fiscaux avec l’arrivée du cycle WLTP qui devrait succéder au NEDC corrélé l’an prochain. Les vieilles car policies vont devoir être remaniées profondément.
Préparer l’arrivée du WLTP
De fait, si les entreprises n’agissent pas, les émissions de CO2, calculées selon le WLTP et donc très souvent en forte croissance, pourraient entraîner dans leur sillage les malus des véhicules mais aussi et surtout alourdir notablement le poids de la TVS. « Si l’on ajoute à cela quelque 8 % d’augmentation des coûts de carburant, 3 à 6 % pour l’assurance et 5 à 6 % pour le loyer, les coûts vont s’envoler. Pour la période 2018-2022, j’estime la hausse du TCO entre 15 % au minimum et 20 % au maximum », note Robert Maubé qui s’appuie sur un benchmark réalisé sur ce sujet. C’est dire si la car policy devra être modifiée rapidement pour réussir à contenter les salariés sans coûter trop cher à l’employeur.
Cette recherche de la quadrature du cercle pourrait se résoudre en optimisant correctement les coûts d’une flotte. Ce sera alors l’occasion de renforcer la professionnalisation de la gestion de flotte, de préférer l’autopartage ou bien le covoiturage. Enfin, le management et donc les RH devront aussi être sollicités. Partant du constat bien connu que le trajet le moins cher est celui que l’on ne fait pas, alors qu’au contraire, on assiste, depuis quelques années, à une croissance du nombre de kilomètres réalisés par les cadres et les commerciaux. Il faudra donc se poser des questions sur le nombre de réunions que ces salariés doivent suivre – et sur la possibilité d’en tenir quelques-unes par le biais de la visioconférence. Dans cet objectif global d’optimisation, la connaissance de sa flotte peut alors servir de révélateur à des optimisations managériales.
La solution : limiter les trajets
Abaisser le nombre de kilomètres parcourus diminue parallèlement les coûts. Rouler moins, travailler mieux, développer le télétravail, passer plus de temps devant son client ou devant son ordinateur que sur la route demeurent des solutions à négocier avec les RH. C’est dire si les gestionnaires de flotte devront, qu’ils le veuillent ou non, se rapprocher de ce service. Pour le bien de leur flotte, de leur métier et des bons comptes de leur entreprise.