
Face au déclin annoncé du pétrole et à l’hégémonie programmée de l’électrique, les industriels français du secteur pétrolier, regroupés au sein de l’Ufip (Union française des industries pétrolières), plaident pour le développement de nouveaux carburants liquides bas carbone. Et ce, bien que des obstacles demeurent, déclarait en mars dernier Olivier Gantois, président de l’Ufip, lors de la présentation des résultats pour 2020 et des perspectives pour 2021 (source : Ufip). Les pétroliers espèrent ainsi pouvoir commercialiser des carburants liquides bas carbone (CLBC) en remplacement des essences et du gazole fossiles actuels. « L’avenir est...
Face au déclin annoncé du pétrole et à l’hégémonie programmée de l’électrique, les industriels français du secteur pétrolier, regroupés au sein de l’Ufip (Union française des industries pétrolières), plaident pour le développement de nouveaux carburants liquides bas carbone. Et ce, bien que des obstacles demeurent, déclarait en mars dernier Olivier Gantois, président de l’Ufip, lors de la présentation des résultats pour 2020 et des perspectives pour 2021 (source : Ufip). Les pétroliers espèrent ainsi pouvoir commercialiser des carburants liquides bas carbone (CLBC) en remplacement des essences et du gazole fossiles actuels. « L’avenir est dans l’utilisation et le déploiement de biocarburants plus avancés, et notamment dans les voies très prometteuses de la décomposition de la cellulose », estime entre autres Olivier Gantois.
Carburants « bio » ou de synthèse
Les biocarburants sont déjà employés, mais ceux de nouvelle génération, issus de la sylviculture et de l’agriculture, n’entreraient pas en compétition avec d’autres usages comme l’alimentation, assurent les industriels du pétrole. L’autre piste est celle des carburants de synthèse issus de la recombinaison de l’hydrogène avec le CO2. « Avec l’ensemble de ces solutions, qui sont pour nous très réalistes à cette échelle, nous avons une proposition pour décarboner les carburants des différents types de mobilité d’ici à 2050 », précise Olivier Gantois.
Grand avantage par rapport à l’électricité et à sa distribution, ces carburants liquides peuvent employer les infrastructures déjà existantes et ne nécessitent pas de développer de nouveaux moteurs thermiques. « Mais ils coûtent plus cher à produire. Pour faire en sorte que leur coût soit acceptable pour le consommateur, il va donc falloir mettre en place un dispositif réglementaire, sans doute fiscal », ajoute Olivier Gantois. Car si la France a prévu la fin des ventes de voitures à énergies fossiles d’ici à 2040, l’Ufip plaide pour que ce ne soit pas la fin du moteur thermique pour autant. « Nous devons convaincre, notamment les pouvoirs publics, que l’on va mettre en place des carburants vraiment vertueux au regard de l’environnement. Si c’est le cas, il y a une place demain pour les véhicules thermiques », assure Olivier Gantois.
Précisons que la France compte huit raffineries en métropole et une en outre-mer. Et de ce côté, les choses bougent aussi. Total compte par exemple cesser le raffinage du pétrole fin 2023 sur son site de Grandpuits (Seine-et-Marne), pour y produire entre autres des biocarburants et des bioplastiques. Pour sa part, la raffinerie Total de La Mède (13) doit produire annuellement 650 000 t de biocarburants.
Carburants décarbonés : Total se convertit
Pour cela, il lui faut s’approvisionner à hauteur de 60 à 70 % en huiles végétales brutes composées de colza, tournesol, soja, palme pour moins de 50 % du total, ou encore maïs et nouvelles plantes du type carinata (grande plante d’Afrique aux graines riches en huile). Le site traitera pareillement 30 à 40 % de graisses animales, d’huiles alimentaires usagées et d’huiles résiduelles (huiles issues de déchets et de l’industrie papetière), une part qui a vocation à augmenter au fil des années en fonction de la disponibilité de ces ressources alternatives. Récemment, le premier vol Air France en Airbus A350 a d’ailleurs relié Paris à Montréal avec un bio-carburant produit par cette raffinerie.
Citons également l’usine Saipol à Grand-Couronne (Seine-Maritime) qui transforme les graines de colza pour produire du tourteau destiné aux animaux et une huile estérifiée, le bien connu diester, incorporée dans le gazole. L’usine peut aussi produire jusqu’à 550 000 t de biodiesel par an, comme le B7 qui contient un maximum de 7 % d’ester. Sans oublier l’éthanol, alcool issu de la fermentation du sucre de betterave ou de blé, qui enrichit le carburant des moteurs essence (SP 95-E10 et super-éthanol E85 à 85 % d’éthanol). Les pétroliers Total et Esso sont aujourd’hui les principaux clients de Saipol. Le site fabrique aussi l’Oleo100, un biocarburant qui réduit de 60 % les émissions de gaz à effet de serre (GES). Ce carburant 100 % végétal se destine surtout aux flottes des entreprises et des collectivités, précise Saipol.
Bioéthanol de seconde génération
Dans le même domaine, la société croate INA a signé un accord de licence avec Axens pour produire à terme 55 000 t par an de bioéthanol de seconde génération, le Futurol, en faisant appel à des matières premières lignocellulosiques comme les résidus agricoles, ou bien encore au miscanthus ou herbe à éléphant, une grande graminée à haut pouvoir énergétique. Cette production représente l’équivalent de 70 millions de litres d’éthanol mais avec une diminution des émissions de GES de 85 % par rapport à l’essence. C’est l’aboutissement d’un projet lancé en 2008 autour d’onze partenaires français : l’Ifpen, Total, Tereos, l’ONF, Unigrains, l’Inra, Lesaffre, Vivescia, CGB, ARD et le Crédit Agricole.
La production de carburants décarbonés demeure donc un objectif à atteindre et la R&D des scientifiques européens s’est emparé du sujet depuis longtemps. Dans ce cadre, il nous faut aussi citer l’Institut de biosciences et biotechnologies d’Aix-Marseille (BIAM) qui a conçu un procédé de production par des micro-algues de petites quantités d’hydrocarbures grâce à une enzyme. Reste maintenant pour les chercheurs à transférer ce procédé à un micro-organisme photosynthétique (microalgue ou cyanobactérie) qui ne nécessitera plus d’ajout de sucre mais recourra au CO2 atmosphérique comme source de carbone. Une alternative aux biocarburants issus de la biomasse, donc des terres agricoles.
Validation en compétition
Les biocarburants actuels vont aussi suivre cette voie de la baisse de leur teneur en carbone, comme l’ont annoncé Porsche et ExxonMobil fin 2020 pour les deux saisons à venir d’épreuves sportives avec la nouvelle 911 GT3 Cup. L’objectif : prouver l’efficacité énergétique et la fiabilité en compétition d’un biocarburant obtenu à partir de déchets alimentaires. En 2022, ce partenariat évoluera vers l’eFuel, carburant synthétique cette fois-ci, produit à partir d’hydrogène et de dioxyde de carbone captés et recombinés en méthanol. Avec à la clé toujours ces 85 % de recul des émissions de CO2 par rapport à l’essence.
Pour l’heure, le bilan carbone n’est pas forcément excellent puisque Porsche s’appuie sur la production de l’usine développée avec Siemens et basée au… Chili. À terme, la production de ce méthanol eFuel atteindra 50 millions de litres en 2024 et 500 millions de litres en 2026. Rappelons que Porsche est l’actionnaire principal du groupe Volkswagen.

Des carburants synthétiques
Pour sa part, Mazda a rejoint récemment l’Alliance eFuel qui promeut ces carburants synthétiques que sont l’ePetrol, l’eDiesel ou encore l’eKerosene. Du côté des carburants plus classiques, Bosch, Shell et Volkswagen annoncent avoir mis au point une essence renouvelable qui réduit de 20 % les émissions de CO2, le Blue Gasoline. Ce carburant sera distribué dans des stations-service publiques d’ici fin 2021, uniquement en Allemagne dans un premier temps. Concrètement, « ce carburant E10 contient jusqu’à 33 % de composants renouvelables et permet d’économiser au moins 2 % de CO2 par kilomètre parcouru, du puits à la roue », selon les trois partenaires. Dans la réalité, il s’agit de naphta obtenu à partir de « tall oil », dérivé de la production de cellulose ou d’éthanol biosourcé.

Dossier - Véhicules bas carbone : objectif 2050
- Véhicules bas carbone : objectif 2050
- Carburants décarbonés : des pistes à l’étude