
Alain Teig fait partie des professionnels de la gestion de flotte qui comptent en région Rhône-Alpes-Auvergne. Président de l’association Echomobility, il fédère une vingtaine de responsables de parc dans cette forme de think tank et de groupe de pression. Alain Teig est aussi à la tête de la flotte du spécialiste des services informatiques Capgemini France.

« Pour réussir, un gestionnaire de flotte doit réunir de nombreuses compétences, précise d’emblée Alain Teig. Il doit tout d’abord être force de proposition vis-à-vis de sa direction. C’est comme cela que j’ai toujours fait en rédigeant des...
Alain Teig fait partie des professionnels de la gestion de flotte qui comptent en région Rhône-Alpes-Auvergne. Président de l’association Echomobility, il fédère une vingtaine de responsables de parc dans cette forme de think tank et de groupe de pression. Alain Teig est aussi à la tête de la flotte du spécialiste des services informatiques Capgemini France.

« Pour réussir, un gestionnaire de flotte doit réunir de nombreuses compétences, précise d’emblée Alain Teig. Il doit tout d’abord être force de proposition vis-à-vis de sa direction. C’est comme cela que j’ai toujours fait en rédigeant des projets d’optimisation des coûts et des gains d’organisation. J’ai ainsi suggéré d’homogénéiser et d’optimiser mon parc en centralisant tous les coûts et les locations. Cela a été accepté », relate ce responsable. En soulignant qu’il a alors créé son poste en passant en dix ans de la gestion de 80 à 700 véhicules, avec maintenant une équipe de quatre salariés.
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Se former et s’auto-former
« Il est également impératif, c’est mon second conseil, de développer ses compétences en continu. Cela permet de devenir l’unique interlocuteur de son domaine. Pour cela, je lis des magazines professionnels, je m’auto-forme auprès de mes pairs dans des salons. À chaque fois que l’on a mis en place de l’autopartage ou du covoiturage, je me suis renseigné et j’ai suggéré des solutions. En suivant cette stratégie, la reconnaissance finit par venir. On peut alors demander pour soi et son équipe », poursuit Alain Teig.

Une vision partagée par les spécialistes de la gestion de carrière sur le thème du « Aide toi, le ciel t’aidera ». « Pour bien débuter, le jeune gestionnaire doit posséder un bagage universitaire de niveau bac + 2 en gestion ou en commercial. C’est un minimum », avance Delphine Vassal. Cette dernière est directrice pour le cabinet de recrutement Fed Office dont l’une des charges est d’embaucher des gestionnaires de flotte. « Je préconise ensuite de viser les parcs les plus importants et de démontrer ses capacités de négociateur commercial et une connaissance du monde de la voiture. La lecture d’un magazine professionnel peut suffire. Il n’y a pas de diplôme spécifique. On peut aussi évoluer sans avoir besoin de se former. Les expériences successives font la différence », ajoute cette recruteuse.
Le gestionnaire de flotte d’aujourd’hui, et surtout de demain, doit aussi disposer de compétences en informatique et en traitement de données. C’est l’opinion du formateur Robert Maubé. Expert-conseil en gestion de flotte pour le cabinet RRMC, il dispense son enseignement à une soixantaine de responsables par an.
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Informatique et numérique
« Le fleet manager qui “performe“ doit être initié à l’informatique et à la numérisation de son service. La gestion de flotte devient toujours plus compliquée. La diversité des sujets fait qu’il est désormais impossible de s’occuper de son parc sans un logiciel de gestion. Conclusion : les compétences en informatique sont essentielles », note Robert Maubé. En rappelant cependant qu’aucun logiciel ne couvre l’ensemble des questions liées à la gestion de flotte. « Il faut donc employer plusieurs outils simultanément. Ce qui génère beaucoup de données et suppose une seconde compétence clef : l’analyse de données pour piloter son parc. »

Un gestionnaire avisé pourra aussi élargir son spectre professionnel. C’est l’option prise par Daniel Rosenberger, expert sécurité pour les forces de vente de Danone France. « Je ne gère pas, à proprement parler, une flotte, même si je suis force de proposition pour les équipements des véhicules ou les questions de sécurité routière. Après un DUT GEA et un master en gestion, je suis entré chez Danone par la voie commerciale comme chef de marché avant de bifurquer dans la sécurité. Pour être promu, je préconise de s’ouvrir au plus grand nombre de fonctions : logistique, commercial, marketing. Bref, il faut sortir du cadre le plus possible et changer de métier régulièrement. Tous les six ans est un bon rythme », recommande-t-il.
Travailler ses réseaux
Pour définir où sa valeur ajoutée peut être la plus utile, le gestionnaire doit s’informer, être curieux, faire parler ceux qui connaissent les tenants et aboutissants de la fonction. Ce peut être en discutant au sein d’un réseau, d’une communauté, d’un salon ou de la machine à café. Le responsable de parc découvre alors les besoins insatisfaits, les attentes, ces petits riens qui sont essentiels.
Pour mettre en confiance ces relais d’information, le gestionnaire doit aussi montrer et démontrer qu’il peut inspirer confiance. C’est la base d’une relation réciproque qui amène à recueillir des informations intéressantes. Cela suppose de s’appuyer sur un réseau développé et d’aider ses collègues au quotidien. Cela veut aussi dire qu’il faut repérer ce qui a le plus d’impact dans son travail et garder un œil sur les points de bascule, ce qui change dans son entreprise, dans sa direction, chez ses clients. Il s’agira par exemple de privilégier les modèles les moins polluants, les plus sécurisés, les moins traumatisants pour les conducteurs, de se positionner en interface des politiques de marketing et des politiques environnementales. Et donc de cesser de penser que ces notions se situent en dehors de son périmètre.
Une fois ce travail effectué, il faut se demander ce qui est essentiel et ce sur quoi il faut se concentrer. Si c’est l’analyse des données, il faudra s’y mettre et en proposer. Si ce n’est pas dans les objectifs de sa direction, il faudra choisir autre chose.
Définir ses objectifs

« Pour progresser, le gestionnaire de flotte doit aussi définir ce que sa direction attend de lui, les objectifs qui lui ont été fixés et ce qu’il fait pour les atteindre, confirme Joëlle Planche-Ryan, coach, responsable développement au pôle carrière des anciens d’Arts & Métiers Alumni, et auteure de Boostez votre parcours professionnel avec le mind mapping. Le manager que l’on remarque remplit donc ses objectifs et réfléchit aussi à des sujets où on ne l’attend pas. Cela constitue sa valeur ajoutée », conclut-elle.
Existe-t-il alors un parcours type pour arriver au sommet de la gestion de flotte ? « La réponse est non, coupe tout de suite Maxime Sartorius, président du fleeteur Direct Fleet (10 000 véhicules en gestion). Je ne vois pas de passage obligé, pas de formations structurantes et spécifiques pour les jeunes. » Maxime Sartorius met en revanche en avant un parcours modèle. « Le jeune gestionnaire débutera dans une petite entreprise en suivant un parc privé. La connaissance de l’automobile sera un plus. Il pourra aussi disposer d’une brève expérience, trois ans pas plus, chez un loueur pour comprendre son fonctionnement. Puis passer chez un fleeteur six à sept ans, vers la trentaine. Il touchera alors à de nombreux clients et de nombreux secteurs. Et il pourra acquérir des expériences en management d’équipe. » Des compétences qu’il sera ensuite possible de revendre.
Un parcours modèle ?
« Cette démarche demande de montrer plusieurs qualités, reprend Maxime Sartorius. Le gestionnaire qui évolue est engagé, intéressé, il ne compte pas ses heures, a le sens du service, du client et trouve des solutions. Enfin, et c’est très rare dans le métier, il devra savoir sortir des chiffres, suggérer des améliorations, des préconisations, analyser, par exemple à trois ans, ce que seront les parcs automobiles avec une étude financière à la clef. » Et vers quarante ans, il sera possible d’intégrer une plus grosse flotte de plusieurs milliers de véhicules dans un grand groupe. Puis, vers 45 ans, d’évoluer dans ce groupe vers des métiers connexes et transverses comme les services généraux ou les achats, voire de passer, après cinquante ans, dans un très grand groupe », préconise Maxime Sartorius. À ce niveau, les salaires peuvent atteindre les 100 000 euros bruts par an.
Illustration par l’exemple
Prenons le cas de Philippe qui préfère ne pas être cité du fait de la mauvaise situation économique post-covid de son secteur. Ancien contrôleur de gestion, il est devenu gestionnaire de la flotte d’un groupe aéronautique à la suite d’une réorganisation. Il est maintenant à la tête d’un millier de véhicules. « Je suis devenu gestionnaire par hasard il y a six ans. De contrôleur de gestion, ma direction m’a proposé un reclassement à ce poste. J’aurai pu renâcler. J’ai au contraire saisi l’occasion pour développer cette fonction en création. Ma stratégie a fonctionné », relate-t-il.
L’objectif de Philippe a été d’optimiser la flotte de son groupe selon trois axes : assurer la sécurité et le confort des conducteurs, réduire les coûts et verdir ce parc. À chaque décision, les choix ont été faits en suivant ces trois axes. « Pour développer ce poste, j’ai mis en œuvre plusieurs compétences, illustre-t-il. Il s’est agi tout d’abord de créer une stratégie à moyen terme et d’avancer petit à petit. Ensuite, il a fallu être curieux, fin négociateur et savoir où l’on veut aller. Alors que nous devions verdir la flotte, nous nous sommes par exemple reposés sur des modèles premium avec boîte automatique. » Il a aussi fallu lancer une campagne de communication pour faire adhérer le plus grand nombre. « Enfin, un gestionnaire évolue s’il connaît parfaitement les collaborateurs de son entreprise, poursuit Philippe. Le relationnel est extrêmement important. Et il faut aussi incarner les changements et les décisions. Cela va de pair avec une forme de passion pour son travail. Sans cela, le gestionnaire n’arrivera pas à emporter l’adhésion des salariés. »
In fine, ce gestionnaire pourra évoluer en quittant son poste pour devenir directeur de la mobilité. Il faut alors avoir prouvé à son entourage sa capacité à conduire le changement. « L’objectif ne sera pas de se concentrer sur la seule flotte mais d’analyser tous les moyens de se déplacer. Cela fait partie de la stratégie pour une mobilité plus responsable, plus intelligente, plus économique car moins énergivore. Bref : avoir une vision et convaincre son dirigeant en lui expliquant quel sera le déplacement de demain », résume Philippe.
Vers les nouvelles mobilités…
Théophane Courau, P-DG du fleeter Fatec Group (60 000 véhicules en gestion et 40 gestionnaires de flotte en activité) recrute régulièrement des fleet managers. Et il ne dit pas autre chose. « Pour progresser, le gestionnaire de flotte devra viser une expertise et un accompagnement des nouvelles mobilités, précise-t-il. Hier, le fleet manager gérait un véhicule. Aujourd’hui et encore plus demain, il mettra en avant diverses solutions de déplacement avec un fort accompagnement au changement. D’où l’importance du sens critique et de la curiosité », souligne Théophane Courau. Tout en rappelant qu’il est plus compliqué de proposer une mobilité en vélos entre deux sites que de s’occuper de voitures. « Mais ce mode de fonctionnement permet aussi de se positionner comme un apporteur de valeur à son entreprise, de proposer une politique en responsabilité sociale et environnementale (RSE) et donc de s’occuper d’enjeux plus larges au cœur des problèmes de son employeur : numérisation, environnement, développement durable, nouveaux usages, etc. » Théophane Courau avance aussi l’importance de la maîtrise des langues. « Il y a un nombre croissant de collaborateurs étrangers dans les entreprises françaises et il est important de pouvoir comparer les façons de faire entre divers pays. L’anglais voire une autre langue fera de plus en plus la différence », pointe ce dirigeant.
… ou le conseil
Enfin, dernière piste face à la rapidité des changements que connaît la gestion de flotte, les métiers du conseil pourraient se montrer intéressants et rémunérateurs pour les responsables de parc. Certes, ils s’adressent aux plus aguerris d’entre eux. Mais ils conviennent parfaitement aux plus expérimentés qui désirent soit intégrer un cabinet de conseil, soit en monter un. Il s’agira alors de conseiller PME, PMI et autres ETI sur les techniques à développer pour optimiser les flottes, de rédiger des car policies et bien sûr de réduire les coûts. Et cela pour des honoraires qui oscillent entre 800 et 1 500 euros la journée.
Côté formation, le gestionnaire de flotte aura tout intérêt à s’appuyer sur une série de compétences « associant la comptabilité, les achats et la logistique, complète Olivier Rigoni, dirigeant du cabinet Cogecar, spécialiste en gestion des déplacements et des flottes. À quelque 8 000 euros le coût annuel d’une voiture, un gestionnaire attaché à 200 véhicules et 500 salariés s’occupe d’un budget de l’ordre de 1,5 million à 2 millions d’euros. C’est énorme et cela représente souvent le deuxième poste des frais après les salaires. Un double cursus gestion-logistique constitue alors l’idéal. »
Reste que la gestion de flotte a encore la chance d’être un métier nouveau, sans formation académique spécifique. « C’est probablement l’une des dernières fonctions peu ou pas encadrées, conclut le formateur Robert Maubé. Tout est donc possible pour celui ou celle qui a le potentiel et l’envie de décrocher des postes de très haut niveau sans barrière, sans cadre formel. » À vos marques !
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