
La guerre des prix aura bien lieu. La prédominance des enseignes de la grande distribution oblige les pétroliers à réagir et à porter le fer sur le front des tarifs, principal critère de choix des particuliers comme des entreprises. C’est dans cette optique que Total vient d’officialiser le lancement de Total Access. Ce réseau de 600 stations « alliera les prix bas à la qualité des carburants et des services de la carte Total. » En filigrane, c’est bien la grande distribution qui est visée. Avec Total Access, les volumes réalisés priment sur la marge, modèle déjà expérimenté avec succès par des enseignes comme Leclerc ou Auchan. Le lancement...
La guerre des prix aura bien lieu. La prédominance des enseignes de la grande distribution oblige les pétroliers à réagir et à porter le fer sur le front des tarifs, principal critère de choix des particuliers comme des entreprises. C’est dans cette optique que Total vient d’officialiser le lancement de Total Access. Ce réseau de 600 stations « alliera les prix bas à la qualité des carburants et des services de la carte Total. » En filigrane, c’est bien la grande distribution qui est visée. Avec Total Access, les volumes réalisés priment sur la marge, modèle déjà expérimenté avec succès par des enseignes comme Leclerc ou Auchan. Le lancement de ce réseau s’accompagne de la disparition des stationsservice aux couleurs de la marque Elf détenue par Total. Les 280 stations du réseau Elf passeront sous l’étendard de Total Access qui comptera également 300 stations Total déjà existantes mais qui se redéploieront pour accueillir davantage de trafic. Selon le communiqué du groupe pétrolier, « ces stations seront situées sur des emplacements dont le potentiel de clientèle a été jugé suffisant pour pratiquer des prix bas. »
Total Access pour contrer la grande distribution
Les observateurs notent que le réseau Total Access s’implantera à proximité des hypermarchés pour une concurrence frontale sur les prix. Les entreprises sont aussi concernées par ce réseau puisque les cartes GR y seront acceptées. Si le déploiement de l’enseigne devrait avoir lieu à partir du début de 2012, deux stations Total Access ont d’ores et déjà ouvert leurs portes début octobre à Gennevilliers et à Rocquencourt en région parisienne.
Face aux enseignes de la grande distribution, Total fait valoir la densité de son réseau. « Grâce à la carte GR, explique Agnès Robin du département marketing des cartes pétrolières, nos clients accèdent en France au premier réseau de stations- service, soit près de 3 800 points de distribution aux couleurs de Total et d’Elan dont 126 stations sur autoroute ouvertes 24 heures sur 24 » (voir ci-dessous).
Une densité d’autant plus importante que la compétition entre les différents réseaux s’organise dans un contexte pour le moins morose. Chaque année, de nombreuses stations mettent la clé sous la porte. En 2010, le réseau Total a perdu 228 points de vente et de services. Selon Agnès Robin, «Les contraintes réglementaires toujours plus sévères sur les installations pétrolières (cuves double enveloppe, séparateur d’hydrocarbure, pistes étanches) ont inévitablement entraîné la fermeture de stations ne répondant pas ou ne pouvant pas répondre aux exigences économiques de telles mises aux normes.»
Une bataille entre prestataires sur fond de crise
De son côté, le réseau Esso compte 700 stations en France. Comme ces concurrents, l’enseigne a fermé des stations en 2010. « Mais, souligne Esso, notre réseau est maintenant stabilisé. Nous fermons moins de stations que les autres acteurs puisque notre restructuration remonte aux années 2004 et 2005. »
Sur un marché français très concurrentiel où le prix hors taxe des carburants est le plus bas d’Europe, Esso a décidé de réagir dès le début des années 2000. L’enseigne a lancé un concept de stations self-service en installant des automates à la place des pompes traditionnelles. Après un premier test mené dans une dizaine de stations, le réseau a été déployé sur l’ensemble du territoire et Esso Express compte désormais 327 points de distribution. Le paiement se fait à l’aide soit de la Carte Esso, soit d’une carte bancaire classique. Résultat : après avoir envoyé les couleurs d’Esso Express, des stations ont vu leurs volumes doubler, voire tripler.
Pour les flottes internationales, Esso met en avant la réciprocité instaurée avec Shell. Les détenteurs d’une carte Esso peuvent se ravitailler dans les stations Shell et vice-versa. Ainsi, les entreprises disposent d’un réseau de 14 000 stations implantées dans une vingtaine de pays. Pour sa part, Shell met en avant sa carte euroShell, avec à la clé plus de 1 500 stations- service Shell ou partenaires dans l’Hexagone, et plus de 20 000 stationsservice à l’échelle européenne. La carte peut bien sûr être employée pour régler les péages, ponts et tunnels en France, avec en outre un relevé actualisé des dépenses en carburant. Enfin, la marque propose son outil de gestion en ligne des flottes.
Le prix, toujours le prix, encore le prix
Brice Ilhardoy, directeur commercial de la carte Esso, estime que le segment des entreprises pèse 15 à 20 % des ventes françaises de carburant. « Les professionnels ont pris conscience que le carburant constituait un budget très important, note-t-il. Le prix est donc devenu le premier argument de vente et ce, même si les gestionnaires demandent des outils de reporting efficaces. Mais offrir de multiples services n’empêchera pas les entreprises d’en revenir au prix. » Pour séduire la clientèle des flottes, Esso a élaboré une politique tarifaire originale. L’entreprise négocie un prix fixe auquel est appliquée une remise. Si le prix affiché à la pompe est plus intéressant, l’entreprise en bénéficie. Cette pratique amène donc à profiter d’un tarif compétitif négocié à l’avance dans les stations implantées sur autoroute où les prix sont plus élevés. Mais dans les zones à la concurrence exacerbée, l’entreprise obtient des tarifs encore plus bas en choisissant le prix affiché à la pompe.
Comme Esso, BP propose une politique tarifaire dite « au meilleur des deux ». L’entreprise négocie un tarif diminué d’une remise contractuelle. Si le tarif à la pompe est plus intéressant, elle bénéficie de ces meilleures conditions. Pour affronter la concurrence de la grande distribution, l’enseigne communique aussi sur la qualité des carburants distribués et notamment de son label premium Ultimate. « De plus, la grande distribution n’est pas sur les grands axes routiers, avance Olivier Le Ruyet, pour le département marketing de BP France. Nos clients n’ont pas à se déplacer en périphérie des villes pour trouver nos stations. Cellesci sont implantées aussi bien sur les autoroutes que sur les voies rapides et dans les centres-villes. »
Une tarification au meilleur des deux prix chez BP
Olivier Le Ruyet estime qu’un litre de carburant sur cinq est vendu aujourd’hui à un porteur d’une carte de paiement d’entreprise : « Les volumes vendus aux professionnels sont en progression depuis des années alors que le marché des particuliers est déprimé. » Présent depuis 18 ans sur le segment des cartes carburant, BP y enregistre encore une progression de moins de 5 % (voir aussi page 30). Son portefeuille de clientèle compte des artisans comme des TPE, PME ou grands groupes nationaux et internationaux. Parmi ceuxci figurent France Télécom, GDF Suez ou encore la Police Nationale. Mais avec un marché des grandes entreprises fortement concurrencés, BP mise sur la clientèle des TPE et des PME pour se développer. Plus précisément, l’enseigne estime que les flottes dont le nombre de véhicules oscille entre deux et quinze offrent un potentiel important. Autre tendance lourde, l’éco-conduite est dorénavant entrée dans les moeurs des entreprises. Pour les accompagner dans ce sens, BP a noué un accord de partenariat avec CEC Conseil qui a déployé des plans de formation ad hoc.
Face aux enseignes des pétroliers, la grande distribution détient 60 % du marché du carburant en France. Leclerc enregistre ainsi entre 500 000 et 600 000 pleins chaque jour dans ses stations. «Sur le marché des particuliers, nous avons atteint le maximum de notre potentiel, expose Thierry Forien, directeur adjoint de la SIPLEC (Société d’Importation E. Leclerc). Bien que le segment des entreprises ne génère qu’un chiffre d’affaires modeste, il amène l’enseigne à resserrer les liens avec les collectivités et le tissu économique local.»
La grande distribution monte au front des entreprises
Depuis que Leclerc a lancé sa carte Energeo en 2008, les volumes enlevés par les entreprises progressent de 100 % l’an. Un chiffre impressionnant mais qui s’explique par la création récente de cette offre. L’enseigne travaille avec un portefeuille de 4 500 entreprises. Parallèlement, Leclerc cherche à nouer des accords avec les acteurs de la location longue durée. D’ici à la fin de l’année, deux partenariats devraient être signés.
La carte Energeo est également acceptée comme mode de paiement dans la centaine de garages à l’enseigne L’Auto et sur les péages des autoroutes. Toutes les transactions sont dématérialisées et le serveur informatique mis en place par Leclerc archive les factures sous format PDF pendant dix ans. Le site internet permet de paramétrer la carte et d’obtenir un reporting détaillé sur les consommations. La carte et les services sont facturés 6 euros par an auquel s’ajoutent 3 centimes d’euros de frais de gestion par litre de carburant distribué. Les entreprises peuvent choisir une station de référence pour voir les frais de gestion ramenés à 1 centime d’euro par litre.
L’argument principal de Leclerc reste le prix le plus bas. L’enseigne a souscrit un abonnement auprès de l’État pour obtenir la liste des prix pratiqués par l’ensemble des stations françaises. « Nous suivons très précisément les évolutions et notre prix moyen est toujours le moins élevé », insiste Thierry Forien qui précise que cet exercice se fait à la troisième décimale près. Autre avantage de la carte Energeo selon ses promoteurs, les stations sont ouvertes 24 heures sur 24 et sept jours sur sept.
La taille et la densité du réseau en question
Avec ses 548 stations, Leclerc considère la densité de son réseau comme suffisante pour répondre aux besoins des entreprises. « Même si une entreprise gère une flotte de 3 000 véhicules sur l’ensemble du territoire hexagonal, je ne connais pas de commerciaux qui parcourent la France de long en large », reprend Thierry Forien.
Le rayon d’action est en général limité au département, voire exceptionnellement à la région, mais les consommateurs comme les collaborateurs des entreprises prennent l’habitude de se réapprovisionner régulièrement dans la même station. « Nous exploitons six stations sur des autoroutes, conclut Thierry Forien. C’est amplement suffisant lorsque les statistiques montrent que seul un automobiliste sur cinq s’arrête sur l’autoroute pour se réapprovisionner. »
Pour sa part, Auchan a lancé sa carte Pro en 2007. En 2010, les volumes réalisés auprès des entreprises ont progressé de 30 %. Sur les neuf premiers mois de 2011, la hausse atteint 16 %. « La clientèle des particuliers constitue l’essentiel de notre activité, précise Bruno Lipczac, directeur d’exploitation d’Auchan Carburant. Or, avec la crise économique et des véhicules toujours plus sobres, les ménages consomment de moins en moins de carburant. Dans ces conditions, la progression du marché est assurée par des entreprises qui offrent des perspectives prometteuses de développement. » Auchan observe que ces entreprises veulent une transparence totale sur les prix. D’après l’enseigne, la facturation de certains de ses concurrents leur paraît trop opaque.
Des entreprises au potentiel prometteur
Dans ces conditions, la croissance d’Auchan se ferait au détriment des autres distributeurs de carburant. De son côté, l’enseigne facture le prix affiché à la pompe. Autre avantage concurrentiel d’après Auchan : la qualité de son reporting avec un site informatique récent qui utilise les dernières technologies. Contrairement à d’autres distributeurs, Auchan ne vend que du carburant à travers sa carte Pro. « Les loueurs longue durée vendent déjà de l’huile ou des essuie-glaces, argumente Bruno Lipczac. Nous ne voyons pas l’intérêt de proposer de tels produits. » La Carte Auchan Pro est accepté 24 heures sur 24 et sept jours sur sept dans l’ensemble des stations de l’enseigne. La facture globale est envoyée le premier jour du mois et le paiement intervient cinq à sept jours plus tard. L’ensemble des documents comptables est archivé par Auchan qui dispose d’un agrément de l’administration fiscale pour conserver les factures pendant cinq ans.
Comme l’ensemble de ses confrères, Auchan suit avec attention les premiers pas des véhicules hybrides et électriques. Auchan, Total et Leclerc testent ainsi l’efficacité des bornes de recharge. Quant aux biocarburants, au GPL, à l’E85, l’évolution des ventes est très sensible aux changements réglementaires. « Lorsque le GPL a perdu son avantage fiscal, les immatriculations sont passées de 10 000 à zéro », constate Bruno Lipczac. Et d’ajouter : « Si demain le diesel et l’essence sont taxés à 50 %, les autres carburants et la mobilité électrique vont progresser rapidement. »
L’electromobilité ne remet pas en cause le diesel
Mais à l’heure actuelle, le diesel reste le carburant le plus compétitif en matière de performances énergétiques. Les distributeurs de carburant estime que l’électrique et l’hybride vont se développer, mais ce processus prendra des années. De plus, le parc roulant ne basculera complétement que dans de longues années. Le diesel a encore de beaux jours devant lui.
Cartes carburant : des services et des prix bas au menu
- Cartes carburant : des services et des prix bas au menu
- E.conso de Total pour réduire les consommations
- ING Car Lease : les salariés face à la hausse des carburants
- La carte BP rebaptisée « Go the easy way »
- Les biocarburants devront afficher leurs qualités environnementales