
Pour les gestionnaires de flotte, les cartes carburant représentent-elles un moyen d’optimiser leur budget automobile ? C’est en tout cas ce que suggèrent de nombreux acteurs qui se sont lancés sur ce marché porteur : en commercialisant des cartes gérant la distribution de carburant auprès des collaborateurs des entreprises et des administrations, ils mettent désormais un pied dans la mécanique de gestion de flotte grâce aux multiples services qui accompagnent leurs produits. À commencer par la facturation et la surveillance de la consommation de carburant, ce qui rend l’outil d’autant plus intéressant pour des responsables de parc soucieux...
Pour les gestionnaires de flotte, les cartes carburant représentent-elles un moyen d’optimiser leur budget automobile ? C’est en tout cas ce que suggèrent de nombreux acteurs qui se sont lancés sur ce marché porteur : en commercialisant des cartes gérant la distribution de carburant auprès des collaborateurs des entreprises et des administrations, ils mettent désormais un pied dans la mécanique de gestion de flotte grâce aux multiples services qui accompagnent leurs produits. À commencer par la facturation et la surveillance de la consommation de carburant, ce qui rend l’outil d’autant plus intéressant pour des responsables de parc soucieux d’optimiser encore ce poste de dépenses.
La bonne carte pour le bon client
Reste à trouver la formule de carte carburant qui corresponde au profil de l’entreprise. Et dans ce cadre, l’étendue de l’offre et sa relative capacité à s’adapter à la situation de chacun demeurent des phénomènes relativement récents. Jusque vers la fin des années 2000, les cartes carburant se contentaient de distribuer le carburant. Une situation figée liée à la domination des enseignes pétrolières sur le marché.
Mais depuis, la grande distribution s’est imposée sur le carburant à bas prix, ce qui a bouleversé la donne et conduit des pétroliers à nouer des partenariats pour améliorer leurs offres. Avec à la clé une dynamique dont les effets se ressentent aujourd’hui, mais aussi une diversité d’acteurs et de services commercialisés auprès de l’ensemble des professionnels en charge d’une flotte.
Le premier de ces services concerne le maillage et l’étendue du réseau de stations-service susceptibles d’accepter la carte carburant d’un prestataire donné. Un critère qui se veut la priorité pour les gestionnaires de flotte, et donc pour les acteurs du marché qui continuent de densifier leur maillage du territoire, avec par exemple un réseau en propre à l’image de Total.
À la tête de ses quelque 3 600 stations, le pétrolier français conserve de fait la tête dans l’Hexagone, grâce à un réseau constitué de divers partenariats. Tout comme DKV, spécialiste indépendant de la gestion de cartes carburant qui tricote patiemment son maillage avec un réseau supérieur à 3 000 stations. DKV travaille avec Avia, Shell, Elan, etc. Et ne compte d’ailleurs pas en rester là et espère annoncer d’autres partenariats dans les mois qui viennent.
Dans une optique identique, Shell et Leclerc ont ouvert leurs stations-service respectives aux porteurs de leurs cartes, avec à la clé plusieurs milliers de stations des réseaux Shell, Avia, Esso, BP et Leclerc.

Les prestataires dans la course aux réseaux
Étoffer son réseau, c’est offrir à des profils de clients d’y avoir accès plus facilement. Or, le marché se montre assez dynamique actuellement grâce notamment aux PME. « Les cartes carburant se sont développées historiquement chez les grands comptes mais il y a maintenant une forte demande des PME, souligne Gilles Langlois, directeur cartes pétrolières de Total France. Ce sont des clients qui recherchent des réponses locales et une homogénéité du service. »
La diversité de la demande nécessite également d’étendre au mieux les réseaux existants. « Cela va du commercial qui parcourt 50 000 km par an et beaucoup d’autoroute, pour qui il faut être en mesure d’offrir une station-service tous les 40 km, à la TPE spécialiste du BTP qui travaille sur deux ou trois chantiers dans un périmètre limité », illustre Sébastien Duez, directeur commercial des cartes carburant de Shell. Il convient donc de pouvoir apporter pertinence et confort à ces deux profils extrêmes… mais aussi à tous les autres clients.
La mise en place de ces réseaux n’est pas une mince affaire et il faut beaucoup de temps pour élaborer des maillages dignes de ce nom et capables d’apporter des avantages concrets aux porteurs de carte, et avant tout des prix bas. Le constat se veut identique lorsqu’il est question de négocier avec les enseignes dont les tarifs sont les plus compétitifs, ou encore de négocier des remises avec les pétroliers. « Plus l’on a de clients, plus l’on a de réseaux, et plus l’on a de réseaux, plus l’on a de clients », résume Gilles d’Huiteau, P-DG de C2A, autre acteur indépendant du marché des cartes carburant.
Des réseaux à géométrie variable
À noter que depuis quelques mois, la carte carburant de C2A est partenaire du réseau Esso. Et plus récemment, les 130 stations-services de l’enseigne ENI ont rejoint le réseau de C2A qui rassemble dorénavant plus de 1 450 stations partenaires. Et ces réseaux se veulent à géométrie variable. Ainsi, la Compagnie des Cartes Carburant, société qui émet et commercialise ses cartes, collabore avec de nombreuses enseignes de la grande distribution ou issues des compagnies pétrolières. Elle a créé un pack Easyfuel avec les cartes Intermarché et Shell qui réunissent 3 500 stations dont 2 000 à bas prix, selon Coraline Mourgues, responsable marketing et commerciale de la société. Il s’agit en l’occurrence d’une prestation avec des services communs, où toutes les transactions se retrouvent sur une facture unique. Cette offre se destine tout particulièrement aux TPE, PME, artisans ou encore collectivités locales.
« Tous ces services, factures centralisées, alertes, récupération de la TVA, relevés de consommation entre autres, rendent le client autonome dans sa gestion des carburants », argumente Coraline Mourgues. Le paramétrage des cartes et une vision commerciale permettent de cibler des segments de marché précis. Paramétrage qui peut se révéler relativement standardisé pour les PME, les prestataires n’évoquant pas des offres sur mesure, mais plutôt des offres à tiroirs pour s’ajuster au mieux à la demande des clients.

Des factures dématérialisées et uniques
Au-delà de leurs fonctions premières de distribuer et facturer le carburant, ces cartes apportent un certain nombre de services depuis plusieurs années : elles renseignent sur le véhicule et le collaborateur, elles relèvent la consommation et transmettent une facture qui peut être intégrée dans les outils comptables ou de gestion de la flotte.
« Nous envoyons tous les détails de la transaction dans un fichier Excel ; les factures sont émises sous format PDF et transmises via des outils EDI de telle sorte qu’elles soient intégrées directement », explique Coraline Mourgues. Ces cartes alertent aussi les gestionnaires de flotte de tout souci, un dépassement par exemple, ou un usage d’une carte hors du contexte professionnel. Elles soulagent ces responsables notamment dans la gestion des notes de frais.
De son côté, C2A s’est aussi mis récemment à la gestion des notes de frais. L’entreprise cliente de C2A centralise donc l’ensemble des dépenses professionnelles, avec à la clé une gestion automatique de ses notes de frais. Le système couvre aussi les dépenses liées à d’autres cartes ou encore celles réglées en espèces par le salarié qui peut recourir à ce système par le biais de son smartphone.
La notion de facture unique est fortement mise en avant par les prestataires. En effet, les cartes carburant se transforment peu à peu en des cartes multiservices : elles ne se limitent donc plus à la seule prise de carburant mais peuvent s’employer pour les péages autoroutiers et les parkings, comme le propose Total.
Les cartes jouent la carte des services
Dans son nouvel extranet client gratuit GR Analytics, Total commercialise aussi une nouvelle option, payante cette fois. Celle-ci consiste à gérer automatiquement les amendes pour 5 euros HT par véhicule et par an. « La loi a changé depuis le début 2017, les entreprises doivent signaler toute infraction commise par leurs collaborateurs. D’où la nécessité de savoir qui a fait quoi au moment de l’infraction », rappelle Gilles Langlois pour le pétrolier.
GR Analytics offre aussi de suivre et de gérer l’attribution des véhicules aux collaborateurs, d’intégrer les factures du pétrolier ou d’autres prestataires : loueurs, réseaux d’entretien, etc. Pour cette dernière version de son outil, Total a d’ailleurs fait appel aux services du cabinet de conseil ERCG, spécialiste de la gestion de flotte (voir aussi l’encadré Unicor ci-dessous).
« Avec les outils de gestion de flotte associés aux cartes, le responsable voit que tel véhicule coûte plus cher que tel autre, il est alerté sur les échéances de maintenance. Or, si les grands comptes possèdent déjà des logiciels pour cette tâche, ce n’est pas le cas des PME et des TPE qui sont donc susceptibles d’être plus intéressées », commente Gilles Langlois.
Ces cartes multi-services apportent beaucoup à toutes les parties prenantes : aux clients qui peuvent bénéficier de facilités de gestion et d’accès aux prestations ; et aux fournisseurs partenaires qui voient arriver des volumes d’affaires supplémentaires. Mais ces partenariats ne sont pas forcément faciles à nouer, affirme en substance Guillaume Cunty, directeur de la filiale France de DKV Euro Service : « Ce sont des mondes très différents, avec des cultures financières relativement incompatibles. »
Un maillage très dense, condition première pour Unicor
Unicor, coopérative spécialisée dans la fourniture d’équipements et de services aux agriculteurs, dispose d’une flotte de 300 véhicules légers et poids lourds. Ces derniers circulent beaucoup mais dans un périmètre très précis, délimité sur l’Aveyron et les départements limitrophes. D’où la nécessité de s’appuyer sur un maillage très dense dans une région essentiellement rurale.
Le service des achats généraux d’Unicor a choisi de travailler avec Total, partenaire historique de la coopérative, jugeant son maillage tout à fait adapté à ses besoins. « Total est très bien implanté dans les départements où nous roulons alors que les autres réseaux sont souvent beaucoup plus disparates », souligne-t-on du côté d’Unicor.
La coopérative se veut aussi attentive aux services proposés par les cartes carburant du pétrolier, notamment l’accès aux péages autoroutiers, ainsi que les remontées des données de gestion via le site intranet de Total. Mais le meilleur semble à venir : Unicor attend beaucoup de la nouvelle version de l’outil de gestion de Total, entre autres des indicateurs pour mieux suivre le TCO de la flotte et en simplifier la gestion administrative. Le poste carburant représentant un budget important, en suivre la consommation de manière plus fine amènera à mieux l’optimiser.
Vers des cartes carburant sans contact ?
La difficulté reste aussi d’ordre technique : faire en sorte que tous ces services soient gérés par une seule carte n’est pas toujours des plus simples. Tous les prestataires n’y parviennent pas forcément et certains alignent plus d’une carte pour pouvoir gérer l’ensemble des services commercialisés.
« Les cartes carburant ne sont pas des cartes bancaires et n’ont pas les mêmes circuits du point de vue monétique. Leur fonctionnement est plus complexe : il faut un protocole spécifique qui implique un système d’acceptation parallèle au système bancaire », expose Guillaume Cunty.
Soulignons la spécificité de C2A qui dispose du statut d’établissement de paiement et, à ce titre, peut utiliser des cartes bancaires en guise de cartes carburant. Selon Gilles d’Huiteau, cela permet d’accéder à une gamme de services variés grâce à un paramétrage de départ, ce qui ferait de cette carte un véritable « couteau suisse » du paiement pour les entreprises.
La technologie dominante des cartes carburant reste celle de la bande magnétique, déjà bien sécurisée avec un mode d’autorisation en ligne. Total est passé à l’étape suivante avec une carte à puce qui apporte nettement plus de possibilités, car capable de contenir un plus grand nombre d’informations.
Pour Sébastien Duez de Shell, la carte à puce constitue une étape intermédiaire mais incontournable avant d’envisager d’autres technologies pour régler les services. Il y a effectivement un fort enjeu technologique dans le développement des cartes carburant et divers projets et expérimentations sont menés par les prestataires.
Le dépôt de garantie en question
Lors du passage à la carte carburant, la pratique du dépôt de garantie tend à diminuer compte tenu de la contrainte que cela fait peser sur les clients. En effet, de nombreux prestataires demandent à leurs clients ce dépôt au début de leur collaboration, afin d’amortir le risque des impayés toujours existant sur le marché des carburants.
« Nous assumons un métier de risque et de crédit basé sur un paiement en différé. En outre, les sommes en question représentent de gros volumes et les marges restent faibles. Si bien que lorsqu’un client ne nous paie pas alors qu’il a bénéficié d’un de nos réseaux de stations-service, la moindre perte a des répercussions fâcheuses parce que nous réglons pour notre part le fournisseur », explique Guillaume Cunty, directeur de la filiale France de DKV Euro Service. Certes, quelques-uns des acteurs du marché s’appuient sur d’importantes capacités financières pour faire face à ce risque. « C’est notre force. Mais justement parce que nous en avons la capacité, nous fonctionnons en auto-assurance et la moindre perte se répercute directement dans nos comptes », ajoute Sébastien Duez, directeur commercial des cartes carburant Shell.
Conscients cependant de la contrainte qui s’exerce sur les clients – notamment les PME et TPE –, le segment le plus dynamique du marché des cartes carburant, des prestataires ont décidé de faire sans le dépôt de garantie. C’est vrai de la Compagnie des Cartes Carburant : « Nous faisons en sorte que ce dépôt ne soit pas obligatoire : nous envoyons chaque dossier à un service d’analyse de crédit et dans certains cas seulement nous demandons une caution », avance Coraline Mourgues, responsable marketing et commerciale de la société. La plupart des prestataires se reposent donc de fait sur des services d’analyse financière, internes ou externes.
Pour Guillaume Cunty de DKV, le fait de ne pas demander de dépôt de garantie signifie que tous les clients ne seront pas acceptés. « Il nous faut trouver le bon compromis entre le risque acceptable pour nous et la contrainte imposée à nos clients », résume, dans une recherche d’équilibre, Gilles Langlois, directeur Cartes Pétrolières de Total France.
Un marché de la carte en devenir
À moyenne échéance, l’horizon est l’avantage pratique que pourrait apporter à tous le paiement sans contact par smartphone. Des pilotes existent comme chez Total en Allemagne : « Il n’y a pas de développement prévu pour la France, car pour l’instant ce n’est pas une demande », souligne à ce sujet Gilles Langlois pour le pétrolier.
Cette technologie du paiement sans contact existe, elle est largement opérationnelle dans d’autres domaines, mais son usage avec les cartes carburant pose quelques difficultés spécifiques, plus économiques du reste que technologiques. « Les équipements monétiques installés dans les réseaux sont assez coûteux, si bien qu’on ne peut pas passer d’une technologie à l’autre aussi aisément, il faut évoluer par étapes », note Sébastien Duez pour Shell. Et la prochaine étape sera donc assurément la carte à puce qui apportera plus d’options en matière de services.
Mais le paiement mobile viendra, même s’il faut tenir compte d’une certaine inertie dans le monde du b to b. D’autres enjeux technologiques mobilisent les prestataires, telle la transition énergétique. « DKV a lancé en Allemagne un système de ravitaillement électrique, bientôt disponible en France, et parallèlement une carte qui intègre tous les carburants, essence, diesel, électrique, gaz naturel, etc. Il s’agit d’une seule carte avec une brique supplémentaire soutenue par l’inter-opérabilité des différentes bornes. D’ici six mois à un an, un véritable réseau sera mis en place avec 3 000 bornes interopérables acceptant cette carte », révèle Guillaume Cunty.
Des cartes pour la recharge électrique
Sur ce créneau de l’électrique, Easytrip, fournisseur de badges de péage Liber-t et de cartes carburant, commercialise auprès des entreprise son KiWhi Pass, une carte d’accès et de paiement aux bornes de recharge. Avec comme service un espace accessible en ligne pour gérer et commander les cartes ou encore assurer le suivi des transactions et des profils des conducteurs. La facturation unique est bien sûr de mise pour des notes de frais, tout comme un Electro Pass, combinaison du badge Liber-t pour les autoroutes et les parkings urbains, et du KiWhi Pass.
Sans oublier non plus le sujet des véhicules connectés qui lui aussi amènera à terme un panel de solutions combinant le paiement des carburants avec d’autres applications qui n’ont pas forcément grand-chose à voir, à l’image de la géolocalisation. De toute évidence, le marché des cartes carburant n’a pas fini d’évoluer.
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