
« S’il n’y a pas un certain niveau de motivation, les salariés ne se sentent pas ou peu concernés par l’éco-conduite et les bons principes sont peu appliqués. Les challenges et donc la récompense à la clef ont un intérêt », estime Marc Bodson, directeur général de Beltoise Évolution qui organise des formations.
En effet, ces compétitions sont le plus souvent gérées en interne par les entreprises, après une sensibilisation ou une formation, pour pérenniser les résultats obtenus. « Elles relèvent du management positif : il y a toujours quelque chose à gagner et jamais rien à perdre », complète Delphine Janicot, directrice développement de Bemobi,...
« S’il n’y a pas un certain niveau de motivation, les salariés ne se sentent pas ou peu concernés par l’éco-conduite et les bons principes sont peu appliqués. Les challenges et donc la récompense à la clef ont un intérêt », estime Marc Bodson, directeur général de Beltoise Évolution qui organise des formations.
En effet, ces compétitions sont le plus souvent gérées en interne par les entreprises, après une sensibilisation ou une formation, pour pérenniser les résultats obtenus. « Elles relèvent du management positif : il y a toujours quelque chose à gagner et jamais rien à perdre », complète Delphine Janicot, directrice développement de Bemobi, filiale du groupe La Poste spécialiste des nouvelles mobilités.
Jouer la carte de l’émulation
« Une telle démarche ne doit pas être imposée : elle est alors mal vécue et cela ne fonctionne pas », ajoute Christophe Meunier-Jacob, co-fondateur de SaveCode. Ce prestataire commercialise son application Eiver pour mesurer et comparer les performances de conduite responsable sur smartphone ou boîtier.
« Il y a toujours une récompense et jamais de sanction. Une fois que le responsable de la flotte a expliqué les principes, le nombre de volontaires qui se connectent à notre application augmente de fil en aiguille par émulation. Quand 80 % des conducteurs ont téléchargé l’application, c’est gagné ! », affirme Christophe Meunier-Jacob.
Le challenge constitue en quelque sorte le dernier maillon d’une chaîne qui trouve son origine dans la volonté de l’entreprise d’économiser du carburant, de réduire la sinistralité et de rouler plus vert. « Au-delà des résultats chiffrés, ce type d’événements fait écho aux valeurs de Vivialys, et notamment à celles véhiculées par Trianon Résidences : nous construisons écolo, nous roulons écolo, l’ensemble crée une culture d’entreprise », souligne Pierre Aubert, DAF des entités Carré de l’Habitat et Trianon Résidences pour le groupe Vivialys. Les challenges organisés par ce promoteur immobilier ont d’ailleurs intéressé Toyota et ALD Automotive, deux fournisseurs qui ont mis la main au porte-monnaie et participé à la récompense, un séjour en Relais & Châteaux (voir le témoignage de Pierre Aubert).
Le promoteur immobilier Vivialys a couplé la mise en place de challenges d’éco-conduite avec le passage à l’hybride de sa flotte. Pour l’instant, les meilleures consommations atteignent les 5 l/100 km (voir le témoignage de Pierre Aubert).
Une politique environnementale élargie
« Nous avons une démarche RSE forte. C’est historique et cela nous a aussi ouvert des marchés : l’éco-conduite tombait sous le sens », confirme Nicolas Moreau, directeur commercial de Genicado. Ce spécialiste de l’objet publicitaire est adhérent du programme Global Compact de l’ONU et de DRO, l’association des Dirigeants responsables de l’Ouest qui promeut les démarches RSE.
Les opérations menées par Genicado se veulent nombreuses : recyclage des déchets, utilisation d’encre à base d’eau, séances d’ostéopathie au sein des ateliers, etc. Et, bien sûr, stage et challenge d’éco-conduite pour les commerciaux qui parcourent en moyenne 30 à 40 000 km par an (voir le témoignage de Nicolas Moreau).
Avec ces challenges, le dirigeant ou le responsable de la flotte doivent clairement exprimer leurs objectifs. Souvent, les dirigeants réagissent suite à un taux de sinistralité trop élevé qui pèse entre autres sur les primes d’assurance. Récompenser l’anticipation entraîne des économies en carburant et une réduction des émissions de CO2, mais aussi une amélioration de la sécurité des conducteurs.
C’est justement de mauvais résultats sur la sinistralité qui ont incité Textilot à se mettre aux challenges d’éco-conduite. Ce spécialiste de la distribution d’articles textile auprès des grandes et moyennes surfaces a équipé les 300 utilitaires (Ducato, NV400, etc.) de ses salariés – à la fois livreurs et commerciaux – de boîtiers TomTom pour mesurer les comportements au volant.
Spécialiste de l’électricité industrielle, le groupe Cadiou a organisé plusieurs challenges d’éco-conduite avec à la clef, pour les trois premiers conducteurs, des lots de respectivement 150, 100 et 50 euros (voir le témoignage de Sylvain Baron, coordinateur qualité sécurité environnement du groupe Cadiou).
Une démarche plus globale
Textilot, qui livre des clients en France et au Benelux, a aussi rendu ses véhicules les plus confortables possibles, et optimisé l’organisation des tournées. « Pour les itinérants qui travaillent à distance et livrent les clients éloignés, nous convoyons d’abord la marchandise par camion au plus proche de ces salariés », explique Hervé Mayeur, responsable administration des ventes.
Mais l’intérêt des entreprises pour l’éco-conduite, et a fortiori pour ces challenges, « est en dents de scie, en fonction du prix du carburant », pointe Marc Bodson pour Beltoise Évolution. « Les challenges s’organisent davantage avec des populations de commerciaux, plus habitués à ce concept de la mise en concurrence, moins avec des techniciens », reprend Delphine Janicot pour Bemobi.
Préalable au challenge, un stage d’éco-conduite est-il indispensable ? « L’éco-conduite, c’est 50 % de savoir-faire, 50 % de volonté. Le stage est donc nécessaire car il faut avoir acquis les bons gestes. Ensuite, le challenge anime le quotidien, remet de la motivation et transforme les bonnes pratiques en réflexes », décrit David Raffin, directeur du développement chez Actua Formation.
Actua Formation organise des stages aux risques routiers et à l’éco-conduite, suivis, selon les offres, par des challenges, de l’e-learning, des formations, etc. « Nous travaillons avec les managers de l’entreprise. Leur rôle est important : ils sont partie prenante de ces compétitions qu’ils animent. Ils remotivent les conducteurs et les équipes s’ils baissent les bras », précise David Raffin.
Une formation préalable à l’éco-conduite
« Un challenge aide à conserver les bonnes habitudes et les bons gestes acquis lors de la formation. La force de vente a bénéficié d’une journée complète de stage, suite à une proposition de l’Automobile Club de l’Ouest. Cela comprenait une demi-journée de théorie et une demi-journée de conduite sur route avec un formateur. Entre les deux parcours, un premier pour le repérage et un second pour appliquer les conseils des formateurs, la différence était nette. Nous avons alors eu l’idée de mener un challenge sur un trimestre pour maintenir l’émulation et cristalliser les bonnes pratiques », relate Nicolas Moreau pour Genicado.
Christophe Meunier-Jacob de SaveCode, qui travaille en partenariat avec un formateur en éco-conduite, note que la plupart de ses clients gestionnaires de flotte ont déjà engagé une démarche de formation : « Nous aidons leurs conducteurs à conserver de bonnes habitudes en les récompensant sur le long terme. Pendant le stage, nous retenons deux ou trois astuces que nous cherchons ensuite à appliquer mais guère plus. Il faut poursuivre l’acquisition de bons gestes et ne pas les oublier. Il s’agit de maintenir la flamme ! Si les conducteurs ne sont pas formés, l’outil aide à détecter qui a le plus besoin de suivre un stage. »
Chez Textilot, les salariés n’ont pas eu de stage d’éco-conduite depuis cinq ans. De fait, une partie d’entre eux travaillent à distance, ce qui rend difficile l’organisation de formations. « Mais un formateur les suit pendant quatre semaines quand ils entrent dans l’entreprise. Ils apprennent leur futur métier de livreur et de commercial, et les bons gestes au volant. Tous les six mois, les réunions commerciales offrent l’occasion de parler à nouveau d’éco-conduite », complète Hervé Mayeur.
Les règles d’un bon challenge
Pour Bemobi, Delphine Janicot conseille d’attendre trois à six mois entre le stage et le challenge : « À ce moment, les conducteurs relâchent leurs efforts et le naturel revient au galop. » Pas immédiatement donc, mais pas trop tard non plus : « Il faut sentir le moment où les conducteurs reprennent les mauvais réflexes. Cela peut se produire au bout de six mois, avant ou après. L’outil télématique permet de mesurer le relâchement, le moment où la piqûre de rappel devient nécessaire », ajoute David Raffin pour Actua Formation.
« Le challenge idéal dure trois à six semaines. Plus longtemps peut démotiver ceux qui se savent déjà hors course », poursuit Delphine Janicot. « S’il dure trop longtemps, la lassitude s’installe. Il vaut mieux répéter ces évènements. Il faut préférer trois challenges d’un mois plutôt que trois mois d’affilée, pour donner envie aux conducteurs d’aller jusqu’au bout », souligne David Raffin. Ce dernier privilégie d’ailleurs les challenges entre équipes, région contre région ou entité contre entité, plutôt qu’une comparaison entre conducteurs : « Cela évite l’individualisme et fédère les équipes. Les conducteurs se motivent entre eux pour une cause commune » (voir aussi le témoignage de La Poste).
Reste à en calculer les bénéfices. Les chiffres varient de 8 à 20 % pour la diminution de la consommation de carburant, selon le contexte, le profil des conducteurs, le type d’accompagnement, etc. Axodel, fournisseur de boîtiers notamment employés par Bemobi, estime que ces compétitions font baisser d’environ 8 % la consommation au bout de deux à trois mois (voir l’article sur les outils de mesure).
Des bénéfices à évaluer
Pour Bemobi, Delphine Janicot observe des reculs de 18 à 20 % pour un stage suivi d’un challenge. Au-delà des chiffres, souligne-t-elle, le résultat a une valeur éducative : « Le conducteur comprend l’impact entre l’effort fourni et le résultat obtenu, il se rappelle les bonnes pratiques d’anticipation et auto-évalue sa conduite pour progresser. »
« Si un conducteur roule de manière plus sereine et anticipative, la consommation peut baisser de 30 % dans les cas extrêmes, estime David Raffin pour Actua Formation. La sinistralité peut diminuer de 20 à 50 % sur les accidents responsables hors petits accrochages. Au-delà, la démarche joue sur les consommables, plaquettes de frein et pneus, et sur le stress et la fatigue. Pour l’environnement, outre les émissions, ce sont autant de pneus ou de plaquettes qu’il ne faudra pas recycler. »
Chez Genicado, l’économie réalisée est de l’ordre de 1,5 l/100 km. Savecode a observé une réduction de 15 % de la facture de carburant sur un parc de 400 véhicules de type Berlingo et Kangoo, équipés de son application Eiver, « soit une économie de 15 millions d’euros sur une année, les conducteurs parcourant 65 000 km par an en moyenne », avance Christophe Meunier-Jacob.
« Il faut inciter aux changements d’habitudes, reprend Christophe Meunier-Jacob, d’autant que le conducteur a tendance à faire encore moins attention avec un véhicule de dernière génération plus performant. Une réaction équivalente à celle de moins éteindre la lumière quand les ampoules consomment moins. On s’aperçoit souvent que les conducteurs émettent aujourd’hui plus de CO2 alors que leurs véhicules sont moins polluants ! »
Selon Christophe Meunier-Jacob, l’impact est aussi notable sur la sécurité des conducteurs, « avec un effet sur les taux d’immobilisation des véhicules qui peuvent atteindre 10 à 20 % sans prévention, et sur les arrêts maladie liés à des problématiques de conduite. »
Des résultats significatifs
Chez Textilot, Hervé Mayeur relève un gain de l’ordre de 5 % sur la consommation de carburant et surtout un repli de 50 % de la sinistralité. « Ce chiffre est aussi lié aux efforts menés sur l’équipement des véhicules comme l’ajout de caméras de recul, et sur l’organisation des tournées, rappelle-t-il. Globalement, cela se ressent sur les primes d’assurance et les immobilisations de véhicules. L’impact est aussi positif sur l’entretien bien que le calcul soit plus difficile : par exemple, les freins durent plus longtemps. Notre volonté est de créer un cercle vertueux : au début, après l’installation des boîtiers, les salariés faisaient attention car ils savaient que nous disposions d’informations. Désormais, ils considèrent qu’il s’agit d’une aide à la conduite. » Le but est atteint.
Dossier - Challenges d’éco-conduite : motiver les conducteurs à rouler éco
- Challenges d’éco-conduite : motiver les conducteurs à rouler éco
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- Challenges d’éco-conduite : des outils de mesure
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