
Pour entraîner les collectivités sur la voie de la transition énergétique, le gouvernement n’a pas seulement misé sur l’outil législatif. Avant la loi adoptée à la mi-juillet (voir l’encadré ci-dessous), le ministère de l’écologie avait mis en place un fonds de financement pour accompagner les différents projets locaux de réduction des émissions polluantes.
Pour entraîner les collectivités sur la voie de la transition énergétique, le gouvernement n’a pas seulement misé sur l’outil législatif. Avant la loi adoptée à la mi-juillet (voir l’encadré ci-dessous), le ministère de l’écologie avait mis en place un fonds de financement pour accompagner les différents projets locaux de réduction des émissions polluantes.
Les collectivités multiplient les actions
Début 2015, 212 territoires (communautés de communes, syndicats d’agglomération, villes, etc.) ont ainsi été distingués comme « territoires à énergie positive pour la croissance verte », soit TEPCV, avec à la clé un financement de leurs actions à hauteur de 500 000 euros. Et un large éventail d’initiatives a été soutenu : depuis la diminution de la consommation d’énergie des bâtiments publics jusqu’à la préservation de la biodiversité, en passant bien sûr par le recul de la pollution liée aux transports.
Et sur ce dernier point, les actions des collectivités se font nombreuses, à plusieurs échelles. Le syndicat mixte du Thur Doller en Alsace, qui réunit trois communautés d’agglomération, projette de mettre en service un parking de covoiturage. « Il s’agit d’un parking à côté d’un supermarché et d’une bretelle d’autoroute qui va jusqu’à Mulhouse, détaille Guillaume Combe, chargé de mission plan climat du syndicat mixte. Des camions y stationnent et il est déjà employé comme relais de covoiturage. Nous allons l’aménager pour qu’il soit mieux identifié, et construire un abri à vélos. »
Destinés à améliorer les trajets locaux, de tels projets ont bien sûr des répercussions sur la mobilité des agents des collectivités. En favorisant leur pratique du covoiturage ou encore en leur donnant des relais de recharge pour leurs véhicules électriques.
Au sein la communauté de communes du Pays de Stenay dans la Meuse (55), le projet de zone de covoiturage est par exemple lié à la création d’un nouveau centre administratif. « Nous établissons une zone de service public avec nos bâtiments, ceux de la maison de la santé, une pharmacie et un parking d’un ancien supermarché que nous aménageons en aire de covoiturage, avec une aire de recharge pour véhicules hybrides et électriques », décrit Pierre-Emmanuel Focks, directeur général des services.
Une réflexion globale sur les déplacements
Les financements des TEPCV visent également l’élaboration des plans de déplacements interentreprises (PDIE) susceptibles d’impliquer des entreprises publiques. Au syndicat mixte du pays de Thur Doller, le PDIE élaboré touche une trentaine de sociétés dont La Poste. « Le financement du ministère de l’écologie ajoute une plus-value pour sensibiliser les entreprises de la zone d’activité », indique Guillaume Combe.
Sur la base d’une étude menée en amont auprès des communes concernées du Vieux Thann et d’Aspach le Haut, les flux de voitures et les problèmes de stationnement ont été mieux identifiés. Le PDIE a aidé à envisager le développement des modes alternatifs de transport comme le vélo, et à mieux organiser les circulations, à pied ou en vélo à partir de l’arrêt de tram-train de la gare de Vieux Thann ZI qui dessert la zone d’activité.
« Nous avons résolu certains problèmes de signalétique pour que les voyageurs qui arrivent à la gare puissent se repérer dans la zone d’activité. Nous avons eu l’idée de créer des cheminements doux : des voix piétonnières avec des trottoirs larges pour circuler à pied, et des voies cyclables », relate Guillaume Combe.
Et si toutes les collectivités n’ont pas bénéficié de financement pour développer des actions en accord avec la loi sur la transition énergétique, elles n’en prennent pas moins les mesures nécessaires pour s’y adapter.
La recharge électrique en ligne de mire
Avec l’implantation des bornes électriques par exemple : pour rappel, la loi prévoit 7 millions de bornes sur le territoire à l’horizon 2030, entre autres dans les bâtiments accueillant des services publics.
Illustration concrète à Paris : « Pour les véhicules électriques, des recharges ont été implantées dans les garages et dans les principaux sites où sont présents ces modèles, rappelle Hervé Foucard, chef du service technique des transports automobiles municipaux. La voirie a aussi un programme d’implantation de bornes en plus de celles d’Autolib’. »
La démarche d’anticipation se veut d’autant plus nécessaire que la mise en place des bornes peut faire face à de nombreux écueils. Comme dans le Limousin et dans l’agglomération de Limoges où sont prévues 125 bornes d’ici un an. « La difficulté reste de permettre l’alimentation électrique sur un réseau qui n’a pas été prévu pour cela, pointe Marc Wasilewski, chargé du développement durable et de la santé au cabinet du maire de Limoges. Nous collaborons avec l’agglomération et la région pour déployer les bornes le plus pragmatiquement possible. »
Au-delà des contingences techniques et urbanistiques, implanter des bornes demande aussi une réflexion sur les dispositions pratiques pour les futurs utilisateurs : « La problématique demeure de savoir où les implanter, explique Gilles Bégout, deuxième vice-président de Limoges Métropole et maire de l’Isle (87). Nous avons ciblé les lieux d’échanges, à proximité des
Subventionner et assurer la gestion des bornes
La question se pose aussi des conditions d’accès à ces bornes. « Les conducteurs qui vont travailler et laissent leurs voitures en charge vont les bloquer pour la journée », constate Marc Wasilewski. Le paiement de la recharge pourrait remédier au problème : « Les villes qui le pratiquent nous l’ont conseillé », note Gilles Bégout.
De fait, le principe du paiement peut résoudre la question des voitures ventouses et par ricochet celle de la dépense publique… mais pas celle du financement : « Car pour être subventionné par l’Ademe, ces équipements doivent être accessibles gratuitement pendant deux ans », souligne Gilles Bégout.
Autre chantier à concrétiser pour les collectivités afin de s’assurer d’être en accord avec la loi sur la transition énergétique : le renouvellement du parc avec des modèles propres. « À Limoges, sur 567 véhicules, 13 % fonctionnent aujourd’hui au gaz ou à l’électricité. Et pour la police municipale, nous prévoyons l’acquisition prochaine d’un modèle électrique », projette Marc Wasilewski à la mairie. En indiquant aussi que des utilitaires électriques Nissan sont en test « avec des résultats favorables ».
Et à Limoges, le renouvellement des véhicules entamé à l’échelle de la ville s’étend à l’agglomération : « Nous souhaitons passer en électrique sur tous les véhicules de service. Et nous savons que pour les kilométrages, les capacités de l’électrique nous conviennent, complète Gilles Bégout. Il faudrait que nous arrivions sur quatre ans à basculer 30 à 40 % des véhicules légers en électrique. »
Intégrer des véhicules propres, l’objectif central
L’intégration de véhicules propres au sein des flottes se justifie par une autre des dispositions prévues par la loi : la possibilité donnée aux maires de limiter l’accès aux centres des villes pour les véhicules les plus polluants. Dans le cadre d’une telle restriction, difficile de pénétrer dans les zones d’exclusion sans faire la preuve d’un niveau irréprochable d’émissions pour les véhicules de la collectivité.
La mairie de Paris applique déjà les restrictions d’accès aux cars et poids lourds immatriculés avant 2001. Et prévoit de prolonger l’interdiction au 1er juillet 2016 pour les véhicules légers antérieurs à 1997. Afin d’anticiper l’incontournable renouvellement de son parc, la ville multiplie donc les essais de modèles propres.
« Avec la journée sans voiture ou les journées à circulation alternée à Paris, nous avons pu avoir un bon aperçu de ce que seront les zones à basses émissions pour les voitures. Cela nous incite notamment à essayer tous les nouveaux véhicules en favorisant les modèles électriques, et nous testons également les fourgonnettes électriques », indique Hervé Foucard.
Preuve si nécessaire de ce travail d’anticipation mené à Paris : l’intégration dans la flotte de 7 véhicules à hydrogène, des Renault Kangoo électriques avec prolongateur à hydrogène, et une Toyota Mirai qui sera employée en mutualisation pour les déplacements des personnalités.
Autre mesure à anticiper pour les collectivités : les contrôles techniques renforcés qui vont aussi porter sur le niveau d’émission de polluants des véhicules. Si les détails ne seront connus qu’en 2017, cette disposition incite à une vigilance accrue des ateliers sur les voitures.
Un contrôle technique renforcé des véhicules
« Les suivis sont effectués au moins une fois par an et tous les 15 000 km. Nous pratiquons un entretien pour une utilisation sévère : avec des trajets lents et en environnement urbain. Avec ce suivi, les véhicules passent les contrôles de pollution haut la main », assure Hervé Foucard pour la ville de Paris.
Mais si les collectivités sont poussées par la loi sur la transition énergétique à agir sur les véhicules utilisés par leurs agents, elles doivent aussi veiller aux bonnes performances environnementales des véhicules qu’elles proposent à leurs administrés, dont les bus et les autocars. Car ces derniers sont aussi concernés par l’obligation d’améliorer les performances écologiques. L’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements, le syndicat des transports d’Île-de-France et la métropole de Lyon doivent ainsi renouveler, dès le 1er janvier 2020 précise la loi, « dans la proportion minimale de 50 % puis en totalité à partir du 1er janvier 2025 », leurs flottes par des autobus et autocars à faibles émissions.
Certains syndicats des transports, comme le Sytral pour l’agglomération lyonnaise, attendent d’en savoir plus sur ce que la loi entend par « faibles émissions » ; d’autres, comme le Stif pour l’Île-de-France, ont déjà lancé le renouvellement.
GNV, hybride, électrique : l’embarras du choix
Le syndicat des transports francilien renouvelle son parc d’environ 10 % chaque année. Il avait engagé en 2013 un plan d’acquisition de véhicules propres pour réduire de 50 % ses émissions de particules fines avant 2016. Ce plan prévoyait aussi de s’appuyer à l’horizon 2020-2025 sur un parc fonctionnant entièrement en propulsion électrique ou au GNV biogaz. En 2014, le Stif a annoncé l’achat de 127 bus hybrides sur les deux années suivantes. Et en 2015, il teste des bus électriques dont des Bluebus conçus par le groupe Bolloré, pour une entrée en service en 2016.
Pour l’agglomération de Limoges, Gilles Bégout indique que la société des transports en commun locale, la STCL, prévoit d’ouvrir deux lignes de bus électriques avec recharge sur certains arrêts. « Les lignes électriques vont être très structurantes, estime-t-il. Elles se situeront à proximité des parcs-relais et nous serons sûrs d’avoir un bus toutes les sept minutes. La première ligne devrait être mise en service à échéance 2018 ou 2019, et 2021 pour la seconde. »
Ces lignes s’inscriront dans la tradition de l’agglomération de Limoges de transports en commun propres. La ville compte déjà cinq lignes de trolleybus, un moyen de transport qu’elle n’a jamais délaissé depuis son inauguration en 1943. Un attachement de longue date, que bien d’autres villes auraient été avisées de partager au regard de la loi sur la transition énergétique de 2015 !
Collectivités : à l’heure de la transition énergétique
- Collectivités : à l’heure de la transition énergétique
- Témoignage – Mairie de Paris : « Une seule règle : l’anticipation »
- Témoignage – Maire de Rouen : « Nous travaillons à sensibiliser les agents »
- Témoignage – Mairie de Roubaix : « Devenir la capitale du cyclisme »