
Les collectivités ont un avantage certain sur la plupart des entreprises dès lors qu’il s’agit d’innover pour la gestion de leur parc. Alors que le véhicule est souvent considéré comme une part de la rémunération ou une forme de rétribution du travail des salariés dans le secteur privé, il reste un véhicule de service pour une grande majorité des agents.
Mais en arborant le plus souvent ses couleurs, le véhicule constitue aussi une vitrine de sa collectivité dont il reflète la politique économique et environnementale. Car dans la lignée des objectifs de l’État, les obligations comme la diminution du nombre de véhicules en parc et la multiplication...
Les collectivités ont un avantage certain sur la plupart des entreprises dès lors qu’il s’agit d’innover pour la gestion de leur parc. Alors que le véhicule est souvent considéré comme une part de la rémunération ou une forme de rétribution du travail des salariés dans le secteur privé, il reste un véhicule de service pour une grande majorité des agents.
Mais en arborant le plus souvent ses couleurs, le véhicule constitue aussi une vitrine de sa collectivité dont il reflète la politique économique et environnementale. Car dans la lignée des objectifs de l’État, les obligations comme la diminution du nombre de véhicules en parc et la multiplication des motorisations propres s’imposent de fait au secteur public. Et à un rythme et à une échelle sans commune mesure avec la majorité des entreprises qui s’engagent dans de telles initiatives.
La mise en pool pour limiter la flotte…
La première démarche emblématique menée à bien par les collectivités reste la mise en pool des véhicules, avec des objectifs de baisse des dépenses et d’amélioration des performances écologiques. Rares sont les collectivités qui ne font pas appel à ce mode d’organisation dont le bénéfice est de limiter la taille de la flotte.

À Issy-les-Moulineaux dans les Hauts-de-Seine (92), seul un quart des 51 véhicules du parc (VP et VU) est attribué à des agents municipaux (voir le détail ci-dessous). « Ce qui n’empêche pas de mettre ces voitures à disposition d’autres services si besoin, relève Joëlle Sueur, maire adjointe en charge du développement. Elles sont employées comme véhicules béliers lors d’événements, pour le transport de marchandises ou pour des agents qui participent à des réunions éloignées géographiquement ou tardives. À titre d’exemple, le directeur général des services met son véhicule à disposition de ses cinq adjoints », poursuit la maire adjointe.
Dans cette ville de la banlieue parisienne, le pool a contribué à faire passer la taille du parc de 80 à 60 véhicules, à l’occasion du marché de renouvellement en 2019. « Nous avons énormément restreint le nombre de véhicules alors qu’il y a toujours le même nombre d’agents, grâce à une gestion très rigoureuse des heures de départ et de retour : moins nous avons de véhicules, plus les agents sont obligés de s’organiser », explique Joëlle Sueur.
La flotte d’Issy-les-Moulineaux
La flotte d’Issy-les-Moulineaux réunit 51 véhicules : 24 citadines dont 20 Zoé dernier modèle et 4 citadines Peugeot (208, 2008, 3008) ; 27 utilitaires dont 22 électriques (3 Kangoo Maxi Z.E., 10 Kangoo Z.E., 2 Master Z.E. Confort, 1 Master Z.E. plateau, etc.) et 5 utilitaires thermiques (1 Jumpy Combi, 1 Expert pour les astreintes, 1 Expert réfrigéré et 2 Jumper 20 m3).
… mais aussi les coûts
À la différence des entreprises qui font souvent appel aux outils des prestataires spécialisés pour organiser l’autopartage, les collectivités misent le plus souvent sur leurs ressources en interne : carnet de bord ou dépôt des clés à des secrétaires. « Actuellement, les réservations sont gérées via un tableau Excel piloté par le service des transports pour les utilitaires et l’accueil des services techniques pour les petits véhicules », illustre Joëlle Sueur. Mais un marché est en cours de rédaction pour acquérir un logiciel de gestion des réservations, associé à une armoire de distribution des clés pour le site de la mairie et éventuellement quelques sites extérieurs comme le palais des sports de la ville.

Le département du Val-d’Oise (95) a lancé une démarche similaire avec son parc en pool : « Nous travaillons depuis 2018 à une proposition d’offre adaptée aux besoins de nos usagers internes en nombre et en types de véhicules, pour les deux principaux pools du département : pools Campus et Palette, soit 55 véhicules légers. Début 2019, ces pools ont été réduits de deux véhicules », indique Céline Roquencourt, directrice de l’achat public et des ressources au département. La flotte du Val-d’Oise comprend 332 véhicules, VP et VU (voir le détail ci-dessous).
Et comme à Issy-les-Moulineaux, la diminution du nombre de véhicules en pool passe par une gestion plus rigoureuse de leur usage. « Nous réfléchissons à une charte de “bonne utilisation“ de ces véhicules afin de sensibiliser leurs conducteurs aux bonnes pratiques : mieux définir le temps d’utilisation prévu lors de la réservation, optimiser les sorties, etc. » complète Didier Juvence, directeur du service de la direction des routes du département.
La flotte du Val-d’Oise
Au 1er octobre dernier, la flotte du Val-d’Oise comprenait 332 véhicules : petites citadines, berlines 5 portes dont des véhicules électriques (Zoé), berlines familiales, monospaces, SUV et véhicules utilitaires de type Kangoo.
Verdir les motorisations
Du côté des motorisations propres, les collectivités ont aussi une plus grande latitude de changement que la plupart des entreprises. Nombre d’entre elles se tournent d’ailleurs vers ces motorisations dès leur apparition sur le marché. La multiplication des véhicules GPL dans les flottes des collectivités dans les années 80 en est une illustration. « Le premier Kangoo électrique a été acheté en 2012 mais le premier engin électrique équipé d’une petite benne l’a été en 2005 », rappelle Bernard Dupré, conseiller délégué aux transports et aux déplacements de la ville d’Angers (49). Car désormais, c’est bien sûr au tour des motorisations électriques de se généraliser. La flotte d’Angers Loire Métropole rassemble un peu moins de 900 véhicules dont 70 modèles électriques, 500 diesel, 160 GPL et 130 véhicules essence.
À Issy-les Moulineaux, la transition est particulièrement marquée. La ville compte 82 % de son parc équipé en motorisations électriques, y compris les utilitaires. La proportion atteint les 90 % avec les véhicules légers (voir le détail ci-dessus). « Les principaux freins à l’électrique sont l’autonomie, le temps de rechargement, le prix d’acquisition élevé, le choix restreint de modèles et une moindre capacité de charge pour les utilitaires », énumère Joëlle Sueur. Mais pour cette responsable, les avancées des constructeurs ont « levé tous ces obstacles ».
Le diesel en recul
Au conseil départemental du Val-d’Oise, l’évolution se fait plus progressive. « Nous fonctionnions auparavant avec un parc très axé sur le diesel, retrace Didier Juvence. Depuis 2014, nous essayons de passer soit à l’essence, soit à l’électrique au fur et à mesure des renouvellements, soit entre 40 et 50 véhicules par an. En 2019, sur les 40 véhicules achetés, deux sont des Zoé et seuls deux sont des diesel. Ces choix tiennent compte des lois de roulage selon la durée, soit six ans, ou les kilométrages, soit 120 000 km pour les motorisations essence et 150 000 km pour les diesel, ou bien encore des besoins en remplacement pour des véhicules accidentés ou volés », détaille ce responsable.
Le pourcentage des diesel dans le parc du département est ainsi passé de 80 à 60 % entre 2018 et 2019. Bien sûr, la substitution des modèles thermiques par des électriques n’est possible qu’après s’être assuré de la compatibilité entre leur autonomie et leur usage. « Dorénavant, les diesel sont réservés aux “gros rouleurs“, poursuit Didier Juvence, à l’image des agents de la direction des routes qui patrouillent toute la journée et parcourent environ au moins 30 000 km par an. Aujourd’hui, à moins de 25 000 km par an, nous passons systématiquement à l’essence. »
Des énergies selon les usages
Les motorisations électriques sont, elles, réservées aux véhicules qui roulent peu mais fréquemment. Comme cette Zoé conduite par les chauffeurs du département pour des navettes courriers dans l’agglomération de Cergy et pour les missions de portage de plis. « Depuis 2013, le Val-d’Oise met en place une politique d’électrification des pools. À fin 2019, les deux principaux pools comprendront six Zoé sur les dix véhicules en parc. Le nombre moyen de kilomètres mensuels parcourus par ces Zoé est quasi équivalent à celui de modèles thermiques similaires en capacité, et leur nombre moyen mensuel de sorties est supérieur à celui des véhicules thermiques », complète Céline Roquencourt.

La diffusion de ces motorisations propres peut toutefois rencontrer des limites, explique Didier Juvence qui ne peut pas convertir en VU ses VP électriques. À défaut, le conseil départemental va plutôt se tourner vers les modèles thermiques lors du renouvellement de ses petits utilitaires. « Nous allons donc substituer aux C1 utilitaires des C3 utilitaires essence deux places », anticipe Didier Juvence.
Autre motorisation à remporter les suffrages des collectivités, les hybrides. « Nous avons commandé une vingtaine d’hybrides sur trois ans. L’intérêt par rapport à l’électrique, c’est l’autonomie nécessaire pour les trajets sur notre territoire, très étendu avec cinq départements », relève Gilles Ruysschaert, le directeur général adjoint en charge du pôle support technique de la région Hauts-de-France (voir le reportage).
D’autres mesures peuvent contribuer à faire reculer le nombre de déplacements avec les véhicules du parc. Dans ce but, des collectivités misent sur le télétravail. À Issy-les-Moulineaux, cette possibilité est donnée aux agents depuis un an environ.
Le télétravail s’installe…
« Le travail à domicile est proposé aux agents quand il est compatible avec leur fonction », expose Joëlle Sueur. D’abord basée sur le volontariat, l’expérience s’étend peu à peu. Le temps destiné au travail à domicile des agents est d’une journée par semaine. « À la fin du dernier trimestre 2018, une quinzaine de personnes étaient concernées sur 1 000 agents, dénombre la maire adjointe. Nous allons pérenniser et développer le télétravail. Cela peut aider les salariés quand leurs enfants sont malades. »
Dans le Val-d’Oise, le télétravail constitue une pratique maintenant courante. « Il y a plusieurs formules : une ou deux journées maximum par semaine, ou alors un forfait de vingt jours par an par demi-journée pour les agents dont les postes ne permettent pas un jour de télétravail hebdomadaire fixe », décrit Didier Juvence. Pour assurer leurs missions, tous les agents qui télétravaillent ont été dotés d’un ordinateur portable. Ils ont la possibilité d’y recourir à leur domicile ou sur des sites externes du département ou d’autres collectivités. « Certains jours sont très prisés, le lundi le mercredi et le vendredi. Mais c’est à la hiérarchie d’assurer la continuité du service public et pour l’organisation du service, les encadrants privilégient la présence des agents sur leur lieu de travail le mardi et le jeudi », justifie Céline Roquencourt.
… suivi par la visioconférence
Autre mesure pour éviter les déplacements : les outils de visioconférence. Là aussi, les initiatives des collectivités se multiplient. C’est le cas dans le Val-d’Oise mais aussi dans les Hauts-de-France. « À ce jour, nous avons déployé plus de 160 terminaux de visioconférence dans l’ensemble des sites ; d’autres vont l’être dans les salles de réunion, les bureaux de direction, etc., avance Gilles Ruysschaert pour les Hauts-de-France. Une expérimentation est en cours pour installer la visioconférence sur les ordinateurs portables des agents. Nous en sommes à plus de 8 000 sessions de visioconférence de janvier à juin 2019, soit plus de 12 000 heures. Cela génère non seulement un gain écologique mais aussi moins de fatigue pour les agents », poursuit ce responsable. Et lorsque les déplacements sont inévitables, les agents s’adressent à un service qui passe pour eux les commandes de billets de train.
Les transports en commun sont bien sûr un autre levier pour diminuer le nombre de véhicules en parc et améliorer le bilan carbone des déplacements des agents. Le développement de cette pratique passe notamment par les habitudes prises dans le cadre des trajets domicile-travail. Des habitudes que les collectivités encouragent à travers l’élaboration de leur plan de déplacement. « Nous communiquons sur l’intranet de la région pour encourager les agents à se rendre en transport en commun sur les lieux de travail, avec entre autres le remboursement à hauteur de 75 % de leur abonnement mensuel », complète Gilles Ruysschaert.
Le covoiturage toujours en retrait
Autre dispositif à destination des agents, exploité aussi bien pour les trajets domicile-travail que professionnels : le covoiturage. « Lors des réservations par l’intermédiaire des équipes qui gèrent les véhicules, nous autorisons à voyager ensemble les agents qui parcourent des trajets identiques », indique Gilles Ruysschaert. Et le nombre des covoiturages devrait s’accroître grâce à l’outil de réservation en ligne que la région est en train d’installer, avec des propositions automatiques de covoiturage.
Car pour l’instant, la diffusion du covoiturage reste limitée. « Nous avons tenté de jouer la mutualisation avec le syndicat mixte de transport de la région, mais cela ne décolle pas vraiment, sinon pour les agents vraiment intéressés », pointe Gilles Ruysschaert.
À Issy-les-Moulineaux également, le bilan demeure mitigé : « Nous avons essayé mais cela ne prend pas, note Joëlle Sueur. Pour les agents qui n’habitent pas la ville, nous avions choisi une application mais il était difficile de trouver des plages horaires communes pour les trajets. » Les collectivités ont beau être innovantes, elles se retrouvent parfois face aux mêmes écueils que les entreprises…
Dossier - Collectivités : l’innovation sous toutes ses formes
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