
Est-ce le bon moment de lancer un appel d’offres ?
Pour Bernard Roland, consultant et fondateur de BRC, la première question à se poser porte sur l’opportunité de lancer ou pas un appel d’offres sur son parc automobile. Avec l’effondrement du marché du VO depuis plusieurs mois, les sociétés sont confrontées à un vrai risque d’augmentation des loyers financiers si elles consultent le marché. En outre, autre conséquence de la crise économique, le marché de la LLD offre une moindre concurrence entre loueurs. « Il y a encore quelques années, pour chaque appel d’offres, on se retrouvait avec une dizaine de loueurs en compétition. Ils ne sont plus que quatre ou cinq sur un dossier aujourd’hui », explique-t-il.
Conséquence : les marges de négociation sont plus étroites, d’autant que les loueurs n’hésitent pas à se montrer moins généreux en termes de loyers. Enfin, les conditions contractuelles sont moins stables ; fini le temps où les loyers restaient figés plusieurs mois. « Lorsqu’on lance un appel d’offres, il faut bien être conscient qu’il n’existe plus aucune pérennité sur la validité des conditions de l’offre. On ne sait plus combien de temps les cotations restent valables et certains loueurs n’hésitent pas à réviser les loyers tous les mois si l’environnement l’exige », prévient-il.
Il reste que l’appel d’offres demeure toujours intéressant dans le cas où une société souhaite redéfinir sa politique commerciale : elle profite alors de l’appel d’offres pour demander de nouvelles cotations et remettre à plat sa politique flotte.
Comme le rappelle Pascal Vanbeversluys, directeur du marché Fleet pour GE Capital, il faut savoir précisément ce que l’on recherche : réduction des coûts, rationalisation du parc, amélioration de l’image. « En étant clair sur les objectifs poursuivis, l’appel d’offres est une démarche constructive pour l’entreprise. D’ailleurs 90 % du succès est lié à la préparation », explique-t-il.
Quelles précautions prendre avant de lancer la rédaction d’un cahier des charges ?
Comme le souligne Olivier Rigoni, fondateur de Cogecar, « il y a un préalable à toute consultation. Lancer un appel d’offres sans une vraie remise à plat du parc est une hérésie. On n’achète pas des contrats de LLD comme des crayons à papier ! »
A quoi ressemble une « remise à plat du parc » ? Il s’agit de réaliser une photographie du parc, incluant les aspects financiers et fiscaux. « Cette photographie va permettre d’identifier les problématiques de ressources humaines, d’utilisateurs et d’exploitation ; mais aussi de déterminer les couples durées – kilomètres pertinents, d’adapter la car policy, et de choisir les services appropriés. Plus l’analyse est fine et poussée, plus la rédaction du cahier des charges sera aisée. »
Autre constat fait par Olivier Rigoni, « plus la flotte est conséquente, plus l’appel d’offres est justifié ; un seuil minimum de trente véhicules renouvelés chaque année est nécessaire. N’oublions pas que la notoriété de l’entreprise et sa santé financière pondèreront aussi la notion de volume ».
Chez GE Capital, Pascal Vanbeversluys insiste sur l’importance de la capacité de l’entreprise à mettre en oeuvre ce qui sortira de l’appel d’offres. « Si l’on ne s’est pas posé avant la question de l’implémentation en interne, on a un appel d’offres inexploitable. »
Faut-il négocier certains points avant d’établir le cahier des charges ?
Olivier Rigoni suggère de négocier en amont des remises spécifiques avec les constructeurs, les pétroliers et autres manufacturiers pour les pneumatiques. Qui doit mener ces négociations ? Le client, le loueur prestataire ? Bernard Roland estime que dans le passé « les sociétés pouvaient négocier des accords directement avec les constructeurs, mais à la condition d’avoir de gros volumes. Les choses ont changé et des marges de négociation existent davantage aujourd’hui, même sans de gros volumes ».
Le fondateur de BRC suggère toutefois de « laisser le loueur négocier les conditions avec les constructeurs directement, afin d’avoir une vision globale des conditions proposées par chacun ». Un point de vue naturellement partagé par Pascal Vanbeversluys : « seuls les très gros parcs ont un contact direct avec les constructeurs. Les loueurs servent donc d’intermédiaire pour faciliter le montage de la tripartite client-constructeurloueur ».
Il reste qu’aujourd’hui « les marges de négociation avec les constructeurs sont un peu meilleures. Dans les conditions tripartites 2010 dont nous discutons, cela s’exprime par des niveaux de paliers plus faibles », ajoute-t-il.
Comment rédiger le cahier des charges ?
« Le cahier des charges doit être simple, clair et précis. Il doit intégrer une présentation exhaustive du parc et de ses fonctionnements –couples durées-kilomètres, détermination des véhicules représentatifs–, insiste le responsable de Cogecar. Il ne faut pas hésiter à se montrer exigeant vis-à-vis des loueurs sur certains points, comme avoir un produit flexible ou sécurisé, une matrice des loyers pour tenir compte des kilomètres minoritaires ou excédentaires et ainsi maîtriser les dépassements kilométriques. »
Le cahier des charges doit aussi fixer des règles de transparence sur les paramètres des offres, les restitutions, les exclusions de prestations ou encore les apports des outils de gestion et de conseil aux conducteurs. « Exigez de recevoir des données dématérialisées en plus des éléments papier », prévient encore Olivier Rigoni.
Bernard Roland, pour sa part, réalise un questionnaire qualitatif à l’intention des loueurs afin d’obtenir le maximum d’informations sur leur résultats financiers à trois ans, leur développement, leurs accords fournisseurs, leurs systèmes d’informations, l’organisation de leurs services, les frais de restitution appliqués … Dans le cahier des charges, il conseille en outre de rédiger des demandes d’avenants aux conditions générales classiques : frais de restitutions anticipées, frais de remises en état, remboursement des pneumatiques non consommés, recalcul des contrats…
Qui consulter ?
Attention, rappelle Olivier Rigoni, il existe des périodes de l’année plus propices que d’autres pour lancer un appel d’offres : privilégiez les six premiers mois de l’année ou la rentrée de septembre, évitez la période estivale.
Quant au nombre de professionnels, il est plutôt recommandé de choisir entre 7 et 8 loueurs (les loueurs en place inclus) selon la taille du parc et la complexité du cahier des charges. Chez GE Capital, 25 % des clients sont monofournisseurs, 34 à 40 % ayant référencé deux fournisseurs.
Combien de marques retenir ?
Les marges de négociation dépendent étroitement des volumes achetés chaque année chez le constructeur. Attention donc à ne pas multiplier le nombre de marques présentes dans le parc, au risque de réduire les possibilités de négocier avec les constructeurs. « Je conseille de mettre plusieurs marques en consultation. Au second tour, en fonction des résultats obtenus au 1er tour, on n’en sélectionne qu’un petit nombre, explique le consultant Bernard Roland.
Par ailleurs, lorsque l’on parle marques, il convient de raisonner aussi groupe ; c’est la raison pour laquelle, il est souvent intéressant de retenir systématiquement Volkswagen. Il peut aussi être opportun d’intégrer BMW dans les choix car si cette marque n’offre pas de grosses remises, elle propose des puissances élevées et des émissions de CO2 très compétitives. »
« En général, nous recommandons d’avoir dans la car policy deux marques généralistes et une ou deux marques Premium, mais avec des règles claires et transparentes d’affectation des modèles », insiste Pascal Vanbeversluys.
Quels services souscrire ?
Faut-il prendre tous les services proposés par les loueurs ou n’en retenir que quelques uns seulement ?
Bernard Roland recommande de souscrire la prestation entretien proposée systématiquement par les loueurs, via une gestion forfaitaire. Pour les pneumatiques également, il suggère une gestion forfaitaire, notamment pour les flottes de taille moyenne. S’agissant de la perte financière, cette prestation qui sert à couvrir la différence entre ce que facture le loueur en cas de perte totale du véhicule et le remboursement de l’assurance, le fondateur de BRC donne le conseil suivant : « mieux vaut souscrire cette prestation auprès de l’assureur ou, mieux encore, négocier avec le loueur une indemnité égale au capital restant dû moins la valeur de l’épave ».
Quant aux véhicules de remplacement, la solution retenue par Bernard Roland est celle d’une gestion par le loueur à coûts réels. « Mais si vous voulez faire des économies, il peut être intéressant de passer par un accord avec un loueur courte durée. »
Comment négocier et choisir ses partenaires ?
Plusieurs tours s’envisagent en général pour faire un choix entre plusieurs prestataires. Au final, deux ou trois loueurs au maximum seront retenus. « De la pression permanente des prestataires sélectionnés dépendra dans le temps la compétitivité des loyers », prévient Olivier Rigoni.
« L’analyse des réponses au cahier des charges et au questionnaire, point par point, se fait sur un tableau Excel afin de mettre en évidence les points sans réponse, imprécis ou de désaccord », précise Bernard Roland.
Comment se réalise le choix ? « Une short list est élaborée à partir d’une grille d’évaluation à trois critères : le positionnement tarifaire, l’adéquation au cahier des charges et enfin, les réponses au questionnaire qualitatif », indique-t-il. S’ouvre alors une période de négociation avec les «short listés», qui présentent en général leurs offres sur une journée. « C’est là que l’on cherche à obtenir les réponses aux questions en suspens et que l’on tâche d’optimiser les loyers proposés », souligne Bernard Roland.