
Pour convertir les conducteurs au véhicule électrifié, voire au 100 % électrique,
il convient tout d’abord de se pencher sur l’adéquation de ces nouveaux modèles avec les besoins de déplacement. En parallèle, pour obtenir l’adhésion de ces conducteurs, il faut miser sur l’accompagnement et la communication et, surtout, sur la formation à la conduite.
Avec l’électrification, les approches diffèrent selon les entreprises. « Certaines ont tendance à considérer que tous les véhicules sont concernés par les ZFE-m, dans la mesure où ils sont tous susceptibles d’y rouler, à l’image des voitures de fonction que les collaborateurs conduisent aussi...
Pour convertir les conducteurs au véhicule électrifié, voire au 100 % électrique,
il convient tout d’abord de se pencher sur l’adéquation de ces nouveaux modèles avec les besoins de déplacement. En parallèle, pour obtenir l’adhésion de ces conducteurs, il faut miser sur l’accompagnement et la communication et, surtout, sur la formation à la conduite.
Avec l’électrification, les approches diffèrent selon les entreprises. « Certaines ont tendance à considérer que tous les véhicules sont concernés par les ZFE-m, dans la mesure où ils sont tous susceptibles d’y rouler, à l’image des voitures de fonction que les collaborateurs conduisent aussi le week-end ou pendant les vacances. D’autres préfèrent y aller progressivement », note Katia Lehnert, chef de projet mobilité responsable au sein du fleeteur Fatec.
Avant de conducteurs à l’électrique : analyser leurs usages
Katia Lehnert préconise cependant une approche plus fine, au cas par cas. « Le plus intéressant reste de travailler par zones géographiques et d’identifier les véhicules effectivement visés par les ZFE-m et/ou dont les conditions d’usage sont compatibles avec l’électrique. On peut aussi cibler les collaborateurs qui ont un intérêt particulier pour ce type de véhicules. En commençant par les modèles et/ou les collaborateurs qui remplissent des conditions optimales pour rouler en électrique, on s’assure des retours d’expérience positifs et on diffuse donc plus facilement l’électrique. Cela permet aussi d’y aller pas à pas et de laisser le temps à l’entreprise d’évoluer », détaille Katia Lehnert.
Pour Athlon, Erwan Matte, directeur des nouvelles mobilités, ne dit pas autre chose : « Pour changer les mentalités, dépasser les idées reçues, sensibiliser et rassurer les collaborateurs, une solution consiste à trouver des ambassadeurs en interne, des personnes motivées par le passage à l’électrique et qui, bien sûr, en ont un usage qui correspond bien », suggère-t-il. Ce que valide Katia Lehnert : « L’autonomie toujours plus importante, la meilleure couverture du territoire en solutions de recharge, etc. rendront le passage à l’électrique de plus en plus facile. A contrario, attribuer un véhicule électrique à un collaborateur dont les usages sont mal adaptés reste contreproductif », conclut-elle.
Ne pas agir dans l’urgence
« La bonne solution : ne pas commander des véhicules électriques à la hâte », recommande pour sa part Marc Jaubert, manager flotte automobile & mobilité pour le cabinet de conseil Cristal Décisions. C’est plutôt le moment de se poser, de réfléchir à une stratégie sur la mise en place de l’électrique, sur le réseau d’infrastructures de recharge et sur la mobilité en général. Ce qui nécessite aussi de bien analyser les usages des collaborateurs, d’autant que les kilométrages sont plutôt en baisse après la crise sanitaire et le développement du télétravail. Et il ne faut jamais perdre de vue qu’en commandant un véhicule électrique, on s’engage sur trois à cinq ans », ajoute ce consultant.
« L’analyse des usages implique une “approche micro“, poursuit Marc Jaubert. Même dans une population de commerciaux, certains peuvent être éligibles à l’électrique, comme en Île-de-France, alors que leurs collègues provinciaux devront encore rester un temps au diesel », souligne cet expert.
« La transition énergétique nécessite un vrai pilotage, affirme de son côté Margy Demazy, directrice commerciale d’Arval France. L’entreprise doit d’abord définir ses ambitions globales, effectuer un audit de l’existant pour analyser les usages, réaliser ensuite des études de TCO, avant de prendre des décisions en matière de car policy. Dans ce cadre, la télématique nous aide à mieux identifier les usages et à affiner nos recommandations pour choisir le véhicule le plus efficient. »
Une « approche micro »
« Il faut analyser les usages grâce à des questionnaires détaillés, complète Laurent Pichon, responsable consulting chez LeasePlan France. Nous ne regardons pas seulement le nombre de kilomètres parcourus par jour et par an, mais aussi si les collaborateurs roulent plutôt en zone urbaine ou sur autoroute, où ils stationnent et où ils peuvent recharger. Et les règles d’éligibilité sont identiques pour les véhicules électriques ou les PHEV car ces derniers doivent être rechargés. D’ailleurs, ces règles devraient être encore plus strictes pour les PHEV, avec une utilisation inférieure à 80 km/jour, pour maîtriser la consommation de carburant. Mais cela dépend aussi des stratégies des entreprises. Les unes électrifient la quasi-totalité du parc d’emblée. Les autres choisissent l’essence ou le PHEV, en transition », détaille Laurent Pichon.
Une démarche lourde
Quoi qu’il en soit, cette approche n’est pas toujours simple pour les entreprises. « Analyser les usages, communiquer et accompagner les collaborateurs reste lourd en termes de gestion. En outre, l’électrification peut entraîner des modifications de l’organisation du travail », note Anne Bertrand, directrice de la gestion des véhicules chez Orange, à la tête de 15 600 véhicules dont 2 650 véhicules électrifiés (700 électriques et 1 950 hybrides).
Une difficulté que Philippe Crassous a rencontrée chez Sepur, le spécialiste de la collecte des déchets et de la propreté urbaine. « Quand nous avons converti tous nos véhicules de service à l’électrique à partir de 2015, les conducteurs ont dû passer d’un mode de travail en rayon à un mode en étoile afin de revenir régulièrement au dépôt. Ce qui n’est plus nécessaire aujourd’hui du fait de l’accroissement des autonomies », rappelle ce directeur matériel et achats qui gère 1 700 véhicules motorisés.
Mais des collaborateurs refusent l’électrique ou le PHEV, remarque Catherine Berthier, mobility manager chez Assystem, spécialiste de l’ingénierie et du conseil en innovation. « Ils pensent que leurs usages ne sont pas compatibles. Or, parmi ces collaborateurs, nombreux sont éligibles. Il faut alors faire évoluer les mentalités. » Catherine Berthier compte ainsi lancer une grande enquête pour mieux connaître les usages et convaincre les collaborateurs. Cette responsable gère un parc de 800 véhicules dont une dizaine d’électriques et 150 hybrides et PHEV.
La formation, une clé
Pour faciliter le passage au véhicule électrifié, la formation des conducteurs se veut une autre piste. « Si nous laissons un véhicule électrique ou PHEV entre les mains d’un collaborateur sans le former, nous pouvons être confrontés à des difficultés », prévient Mathieu Charpentier, directeur flotte automobile, transport et sites logistiques de JCDecaux. Ce spécialiste de l’affichage publicitaire et du mobilier urbain forme déjà régulièrement ses collaborateurs à l’éco-conduite et à la sécurité routière. Et il leur fait suivre, lors de l’attribution d’un véhicule électrifié, une formation individuelle d’une heure. La flotte de JCDecaux comprend 2 030 véhicules dont 1 460 VUL (82 électriques, 23 PHEV et 11 GNV) et 516 VP (12 électriques, 15 PHEV).
C’est aussi la démarche suivie par Catherine Berthier chez Assystem. « Toyota propose automatiquement une prise en main d’une heure et demie pour toute livraison d’un hybride. C’est très pratique et très utile car les représentants de Toyota analysent la conduite du collaborateur et donnent de bons conseils. Pour l’électrique et le PHEV, cette sensibilisation est aussi indispensable et nous allons relancer notre programme spécifique d’e-learning avec le prestataire Woonoz », anticipe cette responsable.
Matthieu Donjon, directeur des achats et des approvisionnements d’Emeria (1 416 véhicules), un spécialiste de l’immobilier, procède pareillement avec ses fournisseurs : « Du fait des volumes de livraison, nos constructeurs partenaires BMW et Renault nous accueillent en concession ou dans les centres de préparation pour la prise en main des véhicules selon la catégorie, électrique ou hybride. »
Faire preuve de pédagogie
À noter que pour motiver ses collaborateurs à se mettre à l’électrique, Matthieu Donjon mise aussi sur la cinquantaine de Zoé en pool dans une dizaine des sites de l’entreprise. « Nous nous apercevons alors que les collaborateurs qui essaient l’électrique l’adoptent. Les retours sont très positifs. Le fait de se déplacer de temps en temps en électrique, avec les véhicules de pool, facilite aussi la prise en main de ces véhicules », pointe ce responsable.
Pour sa part, Coca-Cola a aussi eu une expérience positive avec les formations de Toyota. « Il faut entamer une démarche pédagogique afin que le conducteur puisse tirer parti du véhicule et de l’autonomie. Sur le même modèle, quand nous avons pris des véhicules électriques en test, les conducteurs ont bénéficié d’une demi-journée de formation en interne. Et nous le ferons demain pour tous ceux qui passeront à l’électrique », prévoit Olivier Fricaudet, fleet manager France à la tête de 1 000 véhicules.
« Il faut accompagner et expliquer comment changer sa manière de conduire, mais aussi comment fonctionnent les bornes, comment charger sans, par exemple, confondre borne de recharge et place de parking », résume de son côté Anne Bertrand pour Orange. Et ceux qui se mettent à l’électrique à marche forcée, à l’image de Velux, comprennent aussi l’intérêt de former les collaborateurs. « Si nous voulons qu’ils conservent suffisamment d’autonomie, la formation est nécessaire. Nous cherchons la bonne formule qui inclut aussi une part de sensibilisation aux questions de sécurité. En effet, l’électrique ne fait pas de bruit et peut donc être dangereux pour les piétons », rappelle Yan Ellinger.
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