
Depuis 1987, tout employeur d’au moins vingt salariés est tenu d’employer des personnes en situation de handicap, et ce dans une proportion de 6 % de l’effectif total – sous peine de verser une contribution financière.
Entreprises et collectivités peuvent aussi être confrontées au maintien dans l’emploi d’un salarié devenu handicapé suite à un accident ou une maladie. Il s’agit alors d’assurer la mobilité professionnelle mais aussi domicile-travail. Avec plusieurs solutions, de l’aménagement du véhicule personnel ou professionnel à la mise en place de services adaptés de mobilité.
« Vu l’arsenal de matériels adaptés et de dispositifs techniques...
Depuis 1987, tout employeur d’au moins vingt salariés est tenu d’employer des personnes en situation de handicap, et ce dans une proportion de 6 % de l’effectif total – sous peine de verser une contribution financière.
Entreprises et collectivités peuvent aussi être confrontées au maintien dans l’emploi d’un salarié devenu handicapé suite à un accident ou une maladie. Il s’agit alors d’assurer la mobilité professionnelle mais aussi domicile-travail. Avec plusieurs solutions, de l’aménagement du véhicule personnel ou professionnel à la mise en place de services adaptés de mobilité.
« Vu l’arsenal de matériels adaptés et de dispositifs techniques pour aménager les véhicules, il n’y a pas de complexité pour maintenir dans l’emploi des personnes à mobilité réduite (PMR) dans un grand nombre de postes de travail qui nécessitent des déplacements professionnels, y compris au quotidien. Pour un commercial, la difficulté est quasi nulle. Mais cela se complique lorsque le poste associe à la conduite des postures ou des ports de charge, même légers », explique Laurent Miklarz, responsable d’activité pour le cabinet de conseil en RH JLO Emploi.
Laurent Miklarz est aussi responsable du pôle Maintien dans l’emploi de Cap emploi Seine-Maritime (76). Le réseau national des Cap emploi assure une mission de service public en complément de l’action de Pôle Emploi. Dans ses fonctions, Laurent Miklarz fait notamment appel au prestataire Lenoir Handi Concept pour l’aménagement des véhicules.
Évaluer l’aptitude à la conduite
En pratique, avec un collaborateur en retour d’une maladie évolutive ou d’un accident, « l’employeur doit avant tout observer les préconisations du médecin, avance Laurent Micklarz. Qui peut recommander un aménagement du poste de travail, voire un changement de poste » (voir aussi l’encadré ci-dessous).
En effet, la réglementation oblige toutes les personnes avec un handicap susceptible d’avoir une incidence sur leur capacité à conduire à se soumettre à un examen médical, réalisé par un médecin agréé par le préfet, et chargé de définir leur aptitude à la conduite.
« Une visite médicale complémentaire effectuée par un médecin agréé doit être réalisée pour obtenir la “carte jaune” » – soit une attestation préfectorale d’aptitude médicale à la conduite délivrée pour les véhicules de transport de personnes (article R 221-10 du Code de la route) –, indique Adrien Fombaron, responsable QSE chez APF Entreprises France Handicap – Vosges, un réseau national d’entreprises adaptées et d’établissements et services d’aide par le travail.
Cet examen permet aussi de déterminer les aménagements nécessaires pour le véhicule. Souvent, il suffit simplement de sélectionner le bon modèle et les bons équipements : « Au sein de Cap emploi, je coordonne une équipe de sept personnes dont deux dotées d’un véhicule adapté, équipé d’une boîte automatique et d’une caméra arrière, relate Laurent Miklarz. Dans le premier cas, il fallait vérifier que les contraintes posturales et d’accès au véhicule ne posaient pas problème et nous avons choisi une berline. Dans l’autre cas, il fallait s’assurer que la personne puisse s’asseoir et se mouvoir dans le véhicule et nous avons opté pour un SUV. »
Quels aménagements pour le véhicule ?
« Au final, l’aménagement le plus fréquent est lié à l’assise et au choix du siège. Le second poste concerne les commandes de la voiture et surtout le recours à une boîte de vitesses automatisée », détaille Laurent Miklarz. Les besoins d’aménagement peuvent toutefois être beaucoup plus importants et nécessiter de faire appel à un établissement spécialisé dans la transformation des véhicules.
« Parfois, un siège conducteur spécifique, avec des renforts particuliers, cervicaux ou lombaires, est nécessaire. Des collaborateurs ont aussi besoin de commandes sur joystick ou encore d’un plateau de transfert pour leur fauteuil roulant, comme ceux atteints de tétraplégie », poursuit Laurent Miklarz. Ce dernier type d’aménagement reste plus rare, mais Cap emploi Seine-Maritime reçoit une dizaine de sollicitations par an. Il existe même des dispositifs de conduite au pied.
Chaque aménagement correspond à un code qui se retrouve sur le permis de conduire. Parfois, en particulier pour les troubles cognitifs, le médecin peut imposer des restrictions de conduite. La nouvelle codification du permis européen comprend d’ailleurs des codes spécifiques, signalant entre autres une interdiction de conduite de nuit, l’obligation de conduite avec un accompagnant ou la limitation à un périmètre restreint.
« L’idée n’est pas d’empêcher la personne d’être mobile. Mais après un AVC ou chez les personnes vieillissantes, il peut être difficile de conduire dans des lieux inconnus, d’où la restriction de la conduite à un périmètre déterminé », exposent Antoine Vernier, enseignant à la conduite et initiateur mobilité, et Savinien Leborgne, ergothérapeute au Centre de ressource et d’innovation mobilité handicap (CEREMH). Et aux côtés des aménagements spécifiques, « tous les équipements de détection de la pluie pour les essuie-glace ou d’allumage automatique des phares, ainsi que les radars et les caméras de recul servent beaucoup aux personnes handicapées », rappellent-ils (voir aussi l’article).
Le financement en question
Une fois les aménagements définis, il faut les financer. « Un aménagement simple coûte jusqu’à 5 000 euros environ, soit la somme prise en charge par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), notent Antoine Vernier et Savinien Leborgne. Les aménagements plus lourds, par exemple avec conduite embarquée, peuvent revenir jusqu’à 30 000 euros sans le véhicule. »
Selon Antoine Vernier et Savinien Leborgne, il existe des solutions pour éviter des aménagements trop lourds et onéreux : « Nous avons eu une personne devenue tétraplégique suite à un accident mais qui avait encore un peu de mobilité et de force pour tourner le volant. Outre un aménagement pour le fauteuil, elle utilise une sur-assistance extrême de la direction, un système de fourche au volant pour le maintien du poignet pour freiner et accélérer, et une commande des clignotants dans les appuie-tête. » Avec un salarié en situation de handicap, « des employeurs prennent directement en charge l’aménagement du véhicule car cela revient moins cher que du transport à la demande », complètent Antoine Vernier et Savinien Leborgne.
Des aides existent aussi. Pour les employeurs privés, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) propose des co-financements pour l’aménagement du travail au titre de la compensation du handicap. Pour le secteur public, c’est le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) qui s’en charge. Sans oublier l’OETH pour les établissements du secteur sanitaire, social et médico-social privé non lucratif. Des financements peuvent aussi être obtenus par la mutuelle ou l’assurance-vie.
Aménager le véhicule personnel ou professionnel ?
Mais faut-il aménager le véhicule personnel ou le véhicule professionnel ? Au CEA de Grenoble, les deux solutions existent, « quand il n’y a pas d’alternative possible à la voiture », précise Bruno Renard, chef du service vie du centre et coordonnateur de la responsabilité sociétale de l’entreprise.
Si le collaborateur emploie son véhicule personnel, il est remboursé en indemnités kilométriques et le CEA participe au financement de l’adaptation du véhicule via sa mission handicap. « L’avantage pour un collaborateur en situation de handicap, c’est que son véhicule personnel lui est parfaitement adapté », reprend Bruno Renard.
Autre option : aux collaborateurs qui passent beaucoup de temps sur la route, comme les développeurs commerciaux, le CEA de Grenoble peut fournir un véhicule de fonction adapté. L’une des salariés conduit un tel véhicule afin que son mari puisse continuer à rouler avec le véhicule familial (lui aussi adapté) pour ses trajets, leur évitant d’avoir un second véhicule personnel.
Le collaborateur doit systématiquement être associé à la demande et tester les équipements. D’autant que dans le cas d’une régularisation du permis, un temps d’adaptation est nécessaire. « Généralement, cinq à dix heures de conduite suffisent pour maîtriser le véhicule aménagé, avancent Antoine Vernier et Savinien Leborgne du CEREMH. La conduite au joystick peut être un peu plus longue à prendre en main. Mais la conduite est systématiquement simplifiée par la boîte automatique. »
À présent que le salarié a été déclaré apte à la conduite et qu’il dispose d’un véhicule adapté à son handicap, il peut vaquer à ses occupations professionnelles. Mais le rôle de l’entreprise ne s’arrête pas là. « Il faut être attentif à l’évolution de la situation du salarié, alerte Laurent Miklarz pour JLO Emploi et Cap emploi. Le service de santé au travail doit faire preuve d’une vigilance accrue et assurer un suivi car cela entre dans son périmètre de responsabilité. » Au sein du Groupe JLO, le carnet de suivi du véhicule est assorti d’observations sur les paramètres de sécurité, avec aussi environ deux visites par an et par véhicule auxquelles le salarié est associé : « C’est l’occasion de regarder l’évolution de la conduite du véhicule et si le salarié a des difficultés ajoutées », argue Laurent Miklarz. Et si besoin, il est toujours possible d’intégrer des équipements complémentaires via un financement au titre de l’aggravation de la situation de handicap.
Antoine Vernier et Savinien Leborgne conseillent aux entreprises de s’assurer que leurs collaborateurs en situation de handicap utilisent les bonnes adaptations dans les règles. « De nombreux conducteurs handicapés emploient en effet des aménagements qui ne correspondent pas parfaitement, voire pas du tout à leur pathologie », illustrent-ils.
Autre élément important pour les employeurs : vérifier que les conducteurs effectuent régulièrement leurs visites médicales d’aptitude à la conduite. « Pour certaines pathologies, les conducteurs ont des visites médicales renforcées, spécifie Adrien Fombaron pour APF Entreprises France Handicap – Vosges. Si la visite n’a pas été effectuée, le conducteur s’expose à une perte de points sur son permis en cas de contrôle par les forces de l’ordre. »
Adapter les conditions de travail
Au-delà du véhicule, un aménagement des conditions de travail peut être nécessaire. Par exemple, le Groupe JLO respecte des limitations de transport. « Parfois, une limitation est préconisée par le médecin : un salarié ne doit pas parcourir plus de 100 km en voiture. Le groupe prend alors en charge les trajets en transports collectifs, principalement en train ou en avion. Inversement, des collaborateurs ne sont pas retenus pour les missions dans des lieux non accessibles en transport en commun », décrit Laurent Miklarz. Pareillement, les tournées sont spécifiquement adaptées chez APF Entreprises France Handicap – Vosges (voir le reportage).
Des équipements utiles pour tous
Mieux, des aménagements peuvent s’utiliser en prévention auprès des salariés non handicapés. « Pour les personnes avec une prothèse de hanche, nous recommandons un véhicule haut avec un disque pivotant sur le siège pour apporter du confort et faciliter l’entrée et la sortie. Celles-ci entraînent de fait des mouvements délétères pour le dos et des amplitudes articulaires importantes au niveau des hanches », exposent Antoine Vernier et Savinien Leborgne du CEREMH. Une astuce qui peut aussi servir à prévenir des pathologies chez des collaborateurs comme les livreurs.
Le CEA de Grenoble est allé plus loin et a intégré l’accessibilité à son plan de mobilité. Le site grenoblois s’appuie ainsi sur une flotte de véhicules de service électriques ou hybrides dont plusieurs ont été adaptés pour être accessibles aux personnes à mobilité réduite (PMR). « Il n’est pas nécessaire d’adapter tous les véhicules mais seulement autant que de besoin, note Bruno Renard. Et ces véhicules restent utilisables par des collaborateurs valides si bien que tout le monde peut les conduire » (voir aussi le reportage).
En parallèle, le CEA de Grenoble a testé un service de navettes électriques handi-accueillantes pour les déplacements professionnels intra-site. « Les arrêts étaient accessibles aux personnes malentendantes et leurs seuils avaient été relevés pour les cas où les navettes adaptées étaient en panne et remplacées par des navettes traditionnelles », relate Bruno Renard. En janvier 2019, ce service a été remplacé par des navettes PMR en transport à la demande, opérées par APF Entreprises.
Des solutions de mobilité pour les PMR
« Tous les salariés PMR sont très satisfaits de ce système, en particulier ceux de nos sous-traitants, s’enthousiasme Bruno Renard. Auparavant, ils étaient transportés par le département jusqu’à l’entrée de notre site, mais celui-ci étant fermé, ils devaient ensuite s’y déplacer par leurs propres moyens, c’est-à-dire parcourir plusieurs centaines de mètres en fauteuil roulant par tous les temps. Désormais, il leur suffit d’appeler la navette à la demande à leur arrivée sur le site. »
Autre avantage : les navettes assurent le dernier kilomètre entre le travail et le parking en zone non piétonne où les salariés PMR peuvent garer leur véhicule personnel. « Cela évite les problèmes de saturation des places PMR qui n’étaient jamais assez nombreuses pour tout le monde en zone piétonne », commente Bruno Renard.
Enfin, pour les trajets hors-sites, « nous avons un contrat avec un loueur courte durée pour avoir une livraison en un temps record et n’importe où en France d’un véhicule avec boîte automatique pour nos collaborateurs en situation de handicap léger. Et depuis cinq ans, le loueur s’expose à des pénalités s’il ne livre pas un véhicule équipé d’une boîte automatique », se félicite Bruno Renard. Un exemple à suivre.
Dossier - Conducteurs handicapés : la mobilité pour tous
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