Afin de simplifier les démarches commerciales, d’harmoniser les parcs et de réduire leur nombre de fournisseurs, les sociétés européennes implantées dans plusieurs pays sont de plus en plus nombreuses à lancer des appels d’offres internationaux, seules ou via des cabinets de conseil. Selon Franck Damoutte, Corporate International Manager pour Mercedes, environ les deux tiers des entreprises du CAC 40 auraient opté pour la gestion centralisée de leurs flottes. Une pratique qui se généralise donc chez les grands comptes mais aussi au sein de grosses PME, souvent poussées par des loueurs également en quête d’internationalisation.
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Afin de simplifier les démarches commerciales, d’harmoniser les parcs et de réduire leur nombre de fournisseurs, les sociétés européennes implantées dans plusieurs pays sont de plus en plus nombreuses à lancer des appels d’offres internationaux, seules ou via des cabinets de conseil. Selon Franck Damoutte, Corporate International Manager pour Mercedes, environ les deux tiers des entreprises du CAC 40 auraient opté pour la gestion centralisée de leurs flottes. Une pratique qui se généralise donc chez les grands comptes mais aussi au sein de grosses PME, souvent poussées par des loueurs également en quête d’internationalisation.
Pour conclure ces accords internationaux et assurer leur viabilité, les constructeurs doivent s’adapter. Ainsi, la plupart des marques généralistes ont mis en place des pôles dédiés aux grands comptes, avec des équipes formées à ce type de clientèle.
D’anciens et de nouveaux acteurs sur le marché
Chez Mercedes, une cellule basée à Stuttgart accueille huit Corporate International Managers spécialement affectés à ces clients transfrontaliers. Parmi eux, Franck Damoutte gère plus de 250 clients répartis dans le monde entier, avec 25 000 véhicules. « Depuis quelques années, un besoin fort se fait sentir de la part d’entreprises avec plusieurs milliers de véhicules en parc, constate-t-il. Quand j’ai commencé en 2008, notre structure ne comptait que trois accords internationaux avec des sociétés françaises. Aujourd’hui, je dispose d’un portefeuille de 50 clients dans dix pays dont 40 en France, soit 3 300 véhicules commandés chaque année. C’est dix fois plus qu’il y a quatre ans. »
L’engouement pour ces accords attire aussi de nouveaux acteurs, souvent moins familiers des entreprises. C’est le cas de Nissan qui se réorganise à l’échelle européenne : ses ventes aux sociétés ont de fait progressé de 30 % en 2011. « L’an dernier, la croissance du marché b to b nous a conduits à créer un département ”Corporate Sells”, avec une branche grands comptes internationaux et loueurs longue durée, explique Cyril Châtelet, directeur ventes sociétés et véhicules utilitaires chez Nissan West Europe. Pour nous, l’approche internationale constitue une nouvelle priorité, et nous sommes dans une période de restructuration et de recrutement », poursuit le responsable. Pour Nissan, cette démarche internationale se veut clairement un levier de performances, alors que la marque entend augmenter de 0,4 point ses parts de marché liées aux flottes (VP et VU) en Europe d’ici trois ans. Son objectif : atteindre 5 % du marché global, contre 3,9 % à l’heure actuelle. « Avec 21 modèles VP et VU et quelque 2 500 points de ventes en Europe, nous tirons parti d’un important potentiel de développement sur ce marché », note Cyril Châtelet.
Plus expérimenté dans ce domaine, son allié français a créé la division Entreprises Renault en 1999 afin de répondre aux appels d’offres internationaux. La marque au losange compte quelque 130 grands comptes internationaux, avec des contrats couvrant au minimum deux pays et une centaine de véhicules. « Adopté par tous les grands comptes européens, ce schéma économique s’est beaucoup développé ces dernières années et devrait continuer à croître à l’avenir, estime Uwe Hochgeschurtz, directeur de la division Entreprises Renault. Même par temps de crise, nous enregistrons une progression annuelle du marché. »
L’international demeure en pleine croissance
La situation sourit aussi à Volvo qui a vu son volume d’affaires internationales bondir de 20 % en 2011. Cette évolution devrait se prolonger en 2012 avec le lancement de la V40. Avec plus de 120 clients grands comptes internationaux, la marque n’en est pourtant pas à ses débuts : elle a passé son premier accord international en 1986, avec un grand groupe pharmaceutique suédois. « Nous sommes largement présents à l’international et bénéficions de relais spécialistes des ventes flottes dans 77 pays », argumente Sébastien Veil, l’un des cinq International Major Account Managers (IMAM) en place chez Volvo Cars Corporation. Mais quels qu’ils soient, petits ou grands, premium ou low cost, les constructeurs semblent avoir tout intérêt à se positionner sur ce marché stratégique de l’international. En termes commerciaux, les appels d’offres transfrontaliers sont en général la promesse d’importants volumes de commandes, avec des centaines, voire des milliers de véhicules. Une masse critique pour offrir aux clients des conditions plus avantageuses. Mais pas forcément sous le seul angle commercial : « Les constructeurs font des efforts en général mais fixent des limites. Du coup, les clients ne peuvent s’attendre à des offres exceptionnelles », tempère Uwe Hochgeschurtz chez Renault.
Une recherche du meilleur rapport coût/efficacité
Les remises, primes et autres bonus ne suffisent d’ailleurs pas pour séduire les entreprises et concrétiser un accord. Les constructeurs doivent avant tout proposer une large gamme de produits (VP et VU) afin de répondre à tous les besoins : des motorisations performantes en matière de CO2, un réseau de distribution dense dans tous les pays et, si possible, une bonne image de marque à l’international.
« Nos clients recherchent avant tout des solutions simplifiées et une qualité de service pour gagner du temps, reprend Uwe Hochgeschurtz. Il est clair qu’un accord international génère des économies d’échelle par rapport à plusieurs contrats gérés séparément par des équipes locales. Avec une seule car policy et une gamme de produits homogénéisés pour plusieurs pays, le rapport coût/efficacité demeure plus intéressant ».
Et si la mutualisation des commandes ne fait pas forcément baisser les prix ou le TCO, elle offre cependant l’avantage de mettre toutes les flottes d’une société sur un pied d’égalité. « Dans un contrat international, les petits pays sont traités comme les grands. Avec à la clé des avantages qu’ils n’auraient pas obtenus en négociant individuellement », souligne Frank Damoutte, pour Mercedes.
Du fait de la périodicité plus longue des contrats internationaux, entre deux et trois ans en général, les constructeurs se doivent aussi d’enrichir leur offre de services. Outre le conseil, l’optimisation et les recommandations, les International Keys Account Managers procèdent à un travail de reporting et d’information auprès des clients, entre autres par le biais d’outils de gestion partagés. « Nos équipes sont toutes équipées de CRM pour collecter les données clients relatives aux parcs et nous exploitons ensuite ces informations sous forme de rapports d’activité. Ainsi, chaque mois, nous produisons une ”business review” pour comparer et confronter les bilans avec les chefs de parc », détaille Frank Damoutte.
Même type d’initiative chez Volvo où la cellule internationale a récemment établi un site destiné aux clients internationaux. « Un outil en ligne simple et pratique pour accéder, en un clic, aux normes CO2, aux réglementations en vigueur dans chaque pays, à nos produits et à nos offres de services », résume Sébastien Veil, pour Volvo.
Une organisation internationale par définition complexe
Mais la mise en œuvre de contrats internationaux peut toutefois être contraignante et plus complexe qu’elle n’y paraît. Au point de devenir un casse-tête pour le constructeur. Car le fait de mutualiser les données de chaque marché multiplie forcément les problèmes. « Toute la difficulté consiste à apporter une solution globale à des besoins multiples. Pour ce faire, il faut bien comprendre la spécificité des flottes dans chaque pays, la problématique des gestionnaires locaux et leurs attentes autour de la fiscalité et des offres produits. Notre expertise dans ces domaines reste capitale », poursuit Sébastien Veil.
Si la plupart des constructeurs se situent aujourd’hui dans une dynamique de croissance sur le marché des flottes internationales, l’enthousiasme a des limites. Chez Ford, poids lourd du marché avec 500 grands comptes internationaux répartis dans deux entités mondiale et européenne, Philippe Flon relativise : « Les accords internationaux coûtent cher, avec des procédures souvent longues et laborieuses et parfois des risques : en transmettant la gestion des contrats locaux à la cellule européenne, nous perdons le lien direct avec le client, donc une relation de proximité et une certaine maîtrise du dossier », explique le directeur des ventes sociétés et véhicules utilitaires.
Certaines entreprises peuvent donc se décourager et revenir à une gestion séparée, les contrats n’apportant pas toujours la valeur ajoutée escomptée. « Si notre portefeuille de grands comptes internationaux reste stable, nous enregistrons un turn-over entre les entrants et les sortants, constate encore Philippe Flon. Notre priorité est donc de satisfaire et de sécuriser nos clients où qu’ils se trouvent. » Or, il existe de fortes disparités d’un pays à l’autre.
Un traitement spécifique pour chaque grand compte
« La perception de la marque n’est pas identique partout, surtout avec des VP soumis à d’amples variables d’ajustement en raison des options, des équipements et de l’image de marque », énumère Philippe Flon. La situation est plus simple pour les VU qui répondent à des besoins professionnels plus standards.
Mais dans tous les cas, les constructeurs doivent faire du sur mesure. Chaque appels d’offres international possède son cahier des charges spécifique, le plus souvent multimarque pour faire jouer la concurrence et favoriser la diversité. Et nombre de paramètres entrent en ligne de compte comme le type de véhicules (VP ou VU), le niveau de gamme des modèles, les options choisies, le mode de financement (LLD, achat en propre, fleet management, etc.). Sans oublier non plus la réalité du marché, souvent plus complexe que prévue. La simplification souhaitée au départ n’est donc pas toujours au rendez-vous.
Pour le constructeur, l’enjeu reste donc de fidéliser les grands comptes internationaux en instaurant une relation de confiance à long terme. « Chez Daimler, nous n’avons pas de critères stricts ni de limites de volume. Mais nous attendons un engagement clair du client : celui-ci doit avoir lancé la démarche en amont et être capable de déployer une stratégie internationale, car nous avons besoin d’une bonne visibilité sur l’ensemble de sa flotte », rappelle Frank Damoutte.
Pour réussir un accord international, une organisation réciproque et une entente mutuelle s’imposent donc, la qualité des échanges restant la condition du succès. « Au-delà de l’accord commercial, il s’agit de construire un véritable partenariat avec le client, renchérit Uwe Hochgeschurtz pour Renault. Une relation souvent laborieuse à mettre en place, mais qui se révèle en général payante », complète-t-il. Et pour cause : en apportant son soutien dans la gestion des flottes, le constructeur est plus à même d’évaluer les besoins et le degré de satisfaction des clients.
Des échanges, des rencontres et du benchmark entre clients
« En matière de qualité ou de fiabilité des produits, le retour d’expérience des entreprises est toujours riche d’enseignements. Cela nous permet de progresser, d’améliorer nos offres, voire parfois de rattraper certaines erreurs de départ, conclut Uwe Hochgeschurtz. Nous essayons aussi d’instaurer une relation privilégiée avec nos clients à travers un traitement VIP, notamment des invitations à des évènements privés tels que des salons automobiles et campagnes d’essais. » Avec, à la clé, la construction de réseaux de clients grands comptes, dans un cadre propice aux affaires, aux rencontres et au benchmark.
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