
Renégocier les termes des contrats passés avec son loueur : la démarche reste incontournable pour des gestionnaires qui souhaitent optimiser leur flotte, sans disposer des leviers traditionnels pour le faire. C’est le cas de Patrick Perrault, directeur gestion de l’immobilier et en charge de la flotte de Qérys, une entreprise spécialisée dans la vente de produits de l’habitat pour les professionnels et les particuliers. Pour ce responsable à la tête de 200 véhicules en LLD, impossible de se tourner vers des prestataires pour réaliser des interventions courantes, entretien ou encore pneus, à moindre coût. Qérys est en effet engagé jusqu’en...
Renégocier les termes des contrats passés avec son loueur : la démarche reste incontournable pour des gestionnaires qui souhaitent optimiser leur flotte, sans disposer des leviers traditionnels pour le faire. C’est le cas de Patrick Perrault, directeur gestion de l’immobilier et en charge de la flotte de Qérys, une entreprise spécialisée dans la vente de produits de l’habitat pour les professionnels et les particuliers. Pour ce responsable à la tête de 200 véhicules en LLD, impossible de se tourner vers des prestataires pour réaliser des interventions courantes, entretien ou encore pneus, à moindre coût. Qérys est en effet engagé jusqu’en 2022 avec son loueur sur des contrats incluant l’ensemble des services.
Renégocier en direct
À défaut de pouvoir jouer sur ces leviers courants d’économie, Patrick Perrault a choisi de renégocier directement avec son loueur les coûts des différents postes de dépenses liés à son contrat. Une négociation qui demande parfois une certaine constance, constate ce responsable. Comme lorsqu’il a voulu remettre en cause le coût des frais de gestion qu’il voyait croître au fil des ans. « Ces frais incluent toute un ensemble de dépenses dont nous ne connaissons pas exactement la nature. Nous pouvons avoir l’impression qu’ils sont minimes, mais multipliés par le nombre de véhicules et de mois, la somme totale devient importante », souligne-t-il. Et pour obtenir le gel de ces frais, « j’ai dû insister », résume Patrick Perrault.
La quête de baisse de coûts de ce gestionnaire s’est élargie au coût financier de la location. Pour ce poste central de dépenses, Patrick Perrault s’est appuyé sur l’utilisation des grilles de fluidité de son loueur. Une démarche qui n’a pas été simple mais qui a généré des résultats. « La vraie négociation avec le loueur est d’obtenir les grilles de fluidité. Mais nous les obtenons systématiquement même si nous devons le relancer », relève Patrick Perrault.
Au sein de la société d’ingénierie et de conseil en technologies Akka Technologies, Isabelle Graffeo n’accorde pas autant d’importance aux grilles de fluidité pour optimiser les coûts de financement de sa flotte en location longue durée. « Ces grilles restent rigides dans les kilométrages et les durées proposées », rappelle cette responsable de la flotte d’environ 600 véhicules dont 60 % de voitures de fonction. De fait, si les grilles de fluidité permettent de changer les lois de roulage pour s’adapter au mieux aux usages effectifs des véhicules, leurs termes en kilométrages et durées demeurent fixés par le loueur.
Isabelle Graffeo a donc choisir de réadapter les contrats au réel, une démarche financièrement plus intéressante, argumente-t-elle. Sans cacher que ce travail, auquel peu de gestionnaires se consacrent, se révèle fastidieux. « Mais on s’y retrouve financièrement », conclut-elle. Chez Akka Technologies, la tâche est importante non seulement en raison de la flotte concernée, mais aussi parce qu’Isabelle Graffeo est seule à la tête de la gestion du parc.
Réadapter les contrats au réel
Cette meilleure connaissance des termes du contrat arme également mieux Isabelle Graffeo lorsqu’il s’agit de renouveler les contrats de ses véhicules à échéance. Cette étape du renouvellement de la flotte constitue aussi un autre moment privilégié de négociation avec les loueurs pour obtenir de meilleures conditions de financement. Car les gestionnaires peuvent alors mettre en concurrence les loueurs du marché pour obtenir les meilleures cotations.
Patrick Perrault de Qérys s’y prépare à l’horizon 2022 : « Si nous avons laissé l’exclusivité à notre loueur jusqu’ici, nous allons désormais le mettre en concurrence avec d’autres loueurs afin que ses prix s’alignent, projette ce responsable. L’idée est de lancer bientôt des demandes de cotations auprès de plusieurs loueurs pour que le meilleur l’emporte. »
Cette mise en concurrence est déjà pratiquée chez l’équipementier automobile JTEKT dont le parc de 150 véhicules est géré par Catherine Dutang. « Je travaille avec deux loueurs que je mets systématiquement en concurrence pour chaque contrat », indique cette gestionnaire de flotte. Une démarche incontournable selon Catherine Dutang, source d’économies pour l’entreprise, bien que ces gains soient difficiles à évaluer.
La démarche est similaire chez Akka Technologies où les deux loueurs sont aussi mis en concurrence systématiquement au cours d’appels d’offres réguliers, « soit tous les deux ans environ si je ne suis pas pleinement satisfaite du service et de l’aspect financier bien sûr. L’objectif est de remettre les loueurs en compétition face aux autres offres du marché. Mais si je consulte les autres loueurs, je travaille avec les mêmes depuis trois ans maintenant », avance Isabelle Graffeo.
Mettre en concurrence…
Car si la mise en concurrence pousse les loueurs à faire des efforts sur les tarifs, elle ne suffit pas à modifier radicalement leurs positionnements commerciaux. À force de consultations des acteurs du marché, des gestionnaires de flotte expérimentés notent en effet que les offres de financement des loueurs, notamment sur les différentes motorisations, correspondent aussi aux stratégies commerciales arrêtées par ces prestataires.
« Des loueurs sont plutôt agressifs commercialement sur les constructeurs, d’autres sur les motorisations », confirme Isabelle Graffeo. Ce que valide Catherine Dutang pour JTEKT : « Un de mes loueurs privilégie les valeurs de revente des véhicules électriques et hybrides ; je ne fais donc plus de chiffrage avec lui en diesel. Tandis que l’autre a gardé une stratégie plus ou moins équilibrée sur les motorisations diesel et essence et continue de faire des offres intéressantes », poursuit-elle. À noter que JTEKT a opté pour les lois de roulage suivantes : 48 mois/80 000 km pour les motorisations essence et hybrides, et 36 mois/60 000 km pour les diesel.
… avec des nuances
Sur la base de ce constat, Catherine Dutang n’élargit pas pour autant le périmètre de la mise en concurrence à d’autres loueurs en dehors des deux avec lesquels elle travaille habituellement. En accord avec la responsable des achats de JTEKT, elle ne compte ni procéder à de nouveaux appels d’offres pour sa flotte, ni faire appel à un troisième loueur. Elle reste néanmoins en alerte sur le marché. « Consulter la concurrence à chaque renouvellement représenterait trop de travail, justifie-t-elle. Mais quand des loueurs me sollicitent de temps en temps, je leur fais réaliser des chiffrages pour voir comment ils se positionnent. »
Cette expérience des prestataires des flottes automobiles a conduit Jean-Charles Houyvet, directeur général adjoint du Groupe MyMobility, à un choix sensiblement différent pour financer les 4 000 véhicules de ce spécialiste du transport adapté. Ainsi, il ne s’adresse aux loueurs généralistes que pour les véhicules électriques. « J’ai eu recours à des loueurs filiales de banque pour ces modèles parce que certaines captives de constructeur proposaient des valeurs résiduelles très basses », rappelle le responsable.
Pour le reste de sa flotte en effet, Jean-Charles Houyvet s’est tourné vers les captives en raison des durées des contrats. « Tous les loueurs généralistes souhaitent avoir des contrats de 36 mois, voire plus. Cela ne correspond pas à notre activité qui demande des durées plus courtes, explique-t-il. Or, toute rigidité du contrat de LLD génère des surcoûts importants en frais de stockage, en distribution logistique et en contrôles techniques, obligatoires tous les douze mois dans le cadre de notre activité. Tous ces frais peuvent être gommés par un contrat de financement adapté à notre activité », ajoute ce dirigeant.
Loueur généraliste ou captive ?
Autre attrait de la captive par rapport aux loueurs généralistes pour Jean-Charles Houyvet : une plus grande facilité de négociation commerciale. « Chez les captives, il y a une dualité intéressante entre celui qui fait les finances et celui qui fait des affaires ; avec les loueurs généralistes, l’échange est plus morcelé : un côté un banquier fait une offre de financement, de l’autre un vendeur en concession commercialise des voitures », expose ce responsable.
Pour autant, les gestionnaires qui se tournent vers des loueurs généralistes ne négligent pas le versant de la négociation avec les constructeurs. « Pour obtenir les meilleurs tarifs sur les loyers, nous mettons toujours en place des négociations tripartites entre nous, le loueur et le constructeur », décrit Fabien Dieu, directeur du fleeteur Ask. Ce fleeteur bénéficie alors de la remise du constructeur qu’il reporte ensuite au loueur. Sans cette étape, c’est au loueur de négocier des accords directement avec le constructeur et de décider de quelle manière il reporte à son client les baisses obtenues.
Le mode tripartite
« Nous pouvons négocier des “boosters“, des primes de positionnement de gamme, quand le constructeur veut continuer à vendre un véhicule dépassé par exemple. Les loueurs le font aussi mais ils ne redistribuent pas forcément ces baisses au client final », constate Fabien Dieu. Ce fonctionnement en négociation tripartite, c’est aussi le choix fait par Catherine Dutang pour la flotte de JTEKT.
Mais si les gestionnaires se tournent vers les constructeurs pour obtenir des réductions sur le prix des véhicules, ils peuvent aussi en obtenir auprès de leurs concessionnaires. C’est dans ce but qu’Isabelle Graffeo, pour Akka Technologies, entretient des relations très étroites avec eux. « Pour sélectionner les modèles, outre la connaissance des motorisations, des finitions et de la fiscalité en vigueur, il est indispensable pour moi de voir les modèles et de les tester. Je peux alors retenir les meilleures finitions, motorisations ou encore options à inclure », relate cette responsable.
Pour voir et évaluer ces modèles, Isabelle Graffeo se rend dans les concessions avec lesquelles elle a l’habitude de travailler : « Je les sélectionne pour leur réactivité et leur disponibilité et je ne commande que dans ces concessions référencées auprès de mes loueurs, détaille-t-elle. Avec également à la clé une prime de volume en complément de la remise constructeur. » Une démarche exigeante en temps et en gestion mais qui reste incontournable pour Isabelle Graffeo : « Nous réévaluons chaque année les modèles référencés dans la car policy afin d’apporter aux collaborateurs la meilleure finition possible en confort et en sécurité. Je me tiens aussi au courant de l’actualité produits des autres constructeurs, j’écoute les besoins et envies de nos collaborateurs, toujours dans le souci de leur satisfaction », conclut-elle.
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