
Une bataille des décrets, à base d’obligations, d’abrogations et d’annulations successives, trouve peut-être enfin son dénouement. Le Conseil d’Etat a livré sa décision ce 31 octobre 2022, réinstaurant le contrôle technique obligatoire des deux-roues. Pour rappel, ce contrôle technique concerne les véhicules motorisés à deux ou trois roues et les quadricycles à moteur. Son entrée en vigueur était initialement prévue pour le 1er janvier 2022, conformément à la directive européenne 2014/45 du 3 avril 2014.
Ici, un saut dans le passé s’impose. Pour mémoire, le 25 juillet 2022, le décret n° 2022-1044 venait abroger le décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur. Le gouvernement supprimait ainsi l’obligation pour les motards d’effectuer ce contrôle technique.
Un peu d’histoire…
Rappelons qu’avant de l’enterrer, le gouvernement avait, dans un premier temps, reporté la date d’entrée en vigueur de ce contrôle technique au 1er janvier 2023, par le décret n° 2021-1062 du 9 août 2021. Le 12 août 2021, soit quelques jours plus tard, le ministre délégué aux Transports alors en fonction, Jean-Baptiste Djebbari, décidait de suspendre ce décret d’application, à la demande du président de la République Emmanuel Macron. Le 27 juillet 2022, le Conseil d’Etat annulait la décision de Jean-Baptiste Djebbari, ainsi que le décret du 9 août 2021. Mais ce dernier venait d’être abrogé par le décret n° 2022-1044 du 25 juillet 2022 !
Mais ce coup de grâce n’en fut pas un. Car ce 31 octobre 2022, c’est ce décret n° 2022-1044 du 25 juillet 2022 que le Conseil d’État annule « pour excès de pouvoir », jugeant la décision du gouvernement « illégale ». Une annulation qui a pour effet de remettre en vigueur le décret qui prévoit le contrôle technique des véhicules à deux-roues motorisés.
Le Conseil d’Etat met en avant deux « motifs d’illégalité »
Le Conseil d’État cite deux « motifs d’illégalité » justifiant sa décision qui réinstaure le décret du 9 août 2021, et donc l’obligation du contrôle technique des deux-roues. Premier motif : « La suppression du contrôle technique aurait dû être soumise à consultation du public, compte tenu de son incidence directe et significative sur l’environnement ». Second motif : « Le Conseil d’État censure en outre une illégalité de fond, les mesures alternatives n’étant pas suffisamment efficaces, au regard des exigences de la directive, pour améliorer la sécurité routière des motards ».
En effet, Jean-Baptiste Djebbari, tout comme son successeur Clément Beaune, avaient présenté une batterie de mesures alternatives au contrôle obligatoire des deux-roues. « Certaines des mesures mises en avant poursuivent des objectifs légitimes, mais qui ne sont pas ceux prévus par les dispositions de la directive régissant la faculté de déroger au contrôle technique », estime le Conseil d’État. Par exemple : « la réduction des nuisances sonores ou des émissions de polluants ». D’autres mesures « ne peuvent être utilement prises en compte ». Car elles restent « encore à l’état de projets » ou « constituent de simples réflexions ».
La sécurité routière en question
Quant aux mesures « concernant spécifiquement la sécurité routière », elles restent « en nombre restreint et ne peuvent être regardées comme suffisamment efficaces au regard des exigences de la directive, qui poursuit un objectif de réduction de la mortalité liée à l’utilisation des deux-roues motorisés ». Avant de poursuivre : « les statistiques de sécurité routière disponibles font état d’une mortalité routière particulièrement élevée en France pour les conducteurs de deux-roues motorisés, en valeur absolue comme par rapport aux autres États européens ».
Contrôle technique des deux-roues : à quand son application effective ?
Le décret du 9 août 2021, ressuscité désormais par le Conseil d’Etat, prévoyait donc l’entrée en vigueur du contrôle technique obligatoire des deux-roues au 1er janvier 2023. Mais comme le rappelle le Conseil d’Etat, l’application du décret devait s’étaler dans le temps, en fonction de l’ancienneté des immatriculations. Les dates d’applications prévues par le décret étaient les suivantes : « le 1er janvier 2023, pour les véhicules immatriculés avant 2016, et des dates échelonnées entre 2024 et 2026, pour les véhicules immatriculés à partir de 2016 ».
Dans un communiqué publié le jour-même, le ministre des Transports a pris acte de la décision rendue par le Conseil d’Etat. Tout en soulignant que « cette décision ne conduit pas à une entrée en vigueur immédiate du contrôle technique, compte-tenu de la nécessité de publier préalablement des textes d’application du décret du 9 août 2021 ». « Une consultation sera lancée par le ministre chargé des Transports avec l’ensemble des parties concernées dans les prochains jours afin de déterminer les mesures à mettre en œuvre », précise le ministère.