
Pour les flottes des entreprises et de collectivités, l’entrée de la France en confinement le 17 mars à midi a signé l’arrêt de la circulation. Mais un certain nombre de véhicules assurant des activités essentielles continuent à rouler. C’est le cas en particulier dans les secteurs de la santé et du transport routier de marchandises, comme pour Minute Pharma, spécialiste de la livraison aux officines (voir le témoignage).
Les flottes publiques restent également sur les routes. Ainsi, à Lyon, environ un tiers du parc de la ville assure des missions essentielles (voir le témoignage). À Paris, plusieurs services continuent à tourner : ramassage...
Pour les flottes des entreprises et de collectivités, l’entrée de la France en confinement le 17 mars à midi a signé l’arrêt de la circulation. Mais un certain nombre de véhicules assurant des activités essentielles continuent à rouler. C’est le cas en particulier dans les secteurs de la santé et du transport routier de marchandises, comme pour Minute Pharma, spécialiste de la livraison aux officines (voir le témoignage).
Les flottes publiques restent également sur les routes. Ainsi, à Lyon, environ un tiers du parc de la ville assure des missions essentielles (voir le témoignage). À Paris, plusieurs services continuent à tourner : ramassage des ordures, traitement des eaux propres et des eaux usées, services funéraires, entretien des écoles ouvertes, équipes de sécurité de la ville qui contrôlent les zones interdites de circulation par arrêté préfectoral, etc.
Des conducteurs sur les routes
Les gestionnaires de réseau doivent eux aussi circuler. « Chez Orange, toutes les fonctions supports sont confinées. Mais nous avons beaucoup de monde sur les routes pour entretenir le réseau qui est le nerf de la guerre », explique Patrick Martinoli, directeur délégué aux mobilités. Des chantiers restent aussi ouverts pour Engie Solutions (voir le témoignage). En conséquence, les gestionnaires de flotte doivent relever plusieurs défis et le premier consiste souvent à travailler à distance.
« Le métier de gestionnaire de parc nécessite tout de même de la proximité et une minorité télétravaille habituellement, note Anne Bertrand, directrice de la gestion des véhicules chez Orange. Nous avons toutefois un système d’information partagé pour la gestion des véhicules et nous échangeons avec les moyens modernes de communication. Mais les opérations de proximité d’entretien, de réparation, de livraison et de restitution sont très pénalisées. »
« Au sein du service de gestion de flotte d’Engie Solutions, nous avions équipé en amont nos collaborateurs avec des ordinateurs et des téléphones portables, se félicite le gestionnaire de la flotte Hichem Bardi. Nous avons appris à travailler ensemble à distance et restons 100 % disponibles. L’important est de garder un lien quotidien afin de s’assurer que tout va bien. »
Des équipes réduites
La situation est plus compliquée pour les flottes publiques qui ont encore souvent des garages en régie. La ville de Paris a choisi de garder tous ses garages ouverts mais avec des équipes restreintes. « En parallèle, tous ceux qui peuvent télétravailler le font et travaillent sur les dossiers de fond, indique Hervé Foucard, chef des transports automobiles municipaux. Ils en profitent pour faire le ménage dans nos procédures » (voir le témoignage).
Il en va pareillement à Lyon : « Dès l’annonce du président de la République, nous avons fait le point avec les agents pour leur expliquer la situation et voir qui viendrait travailler, en essayant de laisser le plus possible les gens chez eux, relate Christian Gardin, directeur logistique, garage et festivités. Nous faisons travailler ceux qui habitent à proximité en priorité, sur la base du volontariat. La bonne nouvelle, c’est que nous avons eu de nombreux volontaires. »
Le second défi vise à protéger non seulement les conducteurs mais aussi le personnel sur le terrain. « Nous avons rappelé les gestes barrières et distribué du matériel de protection : masques chirurgicaux, gel hydroalcoolique et solution hydroalcoolique pour désinfecter les équipements communs, détaille Christian Gardin. Celui qui reprend l’équipement désinfecte tout, du volant aux poignées de porte en passant par le levier de vitesses. »
Protéger les conducteurs
Engie Solutions a aussi rédigé une procédure de nettoyage pour les véhicules transférés d’un collaborateur à un autre. « Charge ensuite aux opérationnels de vérifier que le nettoyage est bien effectué, généralement par un prestataire », précise Hichem Bardi. « Chez Orange, pour les véhicules employés habituellement avec un conducteur et un passager, nous utilisons ainsi véhicule suiveur, décrit Anne Bertrand. Du gel de décontamination, des masques et des gants sont mis à disposition, voire des surchaussures. » Enfin, chez Minute Pharma, « notre qualiticien en interne a rédigé un petit fascicule pour chaque livreur. Il décrit comment nettoyer le camion et livrer sans contact avec le client », expose le directeur général Samy Layouni. Mais celui-ci déplore que les transporteurs ne soient pas assimilés à un secteur stratégique par le gouvernement. « En conséquence, nous ne sommes pas équipés en matériel de protection et les pharmacies ne peuvent pas nous en vendre. Or, si ce maillon essentiel du pays venait à lâcher, on risquerait une panique générale », estime-t-il.
Autre tâche essentielle durant la crise : entretenir et maintenir les véhicules en service. « Un certain nombre de partenaires techniques ont fermé la majeure partie de leurs centres, notamment pour les pneus, signale Patrick Martinoli pour Orange. Or, en cas de crevaison, il faut absolument pouvoir dépanner le véhicule car une grande partie n’a aujourd’hui plus de roue de secours. Et si l’on peut continuer à rouler avec un pare-brise fêlé, ce n’est pas vrai avec une vitre cassée pour vol de matériel. Nous incitons donc nos partenaires à rouvrir leurs centres pour les interventions de première urgence. »
Maintenir la flotte
Orange a d’ailleurs rapidement noué des partenariats avec ses fournisseurs : « Constructeurs et prestataires nous fournissent des informations à jour sur leurs sites accessibles, rappelle Anne Bertrand. Nous les communiquons aux conducteurs à raison de deux ou trois e-mails par jour. De plus, les véhicules arrêtés, principalement ceux des commerciaux, sont mis à disposition pour pallier les défaillances des véhicules que l’on ne pourrait pas réparer et un roulement a été mis en place », complète-t-elle.
Chez Engie Solutions, Hichem Bardi a pareillement travaillé avec les loueurs, les constructeurs et les réseaux sur leurs plans de continuité d’activité. « Nous avons référencé tous les garages capables de recevoir des véhicules, sachant que la situation évolue régulièrement avec la réouverture de garages », souligne-t-il. Minute Pharma a rencontré plus de difficultés. « Notre flotte est majoritairement de la marque Renault et tous les garages étaient alors fermés en région parisienne, explique Samy Layouni. En conséquence, nous avons acheté les pièces et nous nous sommes débrouillés pour faire la mécanique de première nécessité, en passant si besoin par des connaissances qui ont un garage. » Confrontée à la panne d’un camion durant les premières semaines de confinement, l’entreprise l’a rapatrié dans ses locaux et a réussi à régler le problème par elle-même.
Dans les garages en régie, il a fallu prioriser les actions. « À Lyon, nous avions réalisé les maintenances préventives prévues sur le mois de mars, indique Christian Gardin. Nous ne nous occupons donc que des véhicules des services essentiels. Pour les autres, les maintenances prévues en avril seront décalées avec une régulation en mai, juin et juillet. L’équipe d’astreinte en profite pour terminer les véhicules en cours de réparation et à temps perdu pour nettoyer et ranger l’atelier. »
Les livraisons et restitutions à l’arrêt
L’approvisionnement peut poser problème : « Nous essayons de nous faire livrer quelques pièces détachées via des fournisseurs sans marque qui restent ouverts, note Hervé Foucard. Nous devons être prêts car il y aura beaucoup d’encombrement des services logistiques à la fin de la crise, tous les événements et réunions étant annulés et reportés. Cela va solliciter tous nos véhicules. »
Une fois l’opérationnalité des véhicules assurés, les responsables de parc sont confrontés à un autre défi : l’arrêt des livraisons des véhicules neufs et la restitution des anciens véhicules en LLD. « Il n’est en effet plus possible de les réaliser car nos partenaires distributeurs ont fermé leurs garages », pointe Hichem Bardi pour Engie Solutions, qui a stoppé ces deux opérations.
Dans certaines situations, il reste possible de se faire livrer des véhicules. Orange a ainsi mis au point une procédure de réception par vidéo pour les véhicules nacelles, essentiels à son activité (voir le témoignage). « Chez Minute Pharma, lorsque nous avons eu un besoin urgent de motos suite au recrutement de livreurs, nous avons réussi à faire ouvrir une concession BMW pour récupérer trois motos en provenance du Sud de la France », relate Samy Layouni.
Mais ces solutions alternatives sont minoritaires. « Actuellement, nous ne réceptionnons pas les véhicules commandés il y a plusieurs mois, confirme Anne Bertrand pour Orange. Cela va retarder le renouvellement de notre flotte et sa transition énergétique de quelques mois, en fonction de la date de reprise des constructeurs. En conséquence, nous devons commander en amont des véhicules, même s’ils vont mettre encore plus de temps qu’habituellement à être livrés, pour remplacer les véhicules à restituer », résume-t-elle.
Anticiper les renouvellements
Car les commandes ne sont pas bloquées. « Avec l’un de nos partenaires constructeurs français, nous nous sommes engagés sur un volume de commandes de manière à pouvoir être en tête des lignes de production lors de la reprise, mais tout cela reste incertain en termes de date », ajoute Anne Bertrand.
La ville de Paris avait anticipé dès novembre 2019 les renouvellements pour 2020. « Nous attendions les réponses des services en février au plus tard et avions déjà lancé des commandes, déclare Hervé Foucard. Je ne pense pas que les délais seront pires qu’avant, sachant que les véhicules mettent en général quatre ou cinq mois à arriver au lieu des deux mois annoncés. Ce n’est pas dramatique pour nous car la flotte est en achat : si besoin, nous garderons nos véhicules actuels trois mois de plus. »
La ville de Lyon, en revanche, était dans une importante séquence d’achats pour renouveler des véhicules en vue de s’adapter à la zone à faibles émissions (ZFE) qui sera pleinement opérationnelle fin 2020. « Nous allons reporter les échéances des appels d’offres en cours lorsque cela est possible sur la période du 30 mars au 15 avril, annonce Christian Gardin. Les achats seront donc décalés d’un ou deux mois, sachant que tout dépend de la relance de la production par les constructeurs. Il y aura facilement huit à dix semaines de retard. » Engie Solutions, en LLD, a pour sa part choisi de prolonger ses contrats.
Maintenir les véhicules
Les gestionnaires de flotte prévoient aussi quelques difficultés pour redémarrer les véhicules qui seront restés plusieurs semaines à l’arrêt. « Si le confinement dure un mois, il faudra vraisemblablement sortir les “booster“ pour les redémarrer, avertit Hervé Foucard. Sur les véhicules électriques, si la batterie est complètement déchargée, il faudra utiliser la valise pour redémarrer. Nos équipes de dépannage tourneront donc dès la fin de la crise. »
Orange prévoit pour sa part d’envoyer des e-mails à tous les collaborateurs confinés avec un véhicule en autopartage en leur demandant de les démarrer tous les quinze jours. « Les boîtiers qui recueillent les réservations consomment un peu de courant et ont tendance à vider la batterie lorsque le véhicule n’est pas employé pendant plusieurs jours », explique Patrick Martinoli. De plus, un plan de reprise est à l’étude pour que, dès la fin du confinement, les gestionnaires de parc puissent redémarrer en toute sécurité les véhicules restés à l’arrêt sur des parkings de l’entreprise. « Il y a en effet un process à suivre avec un appel auprès de notre partenaire Mobility Tech Green pour redémarrer correctement le véhicule et éviter de désynchroniser le calculateur, détaille Patrick Martinoli. Il faudra sans doute aussi envoyer un e-mail à tous les conducteurs pour qu’ils refassent la pression des pneus lorsqu’ils pourront reprendre les véhicules, sachant qu’un pneu perd entre 100 et 300 g par mois », recommande-t-il.
La reprise en question
Mais à l’heure où nous terminons ce dossier, il est encore un peu tôt pour envisager plus concrètement la reprise. « Nous échangerons certainement en avril entre collègues pour examiner la sortie de crise et refaire des programmations », envisage Hervé Foucard pour la ville de Paris. « Nous avons plutôt géré l’urgence dans les premières semaines de confinement. Nous faisons passer l’opérationnel en priorité », expose Anne Bertrand pour Orange.
Reste que cette crise va sans doute faire évoluer les pratiques. « Dès que nous aurons un peu de temps, l’idée est de travailler à approfondir les process et à capitaliser sur les idées que nous avons, comme la réception vidéo des nacelles que nous pourrions envisager de généraliser par la suite », annonce Anne Bertrand. « Nous nous apercevons qu’il est possible d’être efficace sur les dossiers importants en télétravail, même si nous ne passerons pas à 100 % de télétravail », précise de son côté Hichem Bardi pour Engie Solutions. À suivre d’ici notre prochain numéro, en vous espérant toutes et tous en bonne santé.
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