Après deux mois de confinement, les problématiques des gestionnaires de flotte ont quelque peu évolué. Tous ont désormais répondu à l’urgence et se sont réorganisés pour assurer les missions qui ont été maintenues (voir notre premier dossier). Et tous font maintenant face à de nouveaux casse-têtes, en premier lieu le règlement d’échéances financières, surtout lorsqu’elles ne correspondent plus à l’usage des véhicules.
« Nous avons pu bénéficier d’un report des échéances financières avec la quasi-totalité des organismes de financement », indique à ce sujet François-Xavier Dugué, responsable de la gestion des 1 400 véhicules acquis en propriété...
Après deux mois de confinement, les problématiques des gestionnaires de flotte ont quelque peu évolué. Tous ont désormais répondu à l’urgence et se sont réorganisés pour assurer les missions qui ont été maintenues (voir notre premier dossier). Et tous font maintenant face à de nouveaux casse-têtes, en premier lieu le règlement d’échéances financières, surtout lorsqu’elles ne correspondent plus à l’usage des véhicules.
« Nous avons pu bénéficier d’un report des échéances financières avec la quasi-totalité des organismes de financement », indique à ce sujet François-Xavier Dugué, responsable de la gestion des 1 400 véhicules acquis en propriété du spécialiste nantais du transport de personnes Titi Floris (voir le témoignage).
Mais toutes les flottes n’ont pas eu autant de facilités : « Si nous avons eu un report automatique de nos financements pour les véhicules en crédit-bail, soit 65 % de la flotte, ce n’est pas le cas pour les véhicules en LLD. Nous avons contacté nos loueurs mais nous n’avons pas de nouvelles pour l’instant », relate Bruno Lucien, responsable du parc de LS Services. À la tête de 750 véhicules dont 680 utilitaires, ce prestataire relève les compteurs pour Enedis et GRDF (voir le témoignage).
Des règlements à négocier
LS Services a aussi rencontré quelques problèmes avec des véhicules de remplacement prêtés avant le confinement suite à des sinistres ou des pannes. « Nous bénéficions d’une assistance gratuite sur quinze jours. Mais comme nous ne pouvions ni récupérer le véhicule réparé, ni rendre le véhicule de prêt à cause du confinement, les loueurs nous ont contactés pour facturer les journées supplémentaires, explique Bruno Lucien. La situation a été complexe à gérer mais nous avons réussi. »
Bien souvent, il est nécessaire d’engager des négociations avec ses prestataires. « Nous leur avons demandé de travailler d’ores et déjà sur les frais (sans pénalités de retard) des restitutions tardives dues au confinement, et sur la prolongation de leasings pour appréhender les renouvellements dans les meilleures conditions. L’essentiel est de trouver un terrain d’entente car toutes les parties sont touchées par les difficultés actuelles », expose Paula Opris, gestionnaire des 72 véhicules de la flotte de l’agence de communication Gutenberg Agency (voir le témoignage).
Le Groupe MyMobility a pareillement rencontré des difficultés pour restituer les véhicules alors que les parcs et les concessions étaient fermés. « Nous avons donc demandé une suspension des loyers dans l’attente d’une solution plus définitive, témoigne Jean-Charles Houyvet, directeur général adjoint de ce spécialiste du transport scolaire d’enfants en situation de handicap. La Diac et Volkswagen Bank offrent déjà de décaler de trois mois le recouvrement des loyers des contrats de LLD et de LOA. » Mais face à la perspective de ne pas pouvoir faire rouler ses véhicules pour une durée encore indéterminée, ce dirigeant est allé plus loin et a soumis des solutions alternatives à ses partenaires (voir le témoignage).
Reporter l’assurance
« Côté assurance, nous avons négocié un report de trois mois du règlement de la cotisation annuelle qui est versée en plusieurs fois. Notre assureur a aussi fait un geste commercial au vu de la baisse de sinistralité », expose François-Xavier Dugué, responsable de la gestion des 1 400 véhicules du spécialiste nantais du transport de personnes Titi Floris.
Au sein de la ville du Plessis-Robinson (92), David D’Amario, responsable transport et garage à la tête de 85 véhicules, compte envoyer à son assureur un tableau récapitulatif indiquant quels véhicules continuent de circuler et lesquels sont mis à l’arrêt pour demander un petit dégrèvement. « Notre assureur devrait diminuer nos cotisations durant les semaines de confinement, confirme Bruno Lucien, responsable des 750 véhicules du parc de LS Services, prestataire qui relève les compteurs pour Enedis et GRDF. De même, certains fournisseurs ont fait un geste sur les frais de gestion : nous avons par exemple eu un mois gratuit de la part de notre télématicien. Enfin, des fournisseurs en profitent pour relancer des dossiers en cours mais nous ne nous engageons dans rien », complète-t-il.
La question des renouvellements
En parallèle, pour nombre d’entreprises et de collectivités, la période du confinement a coïncidé avec une période de renouvellement des véhicules. Mais selon les flottes, les stratégies ne sont pas identiques. Pour certains, les commandes sont déjà passées.
Forte d’un parc de 1 000 véhicules, la métropole de Brest avait ainsi pris de l’avance sur ses achats de véhicules en 2019. Elle a donc profité du confinement et du télétravail pour finaliser toutes les commandes fin mars, au lieu de les étaler de janvier à juin, même si les délais de production sont allongés. « Nous avons eu la chance que l’Ugap reste ouverte malgré un fonctionnement un peu différent, note Laurent Bouvet, responsable du service véhicules et engins. Aucune livraison n’est effectuée mais c’est notre volonté d’attendre la fin du confinement afin d’éviter des déplacements et des contacts inutiles » (voir le témoignage).
« Chez Titi Floris, le hasard a fait que, cette année, j’avais anticipé les achats en prévision d’une petite augmentation de notre activité et commandé 250 véhicules, pointe François-Xavier Dugué. 60 % sont déjà sortis d’usine et ont rejoint les parcs des constructeurs en France. Pour le reste, je suis encore en attente d’informations. » Ce gestionnaire est surtout inquiet pour les véhicules transformés en TPMR (transport de personnes de mobilité réduite) : « Il faut transférer les châssis vers des aménageurs spécifiques dont les chaînes de production sont actuellement fermées, puis faire homologuer les véhicules auprès de services administratifs eux aussi fermés. Il risque d’y avoir du retard dans les livraisons mais nous allons simplement décaler les objectifs de renouvellement. »
Des commandes en attente
LS Services a également une quinzaine de véhicules en attente. Ces derniers étaient en cours de production pour une livraison début mai, dans le cadre de nouveaux marchés qui démarraient. « Nous avons appelé les commerciaux de nos fournisseurs de voitures mais ils n’ont pas encore de visibilité », souligne Bruno Lucien. De son côté, le Groupe MyMobility attend toutes ses livraisons en août. « Nous avons eu des engagements de la part de Renault et de Volkswagen pour des véhicules déjà produits. Mais nous n’avons pas encore de réponse ferme du Groupe PSA », rappelle Jean-Charles Houyvet.
Le département de la Moselle anticipe d’emblée un retard de deux ou trois mois sur sa commande de dix Zoé et cinq VU lancée juste avant la pandémie, notamment auprès de l’Ugap. « La livraison des VU était annoncée pour septembre-octobre, mais je suis pratiquement sûr que nous ne les aurons pas avant le début du premier trimestre 2021 », estime Thierry Fristot, directeur de l’environnement de travail, de la mission de la mobilité et du pilotage de la flotte automobile (408 véhicules de service courants).
Thierry Fristot prévoit cependant de lancer sous peu un marché pour l’achat de véhicules électriques et essence sur le segment B2 en complément de l’Ugap afin de comparer les offres. « Ces commandes devraient partir fin septembre pour une livraison en fin d’année, poursuit-il. Mais nous craignons que les concessionnaires ne puissent tenir ces délais du fait de la pandémie actuelle, bien que leurs activités reprennent progressivement » (voir le témoignage).
Des commandes avant la crise
Car pour de nombreuses flottes, de nouvelles commandes ont été effectuées malgré la crise, de manière stratégique. Gutenberg Agency a ainsi réservé des véhicules en stock en concession (voir le témoignage page 16). « J’ai demandé à la direction de valider toutes les commandes d’utilitaires et elles ont été passées en début de confinement, voire un peu avant, relate pour sa part David D’Amario pour la ville du Plessis-Robinson (92). Nous avons par exemple une Toyota Yaris bloquée en concession ; elle est destinée aux agents de surveillance de la voie publique. Les choses devraient bien se passer si nous arrivons à avoir les véhicules d’ici septembre, la fin du confinement étant prévue pour fin mai », anticipe ce responsable transport et garage à la tête de 85 véhicules (voir le témoignage).
En revanche, Le Plessis-Robinson a bloqué les commandes de VP pour les directeurs, les budgets ayant été reportés. « Au vu de nos dépenses durant le confinement, nous ne savons pas encore si elles seront maintenues ou non car elles ne sont pas prioritaires », explique David D’Amario.
« Je suis actuellement en train de notifier mes marchés, témoigne Didier Dupeyron, responsable des 132 véhicules du parc automobile du CHU Grenoble Alpes. Nous allons voir avec les prestataires retenus s’ils peuvent tenir nos délais. S’il faut faire des avenants aux contrats de LLD, nous le ferons. Au vu du manque de visibilité, nous prendrons les décisions au jour le jour » (voir le témoignage).
Toutes ces décisions, les responsables de parc ont souvent dû les prendre à distance. En effet, alors qu’ils sont de plus en plus appelés à participer à la gestion de la mobilité et à contribuer à repenser l’organisation du travail, ces gestionnaires ont pu tester le télétravail durant la crise. Et remettre en question leurs modes de fonctionnement.
Le télétravail à l’honneur…
« La crise nous a amenés à voir les choses différemment, confirme Philippe Manceau, responsable de flotte de la Métropole européenne de Lille (725 véhicules). Avec le télétravail, j’ai découvert que l’on pouvait faire énormément de choses de chez soi. Comme tous les trajets non nécessaires ont été annulés, je participe aux réunions en visioconférence. À la sortie du confinement, je continuerai peut-être à le faire plutôt que de parcourir 30 km pour me rendre au siège, cette fois dans un but d’économies » (voir le témoignage).
Mais dans les faits, peu de membres de l’équipe de Philippe Manceau peuvent télétravailler : « Jusqu’à présent, nous n’avions jamais songé à ce qu’une majorité de collaborateurs puisse avoir deux métiers en un, indique ce responsable. Cela semble toutefois compliqué de combiner une spécialité en entretien des véhicules ou en engins des espaces verts, et des compétences de gestion de flotte. »
Chez Gutenberg Agency, Paula Opris a elle aussi découvert le télétravail lors du confinement : « Ce n’est pas vraiment évident de se concentrer sur un tableau Excel sans avoir tout ce qu’il faut sous la main, et c’est assez frustrant de ne pas pouvoir “bouger”, constate-t-elle. En temps normal, je sors souvent de mon bureau pour contrôler régulièrement nos véhicules dans le parking, prendre des photos des sinistres, faire le nécessaire pour préparer les restitutions. Et en plus de la charge de travail au quotidien, je reçois mes collègues pour répondre à leurs questions, ce qui était l’occasion d’échanges sympathiques. »
… mais avec des limites
« Pour nous “techniciens”, le télétravail est un peu une révolution, résume Thierry Fristot pour le département de la Moselle. Pour ma part, je ne dispose pas de la totalité de mes données de travail sur un espace partagé numérique. Ces informations figurent dans quelques dossiers ou contrats divers, sur des notes manuscrites, que je n’ai pas pu emmener à mon domicile lors du confinement. Ce n’est donc pas l’idéal du point de vue de la gestion de certaines opérations mais il faut s’adapter, ce type de crise pouvant se reproduire. »
Reste que tout ne peut pas encore se faire à distance : « Nous avons des cartes grises, des cartes carburant et des vignettes Crit’air qui sont arrivées par courrier, illustre Thierry Fristot. Il faudra bien un jour ou l’autre les récupérer pour les transférer dans les véhicules concernés, bien que nous retardions cette échéance le plus loin possible. La sécurité et la santé avant tout ! » À suivre dans notre prochain numéro, en vous espérant toujours toutes et tous en bonne santé.
Dossier - Covid-19 : les flottes font le point
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