
« Le crédit mobilité ? C’est quoi ? ». L’interrogation d’un gestionnaire de flotte vaut mieux que de grands discours. En effet, en France, cette pratique suscite encore beaucoup de confusion. Rappel : le crédit mobilité substitue une somme d’argent à un véhicule. Ensuite, diverses façons de faire coexistent. Il peut s’agir d’un remplacement total. Ou, deuxième possibilité, de troquer un gros véhicule de fonction contre un plus petit moins polluant ou, mieux, électrique, et de proposer aux salariés la différence entre le TCO du gros véhicule et celui du petit pour la transformer en somme d’argent.
« Le crédit mobilité ? C’est quoi ? ». L’interrogation d’un gestionnaire de flotte vaut mieux que de grands discours. En effet, en France, cette pratique suscite encore beaucoup de confusion. Rappel : le crédit mobilité substitue une somme d’argent à un véhicule. Ensuite, diverses façons de faire coexistent. Il peut s’agir d’un remplacement total. Ou, deuxième possibilité, de troquer un gros véhicule de fonction contre un plus petit moins polluant ou, mieux, électrique, et de proposer aux salariés la différence entre le TCO du gros véhicule et celui du petit pour la transformer en somme d’argent.
La troisième possibilité est de partager (en autopartage) un véhicule entre plusieurs personnes et de proposer le gain en crédit-mobilité. Cela n’a donc rien à voir avec le ticket mobilité qui se rapproche plus d’un « Titre Restaurant de la mobilité », non lié à l’obtention ou non d’une voiture de fonction. Pécuniairement parlant, le crédit-mobilité peut représenter une somme d’argent pour les salariés, allant de 1 200 euros à 10 200 euros par an, soit de 100 à 850 euros par mois.
Quel crédit mobilité ?
Quelques entreprises utilisent déjà ce dispositif avec en ligne de mire la réduction de la taille de la flotte, dans un objectif financier et-ou de RSE. « Dans ma société, un géant du service aux industriels, explique Jacques qui préfère rester anonyme, je gère 4 000 véhicules de fonction, avec un crédit-mobilité à deux vitesses. Les conducteurs intéressés appartiennent à deux catégories : les uns travaillent au siège central et dans les sièges régionaux ; les autres sont des sédentaires habitant de grandes villes. »
Le premier crédit mobilité mis en avant par Jacques est dit « total » : la voiture de fonction est remplacée par une somme d’argent. Le collaborateur ne bénéficie donc plus de ce véhicule mais d’une carte de crédit pour prendre l’avion ou le train à concurrence du montant versé chaque année par l’entreprise. « C’est en moyenne un avantage compris entre 150 et 250 euros par mois. Cette somme a été calculée sur le montant de l’avantage en nature (AEN) inhérent à l’ancienne voiture de fonction. Cela devrait nous occasionner environ 7 000 euros d’économie par an et par salarié. Sauf que nos collaborateurs n’acceptent pas des crédits-mobilité faibles et négocient des AEN plus élevés. Si celui de la voiture de fonction équivalait à 200 euros par mois, ils ont par exemple négocié à 300 euros. Mais cela reste avantageux, avec un gain de 5 000 euros par crédit-mobilité signé », expose Jacques.
Total ou partiel ?
L’entreprise de Jacques offre aussi un second crédit mobilité qualifié de « partiel ». « Nous retirons une grosse voiture de fonction et la remplaçons par un petit véhicule, si possible électrique, pour les trajets domicile-bureau et les rendez-vous de travail, mais avec interdiction de l’employer le soir, le week-end ou pendant les congés. Pour les déplacements personnels, nous avons ouvert un crédit-mobilité moindre permettant aux collaborateurs de prendre le train », détaille Jacques. Qui tire le bilan : « Sur 4 000 véhicules de fonction, seule une centaine de collaborateurs ont franchi le pas. Conclusion : notre motivation est avant tout sociale et environnementale. Cela améliore l’image de l’entreprise mais peu ses finances. »

Ceci explique qu’en matière de crédit-mobilité, peu d’entreprises sont concernées. Et nombreux sont les gestionnaires de flotte qui ne voient pas l’intérêt d’un tel système. C’est l’avis de Christophe Gauchet, dirigeant de HZPC France, un spécialiste de la vente de plants de pommes de terre, qui s’appuie sur une flotte de vingt véhicules. « Nos sédentaires ne disposent pas de voitures de fonction et nos itinérants habitent à la campagne, précise-t-il. Le crédit-mobilité doit être mis en place dans le but de limiter les trajets de nos salariés. Pour l’instant, il ne me servirait à rien. »
Des gestionnaires attentistes
Même son de cloche à Lyon, une ville qui a pourtant l’ambition de réduire considérablement sa flotte d’environ 800 véhicules. Mais hésite à recourir au crédit mobilité. « Nous proposons aux agents le forfait-mobilité pour se déplacer en transport en commun – nous prenons en charge 50 % de l’abonnement – et le forfait mobilités durables de 200 euros par an pour circuler à vélo, rappelle l’élu Sylvain Godinot, adjoint à la transition écologique et au patrimoine de Lyon. L’idée est de limiter l’usage de la voiture pour venir au bureau, pour des questions de qualité de l’air lyonnais, de diminution des émissions de particules fines polluantes et de santé de nos agents. » Mais la ville de Lyon, comme la plupart des collectivités locales, n’offre pas de crédit-mobilité.

« Ce n’est pas encore d’actualité pour nous, renchérit Ousmane Mbodje, le responsable du pôle mobilité en charge du fleet et du travel management pour l’enseigne de distribution Lidl (2 000 voitures). Ce sera l’une des clefs de la transition écologique consistant à verdir toute notre flotte. Mais ce n’est pas aujourd’hui la clef principale. Nous mettons notre énergie dans l’électrification du parc. » Reste, comme le signale Ousmane Mbodje, que ce crédit-mobilité doit constituer « une solution au problème de la nécessaire réduction du parc automobile des entreprises en France. »
Dans ce contexte, le crédit-mobilité peut aider les responsables de parc dans leur démarche de transition écologique en « échangeant » des véhicules contre de l’argent. Un problème d’autant plus d’actualité que les modèles thermiques vont être toujours plus taxés alors que leur remplacement par des véhicules à faibles émissions devrait engendrer une hausse des coûts de l’ordre de 6 à 7 % par an. Cette augmentation avoisinera donc les 30 % d’ici 2025.
Anticiper la transition écologique
Et ce surcoût est pernicieux car il recouvre en partie de petites dépenses presque « indolores » et pas toujours prises en compte dans le TCO de la flotte, comme l’achat et l’installation de bornes électriques de recharge. Sans oublier une fiscalité des AEN et autres amortissements non déductibles plutôt favorable aux véhicules à faibles émissions mais qui pourrait bien évoluer à terme. Et sans parler des coûts de l’électricité qui devraient grimper. On peut effectivement parier qu’avec la baisse de la consommation d’essence, les taxes sur les carburants pétroliers seront transférées sur l’électricité.

« La Norvège, avec 25 % de son parc automobile fonctionnant à l’électricité, a arrêté les bonus facilitant l’achat de véhicules propres. Pareillement, l’Australie expérimente une taxe sur les engins non polluants, non axée sur leur consommation électrique mais sur les kilomètres parcourus », illustre Robert Maubé, expert conseil en flottes automobiles et mobilités pour le cabinet RRMC.
Conclusion : tout cela pourrait concourir à une flambée « vertigineuse » et « sans précédent » des coûts d’une flotte. Pour une entreprise, le choix reste (relativement) simple : soit elle « avale » cette hausse, soit elle diminue drastiquement sa flotte. Le crédit-mobilité peut alors être un levier intéressant en substituant un AEN au véhicule avec l’acceptation des salariés bénéficiaires de voitures de fonction.
Expliquer le crédit mobilité en interne
Pour placer le crédit mobilité à l’agenda d’une politique flotte, il faut tout d’abord expliquer son intérêt à l’employeur et aux employés. Tout d’abord, très simplement, un responsable opte pour un crédit mobilité car cela rapporte… En effet, bien utilisé et bien accepté, le crédit mobilité coûte moins cher qu’une voiture de fonction (voir aussi notre article sur les gains du crédit-mobilité). Moins de véhicules induit aussi moins de places de parking à construire et/ou à gérer.
Ce crédit mobilité peut aussi contribuer à attirer (le recrutement d’un cadre coûte de l’ordre de 10 000 euros) et à fidéliser (un recrutement raté peut avoisiner les 200 000 euros) des types de salariés très au fait des questions d’écologie et peu intéressés par les voitures. Ainsi, un nombre croissant de cadres nés autour de l’an 2000, la fameuse génération Y, ne possèdent pas de permis de conduire. Pour ces « millenials », disposer d’argent sonnant et trébuchant en lieu et place d’une voiture de fonction se veut une demande importante. Et cela entre dans les politiques RSE des entreprises, qui constituent un attrait pour de nombreux salariés.
« La question du transport arrive en deuxième position dans le choix d’un employeur, argumente Julien Honnart, président et co-fondateur de Klaxit, qui défend sa solution de covoiturage spécialisée dans les trajets domicile-travail pour les entreprises. Si une entreprise décide de remplacer la voiture de fonction par un crédit-mobilité, nos solutions de covoiturage font partie de l’ensemble des possibles. »
Les atouts du crédit-mobilité
Pour le collaborateur, l’intérêt est double. Un crédit mobilité lui permet de se déplacer via une mobilité douce. C’est l’argument écologique, voire philosophique. « Il s’agit d’attirer de jeunes talents en leur montrant que l’entreprise est un précurseur des trajets décarbonés », avance Marie-Hélène Benarouch, consultante en achats et mobilité opérationnelle pour le cabinet de conseil DB Consulting.
Ensuite, plus prosaïquement, ce crédit mobilité est un avantage financier qui améliore le pouvoir d’achat. De nombreux salariés n’ont de fait pas besoin de véhicules aussi gros et aussi souvent. « Avec de l’argent au lieu d’une voiture de fonction, le crédit-mobilité engage les salariés dans la transition écologique. Ils osent alors une solution de transport flexible sans les contraintes d’une voiture », complète Auriane Nirascou, directrice du prestataire Freenow for Business qui vise à simplifier la gestion des trajets professionnels.
« Le crédit-mobilité a aussi comme intérêt de ne plus avoir à s’occuper de la gestion des notes de frais liées aux déplacements, poursuit Jan de Lobkowicz, directeur du développement de Skipr France, une société d’origine belge qui traite le déplacement du salarié dans sa globalité. Cela génère un gain de temps pour les salariés mais aussi pour les employeurs. Nous avons calculé qu’une gestion mensuelle des notes de frais d’un salarié prend environ trente minutes. De plus, notre carte de débit est limitée à une somme définie entre l’employeur et l’employé. Il n’y a donc pas de dépassement de budget. »
Les salariés éligibles
Après avoir exposé les intérêts du crédit-mobilité, il faudra choisir les salariés éligibles. Le crédit-mobilité est une bonne idée pour les collaborateurs sédentaires qui emploient peu leur voiture de fonction. C’est aussi une bonne idée si ces derniers bénéficient d’une infrastructure solide de transport en commun.
En général, cela correspond à des employés vivant dans les plus grands centres urbains du pays. Il faut donc privilégier les salariés habitant à peu de kilomètres de leur bureau (voir aussi notre article sur les salariés à privilégier lors de la mise en place du crédit mobilité). Mais cela devient beaucoup moins intéressant pour les « itinérants ». Le total du crédit-mobilité pour les trajets personnels et professionnels, en s’additionnant, coûtera alors plus cher que le TCO d’une voiture de fonction… Il faut donc dresser une cartographie de ces salariés éligibles au crédit-mobilité en définissant qui habite où et qui se déplace professionnellement et où.
Cela débouchera sur une classification : ceux à qui on pourra proposer ce crédit-mobilité (une minorité) et ceux qui ne pourront pas en disposer. Il s’agira ensuite de se retourner ou pas vers les prestataires experts de la question pour définir quel crédit-mobilité choisir, quelle carte sélectionner pour les salariés et quel plafond définir. Sans oublier de protéger son entreprise d’éventuels surcoûts liés au crédit-mobilité (voir notre article sur les pièges du crédit-mobilité).
Savoir communiquer
Ceci fait, il faudra communiquer auprès des collaborateurs éligibles pour qu’ils acceptent de troquer leur véhicule statutaire pour un crédit-mobilité en euros. Le gestionnaire de flotte devra mettre en avant les avantages environnementaux de ce changement auprès des salariés et les intérêts financiers et de développement durable auprès de sa direction.
Avec le crédit-mobilité, le (bon) « timing » est important. Les spécialistes de la question préconisent de le mettre en place en phase de renouvellement de la flotte, lorsque le gestionnaire accueille un nouveau collaborateur ou quand un collaborateur change de véhicule. « Quand on présente le crédit-mobilité à ces moments-là, le taux d’adhésion des salariés est important, commente Jérémy De Sa Ferreira, responsable du développement pour Ubeeqo, prestataire d’autopartage et filiale d’Europcar Mobility Group.
La question fiscale
« Reste, comme le conclut Marie-Hélène Benarouch pour le cabinet de conseil DB Consulting, que le crédit-mobilité souffre d’un inconvénient majeur : les sommes d’argent concernées sont considérées comme un AEN et taxées comme tel. Il n’y a alors pas beaucoup d’intérêt pour le conducteur d’adopter ce crédit-mobilité. Il faudrait donc développer un avantage fiscal conséquent. » Sans cela, le crédit-mobilité pourrait se limiter à quelques grands groupes qui veulent soigner leur image environnementale.
Dossier - Crédit-mobilité : nos conseils pour s’y mettre
- Crédit mobilité : nos conseils pour s’y mettre
- Crédit mobilité : quels gains pour l’entreprise ?
- Crédit mobilité : quels salariés privilégier ?
- Les pièges du crédit mobilité