
En entreprise, les alternatives à la voiture devraient avoir l’avenir devant elles. Mais la plupart des employeurs ne s’impliquent pas vraiment. « Ces “services mobilité“, de type crédit mobilité ou FMD, concernent peu mes clients, explique Marie-Hélène Benarouch, consultante achats et mobilité opérationnelle pour le cabinet de conseil DB Consulting. Je leur parle du crédit mobilité. Ils écoutent mais demeurent, la plupart du temps, attachés aux bons vieux SUV synonymes de reconnaissance sociale ».
« Quant au FMD, il est facultatif et mes clients ne sont pas prêts. C’est coûteux et compliqué administrativement. Le FMD touche avant tout...
En entreprise, les alternatives à la voiture devraient avoir l’avenir devant elles. Mais la plupart des employeurs ne s’impliquent pas vraiment. « Ces “services mobilité“, de type crédit mobilité ou FMD, concernent peu mes clients, explique Marie-Hélène Benarouch, consultante achats et mobilité opérationnelle pour le cabinet de conseil DB Consulting. Je leur parle du crédit mobilité. Ils écoutent mais demeurent, la plupart du temps, attachés aux bons vieux SUV synonymes de reconnaissance sociale ».
« Quant au FMD, il est facultatif et mes clients ne sont pas prêts. C’est coûteux et compliqué administrativement. Le FMD touche avant tout des entreprises avec une politique RSE très poussée et une bonne trésorerie. Mais avec des marges faibles, ce n’est pas envisageable culturellement », poursuit cette consultante.
Des employeurs encore réticents à appliquer le crédit mobilité et le FMD
Comment dépasser cette réticence ? Les pouvoirs publics, en instaurant la loi d’orientation des mobilités (LOM), ont apporté les premières réponses. Ensuite, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) publie sans relâche des études qui montrent toute l’importance de limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES) du transport.
Les députés s’en émeuvent aussi. L’un d’eux, Matthieu Orphelin, a d’ailleurs étudié les grandes entreprises françaises du CAC 40 et leur recours au FMD. « 39 % l’utilisent. 19 % réfléchissent à sa mise en place et 42 % n’ont encore rien fait », note-t-il.
Pourtant, le crédit mobilité et le FMD offrent la « possibilité de réduire la taille et donc le coût d’une flotte », avance, optimiste, Robert Maubé, formateur et expert-conseil en flottes automobiles et mobilité pour le cabinet RRMC qui vient de publier une étude sur le crédit mobilité.
Le premier avantage est donc d’ordre financier. C’est vrai pour ce responsable de parc qui préfère rester anonyme. « Le crédit mobilité m’a fait faire des économies. Je suis 10 000 véhicules dont 4 000 de fonction. En 18 mois, près de 200 collaborateurs ont opté pour le crédit mobilité. Il s’agit de salariés du siège ou d’administratifs des bureaux régionaux. Cela représente une économie de 5 000 à 10 000 euros annuels par collaborateur en fonction des véhicules. En tout, le gain est de l’ordre de 1,5 million d’euros par an », détaille ce responsable.
Avec le crédit mobilité et le FMD, des gains et du bien-être pour les salariés
Ensuite, FMD et crédit mobilité peuvent améliorer le bien-être des salariés. Un avantage qui, covid-19 oblige, prend de l’importance. Les collaborateurs peuvent se rendre au travail avec des moyens de transport plus doux, moins « confinés ». Ce qui favorise une meilleure considération vis-à-vis des employeurs et peut donc éviter les démissions du fait d’une pénibilité du trajet domicile-travail. Sans oublier l’enjeu économique : une démission suivie d’un recrutement revient à environ 10 000 euros. Il faudra aussi former le nouvel employé et gérer le départ de l’ancien. Au regard du coût d’un FMD (600 euros par an), un turn-over classique, qui atteint les 20 % des collaborateurs dans certains secteurs, se chiffrera en dizaines de milliers d’euros.

Le crédit mobilité et le FMD, c’est aussi un apport pour la « marque employeur »
L’instauration d’un FMD et-ou d’un crédit mobilité contribue donc à améliorer la marque employeur. Tout en mettant en avant des sujets appréciés par les salariés, les éventuels postulants, la population et les clients… « Nous travaillons à devenir une entreprise à mission », expose Adrien Moreira, directeur général de Bruce, un cabinet d’intérim en ligne salariant 100 personnes. « Dans ce cadre, nous avons lancé une démarche d’impact positif sur le climat. Ainsi, nous mesurons notre impact carbone. Nous proposons à nos candidats en intérim des emplois le plus près possible de leur domicile et nous souhaitons diviser par deux les émissions de CO2 de nos salariés. D’où notre volonté de leur offrir des vélos électriques et un FMD », décrit ce responsable.
Pour Adrien Moreira, « de plus en plus de salariés vont exiger ce type d’aide pour des mobilités douces. Et je suis persuadé que les entreprises les plus vertueuses seront les plus attractives pour les salariés. Comme intérimaire, nous mettons par exemple en avant les employeurs dotés du label environnementaliste Bcorp. Il y a beaucoup plus de candidats à postuler pour ces entreprises “environnementalement“ mieux disantes que pour les autres », conclut Adrien Moreira.
Une contribution à la politique RSE
Enfin, ces substituts au tout-voiture contribuent à une politique RSE (responsabilité sociétale des entreprises) en diminuant les rejets de GES. Pour mémoire, le transport contribue à environ 30 % des rejets de CO2 en France. « Selon nos calculs, un véhicule de fonction qui roulent 15 000 km par an engendre 800 kg de CO2. Le crédit mobilité abaisse ces rejets de l’ordre de 45 % », précise Mehdi Tanouti, dirigeant de RoadMate. Auprès des employeurs, ce prestataire commercialise une solution de paiement à destination des employés pour financer leur mobilité douce.
Aussi attractifs soient-ils, le FMD et le crédit mobilité n’en rencontrent pas moins des freins. « Le principal tient à la complexité administrative perçue des dispositifs. Et le caractère facultatif n’aide en rien à leur diffusion. Enfin, ces dispositifs supposent un budget qui peut rebuter », énumère Mehdi Tanouti.
Le principal frein à lever : la fiscalité
« Les DRH demeurent aussi un écueil à dépasser, rappelle un spécialiste. Ils se montrent rétifs à tout changement. D’autre part, ils ne comprennent pas nécessairement ces histoires de voitures et d’Urssaf. Partout où j’ai suggéré du crédit mobilité, la DRH restait réticente. Aborder ce sujet n’est pas facile pour les responsables de parc, d’autant qu’ils sont parfois peu audibles. »
« Le principal frein au crédit mobilité demeure en effet une fiscalité peu claire. Les entreprises n’ont pas d’éléments pour se garantir juridiquement contre d’éventuels contrôles de l’Urssaf », ajoute Jan de Lobkowicz, le directeur de Skipr France, une plate-forme d’aide à la gestion des mobilités en entreprise. « Aux yeux du salarié, le bénéfice est évident. Mais le gestionnaire de flotte ne perçoit pas toujours l’avantage financier et fiscal d’un changement de modèle, poursuit Benjamin Giovanni, dirigeant de Freenow for Business, une plate-forme de mobilité.
Pour Mehdi Dziri, dirigeant d’Ubiq, une plate-forme de recherche de bureaux située à Paris (25 salariés), le FMD s’est imposé en évidence. « Nous l’avons proposé à l’ensemble des salariés en 2019, avant la loi. Tous nos salariés, stagiaires compris, y sont éligibles pour un montant de 451,2 euros par an. Nous avons aussi un vélo partagé par nos commerciaux pour aller en rendez-vous », note ce dirigeant.

Des conseils à suivre
Mehdi Dziri poursuit : « Nos salariés déclarent ce FMD via notre système de gestion des RH. Ce que je conseille à un gestionnaire de flotte qui se met au FMD : bien en expliquer les modalités aux salariés et leur offrir de gérer leurs factures avec un système informatique de paie (SIRH) pour déclarer leurs congés et télécharger leurs fiches de paie. Cela simplifie grandement le déploiement », reprend ce responsable.
Benjamin Suchar est, lui, dirigeant et fondateur de Worklife, une application mobile liée à une carte de paiement pour gérer, animer et valoriser les avantages salariés. « La mobilité est devenue le n° 1 des avantages salariés, explique-t-il. Je donnerai deux conseils à un responsable de parc. Tout d’abord, mener une réflexion globale incluant crédit mobilité et FMD : on travaille alors à destination de tous les salariés. Nous avons rencontré des entreprises où l’on avait limité le crédit mobilité aux salariés les plus rémunérés. Cela peut être mal perçu. Le dispositif doit être le plus large possible pour entraîner le plus grand nombre. Ensuite, je recommande de s’appuyer sur des conseillers en fiscalité. Le crédit mobilité est complexe et un expert évitera les possibles redressements fiscaux », souligne Benjamin Suchar.
Connaître les besoins
Le gestionnaire doit aussi se rapprocher de sa DRH et de sa direction : les questions de mobilité se traitent désormais à ce niveau. Ensuite, connaître les besoins des salariés reste essentiel. « Il faut mener une enquête, préconise Robert Maubé. Le gestionnaire doit mesurer qui est éligible. Il analysera donc qui est sédentaire, nomade occasionnel, nomade fréquent ou nomade permanent. Le crédit mobilité concerne ainsi exclusivement les sédentaires et nomades occasionnels qui roulent moins de 15 000 km par an », rappelle ce consultant. Il faudra aussi regarder si le collaborateur habite en zone urbaine, périurbaine, rurale ou mixte.
« On mesurera la distance domicile-travail, les alternatives de mobilité dans la région couverte, les volumes ou le poids des équipements transportés, etc. », recommande Robert Maubé. Au final, le gestionnaire s’apercevra que les populations éligibles roulent peu et vivent dans en zone urbaine ou périurbaine. Enfin, il faudra identifier un groupe de salariés pilotes qui souhaitent expérimenter le FMD ou le crédit mobilité. Ils en deviendront alors les ambassadeurs.
« À terme, valide Karim Jouini, le dirigeant d’Expensya, une plate-forme de gestion des dépenses entre employeur et employés, le FMD se développera. Mais il faudrait que son montant atteigne environ 1 000 euros. Cela rendrait le système plus attractif et pousserait les fournisseurs à mettre en avant des transports innovants de type vélo, scooter, voiture électrique. » On pourrait alors imaginer un constructeur qui propose, pour 1 000 euros par an et par collaborateur, un parc de voitures électriques à destination d’un groupe d’entreprises. Ce système existe en Allemagne et dans quelques villes de France, comme avec le réseau d’autopartage Citiz.
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