« Quand nos clients prennent contact, ils n’ont pas nécessairement d’objectif environnemental en tête, du moins dans un premier temps. Xerox est ainsi venu vers nous avec une visée : apporter un meilleur service à ses clients en termes de gestion des tournées, et remplir vis-à-vis d’eux ses engagements contractuels. Les gains économiques et environnementaux sont arrivés après, alors que Xerox ne les avait pas vraiment anticipés au départ », relate Jeremy Gould, vice-président ventes Europe du spécialiste de la télématique embarquée TomTom Telematics.
D’autres entreprises fonctionnent différemment et mettent d’emblée au premier rang leurs objectifs environnementaux. « Pour les véhicules comme pour tout produit que nous achetons, nous acceptons un surcoût de 5 % pour une offre mieux-disante écologiquement. Et ce raisonnement reste valable que nous achetions une Clio ou une climatisation ! », explique d’emblée Christian Marly, directeur achats immobilier et moyens généraux de Ricoh.
Ricoh équipe ses clients en véhicules électriques
Depuis 1993, dans le cadre du protocole de Kyoto, le spécialiste de la bureautique s’est engagé à réduire ses émissions de CO2 de 5 % par an. Un objectif qui touche bien sûr les 1 700 véhicules de la flotte française qui génère 80 % du total des émissions de CO2. Et les résultats sont là puisque la moyenne se situait à 109 g en 2013, après 123 g en 2011 et 118 g en 2012. « De façon générale, à l’échelle européenne pour Ricoh, tous les pays ont baissé les émissions de leurs véhicules de 5 à 8 g en 2013 », complète Christian Marly.
Dans cette réflexion autour du développement durable et de la flotte, Ricoh va plus loin. Vingt véhicules électriques sont ainsi affectés à des techniciens détachés de Ricoh qui travaillent en permanence sur les sites de ses clients. Et à une dizaine de clients, Ricoh fournit des bornes de recharge électrique ; seules l’installation et la consommation demeurent à leur charge.
« Cela fonctionne bien avec Massey-Ferguson à Beauvais ou depuis peu avec le ministère de la culture. Cette démarche est d’autant plus valable pour nos clients que nous prenons en charge le surcoût et qu’il leur reste à régler les quelques euros des recharges. Et alors que toutes les entreprises ont des objectifs environnementaux, nous les aidons à apporter des réponses concrètes, sans surcoût. Sur ce sujet de l’électrique, le mouvement est enclenché », avance Christian Marly. Qui y voit aussi un argument commercial : « Pour nos vendeurs, cela constitue un moyen de se différencier par rapport à nos concurrents. »
La Carterie a fait le choix de l’hybride… pour l’instant
Dans un esprit semblable, le groupe La Carterie a opté pour l’hybride en janvier 2013 lors du renouvellement de sa flotte, un choix valable pour l’ensemble de ses entités. Au total, le parc comprend 110 véhicules tous hybrides essence, en l’occurrence des Toyota Yaris, Auris et Prius selon le statut des équipes commerciales. « Le passage à l’hybride a été compris et suivi par nos collaborateurs, avec un véritable engagement dans notre démarche de développement durable », rappelle Claire Georges, chargée de projets développement durable pour le spécialiste des cartes postales.
Un choix qui n’empêche pas les questions, à quelques mois du renouvellement de la flotte fin 2014.
La Carterie travaille ainsi à établir le bilan économique et écologique de ces hybrides. Au cours des premiers mois d’utilisation, les collaborateurs avaient eu la perception d’une surconsommation. « Celle-ci est très certainement liée à la capacité des réservoirs beaucoup plus petits (35/40 l) que ceux des modèles précédents. De plus, un hybride suppose une adaptation et un changement de conduite à prendre en compte. Souhaitant nous baser sur des données factuelles, nous procédons à l’analyse des consommations », détaille Claire Georges. La responsable poursuit : « Sous l’angle économique, la tarification de l’essence est différente de celle du diesel. Nous avions intégré ce paramètre en construisant notre budget. En parallèle, nos véhicules sont conduits par près de 90 commerciaux qui passent beaucoup de temps sur la route et l’autoroute. Avec l’hybride, les gains économiques et écologiques sont avérés en conduite urbaine, contrairement à une conduite routière. »
Un bilan écologique et économique complet
Le bilan écologique de la flotte sera aussi mené à bien, en calculant les émissions de CO2 des hybrides. « Dans un raisonnement global, nous avons déjà pris en compte le cycle de vie de ces véhicules jusqu’à leur recyclage ‒ un élément majeur avec Toyota », ajoute Claire Georges.
Du côté des conducteurs, la satisfaction est là pour le confort et la qualité de conduite, avec le passage à la boîte automatique ou encore tous les systèmes pour faciliter la conduite (radar de recul, GPS ou kit mains-libres, etc.). « Les points d’amélioration concernent donc la surconsommation pressentie, le bruit perçu par les conducteurs sur autoroute, ainsi que la taille du coffre qui parfois semble gêner le stockage de certains produits très spécifiques », énumère Claire Georges.
Et pour la future flotte de La Carterie, les jeux ne sont pas faits. « Pour l’instant, nous sommes très ouverts pour le choix des futurs modèles qui devront répondre à nos critères écologiques, économiques, de confort et de sécurité pour les collaborateurs. Pour notre prochain renouvellement, qu’il s’agisse des constructeurs ou des loueurs, nous collaborerons avec ceux qui apporteront les solutions adaptés à nos enjeux », souligne Claire Georges.
À Lyon, l’heure est également au bilan. La flotte de la ville comprend notamment 418 VP et 326 utilitaires ; elle inclut aussi un parc électrique, passé de 23 à 40 véhicules en un an.
L’électrique toujours en quête de rentabilité
« Nous disposons entre autres de dix Zoé proposées dans le pool Jean-Jaurès, de six Piaggio porteurs, de sept Goupil destinés aux espaces verts et aux cimetières, et de quatre Méga E-Worker pour les espaces verts. Nous possédons aussi trois Kangoo Z.E. employés par le service du courrier et nous prévoyons de commander cinq Zoé et trois Kangoo Z.E. », décrit Christian Gardin, à la tête de la direction logistique, garage et festivités de la ville.
Christian Gardin reprend : « En coût complet, ces véhicules électriques ne sont pas encore rentables et supposent un véritable effort financier. Pour un TCO équilibré par rapport à un modèle thermique, il faudrait qu’ils parcourent en moyenne 10 à 12 000 km par an ; ils en sont à 7 500 km par an, avec en outre le coût des infrastructures de recharge. En revanche, les bénéfices sont bien réels mais difficilement quantifiables quand il s’agit des émissions de CO2 et de particules. »
Pour la ville de Lyon, la recharge constitue aussi une question centrale. Les Kangoo Z.E. font des navettes pour distribuer le courrier et sont utilisés de 8 h 00 à 16 h 00 ; ils peuvent se recharger ensuite, d’autant qu’ils reviennent rarement avec les batteries à vide. Il en est de même pour les Zoé qui quittent le pool pour y revenir le soir. Les véhicules se rechargent donc la nuit, avec du 3 kWh.
« Nous avons investi 11 000 euros pour le câblage des dix Zoé du pool. Mais nous estimons que pour les futurs branchements, le coût sera approximativement de 2 000 euros par véhicule et par site. Une différence de prix due au fait que l’on ne raccordera que deux à trois véhicules par site et non dix comme pour le pool Jean-Jaurès ; de fait, le coût de la ligne électrique augmente sensiblement le prix. Sans évoquer bien sûr les crédits à dégager, le marché à passer, etc. », expose Christian Gardin.
La mise en pool, une piste pour l’électrique
Recharger plus rapidement donnerait plus de souplesse. « Nous pourrions alors affecter ces modèles électriques à des personnes qui réalisent des trajets domicile-travail, et qui laisseraient leur véhicule en recharge pendant une réunion. Ce fonctionnement correspondrait à mon usage de l’électrique, avec des réunions, des allers-retours, des astreintes le soir, etc. », explique le responsable. D’où l’idée d’équiper certains sites en chargeurs de 7 kWh, ce qui suppose un câblage et des contraintes techniques plus importantes.
Lancé il y a un peu plus d’un an, le pool Jean-Jaurès est passé de 29 à 35 véhicules récemment, dont dix Zoé pour l’électrique. Le nombre d’utilisateurs s’est aussi accru il y a peu en intégrant les 16 placiers qui interviennent sur les marchés. « Actuellement, nous manquons de personnel pour élargir l’usage du pool et nous ne souhaitons pas limiter l’offre de services. Nous attendons donc un recrutement à terme », note Christian Gardin.
Les résultats sont très positifs pour les 280 utilisateurs du pool. « Nous n’avons eu aucune rupture depuis sa mise en place. Et le taux d’occupation a beaucoup progressé, entre 60 et 90 % selon les journées, avec par exemple des pointes le mardi, jour des marchés. Les utilisateurs sont très friands des Zoé qui sont de sortie en permanence. Nous avons formé 168 personnes à la conduite de ces véhicules électriques avant de prendre le volant », relate le responsable.
L’auto-partage transversal dans l’entreprise
Pour Ricoh, Christian Marly ne dit pas autre chose. Basé à Rungis, le pool de douze véhicules dont cinq électriques (Leaf et Zoé) fonctionne très bien et les véhicules sont occupés tous les jours. Les utilisateurs ont été formés à l’électrique et ils font appel à ces modèles pour des trajets de 60 à 70 km. « Jusqu’ici, nous n’avons eu aucun salarié qui n’ait pas été content. En juin, le mois de l’environnement chez Ricoh, nous proposons ces voitures électriques en prêt à tous les collaborateurs pour qu’ils découvrent cette motorisation », se réjouit le directeur des achats.
Cette place accrue de l’auto-partage, Cédric Marquant, d’Alphabet France, la confirme : « L’auto-partage est de plus en plus demandé dans les appels d’offres. Dans les entreprises, il y a une vraie prise de conscience de l’importance des dépenses liées aux taxis, à la location de courte durée ou aux véhicules en pool sous-employés », constate le directeur marketing et business development du loueur. Cédric Marquant souligne aussi que l’auto-partage fonctionne si l’entreprise dans son ensemble s’implique de façon transversale, avec les RH et la direction générale : « C’est le cas chez SFR pour qui nous gérons une flotte de 40 véhicules en auto-partage. À noter aussi que ce fonctionnement impose de remettre en cause un certain nombre d’habitudes. Des clients nous demandent aussi de coupler avec du covoiturage. Pour le gestionnaire de parc, cela permet d’optimiser l’utilisation des véhicules en auto-partage par le biais du système informatique. »
Ricoh explore aussi une autre voie, avec le crédit mobilité. « Nous travaillons en interne pour faire valider ce nouveau mode de fonctionnement. Le principe est porteur et devrait se développer à l’avenir. Pour le faire connaître, nous en expliquons clairement les enjeux aux salariés », décrit Christian Marly.
Le crédit mobilité en test chez Ricoh
D’ores et déjà, un test est en cours avec l’un des collaborateurs parisiens de Ricoh. Ce dernier a choisi un véhicule de fonction électrique et il peut recourir, pour ses vacances et l’équivalent de 45 jours par an, à l’un des modèles thermiques du pool. « Si ce fonctionnement est très local, il constitue une vraie réussite », avance Christian Marly.
Autre levier qui génère des résultats tangibles, l’éco-conduite. Au sein de La Carterie, l’éco-conduite se traduit par une démarche de sensibilisation et d’accompagnement. « Chaque nouveau conducteur est sensibilisé à l’éco-conduite de l’hybride dans le cadre d’un module d’intégration dans l’entreprise. Et un livret de conduite de l’hybride lui est remis », détaille Claire Georges.
En 2013, La Carterie a aussi organisé un rallye de sensibilisation des conducteurs à l’éco-conduite et à la sécurité routière. « De même, lors de notre dernier séminaire commercial, nous avons évoqué la gestion du véhicule qui constitue l’outil de travail. Nous avons parlé de l’entretien et des actions d’amélioration sur l’impact financier de l’assurance. »
Avec les hybrides, Claire Georges a aussi noté un recul de l’accidentologie : « Les conducteurs semblent plus aptes à adopter une conduite sécurisée. » Et les résultats sont là. Le nombre de sinistres déclarés, rapporté à la taille du parc, a baissé de 20 % en 2013. Pareillement, le nombre de sinistres responsables avec tiers a diminué de 7 % depuis 2011. « Enfin, le nombre de conducteurs “multi-sinistrés“ en 2013 est resté très raisonnable et très inférieur à celui enregistré pour d’autres parcs de taille équivalente », rappelle Claire Georges. Un résultat d’autant plus notable que les 90 commerciaux de La Carterie sont tous les jours sur la route et parcourent chacun en moyenne 60 000 à 80 000 km par an dans toute la France.
Lyon réfléchit aussi à l’éco-conduite. « Jusqu’ici, à part pour l’électrique, nous n’avons pas systématisé de formation. Bien sûr, les chauffeurs de la partie courrier ou des espaces verts ont été formés mais pas les autres, très disséminés dans la collectivité et qui parcourent peu de kilomètres », relate Christian Gardin. Le plan d’attaque suit deux angles autour d’une population spécifique : les personnes qui ont eu deux ou trois accidents durant les trois dernières années ; celles qui parcourent plus de 15 000 km par an. « Dans le premier cas, il faudrait procéder à des rappels du code de la route, dans le second à de l’éco-conduite », complète Christian Gardin.
L’éco-conduite pour agir sur l’accidentologie
Ricoh travaille aussi dans ce sens. « Après le rallye Go Green que nous avons mené en interne, nous avons lancé une formation de nos collaborateurs à l’éco-conduite par le biais d’internet. Tous les salariés de Ricoh sont concernés. Et pour aller plus loin, nous mettrons en place d’autres modules au fur et à mesure. À noter que cette formation appartient au tronc commun des connaissances de l’entreprise », précise Christian Marly. Des actions vertes donc, mais aussi efficaces et concrètes.
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