
Le métier de débosseleur serait-il en train de disparaître ? Pas en tant que prestation, le débosselage sans peinture existera toujours, mais en tant que métier qui se suffit à lui-même. Longtemps, les débosseleurs ont en effet profité des avantages de ce marché de niche qui les fait intervenir sur les carrosseries à moindre frais. Et ce, grâce à cette technique qui consiste à réparer les bosses subies par les véhicules sans faire appel aux techniques classiques de carrosserie, et donc à la peinture. Mais les choses ont changé et désormais, les spécialistes ont tous plus ou moins besoin de compléter cette activité pour survivre, alors que...
Le métier de débosseleur serait-il en train de disparaître ? Pas en tant que prestation, le débosselage sans peinture existera toujours, mais en tant que métier qui se suffit à lui-même. Longtemps, les débosseleurs ont en effet profité des avantages de ce marché de niche qui les fait intervenir sur les carrosseries à moindre frais. Et ce, grâce à cette technique qui consiste à réparer les bosses subies par les véhicules sans faire appel aux techniques classiques de carrosserie, et donc à la peinture. Mais les choses ont changé et désormais, les spécialistes ont tous plus ou moins besoin de compléter cette activité pour survivre, alors que le débosselage sans peinture (DSP) se fond dans une masse plus large de prestations.
Un métier mal connu
Plusieurs évolutions expliquent ce phénomène. Tout d’abord, l’identification encore floue de cette activité de DSP par les gestionnaires de flotte. Si ces derniers n’en ignorent pas l’existence, ils n’en ont pas un besoin direct et laissent le plus souvent leurs loueurs et assureurs gérer cette prestation à leur place. « Plus une flotte est importante, plus elle a des partenariats intéressants et moins elle a besoin de gérer le débosselage en direct. En revanche, moins une flotte est importante, plus elle s’intéressera aux moyens de diminuer ses frais de remise en état et plus elle ira chercher des prestataires en direct. C’est entre autres vrai pour les entreprises dont les flottes restent en propriété », explique Stephen de Belenet, président du débosseleur Selagip.
De grandes entreprises entretiennent des relations directes avec des spécialistes du débosselage sans peinture, mais la plupart du temps à l’échelle locale. « Nous travaillons avec Airbus dans la région de Nantes », illustre Christophe Nosjean, cogérant du prestataire France Débosselage. Mais ce dirigeant ajoute aussitôt qu’il est difficile d’avoir des contacts directs avec la clientèle des flottes – un constat partagé par plusieurs autres prestataires. Aujourd’hui encore, la majorité des clients des débosseleurs se trouvent être des professionnels de l’automobile : constructeurs, concessionnaires, loueurs, etc.
Débosselage et dégrêlage
Ces débosseleurs ont longtemps pratiqué à la fois le débosselage sans peinture et le dégrêlage. Mais si ces deux techniques sont cousines, elles requièrent des compétences différentes. Déjà sur le savoir-faire : « La technique de base reste identique, mais pour le dégrêlage s’ajoute l’expérience indispensable dès que l’on dépasse un certain nombre d’impacts », rappelle Stephen de Belenet. Une expérience d’au moins un an est nécessaire, alors que deux à trois mois de formation suffissent pour le le DSP simple « coups de porte », comme le nomme ce dirigeant de Selagip.
Les spécificités du dégrêlage
Le dégrêlage suppose aussi un processus très spécifique : il faut pouvoir intervenir sur un nombre parfois très élevé de véhicules, et la plupart du temps dans l’urgence (voir l’encadré). Ce qui demande des compétences en logistique et en organisation d’une ampleur qui n’a rien à voir avec le DSP en atelier. Et compte tenu de l’imprévisibilité des épisodes de grêle, les dégrêleurs faisaient du DSP leur activité complémentaire.
Mais depuis quelques années, ce marché du dégrêlage est capté en grande partie par les assureurs qui ont imposé d’emblée un référencement des prestataires. « Les assureurs font travailler six acteurs majeurs capables de gérer l’ensemble du marché », précise Christophe Nosjean pour France Débosselage. Avec une première conséquence : certains acteurs regrettent de ne pas voir les assureurs jouer la carte des acteurs locaux intégrés dans le tissu économique de leur région.
Cette captation du marché par les assureurs a aussi tiré les prix vers le bas. Ce qui ne fait cependant pas peur à des prestataires ambitieux. Le débosselage et le dégrêlage continuent ainsi d’attirer de nouveaux entrants, contribuant à renforcer cette baisse des prix. Une situation inexplicable « alors que ce marché exige un niveau élevé de compétences », commente Alexandre Sabet d’Acre, président du prestataire Dentmaster. Si bien que nombre d’acteurs ont abandonné le dégrêlage ou cantonnent cette prestation dans leur bassin d’activité, comme DBG Car Center ou Les Chasseurs de bosses.
Des tarifs en recul
« Nous assurons le dégrêlage dans les régions où nous sommes implantés, l’Île-de-France et PACA, mais nous n’intervenons plus au-delà. L’objectif est de préserver nos tarifs, les assureurs imposant les leurs et leurs façons de travailler », résume José de Oliveira, directeur général des Chasseurs de bosses. Mais José de Oliveira précise que, selon la législation européenne, les assureurs n’ont légalement pas le droit d’imposer des prestataires aux assurés – une donnée que de nombreux clients auraient tendance à oublier.
Le rôle des assureurs
Frustration semblable pour Jean-François Leday, président du prestataire DBG Car Center : « Avec des prix qui s’effondrent, nous n’allons plus sur les chantiers européens », relate-t-il. Et sur les chantiers de dégrêlage locaux que l’entreprise accepte d’assurer, elle accorde des facilités de paiement, en attendant que les clients soient remboursés par leur assurance avant d’encaisser.
Et quand ces prestataires sont référencés par les assureurs, la situation n’est pas plus simple pour autant. « Nous sommes la société qui a noué le plus d’accords avec les assureurs mais le marché reste néanmoins difficile et très verrouillé », pointe Christophe Nosjean pour France Débosselage. Sans compter l’imprévisibilité naturelle des épisodes de grêle. Il n’y en a eu aucun en 2020, l’année de la crise sanitaire et des confinements, durant laquelle les prestataires de dégrêlage ont été quasiment paralysés. Situation très différente en 2021, avec au début de l’été de très nombreux épisodes de grêle et une météo très agitée un peu partout en Europe.
Les prestataires encore présents sur ce marché du dégrêlage sont donc conduits à faire preuve de rigueur dans leurs choix, à l’image de Selagip. « Nous retenons les marchés avec lesquels notre rentabilité est garantie. Et dans ce but, nous sélectionnons les appels d’offres de manière beaucoup plus pointue », expose Stephen de Belenet. Qui distingue deux types appels d’offres : le premier permet d’être référencé par les assureurs et les constructeurs ; le second a lieu juste après un épisode de grêle important, et il est lancé par les assureurs ou les constructeurs auprès de leurs prestataires déjà référencés. « Ce sont en quelque sorte de mini appels d’offres menés dans des délais très courts, résume Stephen de Belenet. La période d’expertise des véhicules est également très courte. À son terme, nous nous rendons vite compte si les conditions sont réunies et nous proposons une offre de prix. » Pour Dentmaster, les interventions sur ces chantiers se justifie par leur caractère exceptionnel. « Nous nous occupons de chantiers hors norme », justifie Alexandre Sabet d’Acre.
Vers la réparation intelligente
En dépit de leur maîtrise du dégrêlage, ces prestataires donc sont forcés de s’appuyer sur une activité complémentaire, voire encore plus importante que le dégrêlage lui-même. Et c’est là que le débosselage sans peinture a sa raison d’être. Mais ce DSP ne peut plus suffire, en tout cas de moins en moins. Auparavant, on employait volontiers cette prestation pour enlever des bosses, des « coups de porte », donc des dommages très ponctuels. Mais aujourd’hui, le DSP s’envisage plus globalement, surtout au moment de la restitution des véhicules en location. Avec des frais de remises en état souvent importants, voire excessifs selon de nombreux gestionnaires de flotte. D’où l’usage de différentes techniques dites « douces » pour remettre en état un véhicule, à l’image du DSP comparé à des travaux de carrosserie. C’est ce que l’on nomme le « smart repair », soit la réparation intelligente qui s’appuie sur des techniques spécifiques. Ce que chez DBG Car Center on aime aussi appeler la « bobologie ».
Une stratégie globale de réparation
Avec le smart repair, il s’agit en l’occurrence de prendre en charge tous les petits chocs et dégradations subis par un véhicule : pare-chocs ou rétroviseurs abîmés, intérieur du véhicule et tissus dégradés, etc. Cela concerne aussi le service de réparation des petites et moyennes rayures commercialisé par DBG Car Center, une prestation toutefois réservée aux professionnels de l’automobile. « Cette technique répare les rayures en quelques minutes, c’est idéal pour réduire les frais de remise en état pour de l’avant-vente », affirme Jean-François Leday pour DBG Car Center. Une activité de smart repair qui est aussi équivalente à celle du DSP en chiffre d’affaires pour ce prestataire.
Pour sa part, France Débosselage mise sur la réparation de jantes. « Il n’y a pas encore beaucoup d’acteurs sur ce marché, note Christophe Nosjean. Nous avons aussi un service d’expédition sur toute la France grâce à un partenariat avec Sixt. Ce loueur peut nous envoyer des jantes de tout le pays. » Pour ce dirigeant, « les acteurs sur le marché du smart repair sont peut-être déjà trop nombreux. » Un paradoxe alors que le smart repair n’est pas encore très bien connu des flottes et des particuliers.
« Nous ne sommes plus totalement une société de DSP, bien que nous restions référent pour ce métier. Nous sommes une société de smart repair, notamment dans le cadre des restitutions de véhicules », avance pour sa part Alexandre Sabet d’Acre pour Dentmaster. Les marges y sont plus intéressantes, selon ce responsable, mais la clientèle reste majoritairement constituée des professionnels de l’automobile.
Anticiper les restitutions
Pour les flottes, il y aurait pourtant un véritable intérêt à recourir aux techniques du smart repair afin de remettre en état les véhicules, lors de leur restitution ou pendant leur cycle de vie. « Mais il faut définir une stratégie globale de réparation alors que les gestionnaires de flotte n’ont pas toujours une idée bien précise de l’état de leurs véhicules. De notre côté par exemple, nous avons parfois des chocs au retour de nos camionnettes », explique Alexandre Sabet d’Acre. Selon ce dernier, les frais de restitution, qui atteignent jusqu’à 2 500 euros, pourraient représenter un aiguillon fort. Mais ce marché passe avant tout par les professionnels de l’automobile. « Commercialement, les flottes sont difficiles à aller chercher », conclut Alexandre Sabet d’Acre. Message transmis.
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