Précipitée, généralisée et démultipliée, la dématérialisation peut se montrer contre-productive. « Le changement est nécessaire mais il ne faut pas qu’il s’agisse d’une véritable révolution », prévient Didier Le Guen, directeur adjoint du service propreté, voirie, espaces verts du Grand Nancy.
Didier Le Guen poursuit : « La rupture est brutale. Dans le cadre des relations avec nos fournisseurs, quelques incompatibilités pourraient émerger. Tout le monde doit progresser à la même vitesse. Nombre de projets de dématérialisation sont en cours. Nous sommes submergés. Il est difficile de suivre. Chaque service a son projet. Le client final doit travailler avec une multitude d’outils. Cela étant, la dématérialisation apporte un gain de temps et une réduction de la consommation de papier. »
Plutôt que maître d’œuvre de la dématérialisation, le service de Didier Le Guen en est l’un des utilisateurs. Il participe aux réunions d’information et la métropole du Grand Nancy prend en compte sa manière de travailler.
Un gain de temps
Sur la flotte plus précisément, la dématérialisation concerne les marchés publics d’acquisition de véhicules et de pièces détachées. Auparavant, les réponses aux appels d’offres pouvaient se faire soit sur papier, soit sous format numérique. Désormais, seule la dématérialisation est acceptée.
Pour la signature des bons de commande et des factures, le Grand Nancy a abandonné les classeurs pour des parapheurs numériques. Avant, un coursier passait récupérer les parapheurs tous les jours. Si le service manquait son passage, il perdait au minimum 24 heures pour procéder à une opération de maintenance ou à une facturation. Mais si la facture ne partait pas avec le coursier un vendredi à 10 h 00, l’envoi était reporté au lundi suivant à 16 h 00 pour un retour seulement le mardi. Le temps perdu pouvait alors atteindre quatre à cinq jours.
L’État met le logiciel Chorus Pro au service des collectivités pour que leurs prestataires envoient directement leurs factures. À partir de 2020, ce modus operandi sera obligatoire. « Aujourd’hui, les entreprises n’ont pas encore adopté Chorus Pro, note Didier Le Guen. Pour avancer sur la dématérialisation, un prestataire scanne les factures et nous les envoie. Les finances et la comptabilité les analysent avant que l’utilisateur ne les valide sur écran. Le délai de traitement doit être inférieur à vingt jours. Or, la trésorerie a besoin de dix jours. Il reste seulement deux jours à chaque service pour traiter la facture. »
Des SI à faire communiquer
La facturation dématérialisée a débuté en juillet 2017. Il a fallu assurer l’interopérabilité entre les systèmes informatiques des fournisseurs et les outils du Grand Nancy. Il fallait notamment pouvoir ajouter des pièces jointes pour la comptabilité. « Or, nous avons vingt marchés différents de pièces détachées avec vingt fournisseurs différents pour chacun d’eux, fait remarquer Didier Le Guen. Tous n’ont pas la capacité à rendre leurs outils compatibles avec les nôtres. »
Lors des prochains appels d’offres pour les pièces détachées, le Grand Nancy donnera un bonus aux prestataires capables de dématérialiser devis et factures et de proposer un catalogue en ligne. « Désormais, nous refusons le papier et n’acceptons que les CD, les clefs USB ou, ce qui est le plus pratique, le portail internet, explique Didier Le Guen. Renault et Peugeot disposent déjà d’un catalogue en ligne mais le problème se pose davantage avec les pièces de seconde monte. »
Le Grand Nancy possède trois ateliers qui emploient 26 agents au total. En interne, les services « utilisateurs » peuvent déclencher une demande d’intervention depuis leur ordinateur. L’outil conserve la traçabilité des échanges et des demandes entre les équipes. Quand la demande est validée par le chef d’atelier, elle se transforme en ordre d’intervention.
Attention à l’« infobésité » !
Seul inconvénient, quand les procédures étaient formalisées via des parapheurs, ces derniers, visibles et encombrants, rappelaient qu’il fallait s’en occuper. « Avec la dématérialisation, nous y pensons moins et oublions plus facilement, reconnaît Didier Le Guen. L’e-mail que nous recevons est noyé dans la masse. Nous souffrons d’“infobésité“. Il faut trouver l’information dans une masse importante où nous pourrions nous noyer. Comme le parapheur prenait toute la place sur le bureau et nous empêchait de travailler, nous traitions tout de suite cette tâche. »
Et d’ajouter en guise de conclusion : « Pour que la dématérialisation soit un succès, il est bon d’échelonner chacune des étapes. Quand tout arrive au même moment, la masse d’informations est difficile à digérer. Certains agents ont des automatismes dont il leur est difficile de sortir. » À suivre.
La flotte du Grand Nancy en chiffres
• 600 VP et VUL
• 1 300 deux-roues, vélos, tondeuses et matériels roulants
• 50 poids lourds
• Une trentaine de balayeuses
• 90 Métropole du Grand Nancycamions-bennes et pick-up