Dernier kilomètre : se rapprocher des centres villes
Derrière le déploiement des motorisations alternatives, un autre axe de travail se dessine pour le transport durable : l’implantation et la gestion des entrepôts logistiques au cœur des centres urbains. Ce qui suppose une réflexion globale pour se situer au plus proche des clients finaux, tout en répondant aux attentes environnementales et réglementaires.
À Paris, Dachser France a testé en 2017 la base intelligente de logistique (BIL) de Libner, soit un porteur avec carrosserie adaptée, qui emporte le BIL Truck, un petit véhicule électrique modulaire de 2,5 m de long sur 1,8 m de large.
Selon l’observatoire 2017 sur l’impact sur la logistique urbaine du projet européen CityLab, une étude menée dans 23 métropoles, ces dernières ont vu le nombre d’entrepôts par million d’habitants s’accroître de 75 % durant la dernière décennie. 17 d’entre elles ont vécu un phénomène d’étalement logistique : une déconcentration spatiale des entrepôts qui ont tendance à déménager dans les banlieues en raison du coût du mètre carré. Si bien que la distance moyenne entre les entrepôts et leurs centres de gravité géographiques augmente d’environ 0,31 km par an.
Par exemple, Sotradel s’appuie sur dix sites logistiques au nord de Lyon sur 80 000 m2...
Selon l’observatoire 2017 sur l’impact sur la logistique urbaine du projet européen CityLab, une étude menée dans 23 métropoles, ces dernières ont vu le nombre d’entrepôts par million d’habitants s’accroître de 75 % durant la dernière décennie. 17 d’entre elles ont vécu un phénomène d’étalement logistique : une déconcentration spatiale des entrepôts qui ont tendance à déménager dans les banlieues en raison du coût du mètre carré. Si bien que la distance moyenne entre les entrepôts et leurs centres de gravité géographiques augmente d’environ 0,31 km par an.
Par exemple, Sotradel s’appuie sur dix sites logistiques au nord de Lyon sur 80 000 m2. « Les marchandises viennent des quatre coins du monde. 80 % de notre activité transport s’effectue sur un périmètre de 80 km autour de Lyon, et les 20 % restants en transport national », indique David Billandon, responsable qualité sécurité sûreté environnement pour le transporteur.
Des livraisons toujours plus nombreuses
Combinée à l’essor de l’e-commerce et de la livraison instantanée, cette tendance a entraîné une progression du nombre des petits véhicules de fret dans les zones urbaines, et donc une hausse des émissions polluantes. D’après CityLab, dans la ville de Paris, le transport de marchandises génère 1,5 million d’enlèvements et de livraisons par semaine, dont 90 % par camionnettes et camions. Conséquence : « En région parisienne, la part d’émissions de CO2, NOx et PM10 liée au fret urbain est deux fois et demie plus importante que celle des camionnettes et camions dans le trafic régional. »
Cependant, un marché de niche des entrepôts urbains est en train d’émerger. « Petit à petit, nous constatons les efforts des villes pour faire de nouveau entrer la logistique après l’avoir fait sortir. Des espaces logistiques sont mis à disposition afin d’éviter les embouteillages pour l’accès à la ville », fait remarquer Brice Devinoy, directeur des opérations de DHL Express France.
Le Groupe Labatut est lui très proche de Paris avec des bâtiments porte de Pantin au nord et à Rungis (94) au sud. « Et nous souhaitons continuer à nous développer et à resserrer notre maillage autour et dans Paris », précise Édouard Sierocki, directeur général du groupe (voir le témoignage).
On peut aussi citer à Paris les « hôtels logistiques » mis en place dans les quartiers de La Chapelle (18e arrondissement) et Beaugrenelle (15e) par Sogaris, Chronopost, la SNCF et la ville de Paris. « Nous avons prouvé que l’on pouvait construire un bâtiment de quatre étages entièrement consacré à la logistique en ville », se félicite Laetitia Dablanc, directrice de recherche à l’Ifsttar, qui étudie le projet dans le cadre du projet européen CityLab
Hôtels logistiques : des contraintes urbaines
Mais ces nouveaux types de bâtiments logistiques peuvent aussi poser des problèmes de bruit, d’esthétique, de congestion ou de pollution aux points d’entrée et de sortie, alerte CityLab. « Nous avons du mal à maintenir notre plate-forme à Lyon centre-ville à cause des soucis de voisinage. C’est pourquoi nous préférons nous installer plus en périphérie ou sur des ports comme à Gennevilliers (92) », confirme Patrick Maillet, directeur administratif et commercial pour le transporteur Deret.
Autre contrainte : la création d’hôtels logistiques implique une collaboration entre transporteurs. « Or, ces derniers ne se mettront jamais d’accord pour travailler ensemble sans y être contraints. À La Rochelle ou à Lyon, les projets de mutualisation des flux des transporteurs via les centres de distribution urbaine (CDU) ont tous capoté pour des raisons de rentabilité et d’absence de volonté politique », rappelle Patrick Maillet.
Ces sites urbains encouragent toutefois le développement de modes alternatifs de livraison. DHL a ainsi lancé DistriGreen, une petite base de distribution écologique située dans le 18e arrondissement de Paris, le long de la gare de l’Est. « Comme les véhicules restent à proximité de leur base de livraison, nous pouvons recourir à de petits VE passe-partout, commente Brice Davinoy. Il n’est pas exclu que cette expérimentation soit exportée dans d’autres villes. »
La logistique urbaine, source d’innovation
Autre illustration, les 21 plates-formes de cross-dock (redistribution) de Deret, réparties dans les 19 plus grandes villes de France, dont deux en région parisienne : une à Bonneuil-sur-Marne (94) et une à Gennevilliers (92). « Toutes se situent en moyenne entre 6 et 10 km du centre-ville et mesurent entre 500 et 1 000 m2, sauf celle de Gennevilliers qui couvre plus de 4 500 m2 », détaille Patrick Maillet. Leur principe est simple : « Nous approvisionnons nos agences avec des tracteurs diesel ou bien GNV pour certaines activités. Puis, depuis la plate-forme, nous organisons deux tournées : une pour les magasins livrables hors horaires d’ouverture et une pour les autres. Ces tournées font entre 60 et 110 km à elles deux, si bien que l’électrique convient amplement », poursuit Patrick Maillet (voir le témoignage).
Les entrepôts urbains facilitent également le déploiement des vélos et triporteurs électriques. DHL Express France les emploie dans différentes villes pour livrer dans des zones très denses et des secteurs résidentiels. « Ces véhicules sont non seulement écologiques mais ils contribuent aussi à diminuer l’embouteillement et évitent les problèmes de stationnement », note Brice Devinoy. De même, Dachser teste des triporteurs et des vélos à assistance électrique (VAE) sur une longue durée à Rennes, Paris et Stuttgart, mais aussi à Berlin depuis quelques semaines.
Dachser multiplie les pistes de travail avec son projet européen CityDistribution. Le transporteur teste ainsi des triporteurs et des vélos à assistance électrique (VAE) sur une longue durée à Rennes, Paris et Stuttgart, mais aussi à Berlin.
Une évolution favorisée là encore par la croissance de la livraison instantanée. En effet, selon l’observatoire de CityLab, il y a 100 000 livraisons instantanées chaque semaine à Paris, soit 2,5 % des enlèvements et livraisons totaux (1,5 million par semaine). Et 88 % d’entre elles se font à bicyclette, 9 % par moto et scooter, et 3 % par d’autres moyens (piéton, rollers, cargocycle).
L’optimisation des flux en question
Pour CityLab, cette diversification « peut avoir un impact négatif sur la gestion du trafic, la sécurité routière et les conflits dans l’usage des routes, la congestion, la pollution de l’air. » « Sous l’angle environnemental, il vaut mieux un seul gros camion qui livre dix boutiques plutôt que plusieurs petits camions. En outre, cela évite la précarisation des salariés et les problèmes d’assurance », confirme Patrick Maillet pour Deret.
Patrick Maillet pointe l’important problème de massification posé par la distribution B2C, souvent oubliée dans les discussions avec les collectivités : « Autant les transporteurs ont bien travaillé la massification et la centralisation en amont, autant ce n’est pas du tout le cas chez les e-commerçants et surtout chez ceux qui proposent la livraison en deux heures. Cela crée de la congestion là où les villes n’en voulaient plus. »
Véhicule électrique Modec de la flotte de Deret.
Une nécessaire prise de conscience
Une position partagée par Frédéric Audinel, chargé de mission Programme Objectif CO2, délégué par l’association pour le développement de la formation professionnelle dans le transport (AFT) : « Il faut massifier, un 3,5 t est une folie. Le dépôt chez les commerçants reste la solution idéale pour la livraison. Il faudrait aussi taxer le CO2 à la tonne kilométrique et non plus au litre de gazole. Un transporteur routier intelligent n’achète pas son gazole en France et donc ne paie pas la taxe. On pourrait aussi imaginer une taxe sur l’origine des marchandises. »
« Il faudrait réfléchir à la situation actuelle qui tend vers le zéro stock et des réseaux de transporteurs très étendus. Or, le “tout tout de suite“ n’est un facteur ni d’optimisation, ni de baisse des coûts ou de développement durable », avalise Pascal Megevand, directeur R&D et SI du transporteur Megevand Frères. Qui remet aussi en question le système des rendez-vous : « S’il offre l’avantage d’optimiser l’utilisation des moyens sur certaines phases avec une très forte réduction des temps d’attente par exemple, il a en revanche tendance à faire rouler les camions à mi-charge lorsqu’une marchandise doit absolument être livrée à l’heure convenue. »
Pour le dirigeant de Megevand Frères, une prise de conscience est donc nécessaire, non seulement de la part des transporteurs mais aussi des acteurs de l’e-commerce et des consommateurs. « Il y a des mesures à envisager pour changer les choses comme l’instauration de pénalisations (pour des véhicules/systèmes présentant un impact très négatif) ou de bonifications (pour des véhicules/systèmes présentant une efficience du déplacement des marchandises) », estime Pascal Megevand. La route est longue…
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