
Pour les spécialistes du dernier kilomètre, l’accès aux centres urbains, vital, dépend de plus en plus du verdissement de leurs flottes. En effet, l’accès se complexifie avec la mise en place des ZFE-m (zones à faibles émissions-mobilité) et les impératifs de la loi d’orientation des mobilités (LOM). Pour continuer à circuler, ces transporteurs suivent donc plusieurs pistes. Avec, au premier rang, l’électrification de leurs outils de travail, c’est-à-dire de leurs véhicules.
« L’arrivée des ZFE-m nous incite à décarboner totalement notre activité dans 44 grandes villes avant 2025 », confirme Samuel Dadia, directeur du pôle véhicules et...
Pour les spécialistes du dernier kilomètre, l’accès aux centres urbains, vital, dépend de plus en plus du verdissement de leurs flottes. En effet, l’accès se complexifie avec la mise en place des ZFE-m (zones à faibles émissions-mobilité) et les impératifs de la loi d’orientation des mobilités (LOM). Pour continuer à circuler, ces transporteurs suivent donc plusieurs pistes. Avec, au premier rang, l’électrification de leurs outils de travail, c’est-à-dire de leurs véhicules.
« L’arrivée des ZFE-m nous incite à décarboner totalement notre activité dans 44 grandes villes avant 2025 », confirme Samuel Dadia, directeur du pôle véhicules et équipements de livraison du groupe La Poste. Du fait notamment de l’explosion de l’e-commerce, La Poste connaît en effet un surplus d’activité dans les zones urbaines denses. Ce qui accroît le nombre de ses « tournées colis » sur les premier et dernier kilomètres.


Verdissement du dernier kilomètre : La Poste mise sur l’électrique…
« Pour faire face à toujours plus de demandes de livraisons dans un trafic toujours plus congestionné en ville, notre branche Services Colis Courrier est donc en pleine transformation », poursuit Samuel Dadia. La Poste s’appuie sur 35 000 véhicules électriques (VAE, vélos cargos et VUL), sur un total de 65 000 véhicules.
Pour La Poste, la propulsion électrique se veut parfaitement adaptée aux usages de distribution-livraison-collecte du dernier kilomètre. Ses véhicules de livraison offrent pour la plupart de petits cubages (de 3 à 11m3). Ils embarquent des charges de moindre poids. Ils font entre 100 et 300 stops par jour et sont très bien acceptés par les facteurs. En outre, La Poste dispose de ses propres stations de recharge sur ses sites. Si bien que les véhicules peuvent se recharger la nuit entre 5 h 00 et 10 h 00 selon le type de charge (3,7 ou 7,4 kW).
Mais les problèmes viennent surtout des difficultés croissantes de circulation en cœur de ville. Au sein donc des zones dites « complexes ». La Poste privilégie alors de plus en plus « les modes doux, triporteurs ou vélos cargos », comme l’indique Samuel Dadia. Qui détaille : « Ces véhicules, gérés par notre filiale Véhiposte, se montrent plus agiles et génèrent moins de stress pour nos facteurs. Ils cohabitent mieux avec les piétons et peuvent emprunter les pistes cyclables. »
… tout comme DHL
Le spécialiste de la logistique DHL Express est pareillement engagé depuis plusieurs années dans l’électrification de sa flotte. Une première agence a ainsi ouvert à Paris en 2016 avec un parc 100 % électrique. Il s’agit essentiellement de Nissan e-NV200 transformés par le carrossier slovaque Voltia. Et DHL vise au moins 80 % de ses livraisons des premier et dernier kilomètres en zéro émission d’ici 2026. Pour atteindre ces objectifs, tous les remplacements se font désormais avec des modèles 100 % électriques en LLD. Avec un taux de renouvellement annuel de 15 à 20 %. À ce rythme, la quasi-intégralité de la flotte du dernier kilomètre de DHL sera électrifiée en 2026. Parmi ses 1 500 VU, environ 200 unités sont 100 % électriques, sur un total de 2 077 véhicules.
Spécialisé dans le transport en lot complet ou palettes (LTL) par camions, XPO est également actif sur le marché du dernier kilomètre. Cette société livre les particuliers et les professionnels en « milieu hyper urbain ». Avec un service de reprise de marchandises et de manutention, voire même de mise en rayon des marchandises (clients BtoB). Mais pour cette activité, faire appel à l’électrique n’est pas si simple.
Chez XPO, 200 véhicules sur 800 roulent au GNV
Explications de Frédéric Aziron, directeur LTL et dernier kilomètre de XPO : « Les VU à propulsion 100 % électrique constituent évidemment la meilleure solution pour évoluer en milieu urbain. Mais aussi, sur nos lignes multimodales. »
Cependant, « il faut que la zone de livraison soit proche du départ car les autonomies sont faibles », rappelle Frédéric Aziron. De fait, la plupart des véhicules employés sont des 20 m3 de type châssis-cabine, capables d’embarquer huit palettes. Sur les 800 véhicules concernés, 200 carburent au gaz (GNV).
XPO a commencé à s’équiper et comptera une vingtaine de VU zéro émission début 2023. Soit des 20 m3 de type Renault Master E-Tech Electric ou MAN eTGE. Pour Frédéric Aziron : « Concernant ce type d’engins, il faut développer en parallèle une infrastructure (IRVE) adaptée afin de pouvoir recharger souvent et facilement. Nous y travaillons avec nos prestataires. »
XPO possède une centaine de véhicules en propre pour l’activité du dernier kilomètre. Sans compter les véhicules de la sous-traitance pour la saisonnalité. Selon Frédéric Aziron, XPO a livré « au total 500 000 clients en France sur le dernier kilomètre » en 2021. XPO s’appuie sur une flotte en propre de 3 000 véhicules et de 5 000 remorques.


Mais l’électrique a ses limites

Face à l’impératif d’électrification, le constat ne diffère pas pour Heppner. Cette entreprise effectue principalement du groupage de colis de 60 à 80 kg pour livrer le dernier kilomètre. Son directeur des relations institutionnelles, Christophe Schmitt, apporte des précisions : « En tant que transporteur-groupeur et commissionnaire de transport, le dernier kilomètre représente une activité primordiale. Nous ne faisons pas que du transport d’un point A à un point B, mais aussi du regroupement de colis en entrepôt. Pour chaque envoi, nous avons donc un premier ou un dernier kilomètre à faire. »
Chez Heppner, l’électrification cible essentiellement des véhicules comme les triporteurs ou les vélos cargos pour livrer les hyper centres. Comme l’expose Christophe Schmitt : « Sur ce terrain, nous passons de plus en plus par des partenaires utilisant ce type d’engins. Et cela fonctionne très bien. L’évolution de ce secteur a été spectaculaire en quelques années. Mais cette solution n’est pas toujours la plus adaptée car nos colis restent relativement lourds et encombrants (80 kg en moyenne). Seules 0,5 % de nos tournées sont actuellement réalisées en triporteurs, soit 800 poses par mois. »
Heppner pointe un autre problème avec les VU électriques de plus grande taille (fourgons et châssis-cabines) : leur prix. Toujours d’après Christophe Schmitt, ceux-ci sont « une fois et demie plus chers que les thermiques ». Ainsi, malgré le coût moindre de l’énergie, « nous ne nous y retrouvons pas en TCO », observe-t-il. Avant d’ajouter : « Nous ne pouvons pas non plus les déployer partout, pour des raisons de contraintes d’usage (autonomie, recharge), d’autant que nos véhicules de livraison sur le dernier kilomètre, dits “petits porteurs“, sont relativement grands (20 m3), donc pas faciles à électrifier. » Toujours est-il que Heppner a prévu d’intégrer prochainement des modèles électriques à batterie pour des usages spécifiques en milieu urbain.

La piste des biocarburants pour le verdissement du dernier kilomètre
Dans les dix prochaines années et d’ici la fin du moteur thermique en 2035, Heppner entend panacher les énergies. Il va recourir davantage, pour ses petits et gros porteurs, aux carburants alternatifs : bioGNV, B100, XTL. Des carburants encore sous-exploités, faiblement incorporés mais en revanche indisponibles à la pompe. En effet, il n’existe pas de réseau de distribution pour ces biocarburants. Aussi, Heppner prévoit prochainement de se doter de stations privatives avec des cuves pour ravitailler ses camions. Tout en attendant une vraie technologie verte de rupture, l’hydrogène sans doute.
Heppner s’est engagé dans un programme global de décarbonation depuis trois ans. Cela a commencé avec le renouvellement de 25 % de sa flotte de camions. Presque tous les véhicules employés sur le dernier kilomètre carburent donc au GNV. En France, Heppner compte en propre 260 poids lourds (96 au GNC, 9 au bioGNC et 20 au XTL). Près de 90 % des véhicules diesel sont Euro 6 et 5,4 % des tournées sous-traitées sont en faibles émissions.

Presque tous les véhicules employés par Heppner pour le dernier kilomètre carburent au GNV.

au bioGNC et vingt au biocarburant XTL.
Sur le dernier kilomètre, une logique de panachage pour le verdissement
Pour sa transition énergétique, XPO ne va pas procéder différemment. Il mise également sur une stratégie multi-énergies. « Nous ne voulons pas nous enfermer dans une technologie car nous avons plusieurs cas d’usage. Il nous faut rester prudent et appliquer une logique de panachage. Outre le gaz, nous misons sur les biocarburants (B100, HVO) », décrit Frédéric Aziron. XPO a prolongé son adhésion à la Charte Objectif CO2 de l’ADEME pour trois années supplémentaires. Il s’est engagé à baisser ses émissions de gaz à effet de serre de 5,3 % d’ici 2024. Un objectif qui passe par le matériel (véhicules), les comportements des conducteurs (éco-conduite) et les modèles d’organisation.
Mais le problème que pose la transition énergétique aux grandes entreprises rassemblées dans cet article touche aussi l’ensemble de la filière du dernier kilomètre et particulièrement les sous-traitants. « Le passage de notre flotte à l’électrique ne suffira pas à réduire nos émissions. Nous comptons aussi sur nos prestataires qui, comme nous, font face aux mêmes contraintes de circulation et exigences réglementaires, reprend Frédéric Aziron. Mais XPO ne se reposera pas sur ses sous-traitants pour mener sa transition énergétique. Nous prenons notre part en panachant le risque pour ne pas dépendre des autres. » Chez XPO, la sous-traitance ne pèse pas plus de 50 % des activités.
Décarboner le dernier kilomètre en embarquant les sous-traitants
« Nos sous-traitants assurent 60 % de nos livraisons. Nous devons donc les embarquer dans nos plans de verdissement. Mais ces TPE-PME ne sont pas aussi bien préparées que nous pour relever le défi ; certaines ne peuvent pas suivre et nous lâchent, faute de capacités suffisantes d’investissement. C’est un vrai problème », alerte de son côté Christophe Schmitt pour Heppner. Qui déplore un manque de vision sur la durée : « Il faut plus d’aides et surtout des orientations claires en termes de réglementation pour accompagner ces professionnels et les aider à faire les bons choix de véhicules. Sinon, l’incertitude crée de l’inertie et plombe l’activité. » Le message est clair.