
Depuis un peu plus d’un an, l’obligation de désignation a fait ses preuves. La Délégation à la sécurité routière du ministère de l’intérieur avance ainsi l’évolution du taux de désignation : ce dernier est passé d’environ 20 à 75 % entre 2016 et 2017.
De leur côté, les entreprises font leurs comptes. Le spécialiste des services énergétiques Dalkia appartient aux acteurs qui ont instauré la désignation en janvier 2017. « Et contrairement à ce que l’on aurait pu croire, le nombre d’amendes a augmenté en 2017 avec au total 5 853 PV, précise le responsable du parc, Jean-Luc Celotto. Mais c’est aussi parce que nous avons officialisé toutes les...
Depuis un peu plus d’un an, l’obligation de désignation a fait ses preuves. La Délégation à la sécurité routière du ministère de l’intérieur avance ainsi l’évolution du taux de désignation : ce dernier est passé d’environ 20 à 75 % entre 2016 et 2017.
De leur côté, les entreprises font leurs comptes. Le spécialiste des services énergétiques Dalkia appartient aux acteurs qui ont instauré la désignation en janvier 2017. « Et contrairement à ce que l’on aurait pu croire, le nombre d’amendes a augmenté en 2017 avec au total 5 853 PV, précise le responsable du parc, Jean-Luc Celotto. Mais c’est aussi parce que nous avons officialisé toutes les amendes, y compris celles qu’auparavant nous payions en direct. »
Constat identique à la SNCF qui a commencé à désigner fin 2016 : « Nous avions autant de PV en 2016 qu’en 2017, mais tous ne remontaient pas. Nous savons donc que le nombre de PV a reculé », estime Emmanuel Laurent, directeur du programme de transformation managériale sécurité et santé au travail.
À l’inverse, le Crédit Agricole désigne les collaborateurs responsables d’infractions depuis déjà plus de quinze ans, une mesure qui fait partie de la procédure d’affectation des véhicules. Et sur les six derniers mois, le groupe bancaire a observé une diminution du nombre des amendes : « Je pense que cela s’explique par l’entrée en vigueur de l’obligation de désigner, même si nous le faisions déjà, et par un renforcement des mesures de sécurité routière », commente Pascal Coran, le responsable de la flotte.
Un bilan contrasté pour les entreprises
Chez Fatec, les clients reçoivent entre 300 et 1 500 PV annuellement, soit en moyenne 2,6 PV par personne et par an, rapporté au nombre de collaborateurs concernés. « On pourrait croire que la législation responsabilise les conducteurs mais cette volumétrie ne s’est pas réduite entre 2016 et 2017 », s’étonne Mathilde Courau, responsable marketing et digital du fleeter.
Les loueurs longue durée ont eux aussi constaté cette relative stabilité, avec un léger repli du nombre d’amendes dans le parc d’Arval en 2017, contre une légère hausse chez ALD Automotive. « Malgré l’accroissement du nombre de radars, il n’y a pas eu d’explosion des amendes sur l’échantillon, soit environ 300 000 véhicules en LLD. La loi a donc peut-être eu un effet dissuasif », constate Jérôme de Retz, directeur marketing pour ALD Automotive.
La désignation recouvre principalement des amendes de classe 3, c’est-à-dire des excès de vitesse inférieurs à 20 km/h – pour une vitesse autorisée maximale supérieure à 50 km/h. Ces amendes représentent 45 à 50 % des interrogations de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai) pour le parc d’ALD. Suivent les amendes de stationnement, en particulier chez les citadins.
Excès de vitesse et stationnement
« Les plus grosses infractions, comme le non-respect d’un feu rouge, n’en constituent qu’une faible part », note Emmanuel Laurent pour la SNCF. Chez Dalkia, « les PV sont à plus de 55 % dus à des excès de vitesse (3 274 PV), en général inférieurs à 20 km/h, et pour 40 % à des problèmes de stationnement (2 320 PV) », détaille Jean-Luc Celotto. Des infractions difficiles à éviter selon lui (voir le témoignage).
Il faut également prendre en compte les délais de mise en œuvre de la loi au sein des entreprises. Cette mise en œuvre n’a pas toujours été facile, tant pour des questions d’ordre technique et organisationnel, que d’acceptation en interne. « Nous avons mis en place la mesure immédiatement après la parution du décret d’application avec, dans les premiers temps, une certaine difficulté de la part de nos collaborateurs pour comprendre le fonctionnement et le bien-fondé de la démarche », relate Jean-Luc Celotto pour Dalkia. Pourtant, Dalkia désignait déjà ses conducteurs pour les excès de vitesse supérieurs à 20 km/h et pour les infractions graves conduisant au retrait de plus de 3 points de permis, telles que le non-respect d’un feu rouge, systématiquement ou non selon les régions.
Communiquer en interne avec les conducteurs
La SNCF a été l’une des premières entreprises signataires de la charte du 11 octobre 2016 lancée par la Sécurité routière ; elle a commencé à désigner avant l’entrée en vigueur de la loi dans quelques établissements de manière expérimentale. Par volonté d’exemplarité, la mesure a d’abord été appliquée aux 150 véhicules de fonction des cadres dirigeants. « Des communications ont été menées auprès des organisations syndicales et du personnel via les CHSCT et la DRH. Les choses se sont très bien passées à 95 %, indique Emmanuel Laurent. Il faut s’appuyer sur le Code du travail qui est clair : c’est à l’employeur d’assurer la sécurité de ses salariés, y compris en les protégeant d’eux-mêmes. » Au final, l’acceptation de la loi n’a posé problème qu’à la marge. « Tout s’est réglé au bon niveau, celui de l’entité professionnelle entre le manager et le conducteur, de façon décentralisée », se félicite Emmanuel Laurent.
Et la mesure n’a pas que contribué à améliorer la sécurité routière : « Le contrat d’assurance a été renégocié à la baisse pour 2018, ce qui nous a amenés à récupérer entièrement l’investissement nécessaire à la mise en œuvre de la désignation : informatique, communication, routines managériales », rappelle Emmanuel Laurent pour la SNCF (voir son témoignage).
Le spécialiste de l’informatique Pygram a intégré la désignation au 1er janvier 2017 dans son règlement et sa charte automobiles. Ses 19 véhicules ne génèrent qu’une cinquantaine d’amendes par an, et la mesure n’a pas eu d’influence sur le volume des infractions.
Des équipements à adapter
En revanche, Pygram a constaté un usage accru des services de détection des radars, tels Waze ou Coyote. « Mes salariés me demandent des supports pour smartphone dans les voitures. Cela m’oblige à réfléchir à des options qui vont devenir obligatoires, comme le sont devenus la climatisation et le régulateur de vitesse. Je m’intéresse ainsi au “mirror link” », décrit Régis Tersiquel, responsable administratif et financier et DRH de Pygram. Son objectif : éviter une augmentation des accidents due à l’usage grandissant du smartphone au volant. « Depuis un an, j’ai observé une hausse de 20 à 25 % des petits accrochages, dus à de l’inattention de la part des conducteurs. Certains mettent en avant la tendance à rester figés sur le tableau de bord pour contrôler la vitesse », ajoute Régis Tersiquel (voir son témoignage).
La désignation a donc poussé de nombreuses entreprises à revoir leur organisation à la lumière de la sécurité routière, à l’image de la SNCF. Pour Karen Brunot, directrice marketing d’Arval France, « le travail sur l’insécurité routière reste un mouvement de fond plutôt qu’un effet de la loi de désignation, mais celle-ci a accéléré les choses et est venue entériner la tendance. »
Automatiser ou non les processus ?
Plusieurs options existent pour désigner les conducteurs. Avec une cinquantaine d’amendes par an, Régis Tersiquel pour Pygram a choisi de continuer à les recevoir au format papier. Pour désigner, il s’est inscrit sur le site de l’Antai : « Je me connecte à mon espace pour désigner. Mais je ne vois pas trop la différence avec la désignation manuelle. Toutefois, je n’ai pas testé la désignation en lot, n’ayant encore jamais reçu plusieurs amendes d’un coup. » Régis Tersiquel ne compte pas changer de système : « Avec peu de véhicules et d’amendes, je n’ai pas de souci particulier, avec un temps consacré à cette gestion d’environ une heure par mois. »
Mais la situation est plus complexe pour les flottes importantes, comme la SNCF qui reçoit environ 4 500 PV par an. « Nous avons progressivement mis en place le système de traitement automatisé avec l’Antai à compter du premier trimestre 2017, en l’adossant à notre logiciel de gestion de flotte, et nous nous dirigeons vers une automatisation complète à terme », annonce Emmanuel Laurent. Le Crédit Agricole en bénéficie depuis août 2017 et Pascal Coran se félicite du temps gagné (voir son témoignage).
Si les systèmes automatisés fonctionnent bien aujourd’hui, un enjeu demeure : la conservation des données personnelles des conducteurs, dont les règles vont être renforcées par le Règlement général de protection des données (voir notre article).
Faire attention aux données personnelles
« Le traitement automatisé des amendes est en pleine actualité avec la problématique des données personnelles. Nous avons eu quelques réticences de la part des délégués du personnel », pointe Jean-Luc Celotto. Pour le représentant de Dalkia, « il règne une certaine ambiguïté dans la transmission de ces données. D’un côté, le service public de l’Antai exige de l’entreprise les éléments d’identification de la personne responsable ; et de l’autre, la CNIL interdit la détention des informations du permis de conduire. Si bien qu’il est parfois compliqué de récupérer et traiter dans les délais les infractions. »
C’est avec cet enjeu en tête que loueurs, fleeters et prestataires spécialisés ont développé des offres pour assurer stockage, cryptage et transmission des données à l’Antai (voir également notre article sur les outils de gestion automatisée des amendes).
Dossier - Désignation des conducteurs : quel bilan un an après ?
- Désignation des conducteurs : quel bilan un an après ?
- Stationnement : le casse-tête des FPS
- RGPD : les données personnelles en question
- Emmanuel Laurent, SNCF : « Faire entrer le risque automobile dans le risque professionnel »
- Gestion automatisée des amendes : les prestataires étoffent leurs offres
- Outils de gestion des amendes : un gain de temps
- Jean-Luc Celotto, Dalkia : « Une situation complexe d’utilisation du réseau routier »
- Pascal Coran, Crédit Agricole : « L’automatisation me déleste d’une charge de travail »
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