
Entre la gestion de flotte et les deux-roues, la relation commence… sur les chapeaux de roue. « Le vélo dans les flottes ? C’est une histoire de “bobos“, une lubie de journalistes, commente le consultant spécialiste des flottes Robert Maubé. Personne ne m’en parle. Je n’ai pas de demande sur ce sujet. Cela va peut-être concerner quelques salariés des centres-villes, mais encore faut-il que des centres soient plats et que ces salariés circulent peu. »
Deux-roues ou pas deux-roues ?

C’est aussi la position de Mohamed Amrane, le responsable de la supply chain et du parc automobile de la société de distribution d’eau...
Entre la gestion de flotte et les deux-roues, la relation commence… sur les chapeaux de roue. « Le vélo dans les flottes ? C’est une histoire de “bobos“, une lubie de journalistes, commente le consultant spécialiste des flottes Robert Maubé. Personne ne m’en parle. Je n’ai pas de demande sur ce sujet. Cela va peut-être concerner quelques salariés des centres-villes, mais encore faut-il que des centres soient plats et que ces salariés circulent peu. »
Deux-roues ou pas deux-roues ?

C’est aussi la position de Mohamed Amrane, le responsable de la supply chain et du parc automobile de la société de distribution d’eau et de café Château d’Eau. « Sur nos 230 véhicules, pas un seul deux-roues à l’horizon, plaisante-t-il. Nous n’en avons pas l’utilité. Où les mettrions-nous ? Je suis représentatif de l’opinion de mes collègues responsables de parc. Il y a des problèmes de maintenance : c’est la croix et la bannière pour réparer un pneu crevé. Un collègue qui a essayé s’est retrouvé avec les vélos achetés sur les bras, en souffrance dans son parking, sans que personne ne les emploie. »
Marie-Hélène Benarouch, consultante en achats et mobilité opérationnelle pour le cabinet de conseil DB Consulting, note, elle, des « frémissements. Mais je n’ai pas eu non plus de demandes de clients voulant passer aux vélos. L’un d’entre eux, prestataire de services, a souhaité la mise en place d’une mobilité douce mais les questions d’assurance l’ont dissuadé d’aller plus loin. Un autre a été freiné par les syndicats pour des questions de sécurité ; ils sont plus rassurés lorsque le salarié est entouré de la tôle d’une voiture. Selon moi, les deux-roues ne pèsent que 1 % du total des véhicules des flottes. Mais c’était 0 % il y a cinq ans et les collectivités locales sont moteurs : chez elles, il y a la volonté politique et budgétaire et j’estime que les deux-roues représentent environ 5 % de leurs véhicules », poursuit Marie-Hélène Benarouch.

Orange se veut symbolique de ce « frémissement ». À l’origine rétif aux deux-roues, l’opérateur télécom a évolué, estime Patrick Martinoli, le directeur délégué des projets innovation pour la flotte et les mobilités. « Nous avons réalisé un sondage. 15 000 salariés ont répondu, ce qui est beaucoup. Et nous nous sommes aperçus qu’ils étaient très favorables à l’installation de vélos, voire enthousiastes. Nous nous sommes retrouvés face à un dilemme : qu’allions-nous alors faire ? », relate ce responsable. Orange a donc décidé de collaborer avec des municipalités. Celles-ci elles mettent à disposition des stations de vélopartage en bas des bureaux d’Orange qui prend en charge les abonnements.
Les précurseurs
« Nous ne voulons pas gérer ces parcs de vélos avec leurs problèmes de vol, d’assurance. Par ailleurs, nous menons des expériences avec des vélos cargos. Les salariés qui les testent sont sous le charme mais ce sont aussi des amoureux de la petite reine… Peut-on proposer ce système aux autres employés, ceux conduisant nos camionnettes ? Je ne suis pas sûr que tout le monde soit aussi favorable. Notre flotte comprend 17 000 véhicules dont une douzaine de deux-roues. Nous en sommes encore à un stade expérimental », conclut Patrick Martinoli.
Une étape qu’Olivier Girault, directeur de la société de transport Toutenvélo (environ 1 million d’euros de chiffre d’affaires en 2020), a largement dépassée. « Nous regroupons huit entités, toutes spécialistes de la logistique urbaine, pour transporter des colis sur le dernier kilomètre. Notre flotte se compose exclusivement de vélos cargos et nous assurons ce service dans huit villes : Rennes, Rouen, Grenoble, Caen, Marseille, Dijon, Le Havre et la Rochelle. Notre entité rennaise réunit par exemple dix vélos auxquels il faut ajouter deux à trois remorques par engin », détaille Olivier Girault.
En France, les mobilités douces sont monopolisées par le vélo, à assistance électrique (VAE) ou pas. Un vélo qui peut aussi être cargo. « Notre clientèle se constitue de sociétés qui offrent à leurs salariés des vélos électriques ou pas pour leurs trajets domicile-travail », précise Antoine Repussard, président de Zenride. Cette société commercialise une solution de LLD de vélos et de services (50 clients en juillet 2020, 150 en juillet 2021). « Les entreprises ont envie de limiter leur empreinte de CO2 et 52 % de nos utilisateurs venaient auparavant au travail en voiture », ajoute-t-il.

Quels deux-roues en flotte ?
En revanche, très peu de flottes intègrent des engins de déplacement personnel motorisés (EDPM), comme les trottinettes électriques, monoroues, gyropodes et autres hoverboards. « Mais ces engins se développent à grande vitesse, avance Séna Adjovi, président de Green Riders, loueur et vendeur de trottinettes électriques. Nous en avions loué 1 500 par mois en juillet 2020 ; nous en étions à 2 000 en juillet 2021, soit une hausse d’un tiers en un an. »
Les spécialistes de ces mobilités douces pointent tous le fait que les conducteurs des vélos et autres engins à deux-roues sont majoritairement des conductrices, soucieuses de leur santé. Et ces engins ont aussi pour avantage d’éviter aux salariés de prendre des transports en commun jugés dangereux en matière de propagation de virus. Mais la sécurité routière inquiète bien plus les gestionnaires de flotte quand il est question des deux-roues (voir l’encadré ci-dessous) et surtout des EDPM.
Les deux-roues, électriques ou pas, sont réservés à des salariés qui se déplacent de 10 à 20 km par jour. Au-delà, leur usage diminue très fortement. Les vélos cargos bénéficient, eux, d’une autonomie de batteries d’une centaine de kilomètres. Cela privilégie donc les employés dont le bureau ou la mission se situe à une distance de moins de 10 km. Côté capacité de transport, les deux-roues ne prendront pas en charge des matériaux dont le poids dépasse les 300-500 kg.
Avant tout, la question du trajet
De même, le transport de palettes n’est pas indiqué avec les livraisons en flotte de deux-roues. Dans ces derniers cas, la camionnette demeure indispensable. L’idée est alors d’opter pour la multi modalité, le « mix » entre des vélos pour certaines livraisons, le véhicule électrique pour d’autres et le thermique pour les longues distances.
Mais la volonté des collectivités locales de mettre en avant les mobilités douces pourraient changer la donne et amener à parcourir des distances plus longues, si en parallèle l’assistance électrique se fait de plus en plus performante. Ainsi, le Grand Paris a lancé, en juillet 2021, son plan vélo qui prévoit, à horizon 2030, la création de huit circuits cyclables. Le projet est doté d’un budget de 10 millions d’euros par an et les villes de Rueil-Malmaison (92) et Noisy-le-Grand (93) vont être reliées par une piste cyclable, tout comme celles de Créteil (94) et d’Aulnay-sous-Bois (93) ou de Rosny-sous-Bois (93) et Paris. Selon les estimations du Grand Paris, 200 km de pistes cyclables vont être construits afin de relier 75 % des 7 millions d’habitants de la métropole parisienne.
Qu’apportent les deux-roues à une flotte ? Avant tout, ils peuvent contribuer à réduire les coûts. Lorsque le trajet du salarié cadre avec les possibilités du vélo, cette baisse atteindrait 90 %. Mais à condition de remplacer un véhicule par un vélo. « Nos tarifs, pour un VAE de moyenne gamme (coût d’environ 2 000 euros à l’achat), sont de l’ordre de 50 euros par mois tout compris. Le salarié, selon sa “bike policy“, paiera entre 0 et 30 euros de participation par mois », expose Pascal Vitantonio, directeur de la stratégie et du développement France pour ALD Automotive.
Pour Zenride, Antoine Repussard illustre avec un cas client : « Saint-Gobain propose à ses salariés de choisir des vélos qui coûtent jusqu’à 2 500 euros, pour un loyer entreprise de 55 euros par mois et un ajout de 30 euros par mois de la part de l’employé. Pour cela, nous fournissons vélo, casque, antivol, révision, assistance et une formation aux bonnes pratiques cyclistes. »
« Un vélo cargo revient à 200-300 euros par mois, contre 600-1 000 euros pour une camionnette. Sur de petites distances, cela améliore aussi le chiffre d’affaires d’une société : circuler en ville en vélo permet en effet de réaliser plus de missions dans la journée, sans arriver en retard et avec moins de stress pour se garer », argumente Mathieu Eymin, président de l’association Les Boîtes à Vélo – France, et dirigeant de Velab, une société de conseil et de solutions de cyclo-mobilité en entreprise, via essentiellement le vélo cargo.


Le coût du deux-roues
Alexis Angioletti, fondateur de Fleeter, spécialiste de la LLD de vélos et surtout de vélos cargos, abonde dans ce sens : « Des clients annoncent faire dix dépannages clients à vélo alors qu’ils n’en faisaient que la moitié en voiture. Exit aussi les amendes dont les tarifs ont augmenté en août 2021 à Paris, les bouchons et les recherches de stationnements car le vélo cargo peut se garer en bas des immeubles. Avec la possibilité prévoir ses trajets, ses heures de rendez-vous, le tout sans le stress inhérent à la conduite en voiture », énumère ce responsable.
Pour Alexis Angioletti, un vélo cargo à assistance électrique peut, aujourd’hui, se substituer à une camionnette, avec un prix de location divisé par dix. « Nous nous apercevons que ces vélos cargos électriques entrent dans le comparatif effectué par nos clients quand il s’agit de remplacer une fourgonnette. Cela est dû aux difficultés de circuler dans une agglomération comme Paris et aux subventions : 1 200 euros pour l’acquisition d’un vélo cargo d’environ 5 500 euros avec déduction fiscale de 25 % des dépenses liées aux vélos. Cela devient très intéressant, d’autant que l’autonomie de ces véhicules atteint 100 km et que l’on peut charger entre 100 et 250 kg de matériels. Bref, tout ce qui peut se mettre dans le coffre d’une Clio », décrit ce responsable. En soulignant, pour ces vélos cargos, l’intérêt des électriciens, plombiers, frigoristes, infirmiers et autres professions libérales.
Mais les deux-roues ne conviennent pas à tout le monde. Les freins sont nombreux, avec l’hiver au tout premier rang. Les cyclistes n’aiment pas la pluie, le vent, les frimas qui peuvent commencer en octobre et se terminer en avril. Le trajet est aussi plus simple à Nice qu’à Lille… Et des salariés ont une véritable appréhension à circuler en vélo. Avec ceux-là, difficile de miser sur le deux-roues.
Les limites du deux-roues
Ensuite, les vélos ne sont pas adaptés aux déplacements le week-end. Impossible par exemple de partir le dimanche à la plage avec sa famille, ni de faire ses courses le samedi matin. De nombreux loueurs imaginent alors coupler le vélo avec le prêt d’un véhicule thermique ou mieux électrique, et réserver les liaisons ville-ville au transport en commun ferroviaire.
Autre grande cause de la non-utilisation du vélo, la peur du changement. De nombreux responsables de parc ne veulent pas entendre parler des vélos car il est difficile pour eux de changer leurs habitudes. « Il y a chez eux un réel manque de connaissances », pointe Olivier Girault pour la société de transport Toutenvélo. La part du vélo n’atteindra donc pas des sommets mais il est possible de coupler des mobilités douces. Et les Pays-Bas ont réussi à faire qu’un quart (27 %) des trajets de leurs habitants se fassent en vélo.
Mais en termes de gestion de flotte, le vélo et les deux-roues ne devraient pas générer d’évolutions majeures. Tout ce qui est réalisé pour les voitures peut être dupliqué pour les deux-roues, tant avec la car policy (bike policy) que la maintenance préventive. Il faudra cependant porter une attention particulière aux stationnements destinés aux vélos, mais une place de voiture peut accueillir au moins trois vélos cargos.
Les équipements pour les conducteurs sont aussi à prévoir : casque et vêtement de pluie individuels. Attention : on peut aussi noter une pénurie importante de vélos, liée au succès de ce mode de déplacement. Il est donc important de s’appuyer sur plusieurs marques pour éviter des ruptures de stock. L’appareil de production des deux-roues se situe principalement en Asie et des difficultés d’approvisionnement sont à anticiper dans les deux prochaines années.
Quelques conseils pour commencer
Passer à la mobilité en vélo posera également la question du (bon) choix de l’engin. Le monde de la voiture est encadré par des normes de fabrication. La plus basique des voitures est totalement fiable. C’est moins vrai des deux-roues. Pour ne pas se tromper, il faudra s’appuyer sur des sites (velab.pro), des journaux (weelz.fr) qui feront office de guide dans le monde hétéroclite des deux-roues.
Le gestionnaire de flotte devra, enfin, impérativement organiser l’entretien des vélos avec une fréquence d’au moins deux fois par an. « Mais pour l’artisan qui roule régulièrement, ce sera une fois par trimestre et pour le coursier dont l’usage est intensif, ce sera une fois par mois. Le vélo doit donc être révisé tous les 1 000 à 1 500 km », conseille Mathieu Eymin de Velab. Tout cela a un coût. Velab commercialise des contrats d’entretien, hors pièces, à partir de 18 euros par mois pour un entretien semestriel, 29 euros pour un trimestriel et 44 euros pour un mensuel, le tout réalisé sur site. Et la plupart des loueurs organisent aussi des réparations de vélos et de la maintenance sur site. Faites vos comptes !
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