
Les collectivités locales sont de plus en plus nombreuses à s’interroger sur un recours éventuel au véhicule électrique. Celles qui ont franchi le pas mettent en avant un coût – entre 1,5 à 2,5 euros/100 km selon le modèle – et un entretien limités. Et le développement de flottes vertes destinées à l’interne (les agents) ou à l’externe (l’auto-partage) fait partie des schémas directeurs en matière de transport, au même titre que les réseaux de tramways, les parkings de stationnement en périphérie ou la mise à disposition de vélos…
Nice Côte d’Azur est une bonne illustration de cette offre complète de mobilité : la communauté urbaine a lancé...
Les collectivités locales sont de plus en plus nombreuses à s’interroger sur un recours éventuel au véhicule électrique. Celles qui ont franchi le pas mettent en avant un coût – entre 1,5 à 2,5 euros/100 km selon le modèle – et un entretien limités. Et le développement de flottes vertes destinées à l’interne (les agents) ou à l’externe (l’auto-partage) fait partie des schémas directeurs en matière de transport, au même titre que les réseaux de tramways, les parkings de stationnement en périphérie ou la mise à disposition de vélos…
Nice Côte d’Azur est une bonne illustration de cette offre complète de mobilité : la communauté urbaine a lancé en avril son service d’auto-partage électrique Autobleue. Celui-ci propose 900 vélos (Vélo Bleu), la gratuité des parkings pour les véhicules propres (électriques ou fonctionnant au biogaz), un système de parcs relais en périphérie de la ville (1 euro la journée, un aller-retour en tramway inclus), ainsi qu’un réseau de tramways et de bus roulant au GNV ou à l’éco#, un carburant à base d’huiles alimentaires usagés. « Ce volontarisme est nécessaire pour accompagner l’évolution des mentalités », indique-t-on à Nice Côte d’Azur.
Un enjeu écologique mais également économique
« L’éco-conduite permet de mettre sa pratique en adéquation avec les risques urbains et d’adopter une conduite plus souple afin d’économiser du carburant. » Jean-François Raynal, vice-président du conseil général des Yvelines.
Raisonnement identique à Angoulême : « C’est à la collectivité et à l’action publique d’anticiper ces évolutions et d’y répondre par des incitations, des impulsions et par une mobilisation de tous », soulignait le 23 septembre, lors de l’introduction des Rencontres de l’électromobilité, Philippe Lavaud, le maire d’Angoulême. Qui venait d’ailleurs d’inaugurer ses premières bornes de recharge électriques.
À La Rochelle, le concept est appliqué depuis plus d’une dizaine d’années : l’auto-partage électrique côtoie des bateaux-bus qui fonctionnent à l’électricité solaire, les systèmes d’accroche des vélos en libre-service sont aussi alimentés au solaire et une partie des bornes de recharge de l’agglomération sont proposées gratuitement aux usagers. « L’objectif est d’inciter à des comportements plus vertueux, à employer les transports en commun, le vélo, le covoiturage, l’autopartage, etc. L’agglomération et une vingtaine d’entreprises se sont engagées à réduire de 5 % l’utilisation de la voiture individuelle », précise Marie Santini, chef du service mobilité et transport pour l’agglomération.
Au-delà de l’exemplarité, Angoulême y voit un enjeu économique et industriel bien compris. Avec Schneider Electric, Saft, Leroy-Somer et plusieurs PME, la mécatronique, alliance de la mécanique, de l’électronique, de l’automatique et de l’information industrielle, reste, avec près de 6 500 emplois, le premier secteur industriel de l’agglomération. Quant au fabricant de la Mia (ex-Heuliez), il est installé dans une région Poitou-Charentes entrée dans le capital de Mia Electric à hauteur de 30 %. Et pour accélérer le développement de la filière, tout acheteur bénéficie d’une remise de 5 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique, grâce aux bonus conjugués de l’État et de la région.
Dans les Yvelines, les élus réfléchissent au futur de la vallée de l’automobile. « Nous disposons d’une ligne budgétaire de 3 millions d’euros pour participer au financement de projets de recherche et développement. C’est ainsi à Conflans- Sainte-Honorine qu’a été créé Muse, un petit véhicule électrique, utilisé actuellement par Chronopost à titre expérimental », explique Jean-François Raynal, vice-président du conseil général des Yvelines. Par ailleurs, la région et l’État veillent à l’avenir de Flins où Renault va notamment construire Zoé, l’un de ses modèles électriques.
Les collectivités, premiers testeurs de l’électrique
Rien d’étonnant non plus à ce que le projet Save (Seine Aval Véhicules Électriques), expérimentation basée sur une centaine de véhicules électriques, ait vu le jour dans cette région. Le conseil général et quatre communes (Poissy, Les Mureaux, Mantes, Conflans) y participent aux côtés de Renault, Nissan, EDF, Vinci Park ou Carrefour. Schneider Electric contribue à la réalisation des infrastructures de charge. Total installera des points de charge rapide dans ses stations-services et réfléchit à un autre système, encore plus rapide : l’échange standard d’une batterie déchargée contre une pleine.
« Dans le cadre d’un partenariat avec EDF et Renault, sept Fluence Z.E. ont été mises à disposition des directeurs des territoires sociaux qui peuvent les recharger à domicile et sur leur lieu de travail. Poissy a commandé un Kangoo Z.E. et d’autres communes suivent », relate Jean-François Raynal. L’objectif : faire remonter des données comme le nombre de recharges, de kilomètres effectués entre deux recharges, etc. afin d’analyser le modèle économique de la filière électrique, d’abord à l’échelle des collectivités territoriales, puis avec les particuliers. La collectivité joue donc un rôle de testeur. Un projet similaire à SAVE a démarré dans la communauté d’agglomération de Rouen. L’incitation économique est aussi forte en Moselle, pays de la smart. Deux projets expérimentaux sont en cours, le projet « Kléber » à Strasbourg et un deuxième piloté par le conseil général de Moselle, autour d’un programme franco-allemand.
Attendre des versions plus abouties ou se lancer ?
Il y a de fait une différence entre les collectivités en pointe depuis plusieurs années et celles qui se lancent aujourd’hui dans la mêlée. Mais si Angoulême achète des Mia et Paris lance son réseau d’autopartage électrique avec ses « bluecar », Strasbourg, une pionnière, préfère attendre. Son réseau d’auto-partage Auto’trement, a été créé en 2000 et propose 85 voitures dont des Prius. Mais Benoît Weinling, responsable du parc, se veut aussi « prudent » pour les véhicules de la ville et de la communauté urbaine. « Nous ne sommes pas encore convaincus, note-t-il. Nous attendons les propositions de l’Ugap et restons attentifs à toutes les expérimentations en cours. »
Le parc de Strasbourg comprend 450 VP et VUL dont 250 véhicules propres : 59 berlines et fourgonnettes roulant au GPL, 149 au GNV, quelques Goupil « qui fonctionnent très bien », des Partner électriques et cinq Prius. « Le GPL et le GNV ont l’avantage de ne produire quasiment aucun oxyde d’azote mais les émissions de CO2 sont équivalentes au diesel. Pour le diesel, nous employons un biocarburant diester contenant 70 % de diesel et 30 % d’esters méthyliques », ajoute-t-il. Pour le prochain renouvellement de véhicules effectuant de petits trajets, Benoît Weinling mise donc encore sur des 107 essence « qui émettent peu de CO2 et moins d’oxyde d’azote que le diesel. En outre, les moteurs s’encrassent moins vite et la durée de vie est donc plus longue. »
Des collectivités enthousiastes mais très prudentes
» Nice Côte d’Azur propose une offre complète de mobilité, avec l’auto-partage électrique Autobleue, un système de parcs relais en périphérie, ainsi qu’un réseau de tramways et de bus roulant notamment au GNV. » Benoît Weinling, responsable du parc, ville et communauté urbaine de Strasbourg
À Bourges, la prudence est aussi de mise. La flotte de la ville est « propre » à 40 % : sur 23 berlines, quatre sont électriques, deux hybrides, quatre au GPL et une au GNV. Parmi les 76 VUL, seuls deux sont électriques, trente roulent au GNV et un au GPL. « Nous avons décidé de geler l’achat de modèles électriques jusqu’à fin 2012, en raison notamment du manque de fiabilité et d’une autonomie plafonnée à 80 km pour les VUL disponibles jusqu’ici. Pour l’instant, nous gardons nos véhicules au GNV pour lesquels nous avons investi dans une citerne, et ceux au GPL qui font le plein chez Total. Cependant, l’achat de scooters électriques pour la flotte a été une vraie réussite », détaille Philippe Bensac, maire-adjoint de Bourges chargé des nouvelles technologies.
Les Yvelines s’engagent aussi à très petits pas ; le parc regroupe les véhicules de la direction départementale de l’équipement et ceux de la région, soit environ 550 véhicules légers, dont une centaine d’utilitaires de type Kangoo, Berlingo, Master ou Boxer, des berlines et de plus petits véhicules comme des Clio, roulant en majorité au GPL. 200 véhicules sont aussi de type hybride GPL-essence, un choix conforté lors du récent renouvellement de 44 véhicules, des Clio bicarburation GPL-essence. « Nous attendons avec impatience la sortie du premier moteur hybride électrique-diesel de la 3008. Notre seule expérience du toutélectrique a été désastreuse avec un Renault Express qui est plus souvent en panne que sur la route. Nous comptons commander deux véhicules électriques nouvelle génération en 2012, puis nous continuerons en fonction de l’évolution des techniques et des infrastructures », souligne Jean-François Raynal.
L’équipement de la collectivité va souvent de pair avec le démarrage d’un service d’auto-partage de voitures électriques, afin de mutualiser l’installation de bornes et l’achat de véhicules. À Angoulême, l’auto-partage est lancé parallèlement à l’équipement de la flotte de la collectivité. Nice a lancé Autobleue et prévoit de passer 20 % du parc de la collectivité à l’électrique. Onze Mia ont été mises à disposition des agents dans des pools partagés entre la ville et la communauté urbaine, quatorze scooters électriques ont rejoint la flotte, et autant de modèles de type « Goupil ».
L’auto-partage : un moteur pour le véhicule électrique
« L’objectif est de passer sous la moyenne de 110 g/km de CO2 par véhicule alors que nous sommes aujourd’hui à 130 g sur le parc des VP. 40 % des véhicules utilisent déjà le GPL : s’ils réduisent d’autres types d’émissions, ils ne sont pas les plus performants sur le CO2. Le choix s’est donc naturellement porté sur l’électrique », rapporte-t-on chez Nice Côte d’Azur qui diminue aussi le nombre de VP et de segments pour l’administration. De son côté, La Rochelle renouvelle en un an la totalité du parc d’auto-partage Yélomobile. Exploité par Veolia Transport, il était composé en début d’année de 50 Saxo et 106 véhicules électriques acquis en 1999, date du démarrage du réseau, le premier en France. « Ils sont remplacés par 30 C-Zéro qui ont rejoint Yélomobile depuis juin et 20 Mia, attendues prochainement. Depuis l’arrivée des C-Zéro, nous notons une augmentation du recours à l’auto-partage », constate Marie Santini.
Trouver un juste partage entre collectivités et secteur privé
Avec une autonomie de 80 km contre 130 pour les C-Zéro et 120 pour les Mia, ces anciens véhicules auront une seconde vie au sein du parc des collectivités. « Ils seront très utiles pour les petits trajets. Actuellement, nous avons 200 véhicules électriques à la ville et huit à l’agglomération », ajoute Marie Santini. Les agents devront donc attendre avant d’utiliser les Mia, C-Zéro, Fluence et autres nouveautés, sur les sites de la ville ou de l’agglomération. « Mais Yélomobile, auquel nous sommes abonnés, est employé en complément par les agents », complète Marie Santini.
Bourges, qui préfère observer le développement de l’électrique chez les collectivités voisines, après de mauvaises expériences, a mis en attente son projet d’auto-partage. « Nous le démarrerons uniquement sur une base électrique », explique Philippe Bensac. Qui évoque aussi une autre raison : « Nous sommes là pour faciliter ce développement mais non pour aller plus vite que la musique. Nous acceptons de mettre gratuitement à disposition d’un partenaire privé des espaces publics pour les bornes de recharge et les véhicules destinés aux usagers, mais il n’est pas question de financer ces investissements sur les deniers publics. C’est aux constructeurs de véhicules de mailler le territoire en bornes. C’est au privé de mettre en place un réseau d’auto-partage. C’est une question d’éthique. » Une ligne de partage franche existe ainsi entre les collectivités qui attendent les propositions du privé et celles qui acceptent de financer un réseau de bornes, avec des aides de l’État.
« À Strasbourg, nous avons réussi à baisser le nombre de véhicules, notamment celui des petites berlines, avec l’auto-partage et la mise en pool. Il n’y a qu’une vingtaine de véhicules attribués individuellement avec autorisation de remisage. Certes, des véhicules de service, par exemple ceux utilisés par les conducteurs de travaux, ne servent quasiment qu’à une seule personne. Mais hors période d’astreinte, les agents n’ont pas le droit de rentrer avec le véhicule au domicile, explique Benoît Weinling. Nous avons même envisagé de mutualiser les moyens entre la société d’autopartage Auto’trement et la collectivité. Les agents peuvent donc employer les véhicules de l’auto-partage. Ceux qui s’en servent, et c’est utile sur certains sites, ont un badge d’accès. En revanche, il ne nous paraissait pas envisageable de laisser les usagers recourir aux véhicules de la collectivité », précise-t-il.
Pools, mutualisation : vers la fin du véhicule individuel
Dans cet objectif de rationalisation, Nice, après avoir mutualisé les parcs de la ville et de la communauté urbaine, soit 1 600 modèles de tous types (dont 500 VP), procède à un retrait progressif des véhicules spécialement affectés dans les services administratifs au profit d’un fonctionnement en libre-service. « Depuis le 1er mars 2011, les cinq premières voitures partagées ont permis de réduire la flotte de quinze véhicules », avance la communauté urbaine. Quatre sites disposent désormais de véhicules en pool et la collectivité a sondé les utilisateurs : 78 % sont satisfaits. À la Rochelle, la mutualisation des véhicules de la ville et de l’agglomération est à l’étude. « La mise en pool va à l’encontre des habitudes mais nous remarquons que les plus jeunes s’étonnent que cela ne soit pas encore généralisé », pointe Marie Santini qui exhibe la nouvelle carte d’abonnement multi-transports Yélo. « Je choisis mes abonnements et mes trajets quand je recharge la carte. Je peux choisir du bus et du bateau, un abonnement vélo, etc. », énumère-t-elle. Un modèle à suivre.
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