La vertu écologique continue d’être récompensée dans les parcs automobiles où elle sous-tend l’optimisation des coûts. La dynamique n’est plus nouvelle, initiée lors de la reformulation de la fiscalité du véhicule d’entreprise sur la base des émissions de CO2. Mais elle est plus que jamais d’actualité car la performance environnementale est désormais centrale dans la concurrence que se livrent les constructeurs, par nouveaux modèles interposés. Et au fil des renouvellements, l’impact sur le taux moyen d’émissions des flottes devient très probant.
C’est le cas pour Legrand et son parc de 600 véhicules en France : sa moyenne d’émissions...
La vertu écologique continue d’être récompensée dans les parcs automobiles où elle sous-tend l’optimisation des coûts. La dynamique n’est plus nouvelle, initiée lors de la reformulation de la fiscalité du véhicule d’entreprise sur la base des émissions de CO2. Mais elle est plus que jamais d’actualité car la performance environnementale est désormais centrale dans la concurrence que se livrent les constructeurs, par nouveaux modèles interposés. Et au fil des renouvellements, l’impact sur le taux moyen d’émissions des flottes devient très probant.
C’est le cas pour Legrand et son parc de 600 véhicules en France : sa moyenne d’émissions n’avait diminué que de 3 g entre 2006 et 2009, passant de 137 à 134 g de CO2/km, avant de descendre à 123 g au fil des deux années suivantes. « Il faut préciser que la flotte était plutôt vertueuse au départ, mais surtout qu’il a fallu attendre 2010 pour voir certains constructeurs commercialiser des modèles permettant un véritable décrochage en termes d’émissions », indique Frédéric Lebrault, l’acheteur leader qui couvre le dossier automobile chez le spécialiste des équipements électriques. Il peut d’ailleurs anticiper une accentuation de la baisse, vu que les véhicules actuellement proposés aux collaborateurs affichent une moyenne de 101 g. Mécaniquement, cette limitation du grammage de CO2 des moteurs s’accompagne d’une moindre consommation, d’où un double avantage économique : la réduction de la facture fiscale et celle des dépenses en carburant. C’est l’un des fondements de l’analyse des véhicules en coût total de détention (TCO, pour Total Cost of Ownership), qui se généralise sous la gouvernance des acheteurs.
Les acheteurs consacrent l’approche en TCO
Pour en illustrer la pertinence, Frédéric Lebrault prend l’exemple des véhicules destinés aux commerciaux confirmés de Legrand, soit plus de la moitié de sa flotte hexagonale : « Ces collaborateurs ont le choix entre une berline, un break et un monospace, et les trois modèles de 2009 affichaient un prix catalogue moyen de 23 000 euros, contre 27 000 maintenant. Malgré cette augmentation de 17 %, qui traduit surtout un meilleur équipement, leur TCO sur l’ensemble du contrat de LLD s’annonce en recul de plus de 7 %. Le tout avec des émissions respectives de 98, 90 et 105 g, contre 120, 129 et 137 g à l’époque », se félicite-t-il. Surtout qu’il en va de même dans d’autres catégories de la flotte.
À la Société Générale, la démarche repose sur des fondamentaux semblables, formalisés courant 2009 dans le programme New Car Solution (NCS). « À l’origine, il s’agit d’une initiative des achats visant à optimiser les frais généraux, gérée en mode projet en y associant les fonctions RH, finances et RSE (responsabilité sociale et environnementale), et les différents métiers. Croiser ces regards a rapidement conduit à inscrire le projet dans la démarche environnementale de l’entreprise, dont le plan Carbone lancé en 2007 », retrace Damien Feld, acheteur voyages du Groupe Société Générale, en charge d’une flotte de 7 500 véhicules, dont 3 500 en France.
Le programme NCS s’est appliqué dès 2010 à la flotte hexagonale, et l’année suivante au reste du monde. Et il ne cesse d’évoluer : quatre mois de travail ont été consacrés à sa mise à jour annuelle, fin 2011, afin d’aller plus loin dans la baisse conjuguée des coûts et du CO2 émis. En France, la moyenne d’émissions des véhicules mis à la route est passée de 114 g la première année à 102 g en 2011, puis 94 g pour 2012. « Et nombre des 900 renouvellements programmés cette année concerneront le segment B, majoritaire et pour lequel nous avons référencé une Seat Ibiza annonçant 89 g », note Damien Feld. Le tout sans perdre le fil de l’objectif achats initial : les deux années de pleine application de NCS dans l’Hexagone ont généré une économie de l’ordre de 30 %, en raisonnant en TCO moyen par véhicule et en intégrant l’effet d’un allongement des contrats à 48 mois, et parfois plus.
Chez Legrand comme à la Société Générale, la diminution des émissions de la flotte n’est pas un bonus, un à-côté positif de la politique de réduction des coûts. Et vice-versa. C’est justement dans l’imbrication des enjeux que réside la maturité de leur démarche d’optimisation. Or ce type d’approche n’est plus l’apanage des grands groupes et de leurs acheteurs, ni réservée aux flottes de plusieurs centaines ou milliers de véhicules.
La démarche automobile a ainsi évolué chez Kinnarps France, dont le parc compte 64 voitures pour le double de salariés. « Il y a 18 mois, nous avons voulu rompre avec un fonctionnement et des accords qui nous obligeaient à en rabattre sur les équipements pour ne pas voir le budget augmenter d’année en année. Or la flotte constitue notre troisième poste de dépenses après le déplacement d’affaires et l’immobilier, soit environ 180 000 euros annuels, carburant compris », précise Stéphane Fouillard, le directeur financier de ce spécialiste suédois du mobilier d’entreprise.
Les PME savent aussi optimiser leur parc
La remise à plat a notamment reposé sur la sélection d’un nouveau loueur, en l’occurrence ING Car Lease, depuis fusionné avec Alphabet. L’attention de Stéphane Fouillard avait surtout été retenue par leurs grilles de flexibilité pour optimiser les contrats et les loyers selon l’utilisation réelle de chaque véhicule. Une formule jusque-là plutôt déployée dans les grandes entreprises et qui participait de la montée en maturité de Kinnarps France.
Chez Kinnarps, la filiale hexagonale aura été la première à formaliser une véritable car policy, avec une sélection des véhicules qui tient compte aussi bien du loyer que des émissions de CO2. « L’approche s’est rationalisée, mais la flotte ne comptait déjà plus de 4×4, de moteurs 5 cylindres voire de V6, comme il y a quelques années, relate Stéphane Fouillard. Aujourd’hui, la norme est de 4 cylindres pour 2 litres maximum, mais il y a surtout un plafonnement des émissions pour chacune des quatre catégories. Et les seuils ont déjà reculé de 5 à 10 g dans la deuxième mouture, pour 2012 », ajoute-t-il.
Certains choix de véhicules ont conduit à améliorer les équipements… sans corser la facture. « La proposition commerciale de Volkswagen a amené à intégrer plusieurs de ses modèles. Chez Renault, c’est moins le prix de base que ses 90 g d’émissions de CO2 qui ont plaidé pour la nouvelle Mégane Business. Sans oublier les Audi et Volvo référencées pour l’encadrement et la direction », poursuit Stéphane Fouillard.
Une diminution parallèle du TCO et des émissions
Et le volet écologique s’est surtout renforcé mi-2011 : la trentaine de véhicules mis à la route avec Alphabet s’inscrivent dans le programme Ecofleet qui assure la compensation carbone de leurs émissions.
D’une démarche à l’autre, l’enjeu reste de choisir des véhicules particulièrement performants sous l’angle du CO2. Et souvent de limiter la latitude de choix côté collaborateurs, voire de la supprimer. C’est d’autant plus vrai dans les grandes flottes où la concentration des commandes sur quelques modèles aide les acheteurs à négocier des remises significatives. À la Société Générale, par exemple, le programme NCS a rationalisé la car policy et les besoins se répartissent désormais entre les segments B, M1 et M2.
Actuellement, seuls sept modèles sont proposés aux différentes catégories de collaborateurs du groupe bancaire, sans compter le VU Kangoo (thermique ou électrique) et les véhicules relevant de l’auto-partage. « La clé de l’optimisation économique et écologique réside dans le bon choix des véhicules référencés. Et les émissions sont le premier critère pour établir une “short-list“, en amont de la négociation à proprement parler », confirme Damien Feld. Ce qui a d’ailleurs amené la Société Générale à faire évoluer son approche des relations constructeurs.
Le principe est identique chez Legrand, à ceci près que depuis l’an dernier, la sélection des modèles est réexaminée et susceptible d’évoluer tous les trimestres. « Il s’agit d’intégrer le plus rapidement possible les véhicules affichant de moindres émissions, étant donné l’intérêt qu’ils présentent en TCO, explique Frédéric Lebrault. Mais cela répond aussi, côté constructeurs, à l’accélération des sorties de véhicules et des évolutions de prix catalogue, qui ne sont plus concentrées à un ou deux moments de l’année, comme auparavant ».
Le CO2 en tête des critères de choix des modèles
Dernièrement, dans le catalogue de Legrand, la Peugeot 208 a ainsi remplacé la Citroën C3 comme modèle de référence pour les quelques voitures de services et pour les commerciaux juniors. « Malgré un prix catalogue un peu supérieur, son TCO est compétitif grâce à de moindres émissions et une faible consommation », reprend Frédéric Lebrault. Ce véritable management du catalogue sur la base d’émissions théoriques n’empêche pas Legrand d’explorer des pistes d’amélioration économique et écologique plus opérationnelles. En déployant notamment un nouvel outil de gestion de parc qui devrait fiabiliser le suivi des consommations de carburant véhicule par véhicule, ou conducteur par conducteur.
Quel que soit l’intérêt d’autres indicateurs, la question des émissions de CO2 reste indétrônable dans les démarches d’optimisation. Il faut dire que c’est à la fois une donnée qui peut caractériser la performance théorique d’un véhicule ou d’un parc ; mais c’est aussi un outil pour mettre en marche une dynamique d’optimisation et en assurer le suivi. « En tant que tel, le taux moyen d’émissions d’un véhicule n’a pourtant guère de sens, sans indication sur l’usage effectif qui en est fait. Si ce critère est devenu la pierre angulaire des démarches d’optimisation économique et environnementale, c’est surtout qu’il a été adopté par l’ensemble du marché : tous les véhicules sont évalués sous cet angle et selon une méthodologie qui rend possible la comparaison de l’un à l’autre. Sans parler de l’avantage de sa simplicité », relève Marc Thiollier, secrétaire général d’Accenture France, Benelux et Île Maurice. Comme les autres, le cabinet de conseil mène une politique d’optimisation articulée sous l’angle du CO2, quitte à ajouter quelques variantes. « L’idée est de retenir des véhicules qui se distinguent vraiment en termes de vertu écologique, et non de mécaniquement pousser au choix de véhicules plus petits, qui in fine ne satisferont plus les besoins des collaborateurs, entre autres pour transporter leur famille », détaille Marc Thiollier.
Accenture mise sur des choix multicritères pour sa flotte
« En effet, le risque est de tomber dans l’effet inverse, avec la nécessité d’avoir deux véhicules, note-t-il. Du coup, nous prenons aussi en compte le nombre de places dans le véhicule pour pondérer le grammage respectif d’un monospace qui affiche 120 g et d’une deux portes au-dessous de 100 g. » Dans le même esprit, Accenture renforce le mécanisme du bonus-malus : le choix d’un véhicule assorti d’un bonus donne lieu à un abondement de l’entreprise qui améliore le loyer et accroît le niveau d’équipements.
Ce type de variations sur le thème du CO2 participe aussi de la maturité d’une entreprise dans son approche environnementale. Et l’engagement est flagrant quand la formule implique un surcoût, comme chez Kinnarps France, où le programme Ecofleet de compensation des émissions de CO2 renchérit la LLD de 1,2 à 1,5 %. « Reste qu’une telle initiative a d’autant plus de sens si on la fait valoir, en interne comme dans les relations avec ses partenaires ou ses clients », admet Stéphane Fouillard. Et pas seulement sous la forme d’autocollants arborés sur le pare-brise arrière des véhicules. « Kinnarps France est signataire de l’accord Global Compact et mentionne sa politique automobile dans le référentiel d’actions mises en œuvre. Idem pour le volet Ecofleet qui a été intégré dans les indicateurs suivis dans le cadre de notre certification ISO 14001, à l’occasion de son renouvellement en 2011 », ajoute-t-il.
La flotte verte comme axe de communication
Bien que les entreprises ne conjuguent pas toujours de la même façon les enjeux économique et écologique de la flotte, on ne peut que souligner la rapidité avec laquelle la grande majorité d’entre elles se sont emparées du sujet. Feuilleter un magazine de 2010 ou parcourir la fiche produit d’un véhicule lancé l’année précédente, donnent la mesure du chemin parcouru par l’écosystème que constituent les constructeurs et leurs clients. Dans l’intervalle, nombre de taux d’émissions de CO2 sont passés de trois à deux chiffres.
Directions des achats : des car policies vertes qui s'adaptent au marché
- Directions des achats : des car policies vertes qui s’adaptent au marché
- « Approfondir le TCO pour aller plus loin dans l’optimisation » : Frédéric Lebrault, Legrand
- « Jusqu’à la compensation des émissions de la flotte » : Stéphane Fouillard, Kinnarps France
- La Société Générale ménage ses relations constructeurs