
Diminuer ses émissions de CO2 ? Optimiser les coûts ? Les deux simultanément ? Il n’y a guère d’entreprises où l’une ou l’autre de ces ambitions ne soit à l’oeuvre. Les intentions sont quasi universelles mais chaque mise en musique est particulière : selon la taille du parc, la typologie des usages, les contraintes RH, le mode de gestion, etc. Sans compter que chaque flotte à un historique propre, et l’entreprise un passif de relations avec tel ou tel loueur, ce constructeur plutôt qu’un autre. Mais s’il n’existe pas deux démarches d’optimisation achats identiques, toutes font du critère CO2 leur pierre angulaire.
Chez Axa, comme dans nombre...
Diminuer ses émissions de CO2 ? Optimiser les coûts ? Les deux simultanément ? Il n’y a guère d’entreprises où l’une ou l’autre de ces ambitions ne soit à l’oeuvre. Les intentions sont quasi universelles mais chaque mise en musique est particulière : selon la taille du parc, la typologie des usages, les contraintes RH, le mode de gestion, etc. Sans compter que chaque flotte à un historique propre, et l’entreprise un passif de relations avec tel ou tel loueur, ce constructeur plutôt qu’un autre. Mais s’il n’existe pas deux démarches d’optimisation achats identiques, toutes font du critère CO2 leur pierre angulaire.
Chez Axa, comme dans nombre de grands groupes, l’actuel programme d’optimisation piloté par les achats s’inscrit dans un plan global de diminution des émissions de CO2. « Le nouvel objectif formalisé en 2010 vise à réduire l’ensemble des émissions de 15 % d’ici 2015. Il a été fixé par le département Responsabilité d’entreprise, qui a traduit cet engagement général pour trois familles d’achats : la flotte doit tenir les – 15 %, le volet voyages d’affaires aller jusqu’à – 20 %, et les bâtiments visent – 30 % », retrace Emmanuel Autem, directeur des achats en charge des frais généraux de l’assureur. Le projet concerne une flotte de plus de 10 000 véhicules répartis dans une vingtaine de pays, dont près de 3 300 en France. « Cet objectif de baisse du CO2 constitue l’opportunité d’instaurer plus de contrôle dans la gestion du véhicule et d’approfondir l’optimisation des coûts, car les deux vont dans le même sens », ajoute Julie Rozanes, l’acheteuse leader sur les flottes. Un dossier qui approche les 85 millions d’euros, carburant compris.
Tenir compte des disparités en interne
« En pratique, nous avons défini des plafonds d’émissions à l’échelle internationale, avec la contrainte d’états des lieux très disparates selon les pays, et deux types très différents de population. Les collaborateurs d’Axa verront surtout leur choix de véhicules plus encadré qu’auparavant. Enfin, deux appels d’offres ont remis à plat les relations avec les constructeurs comme avec les loueurs, avec des critères environnementaux dans chaque évaluation ».
Question de taille sans doute, la démarche de Vivarte semble en tout point opposée : pas de plan CO2 général, ni d’objectif formalisé de réduction dès l’amont, faute de réelle visibilité sur les émissions de départ. Et là où Axa peinait à régler en central des plafonds assurant un pilotage concret des émissions, le groupe multi-enseignes spécialiste de l’équipement de la personne a pu programmer dans le détail l’évolution du profil CO2 des 275 véhicules de sa flotte.
Responsable des achats non marchands de Vivarte, et directrice du développement durable depuis un an, Catherine Etter remet la démarche dans son contexte : « Les achats ont investi le sujet à leur création en 2008. L’optique était économique et nous avions été sensibilisés à l’approche TCO, impliquant de dépasser le seul loyer pour valoriser la TVS, le bonusmalus, la consommation de carburant, etc. Autant d’éléments avec une dimension environnementale, et qui sont devenus centraux lorsque s’est greffée une optique développement durable en 2009 », relate-t-elle. Pour remettre à plat ce dossier de 2 millions d’euros, les achats ont d’abord recalé les couples durée/km en cours et négocié des grilles de fluidité avec les deux loueurs en place.
« Parallèlement, achats et services généraux ont revu les catégories structurant la car policy : une nouvelle a été ajoutée aux deux existantes pour mieux tenir compte des différences de kilométrage parcouru ou de standing, précise Florian Lambolez, l’acheteur hors production à la manoeuvre chez Vivarte. Nous voulions ensuite revoir nos choix de véhicules, pour la première fois en lien direct avec les constructeurs. Le niveau d’émissions de CO2 était essentiel dans une optique TCO et Arval nous a vraiment épaulés : à la fois pour évaluer le coût complet de chaque véhicule proposé, mais aussi pour bâtir le scénario d’optimisation environnementale de l’ensemble de la flotte ». L’évolution a été modélisée et mise en tableau. On y constate ainsi que les deux premières catégories seront intégralement passées sous les 120 g d’ici fin 2011. Et ce devrait être vrai de l’ensemble de la flotte en 2014.
Aux Laboratoires Boiron, la taille de la flotte, la dichotomie des usages ou le budget sont très similaires à ceux de Vivarte. Et l’optique environnementale s’est également mise en place en 2009, à l’occasion d’un nouveau regard achats sur les 265 véhicules. Mais la démarche semble plus pragmatique. « L’optimisation économique et écologique implique une réévaluation régulière des règles et de la sélection de véhicules », note Éloïse Manfredi, l’acheteuse en charge du dossier. Comme chaque année avant l’été, elle entame cette mise à jour avec le gestionnaire de flotte.
Des particules pas si élémentaires
Tour le monde structure ses objectifs environnementaux autour des émissions de CO2 mais il est légitime d’envisager la pertinence d’autres critères. « Ne se trompe-t-on pas de cible ?, s’interroge à voix haute Emmanuel Autem, d’Axa. Les motorisations diesel qui dominent sans partage dans les flottes ne sont pas si vertueuses quant aux émissions de particules ou d’oxyde d’azote. Or, les enjeux de santé publique sont peut-être plutôt de ce côté que de celui du CO2 qui concerne surtout l’effet de serre et le réchauffement climatique ». Et d’ajouter que ces questions sont abordées de façon très différente outre-Atlantique où règnent a contrario les motorisations essence. L’évaluation en CO2 des véhicules y est même assez difficile à obtenir. « Lorsque j’ai soulevé le sujet du CO2 lors d’un rendez-vous chez Ford aux États-Unis, il y a eu un blanc dans la discussion, assure en écho une acheteuse en charge du volet constructeurs dans une multinationale. L’échange s’est d’ailleurs poursuivi sur une piste assez inédite en Europe : le poids des véhicules. Un paramètre sur lequel ils travaillent sur fond d’augmentation des tarifs du carburant ».
Chez Boiron, le volontarisme est en action
L’évolution de la flotte chez Boiron ne s’inscrit pas dans un programme formel d’achats durables ou environnementaux. Éloïse Manfredi fait plutôt valoir sa propre fibre écologique, ici d’autant plus légitime qu’elle va de pair avec la réduction des coûts. « C’est aussi en totale adéquation avec le positionnement de l’entreprise comme leader de l’homéopathie, sans compter qu’il s’agit d’un angle favorable pour étayer l’évolution des pratiques internes, avec une car policy plus encadrée », assure-t-elle.
Dans les faits, la démarche tient du défi, tâchant de ne retenir que des véhicules assortis d’un bonus écologique. « Mais la bonification économique passe surtout par la TVS », complète-t-elle. Les règles et les ambitions sont revues d’une année sur l’autre pour accompagner l’évolution du cadre réglementaire et profiter au mieux de l’évolution de l’offre de véhicules. Les seuils d’abord fixés à 130-135-140 g avaient convergé à 125 g pour les deux premiers en 2010. Et Éloïse Manfredi compte tenter de bâtir le prochain catalogue en baissant cette limite à 120 g.
La fiscalité, un aiguillon efficace de l’écologie
La fiscalité du véhicule d’entreprises pousse de fait au défi de la diminution des émissions, en ayant multiplié les tranches de CO2 et les effets de seuil, et en les corsant au fil du temps. Il faut reconnaître le rôle clé de la réforme de la TVS (taxe sur les véhicules des sociétés), inscrite dans la loi de finances 2006, et du bonus-malus introduit l’année suivante.
« Le principe était assez similaire dans le système précédent, bâti sur la puissance, mais la transcription de la fiscalité sous l’angle du CO2 a enclenché une véritable dynamique », confirme Jean- Loup Savigny, directeur commercial et marketing d’Arval France. D’une part, les entreprises ont un clair intérêt économique à jouer le jeu, mais les constructeurs ont surtout répondu présent, bien que tous n’aient pas eu la même réactivité pour proposer des véhicules plus vertueux dans toute la gamme. L’offre est désormais concurrentielle sur les segments intermédiaires, le coeur de cible des flottes, avec des émissions entre 120 et 130 g. Début 2011, plus de 90 % des mises à la route d’Arval recouvraient ainsi des véhicules assortis d’un taux inférieur à 140 g.
Approche globale oblige, la lecture des enjeux sous l’angle CO2 a l’avantage de la simplicité, estime-t-on chez Axa. « Sur le volet motorisations, nous faisons toutefois des recommandations, étant donné l’impact sur les émissions ou sur la valeur de revente du véhicule, soit doublement sur son TCO », ajoute Julie Rozanes. Un maximum d’éléments sont en fait synthétisés via l’approche croisant CO2 et TCO, que les acheteurs tendent à imposer partout. Mais la vision en coût total n’est pas tributaire d’un dispositif fiscal tel qu’il existe en France, qui reste l’exception. « L’approche TCO est en vigueur partout où nos véhicules relèvent de la location longue durée telle qu’on la connaît chez nous, soit plus de 90 % de la flotte », poursuit Julie Rozanes pour le groupe d’assurances.
Les Laboratoires Boiron ont retenu d’autres critères pour sélectionner les véhicules proposés aux collaborateurs. « Même si tout est très lié, nous avons mis un plafond de consommation pour nos trois catégories, soit 4,5, 5 et 5,5 l/100 km. Quant aux motorisations, on peut considérer comme un critère la volonté de proposer chaque modèle dans deux versions », avance Éloïse Manfredi. Dans de rares cas, il arrive qu’un véhicule ne soit retenu qu’en version 90 ch, sa version 110 ch étant disqualifiée par le plafond de CO2.
Chaque année en juillet, l’acheteuse de Boiron et le gestionnaire de flotte étudient l’opportunité de corser les critères, puis les appliquent pour retenir jusqu’à une dizaine de véhicules dans chaque catégorie – avec plusieurs modèles et finitions, pour des usages diversifiés. « Notre horizon de constructeurs s’est un peu ouvert, même s’il reste européen, avec les trois marques françaises et une allemande au catalogue, reprend Éloïse Manfredi. Mais nous n’avons pas de relations très formalisées avec eux, sauf à surveiller régulièrement l’évolution des prix qui ne suit plus un calendrier semestriel comme auparavant ».
Savoir attirer les constructeurs
Pendant longtemps chez Vivarte, il n’y a guère eu non plus de relations en direct avec les constructeurs. « Sauf pour négocier à l’occasion de commandes simultanées, croit savoir Florian Lambolez. Un dialogue s’est engagé en 2009, notamment pour exposer notre volonté de travailler sur les taux d’émissions. Et pour ne plus seulement s’en remettre aux loueurs sur le sujet ». Mais quelle écoute escompter des huit constructeurs contactés, avec moins de 100 commandes annuelles ? « Ceux qui ont prêté l’oreille sont surtout étrangers, dont certains plutôt en avance sur des motorisations performantes et vertueuses en CO2 », remarque-t-il.
D’année en année, Vivarte, réduit les émissions de CO2 des véhicules de sa flotte. En 2011, 92 % du parc devraient se situer sous les 140 g, soit en zone neutre du bonus-malus et avec une TVS à 5 euros/g.
L’intérêt de relations structurées avec les constructeurs tombe en revanche sous le sens chez Axa, la taille faisant encore une fois la différence. « Mais cette optique est récente, notre démarche d’optimisation reposant justement sur la sortie d’un pur modèle “user-chooser“ : un peu plus d’encadrement permet de massifier la relation avec une poignée de constructeurs référencés », indique Julie Rozanes. Ainsi, la sélection des modèles peut se borner à un critère CO2 chez Axa… car toute une batterie d’autres critères a déjà été mise en oeuvre dans l’appel d’offres constructeurs mené en 2010. Parmi eux, la sécurité des véhicules, le grammage moyen de la gamme, la pertinence des programmes de réduction des émissions. Voire les services d’éco-conduite maison ou ceux explorant de nouvelles pistes de mobilité.
Des offres constructeurs pas toujours très lisibles
Mais si les initiatives sont nombreuses et variées chez les constructeurs, ce n’est pas sans corser l’exercice pour les achats. « Sur les différents marchés, Ils proposent des véhicules qui correspondent aux attentes locales, et il est difficile de décrypter leurs stratégie de distribution, remarque la responsable des achats d’une multinationale, en charge du volet constructeurs à l’échelle globale. Une innovation destinée à faire reculer la consommation sera proposée dans un pays, pas dans l’autre. Idem pour les motorisations les plus vertueuses en CO2 ». Cela devient même de plus en plus complexe à suivre depuis deux à trois ans, avec la multiplication des pistes environnementales.
Chez Boiron, Éloïse Manfredi surveille évidemment les diverses initiatives côté fournisseurs. Elle a même essayé d’associer le laboratoire au projet SAVE, deux collaborateurs voulant s’engager dans une expérimentation de véhicules électriques. Une demande à laquelle le constructeur n’a pu répondre.
Pour sa part, c’est Boiron qui n’a pas donné suite à la proposition du loueur d’ING Car Lease de s’engager dans la compensation des émissions carbone de la flotte. « Nous étions alors en appels d’offres pour désigner un second loueur, et ils ont été les seuls à nous proposer ce service, plutôt différenciant, se souvient Éloïse Manfredi. Le principe nous a intéressés mais n’aurait concerné qu’une partie de la flotte, et le léger surcoût aurait introduit un biais dans la mise en concurrence régulière avec l’autre loueur. Sans compter que la mise à la route par l’un ou l’autre des loueurs n’aurait plus été indifférente à certains collaborateurs, très engagés sur le plan environnemental ». Ce qui n’a pas empêché ING Car Lease d’être retenu, au contraire. Et Boiron n’a pas abandonné l’idée de la compensation carbone, mais à une plus vaste échelle que la flotte.
Le CO2, critère central de sélection
Au-delà des produits et services proposés par les constructeurs et les loueurs, Axa a fait même fait évaluer par Ecovadis, un prestataire spécialisé, leur engagement et leurs pratiques sociales, éthiques ou environnementales. « Depuis 2008, nous le faisons pour tous nos fournisseurs en place. Une partie du travail avait donc déjà été réalisé. C’est dorénavant aussi le cas en phase d’appel d’offres, même si les notes ici attribuées n’ont pas été discriminantes », commente Emmanuel Autem.
S’il ne constitue pas un critère exclusif, le CO2 a pris une place centrale dans la couverture du dossier flotte par les acheteurs. Il est même devenu une grille de lecture des enjeux tellement importante que certains s’inquiètent de voir les cartes de leur démarche rebattues par une éventuelle mise à jour du mode de calcul de ces émissions, d’ici 2014 ou 2015.
Maxime Rabiller
Directions des achats - Réduire les coûts et la pollution
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- Témoignage – Emmanuel Autem et Julie Rozanes, Groupe Axa : « Un objectif CO2 qui aiguillone les pratiques »
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