
Jamais le marché de la télématique n’avait été aussi proche de l’explosion. Depuis vingt ans, les prestataires spécialisés annonçaient la généralisation de leurs technologies à court terme sans que leurs prévisions ne se réalisent. Il aura fallu attendre l’arrivée de l’eCall et de nouveaux acteurs – constructeurs et loueurs longue durée – pour voir le taux d’équipement s’envoler.
Dès 2018, l’eCall sera obligatoire sur tous les véhicules neufs. Cet appel d’urgence géolocalisé va obliger les constructeurs à installer un boîtier communicant sur chacun de leurs VP et VUL. À partir de cet équipement et parallèlement à l’appel d’urgence géolocalisé,...
Jamais le marché de la télématique n’avait été aussi proche de l’explosion. Depuis vingt ans, les prestataires spécialisés annonçaient la généralisation de leurs technologies à court terme sans que leurs prévisions ne se réalisent. Il aura fallu attendre l’arrivée de l’eCall et de nouveaux acteurs – constructeurs et loueurs longue durée – pour voir le taux d’équipement s’envoler.
Dès 2018, l’eCall sera obligatoire sur tous les véhicules neufs. Cet appel d’urgence géolocalisé va obliger les constructeurs à installer un boîtier communicant sur chacun de leurs VP et VUL. À partir de cet équipement et parallèlement à l’appel d’urgence géolocalisé, d’autres services peuvent être proposés en option aux conducteurs et aux entreprises.
La télématique en retard en France
La gestion de la flotte en temps réel et à distance s’appuie sur un équipement déjà présent sur le véhicule et déjà amorti et, dès lors, peut être commercialisée à des prix encore plus compétitifs. Autre tendance, le nombre de boîtiers fabriqués va s’envoler et, avec l’industrialisation des processus, les coûts vont reculer et contribuer à la démocratisation de la télématique.
Cependant, malgré ces signes encourageants, la télématique tarde encore à s’imposer. D’après une étude réalisée par l’OVE (Observatoire du véhicule d’entreprise, Arval, BNP Paribas) en 2016, seules 23 % des entreprises françaises ont déployé la télématique, contre 33 % en moyenne pour leurs homologues européennes.
Le think tank du groupe BNP Paribas a interrogé les entreprises sur les raisons pour lesquelles elles se sont équipées. La réduction des consommations de carburant constitue leur première motivation, juste devant la baisse des coûts de maintenance et l’amélioration de la sécurité. En 2013, les sociétés sondées par l’OVE s’équipaient principalement pour localiser les véhicules et suivre leurs trajets. Les pratiques ont bel et bien évolué : il ne s’agit plus de surveiller véhicules et conducteurs, mais d’optimiser sa flotte pour diminuer les coûts et renforcer la sécurité des conducteurs.
De son côté, Fleetmatics a mené une étude pour mesurer les bénéfices obtenus grâce à ses services. Début 2016, plus de 120 de ses clients français ont été interrogés par TechValidate, un organisme de recherche indépendant.
Pour 59 % des sociétés du panel, l’équipement en télématique a été motivé par la baisse des coûts. 68 % d’entre elles ont enregistré un retour sur investissement positif. Autre résultat, la moitié ont choisi la télématique pour renforcer la sécurité de leurs salariés et de leurs véhicules, et 55 % ont effectivement constaté une amélioration sur ce point.
2 milliards d’euros d’économie de carburant

Au quotidien, 54 % des entreprises se servent de la géolocalisation pour optimiser les itinéraires en suivant en direct la position des véhicules sur la carte et 44 % pour améliorer le service client. Elles sont 40 % à recourir aux rapports d’activité pour approfondir leur connaissance sur l’activité des véhicules et des collaborateurs. Enfin, les entreprises s’équipent pour améliorer le service client (49 %) et restreindre leurs frais de maintenance et de carburant (49 %).
À la tête de 550 000 véhicules équipés à travers le monde, MiX Telematics s’est livré à un calcul éloquent quant à l’ampleur des économies obtenues grâce aux systèmes de télématique. Selon ce prestataire spécialisé, équiper toutes les flottes françaises amènerait à économiser plus de 1,8 milliard de litres de carburant, soit 2 milliards d’euros chaque année. Massif, ce gain ne s’applique qu’aux camions, VUL, bus et cars. Si l’étude intégrait les véhicules particuliers, le résultat serait encore plus impressionnant.
Au-delà des économies de carburant et de temps, la télématique contribue à limiter les frais de réparation grâce aux informations obtenues en temps réel sur le fonctionnement du moteur, les niveaux de fluide, le style de la conduite, etc.
De plus, elle alerte le gestionnaire de flotte sur les dates des révisions périodiques. Entretenu en temps et en heure, le véhicule risque moins de tomber en panne et l’entreprise voit ses coûts de maintenance partir à la baisse. En bon état de marche, le véhicule se fait plus sûr et les accidents évités diminuent de fait les frais de réparation et d’assurance. Bref, le succès de la télématique s’appuie sur un ROI prometteur.
Une arme contre les bouchons
TomTom Telematics a pour sa part publié un index de trafic qui analyse les embouteillages dans 300 villes à travers le monde dont dix en France. D’après le prestataire, à Marseille, Paris, Lyon et Lille, les bouchons peuvent faire perdre jusqu’à 40 minutes et 6,45 euros par jour pour chaque véhicule en circulation. « Grâce à des itinéraires plus intelligents et à une planification des missions, la télématique peut optimiser les flux de trafic », estime Taco van der Leij, vice-président marketing de TomTom Telematics.
Sur ce marché porteur de la télématique, l’heure est à la concentration. « Neuf regroupements et rachats importants ont eu lieu au cours des trois derniers trimestres », constate Johan Fagerberg, consultant pour le cabinet d’études Berg Insight (voir aussi l’encadré ci-dessous).
Ainsi, TomTom Telematics a racheté le polonais Finder (60 000 véhicules équipés). Verizon a créé un ensemble élargi en signant un accord de partenariat avec Telogis et en reprenant Fleetmatics contre un chèque de 2,4 milliards de dollars, devenant le premier acteur mondial. Et selon Johan Fagerberg, ce phénomène de concentration n’est pas terminé et devrait se poursuivre en 2017. En France, Orange a pris le contrôle d’Ocean en avril 2015. L’ensemble revendique 110 000 véhicules et objets mobiles équipés. Aujourd’hui, les clients de l’opérateur migrent sur la plate-forme d’Ocean, marque qui coiffe toutes les solutions commercialisées par l’entité.
L’année précédente, en 2014, le groupe Abcom avait pris le contrôle de Sedimap, S@mobility, Car Telematics et ITC, et opère désormais sous le nom de Locster.
Un marché particulièrement prometteur
Promise à un bel avenir, la télématique attise les convoitises. Masternaut estime qu’en France, seuls 600 000 véhicules d’entreprise sont équipés sur une flotte globale de 8 à 9 millions. « La marge de progression est très importante, souligne Serge Lardy, directeur commercial et marketing de Masternaut pour la France et le Sud de l’Europe. Nous devrions passer d’un taux d’équipement de 4 à 6 % à 30 ou 40 %, et ce entre autres grâce à l’eCall. »
Selon un autre prestataire, le taux d’équipement s’élève à seulement 15 % en France contre 30 % au Royaume-Uni alors que la France constituerait le premier marché européen du véhicule d’entreprise.
En passe de devenir un marché de masse, la télématique devrait se concentrer dans les mains d’une poignée d’acteurs. Pour gérer des flottes multimarques, les entreprises doivent en effet faire appel à des prestataires indépendants des constructeurs. Or peu d’intervenants ont la capacité de nouer des accords avec plusieurs constructeurs.
« Pour survivre, les prestataires indépendants devront avoir franchi un seuil et disposer d’une taille suffisante pour traiter des phénomènes toujours plus complexes », anticipe Marc Verdet, président de Fleet Technology.
La télématique s’inscrit dans une tendance plus large qui conduit à la généralisation de la voiture connectée. Tous les constructeurs travaillent à l’avènement de cette automobile communicante. D’après l’Idate, 420 millions de voitures connectées rouleront à travers le monde en 2020. Le taux de croissance annuel atteint 34 % selon le cabinet qui estimait la flotte connectée à 74 millions d’unités en 2014.
Alors que les prestataires spécialisés ont conquis des parts de marché importantes et se renforcent à travers des opérations de croissance externe, d’autres acteurs investissent ce marché. C’est le cas des constructeurs. Fin 2014, Renault a lancé une offre baptisée Pro+Board à un tarif très compétitif : le loyer hors boîtier s’élève à 8 euros par mois et par véhicule. Mais le Groupe PSA a dégainé le premier : la commercialisation de ses solutions remonte au premier semestre 2014. Le constructeur se montre offensif. Fin septembre, dans le cadre de la création de Free2Move, sa marque dédiée aux services de mobilité, PSA a annoncé vouloir développer l’autopartage et la télématique pour la clientèle des entreprises. Le groupe a signé des accords de partenariat avec TomTom Telematics, Ocean, Masternaut et PSA Banque France, et fédère son offre au sein du programme Connect Fleet Management.
Les constructeurs en embuscade

Mais l’arrivée des constructeurs n’inquiète pas les prestataires historiques. « Les constructeurs éprouvent des difficultés à vendre les solutions de télématique et à les gérer, explique Marc Verdet. Ils veulent conserver la propriété des informations et les monnayer sans avoir à assumer le service. »
Dans ces conditions, les spécialistes de la télématique ont une carte à jouer en s’associant aux constructeurs pour proposer et gérer les services de télématique à leur place, tout en utilisant les données collectées sur les véhicules. Les constructeurs vendent la « data » aux prestataires spécialisés et chaque demande d’information via le système produit un revenu pour le constructeur.
À l’image des constructeurs, les loueurs longue durée accélèrent sur ce dossier. Arval déploie sa solution Active Link depuis juin 2015 et table sur l’équipement de l’ensemble de sa flotte d’ici à 2020. Pour atteindre cet objectif, la filiale de BNP Paribas mise sur un tarif très bas, soit 3 euros par mois pour la solution principale et 2 euros pour chacune des trois options complémentaires.
Les loueurs se mettent à la télématique
En novembre dernier, Arval a signé un accord avec le Groupe PSA. Avec cette collaboration, Arval commercialise une option baptisée Arval Active Access sur les véhicules compatibles des marques Peugeot, Citroën et DS. Avec cette fonctionnalité, les consommations sont mesurées au trajet près, la lutte contre la fraude au carburant est facilitée les alertes de maintenance et de défaillance sont reçues en temps réel.
De son côté, LeasePlan France équipe tous les véhicules mis à la route depuis octobre 2015 et vise l’équipement de l’ensemble de sa flotte à court terme. Enfin, ALD Automotive affirme investir massivement dans le développement des outils informatiques. « La télématique va contribuer à améliorer la qualité de notre service par l’obtention et l’analyse de nombreuses informations sur l’état du véhicule et la conduite », avance Pascal Serres, directeur général délégué.
De nouveaux entrants sur le marché
Dernier loueur en date à avoir déployé sa solution, Alphabet s’est associé à Ocean. Aujourd’hui, cette offre existe sur les modèles Peugeot, Citroën et DS, mais les véhicules éligibles devraient s’élargir dans les prochains mois. « Avec l’obligation d’équiper tous les véhicules de la fonction eCall, tous les véhicules neufs seront de fait pré-équipés de boîtiers dès 2018 et la prestation pourra alors être déployée sur l’ensemble des marques du marché », précise Alphabet.
Face à l’arrivée de ces acteurs, les prestataires spécialisés enrichissent et repositionnent leurs offres. Ainsi, TomTom Telematics propose un terminal sous le nom de TomTom Pro 2020. Cet équipement rassemble quatre fonctionnalités essentielles : identification du conducteur avec avertisseur sonore, registre consignant le kilométrage réalisé à titre professionnel et privé, système d’enregistrement des temps de travail et OptiDrive 360, application qui offre aux conducteurs d’adopter une conduite plus économique et plus écologique.
Numéro 2 sur le sol européen, Masternaut était présent lors du salon Pollutec à Lyon du 29 novembre au 2 décembre. Ses équipements et applications étaient exposés aux côtés de ceux de Sygic Business Solutions. Masternaut et Sygic se sont associés pour offrir la création de trajets préprogrammés avec des instructions audios personnalisées envoyées dans le véhicule. Les entreprises peuvent prévoir les trajets à l’avance, aider les conducteurs dans leurs missions ou encore comparer les trajets prévus avec les trajets réellement réalisés. Le nombre de kilomètres se réduit, les détours superflus sont éliminés et l’empreinte carbone recule.
Des solutions toujours plus enrichies
Autre nouveauté, Ocean a lancé O-Direct en novembre dernier. Aboutissement d’un premier accord de partenariat avec le Groupe PSA signé en avril 2014, cette solution se concentre sur les véhicules Peugeot, Citroën et DS, et s’interface avec le serveur et les applications d’Ocean. La filiale d’Orange a également développé une solution d’autopartage pour à la fois réduire la taille de sa flotte et les coûts d’entretien – tout en encourageant l’éco-conduite.
Mapping Control revendique plus de 2 000 clients et 60 000 véhicules équipés. Le prestataire a lancé en octobre dernier le module Fuel Control. Ce dispositif alerte le gestionnaire de toute variation anormale du niveau de carburant et ce notamment en cas de siphonage du réservoir.
Plus de concurrence, plus d’innovation
Fuel Control s’appuie sur une technologie à ultrasons qui préserve l’intégrité du réservoir avec une installation sans perçage. Lors d’une baisse soudaine du niveau de carburant de plus de 10 mm en deux minutes, le vol est manifeste et la sonde, par le biais du boîtier embarqué, déclenche une alerte SMS. Une sirène antivol existe en option pour dissuader les voleurs. Au-delà de la protection contre le vol, Fuel Control permet de suivre la consommation de carburant de tous les véhicules équipés. Lauréat du programme national Pass French Tech et déjà implanté au Maroc, Mapping Control a ouvert des bureaux à Abidjan en Côte-d’Ivoire fin 2016. D’autres pays devraient suivre dont la Pologne, le Mexique et les États-Unis.
Start-up lilloise spécialisée dans l’automobile connectée et filiale d’Eliocity, elle-même entité du groupe VIA-ID, Xee a lancé en septembre sa solution de gestion de flotte baptisée XeeFleet. Elle s’appuie sur le boîtier télématique XeeConnect pour collecter en temps réel les données issues des différents capteurs implantés dans les véhicules. Ainsi, l’entreprise accède aux données de consommation, de kilométrages et de tension de la batterie, peut visualiser si le véhicule est à l’arrêt ou en mouvement, suit les trajets, géolocalise en temps réel, calcule le taux d’utilisation, etc. Particulièrement agressif en matière de tarification, Xee commercialise XeeFleet à partir de 3,90 euros par mois et par véhicule.
Sur fond d’industrialisation et de massification du marché, la bataille autour de la télématique se durcit, au bénéfice des entreprises qui peuvent faire jouer la concurrence pour obtenir des prix toujours plus bas.
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