
Parmi les kits de sécurité routière à destination des employeurs que vend la société Drivecase, certains d’entre eux testent, avec un échantillon de salive ou d’urine, la consommation de drogues. Qu’il s’agisse de cannabis, cocaïne, opiacés, amphétamines ou autre héroïne. « Depuis l’affaire de l’humoriste Pierre Palmade, la vente de nos tests, qui coûtent de l’ordre de 6 euros pièce, est en augmentation, témoigne Lucile Pariat, responsable marketing de Drivecase. Et nos tests se vendent également beaucoup mieux depuis le covid-19. »
Un constat que corroborent les médecins, les infirmiers et les psychologues du travail interrogés par l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité), organisme étatique dévolu à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. En effet, fin 2021, l’INRS a publié une étude intitulée « Prévention des pratiques addictives, enquête auprès des professionnels des services de santé au travail », dont les conclusions sont sans appel.
L’alcool au volant, première préoccupation des professionnels de santé
Selon l’étude de l’INRS, les deux tiers (64,4 %) des praticiens travaillant en entreprise estiment être tout à fait et plutôt d’accord avec le fait que l’usage du cannabis est répandu au travail. Plus grave, 54,8 % de ces mêmes praticiens expliquent être tout à fait d’accord ou plutôt d’accord avec le fait que « la prévention des pratiques addictives est un tabou en entreprise ». L’étude de l’INRS montre aussi un très fort développement, entre 2009 et 2021, de la considération que, « au travail, l’usage du cannabis est répandu ». Ainsi, alors que 41 % des spécialistes de santé au travail s’estimaient en phase avec cette assertion en 2009, ils sont, en 2021, 66 % à le penser.
Pour 91,3 % de ces médecins, infirmiers et psychologues, l’alcool reste cependant le principal problème quant aux substances consommées par les salariés. Le deuxième problème majeur est le tabac. Et le cannabis arrive en troisième position, avec 63,9 % des répondants estimant que le chanvre indien constitue l’un des trois problèmes de prises de substances en entreprise. Pour eux, 6,9 % des salariés se retrouvent même en difficulté du fait de l’usage de cannabis contre 8,6 % en difficulté avec l’alcool. Mais 39,6 % de ces professionnels de santé au travail ont été sollicités au moins une fois dans les douze derniers mois par l’employeur pour un problème de cannabis.
La drogue au volant, c’est 21 % de la mortalité routière

Cette consommation de drogues occasionne aussi des dégâts sur la route. Pour la Sécurité routière, la drogue au volant représente à elle seule 21 % de la mortalité routière, ce qui en fait le troisième facteur de risque sur la route, juste après la vitesse et l’alcool. Un chiffre qui grimpe à un tiers le week-end. Pour Lucile Pariat, de Drivecase, « la consommation de cannabis double aussi le risque d’accident et le cocktail alcool et cannabis le multiplie par 29 ».
Car il faut noter que la prise de cannabis développe la somnolence, ralentit la coordination des mouvements, allonge le temps de réaction et diminue les facultés visuelles et auditives. Autant d’inconvénients extrêmement dangereux pour le salarié au volant. Si l’on prend maintenant les effets d’autres drogues comme la cocaïne, elles développent des conduites plus agressives, une fausse confiance en soi, une diminution de l’attention, une mauvaise perception des distances, avec des prises de décision rapides et non réfléchies.
Drogues et conduite : la prévention en entreprise…
Comment les employeurs réagissent-ils à ces comportements à risque ? La prévention est assez difficile car, selon l’étude IFRS, « 41 % des salariés ne parlent pas facilement de leur consommation de substances psychoactives ». De même, toujours selon cette étude, alors que les deux tiers des salariés prendraient du cannabis, seuls 39,3 % des employeurs ou un membre de l’encadrement auraient sollicité un médecin du travail dans la dernière année en cours.
Pourtant, l’usage de drogue au volant peut entraîner des amendes de 4 500 euros et deux ans d’emprisonnement pour le conducteur. Si un accident mortel implique le cannabis, les peines prévues sont de l’ordre de 150 000 euros et dix ans de prison. De plus, pour l’employeur, l’assureur est en droit de rompre le contrat et d’imposer des malus. L’image de l’entreprise en sera aussi écornée avec une perte d’argent du fait de possibles arrêts de travail.
… en pleine structuration
Comment alors lutter contre ces conduites sous l’emprise de drogues ? La société Drivecase propose, par exemple, des ateliers de prévention avec des salariés conducteurs que l’on munit de lunettes de perturbation reproduisant les effets des drogues. Il est important d’organiser ces journées de prévention et de sensibilisation aux dangers de la drogue en entreprise en général et au volant en particulier. Il s’agit de réaliser un parcours avec des lunettes floutant la vue, altérant les mouvements en reproduisant les effets du cannabis sur le corps humain. Traverser une pièce, attraper une balle devient alors difficile avec l’altération de la coordination et de la précision. Les collaborateurs prennent alors conscience des effets de la drogue sur leur corps. Non sans rappeler les risques financiers d’une conduite sous drogue, des risques sur sa vie, sur celle de tiers et sur celles de ses collègues.
Déployer des mesures concrètes
Il est nécessaire pour l’employeur de repousser cette épée de Damoclès qu’est la prise de substances psychotropes par les salariés. Pour cela, la première mesure à prendre est d’inscrire dans le document unique (D.U.) de l’entreprise la possibilité de mener des dépistages auprès des salariés. Sans cette inscription, il ne sera pas possible d’effectuer des tests de prise de stupéfiants auprès des employés « suspectés ». À noter qu’au niveau de la durabilité, les tests détectent la prise de cannabis 6 à 8 heures après absorption si le collaborateur consomme occasionnellement. Mais ils la détectent jusqu’à huit jours après la dernière utilisation si le collaborateur fume du cannabis quotidiennement.
Il faut aussi préciser, dans le règlement intérieur, que l’entreprise mène des actions de sensibilisation aux méfaits des drogues et former son service de santé aux problèmes d’addiction. Il faudra enfin proposer un suivi psychologique aux collaborateurs le souhaitant. Car l’employeur reste responsable de la sécurité de ses salariés. Mais peu d’employeurs en ont conscience tant ils ont peur de se mêler de ces sujets relevant, selon eux, mais à tort, de l’intimité des collaborateurs. C’est une erreur qui peut coûter cher.